Les secrets de Paris dans le domaine de l’éducation

Un livre de Pamela Druckerman pour parents et éducateurs

von Susanne Wiesinger

Le livre présenté ici décrit un temps déjà presque révolu en France. Beaucoup d’observations de l’auteure du livre décrivent avant tout l’éducation classique habituelle à l’époque. Les temps changent, en France comme ailleurs. Certains comportements «américanisés», devenus entre-temps, pour nos élèves une composante fixe de leur répertoire, s’infiltrent auprès des élèves français aussi. Au milieu des années 1990 encore, manger continuellement entre les repas était un tabou absolu. Au début des années 2000 c’est devenu la mode, chez les jeunes français comme partout en Europe – bien que dans beaucoup de familles règne toujours un règlement assez strict réduisant le moment de satisfaire ses appétits aux repas principaux. Mais aux caisses des supermarchés on rencontre pourtant moins d’enfants grincheux que dans les autres pays européens, marqués peut-être plus fortement par le style de vie américain. Les petits enfants français sont en règle générale de meilleure humeur, sauf ceux issus d’une éducation 68 qui râlent continuellement à l’instar de leurs copains adultes. Néanmoins il faut dire que le présent livre montre des inspirations intéressantes et très utiles pour la vie quotidienne actuelle de nos enfants – pour autant qu’il se réalise encore en présence des parents – leur offrant l’un ou l’autre tuyau.

Le livre «Warum französische Kinder keine Nervensägen sind», (Pourquoi les enfants français ne sont pas des casse-pieds), paru dans l’édition originale américaine en 2012 (traduction en français en 2015), a été écrit par l’américaine Pamela Druckerman. L’auteure disposait jusque-là avant tout d’expériences comme reporteur se vouant aux thèmes économiques de la région d’Amérique du Sud. Son livre, qui fut un grand succès, traduit dans plus de trente langues, elle l’a écrit sur la base d’interviews avec des amis à Paris, où elle avait déménagé avec son mari. Elle-même avait des enfants, dont des jumeaux. Lors de ses observations de familles à Paris elle s’est aperçue que les enfants français se comportaient de manière beaucoup plus appropriée au restaurant, contrairement à ce qu’elle connaissait. Elle fut surprise d’ observer leur patience en attendant tranquillement d’être servis. De plus, lors d’invitations chez des amis ils ne se roulaient pas par terre, mais jouaient gaiement abandonnant les adultes à mener leurs conversations… Pamela Druckerman a donc constaté qu’il existait un grand écart dans le comportement des enfants américains par rapport à celui des jeunes français, garçons et filles. Continuant ses observations comparatives, elle était frappée de constater que des pères américains suivaient par exemple leurs enfants de quatre ans jusqu’à se coincer sous la table pour chercher leur jouet qu’ils avaient laissé tomber par mégarde et que les parents américains se définissent par la capacité à ne jamais dire «non» à leurs enfants. Le professeur Mischel qui, dans les années soixante, a fait des enquêtes concernant la récompense avec des enfants de cinq ans, s’en prononce de la sorte: «Les enfants éduqués en France sont plus disciplinés, ils sont éduqués plutôt comme je l’ai été moi-même à l’époque. Lorsque les amis français viennent en visite chez nous, on peut savourer son dîner en paix. Avec les enfants français on part normalement du principe qu’ils se comportent plus ou moins comme les adultes, donc comme il faut, et qu’ils savourent le repas.» (Cité d’après Druckerman. éd. allemande, p. 87)

