km. Le 14 juin 2024, un jour avant le début de la conférence du Bürgenstock en Suisse, le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a prononcé un discours sur les défis actuels de la politique étrangère devant les fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères.1 Nos médias ont surtout mis au centre le fait que le président russe a formulé des conditions pour un cessez-le-feu immédiat et des négociations de paix en Ukraine. Il l’a fait en effet, dans la deuxième partie de son discours, par deux points d’ordre principal pour la Fédération de Russie: le retrait de toutes les troupes ukrainiennes des (anciennes) quatre régions administratives du sud-est de l’Ukraine, Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporojie (régions qui, du point de vue russe, sont devenues des parties de la Fédération de Russie après le référendum de septembre 2022) ainsi que la déclaration officielle de l’Ukraine «selon laquelle elle aura renoncé à ses projets d’adhésion à l’OTAN». La «position de principe» de la Russie est l’acceptation de l’Ukraine de son «statut neutre, non-aligné et non-nucléaire, sa démilitarisation et sa dénazification» (points qui renouent à ceux convenu très concrètement en mars 2022 à Istanbul). Le Président russe a ajouté que les «droits, libertés et intérêts des citoyens russophones en Ukraine» doivent être «pleinement garantis». Ces principes devront être «établi sous la forme d’accords internationaux fondamentaux» et inclure «la levée de toutes les sanctions occidentales contre la Russie». Le Président russe a en plus exclu toute négociation avec Volodimir Zelenski faisant état du fait que le mandat de Zelenski a expiré le 20 mai 2024. Avec son discours, le Président russe a inscrit ses exigences dans une analyse détaillée de l’histoire du conflit et du rôle des parties concernées. Mais il a également insisté sur le fait que la base des exigences actuelles était la situation actuelle et que les conditions russes diffèreraient de celles-ci au cas où l’Occident et l’Ukraine rejetteraient l’offre russe, décidant par contre de poursuivre la guerre – ce que les Occidentaux n’ont pas tardé à continuer en effet, immédiatement après le discours.
Vu l’extension et le caractère général du discours, nous avons décidé de privilégier sa première partie en la mettant à la disposition de nos lecteurs intégralement, dans sa traduction autorisée, cette partie exposant clairement les réflexions se trouvant à la base des objectifs de la politique étrangère russe. Ce qui ne devra pas empêcher d’étudier également la deuxième partie du discours, autant profonde. Les intertitres sont insérés par la rédaction.
Chers collègues, bonjour.
Je suis heureux de vous accueillir tous et de vous exprimer ma gratitude pour votre travail actif dans l’intérêt de la Russie et de notre peuple.
La dernière fois que nous nous sommes rencontrés dans ce format élargi, c’était en novembre 2021. Depuis lors, de nombreux événements cruciaux, voire fatidiques, se sont produits, sans exagération, tant en Russie que dans le reste du monde. Par conséquent, je pense qu’il est important d’évaluer la situation actuelle prévalant dans les affaires mondiales et régionales, ainsi que de définir les tâches appropriées pour le Ministère des affaires étrangères. Toutes ces tâches visent à atteindre notre objectif principal: créer les conditions nécessaires au développement durable de la Russie, garantir sa sécurité et améliorer le bien-être des familles russes.
Un monde en transformation accélérée
Dans les conditions difficiles et imprévisibles d’aujourd’hui, notre travail dans ce domaine exige que nous concentrions nos efforts, notre esprit d’initiative, notre persévérance et nos capacités non seulement pour répondre aux défis actuels, mais aussi pour définir notre propre programme à long terme. Nous devons proposer des solutions possibles à des questions fondamentales qui nous concernent, nous-mêmes mais aussi l’ensemble de la communauté internationale. Il est essentiel d’en discuter avec nos partenaires de manière ouverte et constructive.
