Importance croissante de la triade souveraineté, neutralité et démocratie directe

par Daniel Jenny et Rudolf Pomaroli

Les 20 ans de l’alliance «Neutrales Freies Österreich»

Importance croissante de la triade souveraineté,
neutralité et démocratie directe

Lors de son assemblée générale 2023, l’alliance «Neutrales Freies Österreich» (NFÖ, Autriche libre et neutre) a fêté le 20e anniversaire de sa création. Ce jubilé a donné lieu à un colloque intéressant.

L’initiative politique «Neutrales Freies Österreich» est une alliance autrichienne de groupements politiques, de petits partis et de personnes individuelles. Ses statuts ont été déposés le 17 mars 2003 auprès du Ministère de l’Intérieur, permettant ainsi à l’alliance NFÖ d’obtenir la forme juridique d’un parti politique. Son assemblée constitutive a eu lieu le 11 octobre 2003 à Salzbourg.
    Le colloque a débuté par un échange d’idées sur le sujet préoccupant de la guerre en Ukraine. Dans son exposé introductif, Gerald Grüner, vice-président du parti, a résumé l’évolution historique depuis 1990 animant ensuite  la discussion.
    Concernant l’évaluation des conséquences de la guerre en Ukraine, tout le monde s’accordait à dire que la neutralité autrichienne, tout comme celle de la Suisse, avait été et continuait d’être fortement compromise par les décisions erronées de certains politiciens, telles que l’imposition de sanctions contre une seule des parties à la guerre. Par conséquent, il était également prévisible que les transports de chars de l’OTAN effectués en avril à travers l’Autriche neutre vers l’Ukraine soient unanimement rejetés, puisqu’ils violaient même l’obligation de neutralité envers la communauté internationale.
    Le ministre en charge des affaires intérieures, Gerhard Karner, aurait dû interdire le transport à travers l’Autriche. Mais il a affirmé que le pays de destination mentionné dans les documents était la Pologne et non l’Ukraine en guerre. Il a simplement prétendu ne pas savoir.
    Les membres et invités présents ont également profité des échanges pour réfléchir à la manière dont pourrait être mise en œuvre la paix. Le retrait des sanctions contre la Russie, décidées par le gouvernement autrichien sur consigne de l’UE, semble être une approche prometteuse et un premier pas vers la paix. Selon un sondage, réalisé en avril 2023 auprès de 1000 personnes interrogées, les Autrichiens souhaitant le maintien des sanctions de l’UE contre la Russie sont en minorité (37%) tandis que 41% demandent la fin des mesures punitives.
    L’Assemblée fédérale a été ouverte par les discours de bienvenue du Professeur Dr. Heinrich Wohlmeyer, du Maître d’enseignement et de recherche (MER) Ralph Bosshard et du Professeur d’université Dr. Michael Geistlinger (voir encadré). Ce dernier a rappelé les obligations d’une Autriche neutre:

  • le devoir d’abstinence
  • l’obligation d’égalité de traitement
  • le refus de mettre le territoire autrichien à la disposition des belligérants.

Un certificat d’honneur a été remis à l’ingénieur diplômé Rudolf Pomaroli, fondateur de l’Alliance et son président durant de nombreuses années, afin de rendre dignement hommage à son infatigable engagement. Dans ses remerciements, l’ancien président a laissé entendre qu’il était toujours prêt à apporter son aide et ses conseils à ceux qui en avaient besoin.
    A plusieurs reprises déjà, des émissions alternatives sur Internet, à la radio et à la télévision ont donné l’occasion à l’alliance NFÖ d’expliquer son point de vue dans des interviews. Son objectif déclaré est de rassembler les forces du pays qui souhaitent maintenir une République d’Autriche souveraine, neutre et démocratique, comme le stipule la Constitution fédérale autrichienne. Pour atteindre ces objectifs, la sortie de l’Autriche de l’Union européenne, y compris d’Euratom, est inévitable.
    La meilleure façon pour le souverain autrichien de lutter contre l’érosion de la démocratie est de recourir à des éléments de démocratie directe tels que les initiatives populaires contraignantes et les référendums, qui doivent pouvoir être initiés et mis en œuvre par le peuple à tout moment et sans obstacles.
    En décembre et en mars, des événements sur le thème de la neutralité ont été organisés en commun avec l’initiative amie Heimat und Umwelt – (Initiative Patrie et environnement IHU). Ils ont été enregistrés et peuvent être consultés sur le site nfoe.at.
    Lors de ces événements, les intervenants étaient:

  • Prof. Dr Michael Geistlinger, spécialiste du droit international et de l’Europe de l’Est: «Les droits et obligations de droit international d’une Autriche perpétuellement neutre en temps de guerre de l’Occident contre la Russie»
  • Ralph Bosshard, MER, collaborateur de longue date de l’OSCE: «Evaluation de la situation militaire dans la guerre en Ukraine. Importance stratégique de l’Autriche neutre en Europe»

La collecte de signatures par la NFÖ et l’IHU pour l’initiative citoyenne parlementaire «Stoppt die Sanktionen gegen Russland – sofort!» (Stop immédiat aux sanctions contre la Russie!) se poursuit. Les deux mouvements souhaitent ainsi organiser des stands dans plusieurs villes afin de récolter des signatures et de distribuer du matériel d’information sur le thème de la neutralité. Il est réjouissant de constater que jusqu’à présent, de nombreux visiteurs de stands ont signé spontanément et ont montré un grand intérêt de principe pour ce thème de la paix.
    Après l’assemblée générale, le président de l’Alliance NFÖ, l’ingénieur Daniel Jenny, a souhaité la bienvenue à l’orateur officiel, le Dr René Roca, docteur en histoire, professeur de lycée à Bâle et fondateur et directeur de l’Institut suisse de recherche sur la démocratie directe (www.fidd.ch). Dans sa commune de résidence, il a été pendant de nombreuses années conseiller municipal et vice-président du conseil municipal.
    Le conférencier s’est exprimé sur le thème «La neutralité suisse – un projet de paix de premier ordre». Dans son exposé, il a expliqué l’évolution historique de la Suisse en matière de neutralité. René Roca a également présenté l’objectif de l’initiative populaire «Sauvegarder la neutralité suisse – initiative sur la neutralité», lancée avec succès en novembre dernier, et dont il est membre du comité. Selon les initiatieurs, la «neutralité perpétuelle et armée» doit être ancrée dans la Constitution fédérale. La Suisse se verrait ainsi interdire les alliances militaires ou de défense ainsi que la participation à des sanctions («mesures de coercition non militaires contre des Etats belligérants»). La neutralité de l’Autriche et celle de la Suisse ont déjà été garanties à plusieurs reprises par la communauté internationale. Leurs gouvernements devraient s’abstenir de violer la neutralité et respecter les obligations d’un Etat neutre! Ce n’est que lorsque les Etats se comportent de manière totalement neutre qu’ils contribuent sur le long terme à un développement pacifique. Actuellement, 155 des 193 Etats du monde ne soutiennent pas les sanctions contre la Russie, illégales au regard du droit international. L’Autriche aurait tout intérêt à rejoindre les Etats neutres et non-alignés.

(Traduction Horizons et débats)

Mots de bienvenue à l’Assemblée fédérale 2023 de l’Alliance «Autriche neutre et libre».

Monsieur l’ingénieur Jenny, chers membres, parents et amis de l’Assemblée fédérale.

