par Scott Ritter*
De récents commentaires formulés par l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel ont mis en lumière la duplicité du jeu joué par l’Allemagne, la France, l’Ukraine et les Etats-Unis avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février.
Alors que le soi-disant «Front de l’Ouest» (les Etats-Unis, l’OTAN, l’Union européenne et le G7) continue de prétendre que l’invasion de l’Ukraine par la Russie était un acte d’«agression sans provocation», la réalité est bien différente: On a trompé la Russie en lui faisant croire qu’il existait une solution diplomatique aux violences qui avaient éclaté dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, à la suite du coup d’Etat de Maidan à Kiev en 2014, qui avait été soutenu par les Etats-Unis. Au lieu de quoi, l’Ukraine et ses partenaires occidentaux ne faisaient que gagner du temps jusqu’à ce que l’OTAN puisse mettre en place une armée ukrainienne capable de capturer le Donbass dans son intégralité, ainsi que d’expulser la Russie de Crimée.
Dans une interview accordée récemment au magazine Die Zeit, Mme Merkel a fait allusion aux accords de Munich de 1938. Elle a comparé les choix que l’ancien Premier ministre britannique Neville Chamberlain a dû faire face à l’Allemagne nazie à sa décision de s’opposer à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, lorsque la question a été soulevée lors du sommet de l’OTAN à Bucarest en 2008. En retardant l’adhésion à l’OTAN, puis en faisant pression en faveur des accords de Minsk, Mme Merkel pensait gagner du temps pour permettre à l’Ukraine de mieux résister à une attaque russe, tout comme Chamberlain pensait gagner du temps pour permettre au Royaume-Uni et à la France de rassembler leurs forces contre l’Allemagne d’Hitler.
Le bilan de cette rétro-analyse est stupéfiant. Oubliez, pour un instant, le fait que Mme Merkel comparait la menace posée par le régime nazi d’Hitler à celle de la Russie de Vladimir Poutine, et concentrez-vous plutôt sur le fait que Mme Merkel savait que l’invitation de l’Ukraine à rejoindre l’OTAN déclencherait une réponse militaire russe. Plutôt que d’écarter catégoriquement cette possibilité, Mme Merkel a mené une politique visant à rendre l’Ukraine capable de résister à ce genre d’attaque russe. Il semble que la guerre ait été la seule option jamais envisagée par les adversaires de la Russie.
Poutine: Minsk était une erreur
Les commentaires de Mme Merkel vont de pair avec ceux formulés en juin par l’ancien président ukrainien Petro Porochenko à plusieurs médias occidentaux. «Notre objectif», avait déclaré Porochenko, «était en premier lieu de faire cesser la menace, ou du moins de retarder la guerre – de s’assurer un délai de huit ans pour rétablir la croissance économique et créer des forces armées puissantes.» Porochenko a clairement indiqué que l’Ukraine ne s’était pas rendue en toute bonne foi à la table des négociations concernant les accords de Minsk.
Poutine, lui aussi, est parvenu à cette conclusion. Lors d’une récente réunion avec les épouses et les mères des troupes russes combattant en Ukraine, y compris quelques veuves de soldats tombés au combat, Poutine a reconnu que les accords de Minsk avaient été une erreur et que le problème du Donbass aurait dû être résolu à l’époque par la force des armes, compte tenu notamment du mandat que lui avait confié la Douma russe concernant l’autorisation d’utiliser les forces militaires russes en «Ukraine», et pas seulement en Crimée.
La tardive prise de conscience de Poutine devrait donner des frissons à tous ceux qui, en Occident, sont encore convaincus qu’il est possible de parvenir à un règlement négocié du conflit russo-ukrainien. Il n’est pas un seul des interlocuteurs diplomatiques de la Russie qui ait fait preuve d’un minimum d’intégrité lorsqu’il s’est agi de s’engager honnêtement et donc de façon crédible en faveur d’une résolution pacifique des violences ethniques qui ont découlé des événements sanglants du Maïdan en février 2014, lesquels ont entraîné le renversement d’un président ukrainien démocratiquement élu et certifié par l’OSCE.