Je le répète: le monde change rapidement. La politique mondiale, l’économie et la concurrence technologique ne seront plus jamais les mêmes. De plus en plus de pays s’efforcent de renforcer leur souveraineté, leur autosuffisance et leur identité nationale et culturelle. Les pays du Sud et de l’Est gagnent en importance, et le rôle de l’Afrique et de l’Amérique latine s’accroît. Depuis l’époque soviétique, nous avons toujours reconnu l’importance de ces régions, mais aujourd’hui, la dynamique a complètement changé, ce qui devient de plus en plus évident. Le rythme des transformations en Eurasie, où de nombreux projets d’intégration importants sont en cours, s’est également accéléré de manière significative.
Un monde multipolaire reflète la diversité culturelle
Cette nouvelle réalité politique et économique sert aujourd’hui de fondement à l’ordre mondial multipolaire et multilatéral qui se dessine, et il s’agit là d’un processus inévitable. Elle reflète la diversité culturelle et civilisationnelle qui fait intrinsèquement partie de l’humanité, malgré toutes les tentatives d’unification artificielle.
Ces changements profonds à l’échelle du système inspirent certainement l’optimisme et l’espoir, car l’instauration de la multipolarité et du multilatéralisme dans les affaires internationales, y compris le respect du droit international et d’une représentation suffisamment large, permettent de résoudre ensemble les problèmes les plus complexes dans l’intérêt commun, et d’établir des relations et une coopération mutuellement bénéfique entre les Etats souverains pour le bien-être et la sécurité des peuples.
Des aspirations toujours
plus vives envers les BRICS
Cette vision de l’avenir correspond aux aspirations de la grande majorité des pays. Cela se traduit notamment par un intérêt croissant pour les travaux d’une association universelle telle que les BRICS, qui repose sur une culture de dialogue basé sur la confiance, l’égalité souveraine de ses membres et le respect mutuel. Cette année, sous la présidence russe, nous faciliterons l’intégration harmonieuse des nouveaux membres des BRICS dans les organes de travail de l’association.
Je demande au gouvernement et au ministère des affaires étrangères de poursuivre le travail de fond et le dialogue avec nos partenaires pour faire en sorte que le sommet des BRICS, qui se tiendra à Kazan en octobre, débouche sur un ensemble considérable de décisions concertées qui détermineront l’orientation de notre coopération dans les domaines de la politique et de la sécurité, de l’économie et de la finance, de la science, de la culture, du sport et des liens humanitaires.
D’une manière générale, je pense que le potentiel des BRICS leur permettra de devenir l’une des principales institutions de régulation de l’ordre mondial multipolaire.
Il faut la démocratisation
de l’ensemble du système de nos relations internationales
Je dois noter à cet égard que des discussions internationales sont déjà en cours concernant les paramètres de l’interaction entre les Etats dans un monde multipolaire et la démocratisation de l’ensemble du système des relations internationales. A cet égard, nous avons convenu et adopté, avec nos collègues de la Communauté des Etats indépendants (CEI), un document commun sur les relations internationales dans un monde multipolaire. Nous avons également invité nos partenaires à discuter de ce sujet dans le cadre d’autres plateformes internationales, notamment l’Organisation de coopération de Shanghai(OCS) et les BRICS.
Un système de sécurité indivisible
en voie de construction
Nous souhaitons encourager ce dialogue au sein des Nations unies, y compris sur un sujet aussi vital pour tous que la création d’un système de sécurité indivisible. En d’autres termes, les affaires mondiales doivent être fondées sur le principe selon lequel la sécurité de certains ne peut être assurée au détriment de celle des autres.
Permettez-moi de vous rappeler qu’à la fin du 20e siècle, après la fin de l’intense confrontation militaire et idéologique, la communauté internationale a eu une occasion unique de construire un ordre de sécurité fiable et juste. Cela n’exigeait pas grand-chose - simplement la capacité d’écouter les opinions de toutes les parties intéressées et une volonté mutuelle de prendre ces opinions en compte. Notre pays est déterminé à s’engager dans un travail constructif de cette nature.
L’approche des Etats-Unis: expansion
illimitée du bloc de l’Atlantique Nord
Cependant, une approche différente a prévalu. Les puissances occidentales, menées par les Etats-Unis, se prenaient pour les vainqueurs de la Guerre froide et en déduisaient le droit de déterminer comment le monde devait être organisé. La manifestation concrète de cette vision était le projet d’expansion illimitée du bloc de l’Atlantique Nord dans l’espace et dans le temps, malgré l’existence d’idées alternatives pour assurer la sécurité en Europe.