Le nom de votre Confédération ne pourrait pas être plus approprié et couvre en trois mots l’histoire et le présent jusqu’à l’avenir de l’Autriche. En 1955 l’Autriche est devenue libre s’étant engagée dans la neutralité perpétuelle. Aujourd’hui l’Autriche serait libre si elle menait une politique de neutralité crédible et respectueuse du droit international. L’Autriche redeviendra libre dès qu’elle se souviendra de son obligation de neutralité perpétuelle en vertu du droit international.
    Le mémorandum de Moscou, en tant que base commerciale du traité d’Etat de Vienne, a entraîné le retrait des quatre puissances alliées d’Autriche et donc la fin du régime d’occupation. Sa mise en œuvre a été décidée au niveau constitutionnel par la Loi constitutionnelle fédérale sur la neutralité perpétuelle de l’Autriche. De plus, le traité est en vigueur au niveau du droit international, par la notification de cette même obligation constitutionnelle à la communauté internationale de l’époque. Dès le début de son caractère obligatoire pour l’Autriche, l’institution de la neutralité perpétuelle a démontré sa puissance. Les troupes des quatre armées les plus puissantes de l’époque se trouvaient en Autriche. Ils quittaient l’Autriche de manière pacifique, sans combats. A l’époque, l’Autriche ne disposait que d’une armée rudimentaire, mais n’avait pas besoin de l’utiliser pour se libérer des troupes étrangères. Il lui suffisait de se déclarer éternellement neutre.
    Pendant une longue période, jusqu’à la fin de l’Union soviétique, sa politique de neutralité crédible a permis à l’Autriche de rester libre malgré la guerre froide entre l’Ouest et l’Est. Mais avec l’effondrement de l’adversaire universel des Etats-Unis, l’Union soviétique, l’Autriche a pensé qu’il valait mieux se mettre au service de l’un des deux camps. Alors, en se plaçant au centre, elle voulait proposer ses services au vainqueur présumé de la guerre froide. L’Autriche a donc rejoint le camp occidental sous la forme de l’Union européenne (UE). Elle réalisait l’entrée dans l’UE, bien que la Commission européenne elle-même ait estimé le statut de neutralité comme étant incompatible avec une adhésion à l’UE. La Commission européenne impliquait la façon dont le statut de neutralité de l’Autriche a été compris et entretenu à l’époque.
    La Commission européenne n’a vu que deux possibilités: une réserve de neutralité ou une réorientation de la politique de neutralité autrichienne conforme à l’UE. La deuxième solution a été choisie, et la guerre en Irak, avec ses centaines de survols de l’OTAN non couverts par le droit international et ses autorisations de transit de chars d’Etat de l’OTAN sur et à travers l’Autriche, ont été l’occasion bienvenue pour l’UE de faire preuve de son alliance avec l’Autriche.
    Ensuite, le jeu a obéi au rythme du ping-pong. Les traités d’Amsterdam, de Nice et de Lisbonne et les modifications de la Constitution fédérale autrichienne qui en ont découlé ont réduit la neutralité de l’Autriche à la position inférieure en privilégiant la «solidarité européenne». En plus, les politiciens eurocentristes de premier plan ont dupé le peuple autrichien en écartant tacitement la Loi constitutionnelle fédérale sur la neutralité perpétuelle, sans lui avouer la vérité, ou plus simplement en l’abrogeant partiellement ou totalement, selon le point de vue approché de la matière. Ce qu’ils n’ont toutefois pas réussi à faire, c’est de rendre la neutralité caduque au niveau du droit international. Les spécialistes autrichiens du droit international penchant du côté de l’UE tentent certes désespérément de construire des lignes d’argumentation pour préparer le terrain envers l’Autriche dans le but d’accorder la priorité aux obligations de l’UE, négligeant celles du droit international universel. Or, le droit européen est un droit international régional et l’UE, en tant qu’organisation internationale régionale, est soumise au droit international universel. L’Autriche, quant à elle, ne peut pas se soustraire à ses obligations en vertu du droit international universel en invoquant son appartenance à cette même organisation régionale. Dans la guerre d’Ukraine, nous sommes donc aujourd’hui les témoins de violations massives de la neutralité perpétuelle obligeant l’Autriche. Financer le déminage, pratique actuelle, au lieu de la participation au déminage avec nos propres forces, celles de l’armée fédérale, (pour ne parler que du débat le plus récent) ne résout en rien le problème perpétuel. Ce financement constitue d’ailleurs une autre violation du droit international, dans la mesure où les deux parties au conflit ne sont pas traitées sur un pied d’égalité. Ce sont les principes fondamentaux de la neutralité qui s’appliquent en cas de conflit armé international, comme en Ukraine. Il s’agit alors de s’abstenir de tout acte de soutien, de traiter les deux parties au conflit sur un pied d’égalité et de fermer son territoire à tout acte de guerre ou de soutien, quel qu’il soit.
    Mais en dépit du nombre accru de ces violations, l’Autriche ne pourra pas se débarrasser de son statut de neutralité perpétuelle sur le niveau du droit international. Il s’avère également que ce n’est pas la Russie qui menace la neutralité autrichienne. C’est l’OTAN et l’UE qui entraînent de plus en plus l’Autriche dans un comportement contraire à son statut international de neutralité, la privant de sa liberté d’action, dans la mesure où on la contraint de ne pas se comporter de manière neutre.
    Il dépend donc de plus en plus de votre fédération et d’initiatives, d’associations et de partis politiques similaires, engagés en faveur d’une neutralité honnête et authentique de l’Autriche, dans la perspective de rendre la liberté inaliénée à l’Autriche. Le moment est propice. Plus la guerre en Ukraine dure, plus l’argent des Autrichiens est pulvérisé en Ukraine et en faveur de l’Ukraine par le biais de l’UE, plus il est certain que le moment arrive où la majorité des Autrichiens reconnaîtra les erreurs politiques fatales pour ensuite en trouver les issues. C’est dans cet esprit que je vous souhaite de réussir votre Assemblée fédérale et de tenir bon!

Avec mes meilleures salutations
Michael Geistlinger

(Traduction Horizons et débats)

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