par Erika Vögeli
1er août 2023
Paul Widmer ne laisse planer aucun doute sur le fait que la Suisse est un cas particulier. Sa différence par rapport aux autres Etats est de poids, elle s’est tracée au cours de l’histoire, résidant en sa propre voie particulière à elle. Sa différence a toujours été perçue de l’extérieur comme telle, depuis ses débuts jusqu’à nos jours.
L’auteur – historien, ancien ambassadeur et enseignant universitaire – le démontre de manière historiquement fondée. Il se base sur une large connaissance de l’histoire et de la littérature, et ceci sous une forme qui entraîne le lecteur dans une sorte de promenade à travers les siècles, autant divertissante que riche en aperçus. Tout lecteur ouvert et attentif éprouvera, à la lecture faite de ces quelques 120 pages, un sentiment de gratitude envers l’auteur pour avoir mis son projet à exécution, malgré son scepticisme quant aux réactions possibles à cet «énième essai sur la Suisse». Bien sûr, beaucoup de choses ont déjà été dites sur la Suisse – mais la voix de Paul Widmer est particulière dans son genre. Une fois de plus, face au problème des accumulations de pouvoir dans ce monde et peut-être de manière encore plus pointue que d’habitude déjà, l’auteur associe son attitude essentiellement éthique avec son vaste arrière-plan historique, politique et philosophique.
Paul Widmer aborde six aspects en expliquant l’évolution particulière prise par la Suisse qui font sa différence, son «altérité»: la Suisse comme modèle, son entité étatique à plusieurs noms, son concept, son existence en tant que nation et Etat et ce qui concerne sa neutralité.
Cette insistance dont la voie
indépendante provoque
En tant que modèle, la Suisse est «un témoin original des possibilités alternatives d’existence étatique» (p. 11), dont «l’autonomie provoque» inlassablement les puissances. (p. 12) Il est fascinant de voir comment Paul Widmer rejette les affirmations péjoratives sur le prétendu «mythe de la Suisse» en se basant sur les perceptions extérieures les plus diverses. Depuis sa création et tout au long des siècles d’existence de la Confédération suisse, des philosophes, des politiciens, des historiens, des poètes et des penseurs se sont exprimés sur cette entité, en étant partisans et adversaires. Ce qui les unit, malgré leurs jugements opposés, c’est le constat concédé (même des critiques) concernant la ténacité avec laquelle la Suisse a défendu et maintenu son indépendance, son surplus de liberté et son grade plus limité de servitude. Là où les uns, comme Hegel, ont rejeté la souveraineté populaire comme une «idée chaotique» [wüste Vorstellung] et où d’autres la qualifiaient d’«anomalie» ou ne pensaient pas grand bien des Suisses, perçus selon leur point de vue comme «exubérants dans leur nature, ennemis des princes, rebelles et désobéissant depuis longtemps à leurs maîtres». D’autres se montraient impressionnés par sa vie sociale démocratique avec ses libertés conservées. Les grands hommes des Lumières – Voltaire, Diderot, Montesquieu, Rousseau –lui ont tous rendu hommage. Ils l’ont fait sans exagération, non pas pour le faste ou la grandeur extérieure, mais précisément en raison de sa différence : pour le surplus de liberté, le surplus de limitation des structures de suppression. Pour le fait aussi qu’il ne s’agissait justement pas, avec cette Suisse, d’un Etat dominant, mais d’une de ces alternatives dont le développement à partir de la base était unie par sa volonté de liberté. «Certes», écrit Widmer, «les idolâtres des grandes affaires, des puissants et des élites seront toujours déçus par la Suisse». (p. 14) On pourrait en déduire l’inverse aussi: qu’en revanche, ceux qui se fient davantage au courage d’être différents, ceux qui préfèrent se mettre au service de la population, du bien commun – ce ne seront guère ceux qui recherchent les flatteries hautaines et leur part de glorification trompeuse.