Ils ont répondu à nos questions justifiées par des excuses, affirmant qu’il n’y avait aucun projet d’attaque contre la Russie et que l’expansion de l’OTAN n’était pas dirigée contre la Russie. Ils ont effectivement oublié les promesses faites à l’Union soviétique, puis à la Russie, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, selon lesquelles le bloc n’accepterait pas de nouveaux membres. Même s’ils reconnaissaient ces promesses, ils les grimaçaient et les rejetaient comme de simples assurances verbales à caractère juridique non contraignantes.
La Russie a insisté sur l’approche
défectueuse des élites occidentales
Dans les années 1990 et par la suite, nous avons constamment mis en évidence l’approche défectueuse adoptée par les élites occidentales. Au lieu de nous contenter de la critiquer et de les mettre en garde, nous avons proposé des options et des solutions constructives, en insistant sur la nécessité de développer un mécanisme de sécurité européenne et mondiale qui soit acceptable – je tiens à souligner ce point – à toutes les parties concernées. Il est vain et prendrait trop de temps ici de dresser la longue liste des initiatives avancées par la Russie au fil des ans.
Bornons-nous donc à rappeler l’idée du projet de Traité européen de sécurité que nous avons proposée en 2008. En décembre 2021, un mémorandum du Ministère russe des affaires étrangères a été soumis aux Etats-Unis et à l’OTAN, abordant les mêmes questions.
Cependant, toutes nos tentatives répétées (il est impossible de les énumérer toutes) pour convaincre nos partenaires de reprendre la voie de la raison, nos explications, nos appels, nos avertissements et nos demandes, sont restés sans réponse. Les pays occidentaux, confiants non pas tant dans la justesse de leur cause que dans leur pouvoir et leur capacité à imposer ce qu’ils souhaitent au reste du monde, ont tout simplement ignoré les autres perspectives. Au mieux, ils ont proposé des discussions sur des sujets moins importants (qui n’ont guère contribué à résoudre les problèmes réels), ou sur des sujets qui n’ont profité qu’à l’Occident.
L’attitude occidentale
d’élaborer des «boucs émissaires» a abouti à de nombreuses guerres
Il est rapidement apparu que le concept occidental, considéré comme la seule option viable pour la sécurité et la prospérité en Europe et dans le monde, était en fait inefficace. Rappelons la tragédie des Balkans. Si les questions internes ont certainement contribué aux problèmes de l’ex-Yougoslavie, ceux-ci ont été considérablement exacerbés par une ingérence extérieure intrusive. A l’époque, le principe fondamental de la diplomatie de l’OTAN s’est manifesté de la manière la plus éclatante – un principe profondément défectueux qui n’est d’aucune utilité pour résoudre des conflits internes complexes. Essentiellement, ce principe vise à blâmer une partie (souvent mal aimée par l’Occident pour diverses raisons) et à déclencher toute la puissance politique, informationnelle et militaire de l’Occident, y compris les sanctions économiques et les restrictions à son encontre.
Plus tard, ces mêmes approches ont été appliquées dans différents pays, que nous ne connaissons que trop bien: Irak, Syrie, Libye et Afghanistan. Ces interventions n’ont fait qu’aggraver les problèmes existants, ruiner la vie de millions de personnes, détruire des Etats entiers et créer des foyers de catastrophes humanitaires et sociales, ainsi que des enclaves terroristes. En fait, aucun pays au monde n’est à l’abri de rejoindre cette liste tragique.