Réponse à la résistance
Lorsque les russophones du Donbass ont résisté au coup d’Etat et se sont battus pour préserver cette élection démocratique, ils ont proclamé leur indépendance vis-à-vis de l’Ukraine. La réponse du régime putschiste de Kiev a été de déclencher à leur encontre pendant huit ans une violente agression militaire, ce qui a provoqué la mort de milliers de civils. Poutine a attendu huit ans pour leur faire reconnaître cette indépendance, puis a lancé en février une invasion à grande échelle du Donbass. Il avait auparavant temporisé en espérant que les accords de Minsk, garantis par l’Allemagne et la France et approuvés à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU (y compris par les Etats-Unis), permettraient une résolution de la crise en conférant une autonomie au Donbass, qui serait cependant resté partie intégrante de l’Ukraine. Mais le gouvernement de Kiev n’a jamais appliqué les accords et les Occidentaux n’ont pas exercé de pression suffisante pour qu’il le fasse.
Le désengagement dont a fait preuve l’Occident, alors que s’effondraient tous les fondements de la légitimité présumée - qu’il s’agisse des observateurs de l’OSCE (dont certains, selon la Russie, fournissaient à l’armée ukrainienne des renseignements sur les forces séparatistes russes), du Format Normandie réunissant l’Allemagne et la France, censé garantir la mise en œuvre des accords de Minsk, ou encore des Etats-Unis, dont l’assistance militaire «défensive» autoproclamée à l’Ukraine de 2015 à 2022 n’était guère plus qu’un loup déguisé en agneau - tous ces éléments n’ont fait que souligner la dure réalité: il ne pourra jamais y avoir de règlement pacifique des problèmes qui sous-tendent le conflit russo-ukrainien.
Et il n’y en aura jamais
Il semblerait que la guerre ait été la solution privilégiée par le «Front occidental» et qu’elle soit également celle que recherche la Russie aujourd’hui.
Qui sème le vent, récolte la tempête.
A la réflexion, Mme Merkel n’avait pas tort de citer les Accords de Munich en 1938 comme un précédent à la situation actuelle en Ukraine. La seule différence est qu’il ne s’agissait pas dans ce cas de nobles Allemands cherchant à repousser les brutes russes, mais plutôt d’Allemands (et d’autres Occidentaux) déloyaux cherchant à tromper des Russes crédules.
Cela ne pourra que mal finir pour l’Allemagne, l’Ukraine ou quels que soient les autres qui, en se drapant dans le manteau de la diplomatie, ont dissimulé l’épée qu’ils tenaient cachée dans leur dos. •
(Traduction Horizons et débats)
Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du corps des Marines américains qui, au cours de sa carrière de plus de 20 ans, a notamment travaillé dans l'ex-Union soviétique à la mise en œuvre d'accords de contrôle des armements, dans l'état-major du général américain Norman Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et, plus tard, comme inspecteur en chef des armes de l'ONU en Irak de 1991 à 1998.
«Et l’accord de Minsk de 2014 était une tentative de donner du temps à l’Ukraine. Elle a également utilisé ce temps pour devenir plus forte, comme on le voit aujourd’hui. L’Ukraine de 2014/15 n’est pas l’Ukraine d’aujourd’hui. Comme on l’a vu avec la bataille pour Debaltseve [ville de cheminots dans le Donbass, oblast de Donetsk, ndlr] début 2015, Poutine aurait pu facilement la déborder à l’époque. Et je doute fort que les pays de l’OTAN auraient pu faire autant à l’époque qu’aujourd’hui pour aider l’Ukraine».
Interview d’Angela Merkel dans le «Zeit» du 7/12/22
(Traduction Horizons et débats)
«Anxieux que la guerre puisse prendre fin …»
ds. Dans son édition du 30 novembre 2022, à la page 3, le «Neue Zürcher Zeitung» a ainsi titré son article «L’approvisionnement américain en armes s’amoindrit». Il parlait de «pénuries en différents systèmes d’armes» et de leur approvisionnement.
Il est peu probable que Joe Biden ne change d’avis par rapport à l’Ukraine. La détermination du gouvernement états-unien d’éviter une victoire russe s’exprime en chiffres concrets. Le Congrès aurait débloqué 68 milliards de dollars destinés à l’aide militaire en faveur de l’Ukraine dont les trois quarts seraient déjà épuisés ou planifiés. Récemment, la Maison Blanche aurait même sollicité le Parlement à augmenter la somme de 38 milliards de plus, toujours pour l’Ukraine.