Un enfant qui dort d’un trait
paraît être la norme en France

Les parents en France sont persuadés que l’enfant apprend intuitivement et qu’il s’accorde bien au rythme journalier des parents. Or ils ne le dérangent pas activement – souvent sans s’en rendre compte – en le tenant éveillé la nuit, poussé du sentiment souvent erroné que l’enfant se soit réveillé par la faim ou le souhait d’être sorti du lit. En France, on connaît ces faits biologiques: les enfants bougent beaucoup pendant leur sommeil, ils geignent, pleurent, soupirent ou murmurent mais toutes ces manifestations ne signifient pas forcément que le bébé soit réveillé ou qu’il ait faim. Le bébé devrait, d’après le pédiatre parisien connu à l’époque à Paris, le docteur De Leernsnyder, avoir la chance de s’arranger lui-même avec son sommeil et apprendre ainsi lui-même à se relier selon les différentes phases du sommeil.
    Le bébé apprend à dormir d’un trait comme il apprendra plus tard à rouler à bicyclette, telle est l’opinion d’un pédiatre français. Lorsque le bébé a pu dormir pendant toute la nuit ou bien s’il a pu retrouver son sommeil après un bref réveil ou quelques gémissements, cela ira probablement plus vite le lendemain. D’après une sagesse française, les parents devraient se permettre une courte pause ils ne doivent pas prendre le bébé tout de suite dès qu’il se manifeste, le sortir du lit, mais attendre cinq minutes et observer si l’enfant ouvre ses yeux… En le sortant tout de suite du lit on se prive de cette occasion. D’après les observations de Pamela Druckerman, dans des ménages français il est faux de croire que les parents de bébés doivent s’adaptent à un problème chronique et penser qu’ils doivent toujours, même pendant des années, renoncer à leur sommeil.
    Des magazines pour futurs parents propagent souvent de telles absurdités, de façon que les parents aux USA se préparent déjà d’avance au problème du sommeil qu’ils prennent pour chronique et pérenne.
    Des parents français font souvent une «petite pause» avant de réagir, ce qui veut dire qu’ils ne réagissent en règle générale pas par reflexe. Et les bébés en France passent toute la nuit à dormir, et ceci après quatre mois déjà.
    L’opinion du professeur Mischel concernant ce sujet: il croit que les éducateurs sous-estiment souvent les capacités cognitives extraordinaires dont disposent les enfants tout petits déjà lorsqu’on les active.

Comment j’explique à un enfant de trois ans à ne pas jeter
les livres par terre mais à les aligner sur une étagère

L’auteure nous présente aussi comment une jeune française explique à un enfant de trois ans qu’on n’arrache pas les livres de l’étagère: Calmement elle dit à l’enfant agenouillé à son côté «On ne fait pas ça ainsi» et avec des mots gentils et doux elle montre à l’enfant de trois ans comment on remet les livres dans l’étagère. Doucement, «sanft» en allemand, c’est le mot qui revient souvent de la bouche de la jeune femme. Le petit de trois ans ne proteste pas du tout, il apprend à manier les livres doucement et à ne pas les jetter quelque part. Un livre après l’autre est remis dans l’étagère, voilà comment l’enfant aura appris pour toujours comment comporter avec eux.
    Sans douter le moins du monde de la compréhension de l’enfant, la jeune femme crée ce «miracle»! L’enfant de trois ans est très attentif et fait tout ce que la femme lui dit.

Faut-il toujours prendre
l’enfant dans les bras?

La situation est fréquente qu’une mère soit occupée à faire la cuisine et de sorte qu’elle ne peut pas prendre le petit enfant de deux ou trois mois dans ses bras. La bonne française qui s’occupe des enfants, citée souvent dans le livre, dit que dans cette situation elle ne prend pas l’enfant dans ses bras. Tout au contraire, elle explique à l’enfant de deux ou trois mois qu’elle est occupée à faire la cuisine, laissant ensuite l’enfant pleurer. Pas pendant des heures, certainement! Mais elle lui permet d’exprimer ses sentiments, elle en prend connaissance, mais pourtant pas ce que l’enfant veut absolument… Ainsi l’enfant apprend que d’autres êtres humains sont là et qu’ils ont aussi leurs propres besoins et qu’ils ont le droit d’être respectés.
    Il y a des situations semblables où on est tenté de tout de suite prendre l’enfant qui pleure dans ses bras. Il ne faudra pas en faire une habitude, même si l’enfant pleure, et surtout pas tout de suite! S’il pleure, tant pis. Les cris de protestation des petits enfants, dans les situations réelles de la vie quotidienne, sont inévitables. Les parents français ne les prennent pas comme protestations dirigées contre eux, dans ces situations ils ne pensent pas qu’ils ont failli à leur tâche ou qu’ils sont de mauvais parents. Supporter le mécontentement, voire la rage passagère du petit enfant, ils le prennent comme une partie de leur devoir de parents.
    Pour généraliser un peu, on peut dire que les parents français ne le prennent pas comme preuve d’incapacité s’ils doivent opposer à leur enfant un «non». Ils pensent au contraire que de petites frustrations dans la journée sont une bonne préparation à la vie réelle. Ils sont d’avis que ce n’est pas nuisible si le désir de la petite fille d’avoir un croissant au chocolat pour le déjeuner n’est pas aussitôt réalisé

Différentes conceptions du «non»