Des ingérences invasives occidentales dans le monde entier
Par exemple, l’Occident tente actuellement de se mêler effrontément des affaires du Moyen-Orient. Auparavant disposant du monopole sur cette région, les conséquences de leurs actions sont aujourd’hui évidentes à tout le monde. Le Caucase du Sud et l’Asie centrale en sont également de parfaits exemples. Il y a deux ans, lors du sommet de l’OTAN à Madrid, il a été déclaré que l’alliance s’occuperait désormais des questions de sécurité non seulement dans la région euro-atlantique, mais aussi dans la région Asie-Pacifique. Elle prétend que ces régions ne peuvent se passer d’elle. Il s’agit clairement d’une tentative d’exercer une pression accrue sur les pays de la région dont ils ont décidé de freiner le développement. Comme vous le savez, sur cette liste la Russie figure en bonne place.
Retrait unilatéral de Washington
des traités sur le désarmement et aventurisme occidental
Permettez-moi également de vous rappeler que c’est Washington qui a sapé la stabilité stratégique en se retirant unilatéralement des traités sur la défense antimissile, sur l’élimination des missiles à portée intermédiaire et à courte portée et sur le ciel ouvert, et en démantelant, avec ses satellites de l’OTAN, le système vieux de plusieurs décennies de mesures de confiance et de contrôle des armements en Europe.
Enfin, l’égocentrisme et l’arrogance des pays occidentaux nous ont conduits à une situation extrêmement périlleuse aujourd’hui. Nous nous rapprochons dangereusement d’un point de non-retour. Les appels à une défaite stratégique de la Russie, qui possède les plus grands arsenaux d’armes nucléaires, démontrent l’extrême imprudence des hommes politiques occidentaux. Soit qu’ils ne comprennent pas l’ampleur de la menace qu’ils sont en train de créer ou qu’ils soient simplement consumés par leur présumée invincibilité et leur «exceptionnalisme». Tous les deux attitudes risquées peuvent déboucher sur une tragédie.
Effondrement du système sécuritaire euro-atlantique
Il est évident que l’ensemble du système de sécurité euro-atlantique s’effondre sous nos yeux. Il est aujourd’hui pratiquement inexistant et doit être reconstruit. Pour y parvenir, nous devons collaborer avec les pays intéressés, qui sont nombreux, afin d’élaborer nos propres stratégies pour garantir la sécurité en Eurasie, puis les soumettre à un débat international plus large.
Telle est la tâche fixée dans le discours à l’Assemblée fédérale: esquisser une vision pour une sécurité égale et indivisible, une coopération mutuellement bénéfique et équitable et le développement du continent eurasien dans un avenir prévisible.
Urgence de créer un cadre
de sécurité équitable et indivisible
Que faut-il faire pour y parvenir et selon quels principes?
Tout d’abord, il est important d’établir un dialogue avec tous les participants potentiels à ce futur système de sécurité. Je voudrais vous demander d’aborder les questions nécessaires avec les pays qui sont ouverts à une interaction constructive avec la Russie.
Lors de ma récente visite en Chine, le président Xi Jinping et moi-même avons discuté de cette question. Il a été noté que la proposition russe n’est pas contradictoire, mais qu’elle complète et s’aligne sur les principes de base de l’initiative chinoise de sécurité globale.
Deuxièmement, il est essentiel de reconnaître que la future architecture de sécurité devrait être ouverte à tous les pays d’Eurasie qui souhaitent participer à sa création. L’expression «pour tous» inclut également les pays européens et les pays de l’OTAN. Nous partageons le même continent et nous devons vivre et travailler ensemble quelles que soient les circonstances. La géographie ne peut être modifiée.
Oui, les relations de la Russie avec l’UE et de nombreux pays européens se sont détériorées, et il est important de souligner que nous ne sommes pas responsables de cette situation. La campagne de propagande anti-Russie, à laquelle participent de hauts responsables politiques européens, s’accompagne de spéculations selon lesquelles la Russie aurait l’intention d’attaquer l’Europe. J’ai déjà abordé cette question et il n’est pas nécessaire de la répéter ici. Nous savons tous que ces affirmations sont sans fondement et ne servent qu’à justifier une course aux armements.
La menace la plus imminente pour les Européens consiste
dans leur dépendance quasi-totale envers les Etats-Unis
Dans ce contexte, je voudrais faire une brève digression. La menace qui pèse sur l’Europe ne vient pas de la Russie. La principale menace pour les Européens est leur dépendance critique et croissante à l’égard des Etats-Unis sur les plans militaire, politique, technologique, idéologique et informationnel. L’Europe est marginalisée dans le développement économique mondial, plongée dans le chaos de défis tels que la migration, et perd son agence internationale et son identité culturelle.
