On ne peut rien y changer: les petites communes sont à tous égards les moins onéreuses

On ne peut rien y changer: les petites communes sont à tous égards les moins onéreuses

Des chiffres rouges pour les trois grandes communes glaronaises au lieu des visions roses avancées à tort

par Marianne Wüthrich, docteur en droit

Vous vous souvenez sûrement: Le 7 mai 2006 la landsgemeinde de Glaris a décidé à une très faible majorité de fusionner les 25 communes politiques en trois communes unifiées. Les communes politiques, les communes scolaires et les Tagwen (les bourgeoisies) ont été réunies dans trois grandes unités, sans que les citoyens aient pu en débattre dans les communes concernées.
Comment a-t-il été possible que beaucoup de citoyens de Glaris soient prêts à dissoudre leurs communes auxquelles ils étaient pourtant bien attachés? Et qu’est-ce qui est resté des promesses par lesquelles quelques politiciens avaient tenté de s’affirmer, trois ans après la création des nouveaux grands ensembles?
L’importance justement des petites communes comme espace vital, avec une structure relationnelle dense et ses effets bienfaisants sur le plan personnel et social, ne devrait pas être sous-estimée, en particulier dans le monde actuel ébranlé par de grands problèmes économiques et humains. N’abandonnons pas à la légère cet élément de base de la Suisse fédéraliste et de démocratie directe, mais aussi d’une Suisse économiquement performante.

Depuis le 1er janvier 2011, il n’y a plus que trois communes dans le canton de Glaris. Sous le titre «GL 2011: 3 communes fortes – un canton compétitif» on peut lire sur le site internet du canton: «Le canton de Glaris a simplifié ses structures communales de manière fondamentale de la sorte qu’il soit bien préparé aux défis du futur.»
Dans quelle mesure un canton de quelques grandes communes peut-il être plus compétitif qu’un autre de 25 communes, reste toujours dans l’ombre, même après des années de propagande de la part des défenseurs des grandes régions, des espaces métropolitains, des parcs naturels et d’autres ensembles artificiels. Mais bien que de telles affirmations sommaires ne soient point prouvées, elles sont répétées sans cesse selon la devise «petit à petit, l’oiseau fait son nid».

Mai 2006: la population a été induite en erreur

Au printemps 2006, pour inciter les habitants de Glaris à dissoudre leurs communes, quelques politiciens entreprenants ont fait vivre l’enfer à la population. Ainsi on a pu lire dans le mémorial d’alors: «Beaucoup de finances communales sont dans une situation précaire. En l’an 2000 la fortune des communes était près de 24 millions de francs, et puis en l’an 2003, il y avait une dette de plus de 6 millions de francs.» (Mémorial pour la landsgemeinde du canton de Glaris 2006, page 130) «Des structures rationnelles, des communes fortes, des finances saines» devraient le régler selon le Mémorial. (p. 131)
En particulier la population rurale et montagnarde est ainsi touchée d’une flèche efficace, étant donné que nous Suisses sommes habitués à maintenir notre budget en ordre, dans les communes comme dans les familles. On ne s’endette que dans une situation très urgente, et on rembourse le plus vite possible. Dans la démocratie directe les citoyens veillent à ce que les autorités communales ne dépassent pas les bornes. Au lieu de maintenir le système efficace ayant fait ses preuves, quelques gouvernements cantonaux se laissent avoir par des idées étrangères, absolument incompatibles avec un petit pays comme la Suisse. Avec des attraits financiers, ils essayent d’appâter les citoyens, afin qu’ils acceptent la dissolution de leur communes, le cœur serré et dans l’espoir erroné que les grandes communes seront plus «efficaces».
L’expérience a démontré que les petites communes présentent à tous égards des avantages – sur le plan humain, social et financier. Pour qu’une petite commune fonctionne, il faut un bon secrétaire municipal et beaucoup de citoyens, qui comme miliciens (c’est à dire bénévolement) assument une charge dans la municipalité, dans une commission ou dans une institution culturelle ou sociale du village.
Il ment, celui qui veut remplacer le principe de milice par un appareil administratif tout en prétendant que cela coûterait moins cher. La structure organisationnelle la plus simple serait d’ailleurs celle d’un Etat centraliste – prenons garde de ne pas y arriver plus vite que nous le voulons!