Grâce à cela, conclut l’article mentionné, l’Ukraine aurait fait preuve de sa capacité à tourner la page sur les «champs de bataille» dans l’Est et le Sud de l’Ukraine. La livraison d’obusiers et de plus de 800 000 d’obus d’artillerie aurait été décisive. Les forces armées ukrainiennes porteraient à explosion jusqu’à 7 000 salves d’artilleries par jour, toujours est-il que les stocks américains iraient en s’affaiblissant désormais.
Il y aurait aussi des pénuries dans le domaine des lance-roquettes multiples. D’abord, il faudra les produire. Une fois produits, il faudra, selon la même source, des mois, voire des années avant qu’ils n’arrivent sur le front.
Les entreprises d’armement rechigneraient d’augmenter trop précipitamment leurs capacités de production parce que le gouvernement ne se serait pas engagé à long terme à acheter des armes.» Elles craignent donc que la guerre se termine, qu’elles ne disposent pas de suffisamment de commandes et qu’elles restent abandonnées sur leurs usines agrandies.» [mise en relief réd.)]
N’oublions pas que ce sont deux puissances nucléaires qui s’affrontent en Ukraine, la Russie et les Etats-Unis. Il n’y aura pas de victoire sur les champs de batailles. Un jour ou l’autre, les armes devront se taire.
En Russie et en Ukraine, il y a des familles qui pleurent parce qu’elles ont perdu leurs enfants, leur mari ou leur épouse, leurs frères et leurs sœurs, leurs parents et leurs grands-parents. Il en est qui ont tout perdu.
La livraison d’armes ne fait que prolonger la guerre et crée davantage de souffrances encore. Il faut un cessez-le-feu immédiat.•
Le mouvement citoyen hongrois «Forum pour la Paix» soutient l’attitude du gouvernement hongrois de s’engager à obtenir une solution pacifique du conflit en Ukraine. Nous considérons que quant à la réunion des Ministres des Affaires étrangères de l’OTAN, Péter Szijártó a attiré, à juste titre, l’attention sur le fait que le dialogue stratégique avec la Russie doit se substituer aux débats liés aux soutiens militaire et financier élargis en faveur de Kiev. Nous consentons également à ce que la Hongrie oppose son véto à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Toujours est-il que la Hongrie ne le fait pas en invoquant la Paix de notre pays ni celle de l’Europe tout entière, mais dirigeant son attention sur la violation des droits éthniques des Hongrois de Transkarpatie qui n’ont toujours pas été réparés. Le mouvement citoyen est d’avis que les droits de nos compatriotes hongrois ne seront respectés qu’à condition que l’obstacle principal, c’est-à-dire le gouvernement chauvin à Kiev disparaisse. Nos compatriotes ne peuvent pas espérer une amélioration de leur sort tant que l’Otan soutiendra Kiev. Bien au contraire, les jeunes servent de chair à canon aux besoins de la nation dirigeante au service des intérêts américains. Le forum estime que la solution est liée à la garantie des intérêts légitimes de sécurité de la Russie, avancés le 15 décembre 2021. La Russie a déclaré publiquement et sans ambages que le moment où ses exigences de sécurités seront acceptées coïncidera avec celui où elle se déclarera prête à les assurer également à d’autres pays, dans le cadre du système européen de coopération basé sur l’autodétermination des peuples. Tant que l’OTAN, et ci-inclus également la Hongrie, n’accepteront pas les revendicationslégitimes de la Russie, il n’y aura pas de Paix, situation qui ne perpétue pas seulement l’enfreinte des droits de la minorité hongroise en Ukraine mais de la Paix de notre pays entier qui, elle, ne sera garantie pas non plus.
Associaton for the Rule of Law, Hungarian Anti-Fascist League, Labor Party, Hungarian Community for Peace; István Balog, Tibor Bognár, Zsolt Fehérvári, Jósef Hajdú, Balázs Hetényi, Tamás Hirschler, Ferenc Kleinheincz, Gyöngyi Krajcsovicz, Jósef Zsolt Nagy, László Petráss, István Salga, Endre Simó Gyula Thurmer
Source: Déclaration du Forum pour la Paix hongrois, Budapest, du 1er décembre 2022
(Traduction Horizons et débats)
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