J’ai parfois l’impression que les hommes politiques européens et les représentants de la bureaucratie européenne craignent davantage de risquer le froncement de sourcils de la part de Washington que de perdre la confiance de leur propre peuple. Les récentes élections au Parlement européen l’ont également démontré. Les hommes politiques européens tolèrent les humiliations, les grossièretés et les scandales, tels que la surveillance des dirigeants européens, tandis que les Etats-Unis les exploitent simplement à leur profit. Par exemple, ils sont obligés d’acheter du gaz cher, qui coûte trois à quatre fois plus cher en Europe qu’aux Etats-Unis. En outre, les pays européens subissent des pressions pour augmenter les livraisons d’armes à l’Ukraine. Les exigences sont constantes et les sanctions sont imposées sans hésitation aux opérateurs économiques européens.
Ils font maintenant pression sur leurs partenaires pour qu’ils fournissent davantage d’armes à l’Ukraine et augmentent leur capacité de fabrication d’obus d’artillerie. Qui aura besoin de ces obus une fois le conflit en Ukraine terminé? En quoi cela garantit-il la sécurité militaire de l’Europe? C’est difficile à comprendre. Les Etats-Unis investissent dans les technologies militaires, en particulier dans les technologies avancées du futur telles que l’exploration spatiale, les drones modernes et les systèmes de frappe basés sur de nouveaux principes physiques. Les Etats-Unis financent des domaines qui détermineront la nature des futurs conflits armés, ainsi que le pouvoir militaire et politique des nations et leur position dans le monde. On attend de ces pays qu’ils investissent dans des domaines qui intéressent les Etats-Unis. Toutefois, cela n’élargit pas le potentiel européen. Laissons-les faire ce qu’ils veulent. Nous en profiterons probablement, mais, en fait, c’est la situation.
L’Europe a besoin
de bonnes relations avec la Russie
Cela aboutit au prochain point important. Si l’Europe veut continuer à être un centre indépendant de développement mondial et un pôle culturel et civilisationnel sur notre planète, elle doit absolument entretenir des relations bonnes et amicales avec la Russie. Et surtout, nous sommes prêts à le faire.
En effet, les hommes politiques d’envergure véritablement européenne et mondiale, qui sont des patriotes de leurs pays et de leurs nations, comprennent ce fait simple et évident. Ils pensent en termes de catégories historiques et ne sont pas de simples suiveurs de la volonté et de l’influence de quelqu’un d’autre. Charles de Gaulle en parlait dans l’après-guerre. Je me souviens très bien avoir participé à une conversation en 1991 au cours de laquelle le chancelier allemand Helmut Kohl a souligné l’importance d’un partenariat entre l’Europe et la Russie. J’espère que les nouvelles générations d’hommes politiques européens finiront par restaurer cet héritage.
En ce qui concerne les Etats-Unis, les tentatives incessantes des élites libérales mondialistes actuelles de répandre leur idéologie dans le monde entier, de maintenir leur statut impérial et leur domination d’une manière ou d’une autre, ne font qu’épuiser davantage le pays, conduisant à sa dégradation, et vont clairement à l’encontre des intérêts réels du peuple américain. Sans cette politique sans issue, animée par un messianisme agressif fondé sur la croyance en leur supériorité et leur exceptionnalisme, les relations internationales seraient stabilisées depuis longtemps.
Il faut oeuvrer en faveur
d’un système de sécurité eurasien
Ensuite, il est nécessaire d’intensifier considérablement le processus de dialogue entre les organisations multilatérales déjà présentes en Eurasie afin de promouvoir l’idée d’un système de sécurité eurasien, en particulier les organisations telles que l’Etat de l’Union, l’Organisation du traité de sécurité collective, l’Union économique eurasienne, la Communauté des Etats indépendants et l’Organisation de coopération de Shanghai.