Une bonne situation financière des communes du canton de Glaris avant la fusion – désenchantement après la fusion

Le fait est que la situation financière des communes du canton de Glaris était avant la fusion bien meilleure qu’après. Ainsi on lit dans le Mémorial de la landsgemeinde 2009 que la situation financière des 25 communes s’était nettement améliorée entre 2003 et 2007, de sorte qu’elles étaient même en mesure de financer les investissements nécessaires par leurs propres moyens. (cf. Mémorial de la landsgemeinde 2009, p. 65) Combien de villes et d’Etats dans le monde peuvent affirmer la même chose?
Et quelle est la situation fin 2013? «Deux ans et demie après la fusion des 25 communes en trois grandes communes, il se révèle qu’on a pas fait des économies, mais des déficits.» («Tages-Anzeiger» du 3/9/13)
«La population du canton de Glaris perd progressivement sa confiance en la politique. Beaucoup de gens sont déconcertés et inquiets. […] Les nouvelles structures communales n’apportent de loin pas les bénéfices financiers espérés, qui avaient été promis au peuple. La réorganisation coûte énormément de force, de temps et d’argent.» (Fridolin du 17/10/13)
Comment Martin Landolt, parlementaire et président de la commission, avait-il dit lors de la landsgemeinde 2006? «La réforme structurelle des communes pose les jalons d’un avenir aux structures rationnelles, plus efficaces et générant des économies financières. […] Les calculs du potentiel d’économie sont transparents et compréhensibles, alors que leur mise en doute n’est que prétendue.» (Procès verbal de la landsgemeinde du 7/5/06, p. 18)
Tiens, tiens … Bien sûr chaque Glaronais, chaque Valaisan et chaque Schaffhousois sait que les structures les plus rationnelles et efficaces et les coûts les plus bas se trouvent dans les petites communes. Un président communal, qui exerce son mandat comme milicien pour quelques milliers de francs par ans, à côté de son travail à 80% dans l’économie privée ou à côté de la gestion de sa petite entreprise, ou bien une administratrice d’impôt, qui a son bureau dans sa maison privée et ne facture à la commune que les frais de location d’une chambre (citation originale: «L’ordinateur, j’en ai besoin de toute façon») – qu’une administration «professionnelle» la prenne pour modèle!
Et comme le bon sens l’a prévu, cela arrive dans le canton de Glaris: Aujourd’hui, on ne remarque rien du «potentiel d’économie» de la grande fusion, bien au contraire.

Simple «Carnet du lait» de l’administration cantonale

En effet les finances du canton de Glaris étaient, au temps de la landsgemeinde 2006, dans un état beaucoup moins sain que celui des communes. (Mémorial 2009, p. 65). Dans cette situation, les idées de fusion – diffusées par l’administration fédérale de Berne, alimentées de l’étranger et élaborées par des armées de cabinets-conseil faisant des affaires en or avec la fusionnite – tombaient à pic pour le gouvernement et le parlement glaronais.
Le «carnet du lait» se présentait comme suit: quelques grandes communes (sept? dix? trois? ou même une seule?) devaient régler les finances du canton au préalable: Grâce à plus d’«efficacité» et de «synergies» les communes seraient si bien disposées, que l’augmentation des coûts de l’instruction publique et de la santé pourraient être portés par leur propre force et le budget cantonal pourrait être soulagé: «La réforme des structures communales devait, dès 2011, davantage améliorer la situation financière. […] En plus, il y aurait les gains d’efficacité, résultant de l’exploitation conséquente du potentiel d’économie que présente la réforme structurelle.» (Mémorial 2009, p. 66) Le canton a mis le prix pour cette vision du futur réjouissante: 16 à 18 millions de deniers publics du canton et au surplus la prise en charge des dettes des communes. (Mémorial 2009, p. 66) Naturellement, le canton veut faire rentrer cet argent dans les années qui suivent la fusion.
Et que fait alors le canton de Glaris en 2009 – justement l’année après la mégacatastrophe économique chez le grand frère au delà de l’Atlantique et les répercussions sismiques non moins difficiles dans la plupart des pays européens? Il baisse les impôts, afin que le canton de Glaris puisse prétendument faire jeu égal dans la compétition fiscale intercantonale! (Mémorial, p. 66/67) Des personnes aisées et des entreprises viendraient s’installer dans le canton de Glaris et rempliraient les caisses fiscales cantonales et communales …
La landsgemeinde 2009 approuva l’allégement fiscal cantonal – est-ce que chaque citoyen qui a levé la main était conscient qu’en contrepartie les grandes communes seraient obligées d’augmenter les impôts communaux? «Selon la nouvelle péréquation financière planifiée pour 2011, les communes vont elles-mêmes définir le taux d’impôts dont elles auront besoin pour accomplir leurs devoirs. Cela renforcera leur autonomie et permettra au canton un allégement fiscal, alors que les communes devront augmenter les leurs du volume correspondant.» (Mémorial 2009, p. 67; mise en relief par l’auteur)
En clair: Le soi-disant «renforcement de l’autonomie des communes» des nouvelles grandes communes consiste en ce que le canton leur octroie des nouvelles tâches, qui naturellement auront un coût. Les impôts, que les habitants économisent par l’allégement fiscal cantonal, devront être payés en revanche sur le plan communal – ou plutôt davantage, car le potentiel d’économie prétendu des fusions de communes n’est que chimère.