Un Etat portant des noms variés
La Suisse sort également du lot concernant son nom. Aucun pays ne manifeste une telle variété s par rapport à sa dénomination officielle bien que «la» Suisse (avec article, s’il vous plaît!) soit une notion connue dans le monde entier. Son nom officiel déjà existe en quatre langues: Schweizerische Eidgenossenschaft [littéralement "Alliance de serment suisse"], Conféderation suisse, Confederazione Svizzera et Confederaziun svizra. «Il est vrai qu’on dispose que rarement de suffisamment de place pour autant de lettres. C’est pourquoi on a créé, en 1848, la désignation latine ‹Confoederatio Helvetica›, en guise de compromis linguistiquement neutre.» L’Helvétie, appellation historique datant de l’époque romaine et dérivée du nom de la tribu celtique des Helvètes, était trop chargée par le diktat de Napoléon. Mais on l’a trouvé tout de même convenable comme nom de pays d’origine éditant ses timbres-poste. Elles ne portent donc pas la notion de Schweiz, Suisse, Svizzera, Svizra, mais «Helvetia».
La démocratie, le fédéralisme et l’importance du plurilinguisme se sont également imposés là. La priorité n’était pas donnée à une démonstration de force centralisée, aux apparences, mais au maintien de ce qui est commun. «L’essentiel, résume Widmer, c’est que l’Etat accomplisse cette tâche pour laquelle il a été créé: la sécurité et la prospérité pour ses citoyens.» (p. 38) Ou, de manière encore plus pointue: «Les noms ne sont que du vent. Quelque chose pour les natures bureaucrates, quelque chose pour ceux qui veulent assurer leur force déclinante misant tout sur la protection par leurs brevets». (p. 38)
La liberté exige
la responsabilité individuelle
Dans ses explications sur la notion de Suisse – qui «évoque certaines représentations», auxquelles on associe une certaine pensée (p.47) – Widmer se penche un peu plus en détail sur la notion de «confédération»: il met ainsi un contrepoint aux représentations historiques déconstructivistes, selon lesquelles l’histoire de la fondation de la Confédération suisse relèverait du mythe. L’histoire de la notion montre que le terme de confédération – un terme au singulier visant le collectif, devait déjà exister vers 1370. Un tel singulier pour dénommer un collectif n’apparaît pas de n’importe où, mais seulement après l’existence de ce qu’il désigne. Et l’auteur de renvoyer ici, une fois de plus, à la particularité comprise dans le terme. «Ce qui s’est passé vers 1300, dans la Suisse primitive, était extrêmement surprenant. Dans toute l’Europe, les princes se sont efforcés de stabiliser leur domination territoriale en créant, dans le sens du haut vers le bas, des Etats dynastiques. En Suisse primitive, c’est le contraire qui s’est produit. Les paysans se sont réunis pour défendre leurs libertés. Il ne s’agissait pas de libertés individuelles, mais de privilèges collectifs, acquis dans le temps en tant que communauté.» (p.51) La communauté jouait un rôle décisif, car «avec le serment, on ne rendait pas hommage à un seigneur noble comme ailleurs. Il s’appliquait à sa propre communauté». (p.52) Une circonstance qui toutefois signifiait aussi la responsabilité personnelle de chacun: prendre son destin en main exige également la participation responsable de chacun. Widmer cite Adolf Gasser: «Dans l’Etat coopératif et communal, le principe de l’intégration, la volonté générale de co-responsabilité doivent nécessairement remplacer la subordination.»(p. 53) Si cette volonté d’accepter sa propre responsabilité envers la confédération diminue, de même la disposition à participer activement à son destin, comme le rappelle Paul Widmer de manière tout aussi claire, diminue aussi. Nous en faisons les frais dans une autre monnaie, car «là où il y a abdication du citoyen, la bureaucratie s’étend – et c’en est fini d’une partie de notre liberté». (p. 113)
La Suisse – nation de par sa volonté
et en contrepoint
Même en tant que nation – Widmer la définit comme un groupe d’êtres humains d’une certaine extension se sentant liés entre eux par une série de points de vue en commun et se distinguant d’autres – la Suisse y incorpore, encore, son alternative provocante. Paul Widmer la qualifie de nation «avant la lettre», elle s’est constituée en tant que nation avant que ce terme ne se soit imposé: «Bien avant que le terme ‹nation› n’apparaisse comme lien entre l’Etat et le peuple, elle [la Suisse] s’est constituée en tant que nation grâce à un fort sentiment d’appartenance avant la lettre, donc. Mais son élément unificateur n’est pas la langue, mais la volonté de liberté» (p. 60) – la volonté de préserver sa voie indépendante, cimentée par le «désir de se gouverner soi-même en toute