Nous estimons qu’il est possible que d’autres associations eurasiennes influentes, de l’Asie du Sud-Est au Moyen-Orient, se joignent à ces processus à l’avenir.
Il faut penser dans la dimension eurasiatique
Quatrièmement, nous pensons que le moment est venu d’entamer un large débat sur un nouveau système de garanties bilatérales et multilatérales de sécurité collective en Eurasie. Dans le même temps, il est nécessaire, à long terme, de réduire progressivement la présence militaire des puissances extérieures dans la région eurasienne.
Bien sûr, nous sommes conscients que dans la situation actuelle, ce point peut sembler irréaliste, mais cela changera. Toutefois, si nous mettons en place un système de sécurité fiable à l’avenir, une telle présence de contingents militaires hors région ne sera tout simplement pas nécessaire. Pour être honnête, il n’y a pas de nécessité aujourd’hui pour maintenir une occupation, c’est tout.
En fin de compte, nous pensons que les pays et les structures régionales d’Eurasie devraient eux-mêmes identifier des domaines spécifiques de coopération en matière de sécurité commune. Dans cette optique, ils doivent également mettre en place un système d’institutions, de mécanismes et d’accords de travail qui serviront réellement à atteindre les objectifs communs de stabilité et de développement.
Favorisons la Charte sur la multipolarité et la diversité pour le 21e siècle!
En ce sens, nous soutenons l’initiative de nos amis biélorusses visant à élaborer un document de programme – une charte de la multipolarité et de la diversité au 21e siècle. Ce document peut formuler non seulement les principes cadres de l’architecture eurasienne basés sur les normes essentielles du droit international, mais aussi une vision stratégique de la nature de la multipolarité au sens large et du multilatéralisme en tant que nouveau système de relations internationales qui remplacerait le monde centré sur l’Occident. Je considère que c’est important et je voudrais vous demander de travailler en profondeur sur ce document avec nos partenaires et avec tous les Etats intéressés. J’ajouterai que lorsque nous discutons de questions aussi complexes et globales, nous avons besoin d’une représentation aussi large que possible et d’une prise en compte des différentes approches et positions.
Il faut chercher à résoudre les problèmes d’envergure en commun
Cinquièmement, les questions relatives à l’économie, au bien-être social, à l’intégration et à la coopération mutuellement bénéfique, ainsi que la résolution de problèmes communs tels que la lutte contre la pauvreté, l’inégalité, le climat, l’environnement et le développement de mécanismes permettant de répondre aux menaces de pandémies et de crises dans l’économie mondiale, devraient constituer une partie essentielle du système eurasiatique de sécurité et de développement. Tout cela est important.
Par contre, l’Occident a étouffé
le devéloppement du Sud global
L’Occident n’a pas seulement sapé la stabilité militaro-politique du monde par ses actions. Il a compromis et affaibli les principales institutions du marché par ses sanctions et ses guerres commerciales. En utilisant le FMI et la Banque mondiale et en modifiant l’agenda climatique, il a freiné le développement du Sud. En cédant à la concurrence, même selon les règles que l’Occident s’est fixées, il applique des barrières prohibitives et toutes sortes de protectionnisme. Ainsi, les Etats-Unis ont abandonné l’Organisation mondiale du commerce en tant que régulateur du commerce international. Tout est bloqué. Pendant ce temps, la pression s’exerce non seulement sur les concurrents, mais aussi sur leurs propres satellites. Il suffit de voir comment ils sont en train de «siphonner le jus» des économies européennes qui sont au bord de la récession.
Les pays occidentaux ont gelé une partie des actifs et des réserves monétaires de la Russie. Ils tentent à présent d’inventer une justification juridique à leur appropriation irréversible. D’un autre côté, malgré tous les juristes véreux, il est évident que le vol restera le vol et ne restera pas impuni.