Bilan trois ans après la création des grandes communes: Des chiffres rouges à la place de visions roses

C’est justement ce qui est arrivé: en décembre 2013, le gouvernement glaronnais a dû constater que l’allégement fiscal de 2009 a eu pour résultat que les communes disposaient de 10 millions de francs de moins, en raison des impôts baissés en 2012. En outre, elles ont dû assumer, selon de nouvelles lois cantonales, des coûts supplémentaires de 8,5 millions dans le domaine de l’instruction publique et des soins, ce qui a mené à un grand déficit des trois communes: «Les recettes fiscales diminuées et les nouvelles dépenses supplémentaires sont plus élevées que les économies effectuées grâce à la réforme structurelle des communes.» (Notation des finances communales 2012, une lettre de la Conseillère d’Etat Marianne Dürst Benedetti au Conseil d’Etat du 11/12/2013, p. 5)
Et qu’est-ce que le département de l’Economie de Glaris a à proposer aux grandes communes surendettées? «Les communes de Glaris seront confrontées dans les années à venir à des défis exigeants sur le plan de la politique financière. Il faut réussir le grand écart entre la réalisation d’un budget rééquilibré à moyen terme pour stopper la diminution des biens publics et assurer la garantie d’une marge de manœuvre nécessaire pour des investissement futurs, sans pour autant augmenter les impôts de manière significative, sans réduire le Service public et sans négliger l’entretien de l’infrastructure. Il est de la responsabilité de chaque commune, d’adapter les recettes fiscales ou/et les dépenses.» (Notation des finances communales 2012, p. 5; mise en relief par l’auteur)
Grâce à cet exemple, nous savons maintenant au moins de quelle manière l’autonomie des communes est «renforcée» par les fusions: d’un côté les communes supprimées perdent leur autonomie, car elles cessent d’exister. D’un autre côté les grandes communes fusionnées doivent réussir «le grand écart» entre des objectifs contraires, et elles disposent de la grande liberté de baisser le taux d’impôts communal tout en réduisant leur service public.
Elles n’auraient pas dû fusionner si c’était pour arriver à cela!     •

Le peuple dérange

mw. «Un projet relatif à une fusion de communes sans fournitures d’informations, sans développement et réalisation stratégiques ainsi que sans controlling est aujourd’hui difficilement imaginable.» («Strategisches Management und direkte Demokratie» de Urs Bieri, membre de la direction de l’Institut de recherche de gfs Bern, in: Schweizer Gemeinde 12/2010). Et Bieri, l’homme du gfs, poursuit en déplorant: «Toutefois, justement dans les communes en cours de réformes, le management stratégique rencontre des limites. Car contrairement à la hiérarchie de décision claire au sein d’une entreprise, il existe sur le plan des décisions politiques une variable intervenante importante: les citoyens en tant que dernière instance de décision politique.» C’est pourquoi, on devrait manier à temps cette «variable intervenante», c’est-à-dire, le peuple, pour qu’il vote «correctement». Car le vote populaire a lieu seulement «à la fin de la recherche de décision» [c’est-à-dire des planificateurs de management et des institutions, remarques de l’auteur] «et ainsi en fait trop tard» (!!). «Même si cet état est tout à fait légitime du point de vue de démocratie directe, il apparaît insatisfaisant du point de vue d’un management stratégique efficace.» C’est ainsi que M. Bieri, de l’Institut gfs-Bern s’est démasqué, étant donné que cet institut produit à tout bout de champ au moyen des deniers publics et de redevances radio et TV, des sondages préalables aux votations et influence ainsi la formation de l’opinion des citoyens. Cependant, les résultats des votations sont souvent malgré tout «insatisfaisants», c’est-à-dire pas comme les prophétisait le gfs…

