La Suisse des communes existe

Assemblée annuelle du Parrainage des communes montagnardes

par Urs Graf

Les petites communes situées en altitude et dans les zones dites périphériques de la Suisse préservent mieux, par leur forme d’existence, la diversité des traditions et de la culture suisses. Oui, ils existent encore, des gens qui, après peu de temps, ressentent le mal du pays lorsqu’ils constatent à quel point leur région familière et leurs camarades de village leur manquent. Ils sont pourtant peu présents dans la conscience publique.
    Certes, jusqu’au 20e siècle, la Suisse était considérée comme un pays d’émigration vers toutes les régions du monde, mais la raison en était la pauvreté répandue dans les pays où les récoltes durement arrachées au sol pouvaient à peine nourrir les familles, alors nombreuses. L’histoire de la vie mouvementé et infiniment modeste d’Ulrich Bräker, «Histoire de la vie et aventures naturelles de l’homme pauvre du Toggenburg» (1788) en est un document authentique.
    L’exode est resté un problème majeur pour l’avenir des communes montagnardes. La situation difficile en matière d’approvisionnement, les longues voies d’accès et les nombreuses menaces de dangers naturels les obligent à renforcer les mesures de protection et donc à augmenter leurs dépenses. Parallèlement, leurs revenus fiscaux diminuent, car les jeunes travailleurs et employés partent vers les villes et les communes d’agglomération, où ils rencontrent souvent de meilleures possibilités pour gagner leur vie. Et lorsqu’ils y fondent leur famille, les anciennes demeures familiales villageoises dont ils sont originaires sont menacés de disparition. Un cercle vicieux reste ouverte qui ne se ferme pas sans aide extérieure.
    Selon la volonté des fondateurs et donateurs du Parrainage suisse pour les communes de montagne1, ces communes doivent pouvoir continuer à exister de la manière la plus autonome possible, malgré leur situation souvent difficile. Leurs écoles, leurs voies d’accès, leurs usines hydrauliques, leurs étables d’alpage, leurs véhicules communaux, c’est-à-dire toute l’infrastructure, sans oublier les alpages et les forêts de protection, permettent à cette population de continuer à vivre dans l’endroit familier. «Cette solidarité entre la montagne et la vallée aide la population de montagne et renforce la cohésion en Suisse», peut-on lire dans une brochure d’information2 sur l’œuvre d’entraide.
    Il a vu le jour dans les années trente du 20e siècle, lorsque le couple de médecins Olga et Paul Cattani ont voulu étendre leur soutien à un petit village tessinois du Val Colla, près de Lugano, à d’autres communes suisses exposées au même besoin. L’association d’utilité publique Parrainage suisse pour les communes de montagne existe depuis 1940. Son assemblée générale annuelle est l’occasion de faire un tour d’horizon de cette Suisse moins connue.
    Le 3 mai 2024, environ 400 membres, donateurs et invités ont assisté à cette assemblée à Zurich. On pouvait y entendre les quatre langues nationales. Des représentants de différents gouvernements cantonaux et de conseils communaux étaient présents adressant leurs remerciements et leurs salutations à l’assemblée.
    Un chœur de yodel du canton du Valais a enrichi la réunion de ses chants. Et pour finir, des spécialités culinaires valaisannes ont été servies à l’apéritif.
    Le rapport du président de la commune de Bitsch, dans le Haut-Valais, dont la forêt de montagne située à côté de la commune voisine de Riederalp a été ravagée par un incendie dévastateur au milieu de l’été 2023, a été très impressionnant.
    Pendant près de trois semaines, le feu a fait rage dans la forêt surplombant ces villages. La cellule de crise et les sapeurs-pompiers se sont relayés 24 heures sur 24. La coordination et la coopération de tous les participants ont témoigné d’un grand professionnalisme – et d’une grande solidarité. Les gens se sont serrés les coudes, oubliant les adversités. Finalement, 130 hectares de forêt ont brûlé, mais aucun secouriste ni même habitant n’a été blessé et aucune propriété n’a été incendiée.
    Des dizaines de pompiers de tout le canton sont venus à la rescousse pour lutter contre l’incendie, et bien sûr la police, l’armée et sept hélicoptères.
    Le président de la commune, Edgar Kuonen, a décrit de manière émouvante comment il a été «pris au dépourvu de l’‹avalanche› des tâches» et comment sa famille et tout le village l’ont soutenu. Il a dû prendre toutes les décisions importantes au pied levé avec ses assistants, héberger et nourrir les équipes de secours, ordonner des évacuations et faire soigner plus de 200 habitants évacués. En raison des vacances d’été, l’ensemble du bâtiment scolaire était heureusement disponible. La salle de préparation des enseignants a servi pour les communiqués de presse quotidiens.
    L’ensemble de son rapport mériterait d’être exploité non seulement pour la formation continue des cellules de crise. Il pourrait également servir d’exemple documenté de courage, de solidarité et de solidité des rapports sociaux dans nos écoles, pour une jeunesse en quête de modèles méritant leur admiration.
    La contribution du Parrainage suisse pour les communes de montagne a consisté notamment dans le fait que sa directrice, MmeBarbla Graf, a appelé le président de la commune deux jours seulement après l’annonce de l’incendie proposé son soutien.
    Les coûts ont été pris en charge solidairement, en partie par les communes n’ayant pas facturé l’ intervention de leurs pompiers, et par un don important du Parrainage suisse pour les communes de montagne, qui avait immédiatement lancé une collecte.
    La volonté spontanée d’aider a constitué un soutien immatériel inestimable pour les personnes concernées. Partout, elle a donné et donne encore aux gens la force de tenir bon dans une situation difficile. Cette «cohésion nationale», comme l’a exprimé un représentant du canton du Jura, est souvent renforcée par la solidarité populaire entre les différentes régions du pays. Et cette solidarité a toujours été au cœur de l’action humanitaire de la Suisse, y compris sur le plan international.
    C’est là que réside la vérité profonde des paroles de la chanson du chansonnier suisse Mani Matter, en bernois authentique: «Dene wos guet geit, giengs besser, giengs dene besser, wos weniger guet geit ...» Ceux qui vont bien iraient mieux si ceux allaient mieux qui vont un peu moins bien...

1https://patenschaftberggemeinden.ch 
2Bergwelten Hautnah, tome18, 2024,

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