«L’aide sur place – c’est le principe suisse»

«L’aide sur place – c’est le principe suisse»

Retrait du Partenariat pour la paix

Interview du conseiller national Luzi Stamm, membre de la Commission des Affaires étrangères

Horizons et débats: Vous avez déposez une motion, dans laquelle vous invitez le Conseil fédéral, à se retirer du «Partenariat pour la paix» (PPP).Quelles sont les raisons qui vous ont incité à déposer cette requête?

Luzi Stamm: Plus l’OTAN se comprend comme partie belligérante, plus la Suisse doit être vigilante. Si l’OTAN intervient militairement dans des pays tels l’Irak, l’Afghanistan, la Libye ou même l’Ukraine, la contradiction avec notre politique de neutralité devient manifeste, si nous participons d’une manière ou d’une autre aux activités de l’OTAN. A mon avis, cela correspond au bon sens.

Comment la Suisse est-elle devenue membre de cette sous-organisation de l’OTAN?

C’est une longue histoire. Du point de vue démocratique, c’est d’autant plus discutable, alors que la proximité entre le Partenariat pour la paix (PPP) et l’OTAN augmente. Notre population n’a pas eu voix au chapitre lors de l’adhésion au PPP. Dans les années 90, c’était surtout le Conseil fédéral –représenté par le chef du Département fédéral des Affaires étrangères Flavio Cotti et le chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Adolf Ogi – qui avait proposé, l’adhésion de la Suisse à ce PPP.

Quelles étaient alors les réactions face à ce procédé?

Dans les cercles politiques de droite, cette procédure était alors fortement contestée, car l’ancien ministre américain de la Défense William Perry avait insisté sur le fait que la différence entre l’adhésion à l’OTAN et au PPP était plus tenu qu’une feuille de papier. Cela ne signifie rien d’autre que l’existence d’un plan pour intégrer le PPP dans l’OTAN existait déjà. Cela a éveillé des soupçons chez divers politiciens, également de la gauche. Mais selon l’esprit du temps – fin de la guerre froide, dissolution du pacte de Varsovie et idée (vaine) de la paix éternelle –, on a négligé les doutes et l’adhésion de la Suisse au PPP s’est faite.

Quelles sont donc actuellement les conséquences pour notre neutralité?

Plus l’OTAN prend position pour l’une ou l’autre des parties dans des confrontations guerrières, plus elle apparaît comme partie belligérante et unité d’intervention, plus cela est problématique pour notre neutralité. Lorsque l’OTAN avait par exemple dit qu’elle allait intervenir en Ex-Yougoslavie ou en Irak, alors ce n’était pas seulement une prise de position, mais en même temps une violation du droit international. Dans de tels cas la Suisse ne doit en aucun cas s’engager.
Dans sa réponse, le Conseil fédéral nie la participation de la Suisse à des manœuvres ou d’autres activités de l’OTAN.
La question primordiale contenue dans ma motion est la suivante: «Dans quel degré le PPP est-il effectivement lié à l’OTAN?» Plus la coopération est étroite, plus il est évident que la Suisse doit se retirer. Une autre question est de savoir de quelle manière la Suisse s’engage au niveau international avec notre armée.

Que voulez-vous dire par cela?

Si la Suisse s’engage militairement sous le commandement des Etats-Unis, ou de quelque autre pays de l’OTAN, et y joue un rôle partiel, alors cela est à mon avis totalement inacceptable. Il y a quelques années, un incident en Afghanistan a suscité pas mal de remous. Dans une revue, on avait publié une photo sur laquelle ont voyait deux soldats suisses en uniforme avec un drapeau suisse en ligne avec des soldats portant les drapeaux britannique et américain. Je crois me rappeler que cette image avait été prise lors d’un enterrement militaire. En raison de cette photo on avait l’impression que la Suisse s’identifiait avec l’intervention des Etats-Unis en Afghanistan. Il y avait réellement quatre officiers suisses en uniforme sur les lieux en Afghanistan, dont deux médecins, dans le cadre d’une mission de l’ONU. Cet exemple montre comment on peut perdre sa réputation, si l’on s’engage sur ce terrain international.

Que perd la Suisse, si elle quitte sa position de pays neutre?

Dans ce cas, elle perdrait énormément. Pour moi, l’exemple du Comité international de la Croix-Rouge et de son fondateur Henry Dunant est spécifique à la Suisse. Quand on lit, comment Henry Dunant fut totalement terrassé par la misère morale qu’il vécut sur le champ de bataille de Solferino, alors il faut avoir de bons nerfs pour rester neutre dans une telle situation et de ne pas prendre parti. Dans une telle situation, chacun de nous aurait d’abord eu envie, de juger le fautif et de faire des reproches au responsable de cette guerre. Mais cela n’est justement pas le devoir de la Suisse. Car notre petit Etat s’est créé la magnifique réputation de ne pas demander qui est le responsable de la guerre, mais de se concentrer sur l’aide. L’aide sur place! C’est cela le principe suisse que nous devons tous soutenir et surtout ne pas le compromettre avec une politique d’intérêts à court terme. Car si l’on a perdu sa réputation de pays neutre, il est extrêmement difficile de la regagner.

Cela c’est passé, il y a 150 années, est-ce encore valable dans le monde actuel?

L’attitude de la Croix-Rouge et de la Suisse est plus actuelle que jamais. Car plus le monde est fou et violent, plus la situation dans des pays tels la Libye, la Syrie ou l’Ukraine est difficile, plus la Suisse devrait vivre et agir selon son principe traditionnel de neutralité.

La neutralité a-t-elle des avantages non seulement pour la Suisse, mais aussi pour la communauté internationale?

Là, il faut du bon sens. J’ai travaillé dans un tribunal. Si l’on veut servir d’intermédiaire auprès d’un couple en total désaccord et qu’on a auparavant, d’une manière ou d’une autre, pris parti pour l’une des parties, toute tentative de médiation est illusoire. Pour que l’on puisse offrir ses bons offices, par exemple lors de négociations à Genève, il est crucial de ne pas donner précédemment l’impression d’être plus proche de l’un ou de l’autre côté. Cela n’est possible que si l’on vit la neutralité d’une manière crédible. Et pour cela, il ne faut appartenir à aucune alliance – de quel bord qu’elle soit.

Cela implique que la Suisse doit être capable de se défendre elle-même …

C’est une conséquence indirecte: chaque Etat neutre doit pouvoir se défendre lui-même. Nous pourrions apporter une petite – mais importante – contribution à la paix mondiale, si nous nous limitons clairement à posséder une armée défensive. Si tous les 193 Etats membres de l’ONU n’avaient qu’une armée défensive, notre monde serait nettement meilleur! Avec son armée, la Suisse doit démontrer de manière crédible que nous sommes capables de nous protéger en cas d’attaque. Mais en aucun cas, nous pouvons nous permettre de participer à une action offensive – pas non plus sous le toit de l’OTAN. C’est pourquoi le retrait du Partenariat pour la paix devrait à mon avis avoir lieu de préférence aujourd’hui plutôt que demain.

Monsieur le Conseiller national, un grand merci pour cet entretien.

(Propos recueillis par Thomas Kaiser)

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