liberté» (p. 61). La Suisse devait et doit donc offrir aux citoyens plus de liberté et d’autodétermination, ce qu’elle a pu se faire garantir face aux monarchies environnantes et en comparaison avec elles, mais aussi grâce aux droits de démocratie directe et aux structures fédéralistes, ses acquis de longue date. Widmer conclut toutefois par une mise en garde sérieuse: «Si la Suisse devait un jour perdre son surplus en matière de liberté, sa raison d’être en tant que nation pourrait être essentiellement défiée». (p. 61) Et de citer, dans ce contexte Max Huber, «le grand spécialiste du droit international et président de longue date du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans ces paroles: «La Suisse est une nation politique, elle ne repose ni sur une langue commune ni sur une ethnie, mais sur des expériences communes et la volonté de maîtriser ensemble le présent et l’avenir». (p.62) Ce qui débouche, en somme, sur la Suisse en tant que nation issue de la volonté. Ou, en référence au Français Ernest Renan, une Suisse en tant que «plébiscite permanent». Dans ce contexte, Widmer, faisant référence à l’histoire ancienne et récente, se résume ainsi: «Que la Suisse ait survécu en tant que nation issue de la volonté est tout sauf évident.» Sans cesse menacée de l’extérieur et de l’intérieur, son existence n’a tenu, à plusieurs reprises, qu’à un fil. Widmer mentionne différents défis critiques sur le chemin la menant à l’Etat fédéral actuel. Mais pour lui, il est évident que «les juristes réduisant la Suisse moderne principalement à l’esprit de la Révolution française n’ont pas raison, pas plus que les historiens qui mettent l’accent surtout à la discontinuité entre la Constitution fédérale de 1848 et l’ancienne Confédération suisse. La Suisse doit sa cohésion nationale à un mélange d’idées issues des Lumières et de la conception de la liberté propre à l’ancienne Confédération.» (p. 68)
L’Etat, oui – mais non pas trop,
s’il vous plaît
Les explications de Widmer sur la Suisse en tant qu’Etat – on pourrait même dire sur la relation de Monsieur et Madame Suisse avec leur Etat – méritent toute notre réflexion, par exemple lorsqu’il note: «Dans leur attitude envers l’Etat en général, ils présentent un mélange singulier de patriotisme et de sobriété. Ils aiment leur pays, il est vrai, mais pas forcément l’Etat». (p. 79) L’Etat, au sens d’entité ayant pouvoir d’ordre, est considéré des Suisses comme un «mal nécessaire» (p.73). Depuis sa création, toute concentration de pouvoir est observée avec méfiance et scepticisme et ainsi évitée dans la mesure du possible. Ainsi, d’une part, on partageait le pouvoir, au sens vertical,entre la Confédération, les cantons et les communes, en veillant toujours à conserver la plus grande marge de manœuvre possible au niveau inférieur. Tout cela dans l’effort inné à ce genre d’Etat de se rendre accessible au citoyen, et à ne déléguer au canton ou à la Confédération, instances des niveau supérieurs, seulement ce qui ne pouvait être résolu au niveau inférieur. De plus, avec la création de l’Etat fédéral, le pouvoir à tout niveau politique a été divisé horizontalement dans les trois pouvoirs connus: le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Mais ce n’est pas tout: aux niveaux communal, cantonal et fédéral, les organes gouvernementaux siègent selon le principe collectif, en tant que «conseils» – dans toute la hiérarchie administrative suisse, ce n’est pas un seul individu qui décide lui seul, là aussi, le pouvoir est partagé.
La forme suisse du fédéralisme représentant certes l’aspect central de ce genre très accentué de partage du pouvoir, Paul Widmer renvoie là aussi aux contextes historiques internes. En tant que principe d’organisation, le fédéralisme est certes relativement récent. «En revanche, l’autonomie communale, l’autogestion dans les petites collectivités, est ancienne. Elle est le substrat sur lequel se développe la pensée fédéraliste». (p.78) Et c’est aussi sur ce substrat que s’est développé ce que les Suisses «considèrent comme l’essence de leur Etat: le maximum de liberté et d’indépendance. C’est de cela, de la démocratie vécue dont ils sont fiers. En revanche, le pouvoir de l’Etat suscite plutôt un malaise. Ce scepticisme vis-à-vis de l’Etat doit toutefois être compris en parallèle avec la conscience de la responsabilité individuelle. En fait, nous sommes tous l’Etat. Ou l’étions-nous? Paul Widmer voit là aussi la nécessité d’une réflexion accrue. Dans notre Suisse actuelle, «la conception sceptique de l’Etat, tentant de freiner l’activisme étatique par la responsabilité individuelle, est affaiblie, il est vrai, mais pas encore éteinte». (p. 82)
Et la neutralité!