Les structures à petite échelle et la démocratie directe offrent les meilleures conditions locales

mw. La Confédération se constitue de 26 cantons et demi-cantons égaux en droits, composés eux-mêmes encore aujourd’hui de 2600 communes. Déplorer la petitesse d’un canton et de sa commune comme point faible est indigne et ne provient certainement pas de la cuisine indigène. En Suisse, la grandeur des cantons est très diverse, cela s’étend du plus petit Appenzell-Rhodes intérieures jusqu’au canton de Zurich avec un million d’habitants et chacun d’eux a droit à l’existence. Justement, grâce à la petite structure locale et le contrôle étroit qu’exerce la démocratie directe dans les cantons et les communes, la Suisse s’est développée en un des pays les plus prospères du monde. En Suisse, le commerce et l’industrie ne se sont pas uniquement implantés dans les villes, mais à travers tout le pays.

Prendre fait et cause pour la péréquation financière

mw. Pourquoi les communes plus petites et plus grandes, plus faibles ou plus fortes sur le plan financier, les villes et la campagne ne pourraient-elles pas exister les unes à côté des autres, comme c’est le cas dans le modèle à succès suisse depuis des siècles?

Le système de milice est irremplaçable

mw. Le principe de milice fait partie de la vie commune et est une raison pour laquelle les êtres humains sont enracinés dans leur commune. Ici, chaque citoyenne et citoyen actifs savent qu’il est utile, que sa contribution personnelle pour la commune est importante. Pourquoi ne pas motiver les individus pour le précieux travail de milice, au lieu de retirer le droit à l’existence aux petites communes?
C’est pourquoi, les deux arguments principaux des partisans de fusions de communes – que les petites communes sont surchargées au niveau financier et personnel – sont inopérants. Un des anciens présidents communaux du canton de Glaris:
«Dans la commune X, tous les mandats sont en ce moment occupés, jusqu’à présent nous avons toujours trouvé pour toutes les corporations quelqu’un qui s’est mis à disposition pour le conseil scolaire, l’assistance sociale et même pour les autorités de tutelles, bien que ce soit un mandat très difficile et c’est pourquoi nous n’avons pas trouvé facilement quelqu’un. La population de X a du reste augmenté de plus de 40% ces 20 dernières années, en passant de 330 à environ 500 habitants, grâce à une promotion de l’habitat effectuée par les autorités communales. Si chez nous, au village, une maison reste pendant longtemps inhabitée, on parle avec le propriétaire et on lui conseille de vendre la maison. La commune a elle-même acheté des maisons plusieurs fois et les a revendues à de nouveaux arrivants. Dans une grande commune, cela ne serait plus possible, car les connaissances locales manquent.
Financièrement, la commune X va bien, avant tout parce que l’association ‹Parrainage suisse pour communes de montagnes› nous a toujours soutenus lors de plus grands investissements. Nous avons pu constater une large solidarité, qui malheureusement commence aujourd’hui à s’émietter. La solidarité du Parrainage m’a toujours donné la force d’exercer mon mandat. Ce devrait être le devoir du canton, de soutenir l’aide à l’auto-assistance, qui a été accomplie par le ‹Parrainage suisse pour communes de montagne›.»
Croit-on vraiment sérieusement qu’une administration «professionnelle» d’une grande commune fusionnée arriverait à accomplir ce que les citoyens en étroite coopération avec le conseil communal montrent en exemple?

On ne peut rien y changer: Les grandes communes s’endettent plus fortement que les petites

mw. Si c’était vrai, que les grandes communes gèrent mieux leur budget grâce à un plus grand «potentiel synergique» que les petites alors:
–    Pourquoi les villes comme Zurich, Bâle, Genève ou Berne ont elles-mêmes des dettes immenses?
–    Pourquoi les dettes de la Confédération ont-elles triplé, celles des cantons doublé, tandis que les dettes des communes suisses dans le même espace de temps n’ont augmenté que de 30%?

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