S’accaparer des fonds russes risque
de se transférer en boomerang pour l’Occident
Le problème est encore plus profond. En volant les actifs russes, ils feront un pas de plus vers la destruction du système qu’ils ont eux-mêmes créé et qui, pendant de nombreuses décennies, a assuré leur prospérité, leur a permis de consommer plus qu’ils ne gagnent et a attiré l’argent du monde entier par le biais de dettes et d’engagements. Aujourd’hui, il devient évident pour tous les pays, entreprises et fonds souverains que leurs actifs et leurs réserves sont loin d’être en sécurité, tant sur le plan juridique qu’économique. Et quiconque pourrait être le prochain à être exproprié par les Etats-Unis et l’Occident, ces fonds souverains étrangers pourraient également l’être.
Le système financier fondé sur les monnaies de réserve occidentales suscite déjà une méfiance croissante. On assiste à une certaine fuite des fonds des titres et des obligations des pays occidentaux, ainsi que de certaines banques européennes qui, jusqu’à une date récente, étaient considérées comme des institutions absolument fiables pour placer des capitaux. Aujourd’hui, l’or est également retiré de ces banques. Et c’est la bonne chose à faire.
Il faut créer les bases socio-économiques
en faveur d’un nouveau système sécuritaire
Je pense que nous devons sérieusement intensifier la formation de mécanismes économiques étrangers bilatéraux et multilatéraux efficaces et sûrs comme alternatives à ceux contrôlés par l’Occident. Cela inclut l’expansion des règlements en monnaie nationale, la création de systèmes de paiement indépendants et la construction de chaînes de valeur qui contournent les canaux bloqués ou compromis par l’Occident.
Naturellement, il est nécessaire de poursuivre les efforts visant à développer des corridors de transport internationaux en Eurasie, le continent dont la Russie est le noyau géographique naturel.
Par l’intermédiaire du Ministère des affaires étrangères, je vous demande de contribuer autant que possible à l’élaboration d’accords internationaux dans tous ces domaines. Ils sont extrêmement importants pour renforcer la coopération économique entre notre pays et nos partenaires. Cela devrait également donner un nouvel élan à la construction d’un vaste partenariat eurasien, qui, par essence, pourrait devenir la base socio-économique d’un nouveau système de sécurité indivisible en Europe. […] •
Traduction et entretitres Horizons et débats selon la traduction en anglais autorisée (http://en.kremlin.ru/events/president/news/74285)
«Je rappelle le fait qu’après le début de l’opération militaire [en Ukraine], l’Occident a lancé une campagne violente et extrêmement brutale visant à isoler la Russie sur la scène internationale. Aujourd’hui, il est clair et manifeste pour tout le monde que cette tentative a échoué, mais l’Occident n’a bien entendu pas renoncé à son plan de constituer une coalition internationale antirusse et à faire pression sur la Russie. Cela est également compréhensible.
Comme vous le savez, l’Occident a commencé à promouvoir activement l’initiative de la soi-disant conférence internationale sur la paix en Ukraine, en Suisse. Cette conférence doit avoir lieu juste après le sommet du G7, qui a justement réuni le groupe de ceux qui ont attisé le conflit en Ukraine par leur politique. Ce que les organisateurs de la rencontre en Suisse proposent n’est qu’une ruse de plus pour détourner l’attention de tous, inverser les causes et les effets de la crise ukrainienne, orienter la discussion dans une mauvaise direction et redonner d’une certaine manière un semblant de légitimité à l’exécutif actuel en Ukraine.
Il est donc naturel qu’en Suisse, malgré toutes les tentatives pour rendre plus ou moins décent l’ordre du jour de la conférence, ne soit débattue aucune question vraiment fondamentale, touchant au cœur de la crise actuelle de la sécurité et de la stabilité internationales et aux vraies racines du conflit ukrainien.
On peut donc d’ores et déjà prévoir que tout se réduira à des généralités démagogiques et à une nouvelle série d’accusations contre la Russie. On voit bien l’idée: impliquer le plus d’Etats possibles, par tous les moyens, et agir comme si les recettes et les règles occidentales étaient partagées par l’ensemble de la communauté internationale, ce qui signifierait en fait que notre pays devrait les accepter sans condition.»
Source: Texte officiel autorisé,
version anglaise: en.kremlin.ru/events/president/news/74285 du 14 juin2024;
(Traduction Horizons et débats)
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