Les données des élèves considérées comme marchandise

Les données des élèves considérées comme marchandise

Un débat aux Etats-Unis fait ombre sur l’Europe

rl. Le traitement des données numériques dans le secteur privé et public, nous permet de recueillir des informations à une allure vertigineuse, transmettre des messages, régler des affaires personnelles, acheter des livres, de la musique et des films sous forme numérique. De même les possibilités d’abus se multiplient chaque jour: stockage de toutes les données dans le domaine des télécommunications, y compris les contenus des conversations, par la NSA, surveillance totale par des caméras avec reconnaissance automatique des visages (Londres), collection et combinaison de données personnelles de différents domaines, habitudes en matière de navigation. Dans le domaine du commerce, on analyse également les habitudes des clients achetant des marchandises dans des magasins (carte-client) ou des objets usuels sur Internet, afin d’augmenter le chiffre d’affaires et on établit des profils spécifiques de clients utilisés par exemple pour la publicité.
Dans le secteur éducatif, les 20 dernières années ont également laissé leurs traces. Beaucoup de salles de classe sont équipées d’ordinateurs permettant aux élèves de faire leurs devoirs et aux enseignants d’enregistrer les notes, les retards ou le mauvais comportement des élèves sous forme numérique (par exemple LehrerOffice). Quelques-unes de ces données sont transmises, stockées et parfois aussi évaluées.
Ces données personnelles suscitent de plus en plus d’intérêt. Les données des élèves – par exemple lorsqu’ils utilisent Internet ou des logiciels d’apprentissage – sont entrées dans le collimateur des multinationales.
Selon la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» du 25 mars, aux Etats-Unis, il y a actuellement des démêlés entre les producteurs de logiciel d’apprentissage et des associations de parents concernant le droit aux données personnelles des élèves. Les grands groupes de formation aimeraient avoir accès à la manière dont les élèves se débrouillent avec les logiciels d’apprentissage, naturellement, seulement pour les optimiser, affirment-ils, mais les parents s’y opposent avec l’argument qu’on méprise la protection de la personnalité de leurs enfants en transmettant des données personnelles. En plus, on ignore ce qui se passerait avec ces données.
En automne 2014, l’industrie élabora une déclaration d’engagement quant au traitement des données sur l’éducation et les grands groupes tels Apple, Microsoft et après quelques hésitations aussi Google viennent de signer cette déclaration. Selon cette déclaration, les parents devraient pouvoir demander l’accès aux données de leurs enfants et si nécessaire en exiger la correction.
Maintenant, Jared S. Polis, un député démocrate vient de déposer un projet de loi qui va bien moins loin que la déclaration des grands groupes et exige que la transmission des données personnelles ne doive dépendre que de l’accord de la direction de l’école.
Il est clair que les données des élèves n’intéressent pas seulement les producteurs de logiciels d’apprentissage afin de pouvoir les perfectionner ou de faire passer de la publicité personnalisée aux élèves. En combinant ces données on peut établir des profils exacts informant assez précisément sur leur performance et leur engagement, leurs facultés dans les différentes matières, leur engagement dans l’apprentissage selon l’heure et le jour. Si ces données sont rendues publiques, elles pourraient sensiblement influencer les possibilités de progrès scolaire et professionnel. Des instituts de crédit, des bailleurs, ceux qui font de la publicité et beaucoup d’autres s’intéressent naturellement à ces données-là. Pas encore inclus dans cette collection de données sont les absences et les problèmes de discipline.
Les parents exigent maintenant le droit de décider des données de leurs enfants. Sans leur consentement, les grands groupes ne devraient pas utiliser ces données à d’autres fins. En janvier, Barack Obama avait promis de s’engager pour que l’utilisation des données collectionnées lors des cours soit limitée à des fins purement éducatives.
Le fournisseur de technologie éducative ConnetEDU fit faillite en avril 2014 et, dans la masse de la faillite figuraient 20 millions de collectes de données des élèves dont la réutilisation n’était pas réglée. La Fondation de Bill et Melinda Gates avait soutenu ce fournisseur avant la faillite avec 500?000 dollars. La fondation avait investi environ 1 million de dollars dans le projet de données d’apprentissage InBloom qui avait enregistré des millions de données d’élèves. Comme la protection des données ne pouvait pas être garantie, il fallait supprimer InBloom.
Maintenant, il reste à voir si les intérêts légitimes des parents peuvent s’imposer dans la dispute autour des données des élèves ou si les députés parlementaires se décident quant au lobbying des grands groupes contre les intérêts des parents et en faveur de l’industrie et de la Fondation de Bill et Melinda Gates.
En Suisse également, différents fournisseurs de logiciels et de «plateformes» d’apprentissage envahissent le marché. De plus en plus d’écoles achètent des médias d’apprentissage numériques des grands groupes de formation. Les cantons mettent en réseau leurs communes scolaires afin de stocker de manière centralisée les données, soit les notes, les absences ou le comportement des élèves. On favorise ce développement en introduisant avec le Plan d’études 21 des séries de tests nationales. Beaucoup de parents ne se rendent pas encore compte à quel point leurs enfants sont et seront recensés sous forme numérique.     •

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