Widmer considère la neutralité suisse, elle aussi, comme un «acquis à succès, pourtant menacé». Son importance s’éclaire notamment dans le mandat donné par la Diète suisse à ses délégués au Congrès de Vienne de 1815. Ce furent ces derniers qui eurent la tâche de faire garantir la neutralité de la Suisse, «base de son indépendance politique et de sa sécurité militaire» (p. 86). Comme le montre le parcours de l’histoire depuis lors, le concept de neutralité a toujours été remis en question. D’une part, par les grandes puissances parce qu’elle les gênait et, de l’autre, à l’intérieur par ceux qui se sentaient limités dans l’exercice de leurs propres compétences. Oui, Widmer le concède, la neutralité «réduit la marge de manœuvre du gouvernement en matière de politique étrangère» (p. 15).
Malgré toutes les difficultés, Widmer constate qu’il est «évident que la neutralité n’a pas atteint sa fin, en tant que moyen de droit international public susceptible de préserver l’indépendance nationale en cas de conflit entre des Etats tiers. C’est précisément l’échec fréquent des organisations mondiales dans la résolution des conflits qui réitère toujours la légitimité de la neutralité». (p. 95) Pourtant, le seul capital de la neutralité est «la crédibilité. Celle-ci doit être acquise en temps de paix par une politique prévisible, pour qu’elle soit efficace en temps de guerre». (p. 99) Ce n’est toutefois ni l’adhésion au Partenariat pour la paix ni des considérations plus récentes, telles qu’elles sont formulées dans le rapport complémentaire au rapport du Conseil fédéral sur les questions de politique de sécurité, qui poursuivent cette ligne. Les exercices militaires communs avec l’OTAN ou lui concéder le droit de vérifier l’interopérabilité de l’armée suisse ne font guère partie des mesures de confiance en vue de préserver l’efficacité la neutralité suisse. Poursuivre ce laxisme conduira au constat qu’une telle neutralité, à la fin, sera réduite aux dimensions d’une formule dénuée de sens.
Aux propagandistes d’une politique de «neutralité» activiste et partisane, Paul Widmer rétorque que la Suisse n’a pas été chargée par d’autres Etats d’emprunter le rôle de juge face aux conflits internationaux. Ses protagonistes feraient mieux de «descendre de leur haut piédestal de supériorité morale» (p. 99). Et Widmer de rappeler que la Suisse était et reste parfaitement consciente de son grand privilège d’avoir été épargnée par les grands conflits armés du passé. Depuis toujours, elle a cherché à compenser ce privilège par un engagement particulier: dans le domaine du droit international public, en soutenant le CICR, en offrant ses bons offices sur le plan politique et, sur le plan humanitaire, par ses mesures d’aide généreuses dans des situations de catastrophe ou de guerre.
Aujourd’hui encore, Paul Widmer voit certes la possibilité et la tâche de la Suisse de «concilier les intérêts légitimes d’un petit Etat avec les exigences stratégiques de la paix, même au 21e siècle, dans une politique de neutralité fiable».
C’est ainsi que l’on servirait au mieux le bien commun et sa population, ce qui ne réduit guère la vue seulement sur son propre pays. En effet, comme l’affirme Widmer ailleurs: «Depuis la nuit des temps, les hommes nourrissent le désir de garantir la paix par des dispositions étatiques intelligentes». (p. 23)
L’altérité – une perspective suisse
méritant la peine d’être vécue
Tout cela montre qu’il ne s’agit pas, pour Paul Widmer, de mettre en avant les mérites suisses – la modestie lui convient mieux. Une modestie qui se fonde toutefois sur une conscience de soi intacte. Son analyse rappelle pourtant que nous devons nous-mêmes nous rendre compte, chacun pour soi, ce que nous devons à notre démocratie, à notre fédéralisme, à notre neutralité, à notre culture politique. La reconnaissance est un beau trait – à condition qu’elle se fonde sur le respect de l’autonomie d’autrui. Mais celui qui mise tout sur ce qu’il soit reconnu et respecté de son entourage risque de manquer de conscience de soi-même et de fermeté face aux adversités inévitables auxquelles nous confronte la vie.