Par contre, les Américains et les Allemands sont d’avis que toute exigence de l’enfant doit être immédiatement satisfaite, il résistent par réalisme à la théorie de la frustration selon laquelle cela engendrerait éventuellement des traumatismes avec des dommages entravant toute une vie. C’est là une des bases théoriques très répandues, mais fausse. Là aussi, il faut en tirer une conclusion. Aux Etas-Unis (dans d’autres pays aussi), il est devenu monnaie courante que les enfants se jettent par terre, dehors dans la rue, qu’ils aient des accès de colère et d’angoisse lorsqu’un de leur désir n’est pas aussitôt satisfait. Dans leur désespoir, les mamans recourent souvent au remède imaginé de détourner l’attention de leur enfant de sa colère avec des sucreries. Sans ces récompenses aggravant le comportement inutile et nocif, un grand nombre de jeunes mères aux Etats-Unis ce montrent incables d’y renoncer.
    Des enfants français par contre n’ont pas ce besoin perpétuel d’une douceur, ils apprennent, instruits avec compassion et patience, qu’ils doivent attendre le prochain repas dans quatre heures qu’ils entameront sûrement résolument et avec appétit.
    Faire apprendre en se basant avant tout sur sa compassion et sa patience est cruciale. Le plus grand succès consiste à donner l’exemple soi-même. Une mère habitue son enfant à prendre des repas à des heures fixes en le promenant attaché contre son ventre dans un bout de tissu, c’est donc ainsi qu’elle va faire des achats en ville. L’enfant est calme par le contact corporel et, en outre, son attention se dirige vers les achats. Il ne ressent pas de faim et reste tranquille. Pour de nombreuses autres situations, les français ont une recette: la mère explique à l’enfant au milieu du magasin que ce n’est pas dans son programme d’aujourd’hui d’acheter un jouet – avec amour, (elle prend l’enfant dans ses bras) et lui raconte – c’est cela l’astuce – une anecdote de sa propre enfance.
    Les enfants adorent de telles anecdotes racontées par leurs parents!
    Les parents français se rendent compte qu’avec un grand nombre de «besoins» de leurs enfants on a affaire à des «caprices». Face à cela, il est de première importance que les enfants ne prennent pas goût à se comporter en petit tyran et qu’ils apprennent, tout au contraire, que leurs parents ont aussi une vie à eux. Les respectant, ils apprennent en même temps que d’autres gens ont aussi leurs propres besoins et qu’il faut les respecter.
    Pour une grande partie des mères en France la conception américaine de «total motherhood» (être totalement mère) leur reste suspecte. Que les mères doivent renoncer d’avoir des amitiés, ne soient là que pour les enfants, qu’il faille constamment les conduire à leurs cours de sport, de chinois ou de français (aux Etats-Unis cela commence à l’âge de quatre ans déjà) – pour les françaises, c’est exceptionnellement! En France la mère garde sa propre vie, elle se montre devant les enfants comme partenaire de son mari aussi, comme femme attrayante. Les jeunes mères françaises reprennent souvent leur travail déjà trois mois après l’accouchement. Plus tard, à la crèche, les enfants apprennent à s’intégrer dans la vie en commun, à l’extérieur de la famille, ils expérimentent avec des amitiés, apprennent à fréquenter d’autres enfants. De même à l’école maternelle où les enfants en France n’apprennent pas l’alphabet mais les bonnes formes et manières. Peindre, chanter, la créativité et la «découverte du monde» sont les sujets les plus importants. Les enfants aux Etats-Unis doivent toujours se distinguer avec des brillantes performances, il n’y a pas cela en France! Les parents sont plus décontractés et les statistiques de santé leur donnent raison.
    Dans quelle mesure l’éducation en France s’est-elle éloignée, ces dernières années, du bon sens que l’auteure avait rencontrée à l’école, je ne serai pas apte à en juger. Mais ce qui attire l’attention c’est que, ces dernières années, on entend beaucoup de français dire que leur pays a changé à son désavantage. D’autant plus faut-il réfléchir à l’éducation française et se rappeler de beaucoup de choses susceptibles d’être fondamantales, aujourd’hui encore, pour une éducation réussie. •

Source:

Druckerman, Pamela. Pourquoi les petits français ne jouent pas au frisbee avec leur pain. Bébés made in France. Les secrets de l’éducation à la française, livre de poche (Marabout), 2015, (épuisé)

Notre site web utilise des cookies afin de pouvoir améliorer notre page en permanence et vous offrir une expérience optimale en tant que visiteurs. En continuant à consulter ce site web, vous déclarez accepter l’utilisation de cookies. Vous trouverez de plus amples informations concernant les cookies dans notre déclaration de protection des données.

Si vous désirez interdire l’utilisation de cookies, par ex. par le biais de Google Analytics, vous pouvez installer ce dernier au moyen des modules complémentaires du présent navigateur.

OK