L’essai de Widmer est un plaidoyer sans équivoque pour la Suisse et nous autres Suisses, pour son maintien, mais aussi un rappel clair que notre pays mérite davantage que de consommer ce que d’autres générations ont, par leurs efforts, obtenu, mais de préserver ses acquis si nous voulons les conserver. La Suisse n’existe pas par elle seule: nous devons la vouloir, et nous devons y contribuer.
Et comment? Widmer nous encourage à davantage de fermeté pour témoigner de nos différences, à rester avec plus d’autonomie nous-mêmes, à réduire notre empressement à nous aligner derrière des attentes que nous ne partageons pas et des applaudissements qui ne sont pas honnêtes, le tout avec un peu plus de civisme engagé – qui nuit ni à l’individu ni à la collectivité. Nous ne devons pas faire du prosélytisme avec ce dont nous nous réjouissons chez nous. Mais si l’on est conscients de ce que la Suisse a représenté au cours de l’histoire, du seul fait de sa manière d’exister – en tant qu’union dirigée du principe du bas vers le haut, dans laquelle le droit a su devancer le pouvoir – et si, avec tout cela, nous restons conscients des raisons pourquoi nos «rochers inhospitaliers» auront «acquis leur place dans l’histoire mondiale» (Voltaire), le courage d’être différent se révèle être une perspective suisse plus que viable. La Suisse est certes dépourvue des apparences propres aux grandes puissances fondées sur la violence, mais elle existe comme un message sans équivoque: l’alternative est possible!•
* Widmer, Paul: Die Schweiz ist anders – oder sie ist keine Schweiz mehr, 2023 (NZZ Libro)
Paul Widmer (1949), ancien ambassadeur et diplomate de 1977 à 2014, représentant la Suisse à New York, Washington, Berlin, Zagreb, auprès du Saint-Siège et autres, Professeur et Directeur d’études des relations internationales à l'Université de Saint-Gall (2011–2018), chroniqueur invité de la NZZ am Sonntag (2016–2021). Auteur de plusieurs ouvrages politiques et historiques, dont Die Schweizer Gesandtschaft in Berlin (1997), Die Schweiz als Sonderfall (2007), Diplomatie. Ein Handbuch (2e édition 2018) et Bundesrat Arthur Hoffmann. Aufstieg und Fall (2017) (tous publiés par NZZ Libro).
«En quoi consiste-t-elle donc, la forme de moralité citoyenne propre à la Suisse? A mon avis, elle se compose essentiellement de trois éléments: d’abord, il ya le sens civique éveillé associant le souci du bien commun à une forte volonté de responsabilité individuelle, c'est-à-dire à l'entretien du système de milice. Ensuite vient l’esprit de concordance. On ne veut pas le passage en force de la majorité, mais l'implication du plus grand nombre de citoyennes et citoyens aux affaires de l'Etat. Et, le troisième élément essentiel, c’est la volonté de limiter le pouvoir à tous les niveaux. Le but ultime de la Suisse n'est pas l'apothéose de l'Etat, mais la liberté du citoyen. Si ce fonds commun s’effrite, le modèle suisse est menacé de l'intérieur.» (p. 112f.)
«Nous voilà donc devant le choix suivant. Soit nous sommes un modèle alternatif et nous avons quelque chose à offrir dont nous-mêmes nous donnons l'exemple et pour lequel nous sommes prêts à payer un prix si nécessaire. Ou bien nous n'avons plus rien à offrir et nous nous bornons à nous immerger dans le courant dominant. C'est certes une possibilité d'existence. Mais dans ce cas-là, la question de Voltaire se demandant pourquoi la moitié du monde s'intéressait à ‘ces quelques rochers inhospitaliers des Alpes’ resterait ouverte. Le supplément de liberté qui a toujours caractérisé la Suisse aurait fondu comme ses immenses glaciers. Le pays existerait encore de nom, mais ce serait tout. La Suisse en tant qu'alternative aurait abdiqué.» (p. 115, tr. Hd.)
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