Les fondations comme instigatrices

Les fondations comme instigatrices

La politique éducative suisse dans le collimateur des fondations internationales

par Peter Aebersold

Au moyen de l’initiative populaire contre le Lehrplan 21, nous pouvons faire en sorte que le système éducatif ne soit plus sous l’influence des grands groupes étrangers et que la souveraineté des cantons et notre démocratie directe soit à nouveau entièrement portée par le peuple.

Pourquoi les multinationales étrangères s’occupent-elles, par le biais de leurs fondations, de l’instruction publique en Suisse?
Le grand public ne semble pas savoir que les fondations des grands groupes étrangers (Fondation Bertelsmann, Fondation Jacobs, Fondation Mercator etc.) s’infiltrent – en contournant la souveraineté des cantons – depuis plus d’une décennie de manière subreptice dans le domaine de l’éducation et exercent, en versant des millions de francs, une influence sur l’école publique et les écoles supérieures. Pour cela, ils se servent d’intermédiaires suisses, de préférence des politiciens connus et influents comme d’anciens conseillers fédéraux et des directeurs cantonaux de l’Instruction publique, qui ne profitent pas seulement d’une certaine renommée auprès du public mais sont également très bien informés sur les mécanismes particuliers de la politique suisse et disposent d’un réseau de haut rang. Sans aucune légitimation légale ni mandat et hors de tout contrôle parlementaire, ils lancent des projets dans les écoles suisses (financement de départ, activités de réseautage, remise de prix), qui prétendent poursuivre un objectif d’intérêt commun, mais qui en fait suivent les objectifs économiques de leurs maisons mère.
A la suite d’une intervention guidée de l’extérieur, notre système du cycle supérieur a été complètement renversé. L’école publique devra-t-elle subir le même sort?
Une étude de l’Université de Brème montre comment on a réussi à miner la politique et la démocratie suisse par une intervention guidée de l’extérieur1, à restructurer sans grande résistance tout le système du cycle supérieur selon le modèle de Bologne et à pousser la transformation du service public, par exemple le système scolaire, le système de santé, l’électricité, l’eau etc… Cette intervention est soutenue par l’organisation économique OCDE et vise l’ouverture de nouveaux marchés globaux (sponsoring privé promouvant la recherche à but lucratif).
C’est dans cette même direction que vont les accords secrets PTCI, ACS, AECG etc...?. Ils se situent en dehors du droit international en vigueur (Charte des Nations Unies, Droits de l’homme, Pacte international relatif aux droits civils et politiques etc.) et veulent forcer les Etats, par le biais de tribunaux arbitraux privés, à sacrifier leur service public basé sur l’utilité publique, ainsi que les lois sur la protection du travail, de l’environnement et de la santé (p.ex. génie génétique) aux intérêts des groupes globaux. Maintenant, on vise un changement radical de système – semblable à celui pratiqué dans le cycle supérieur – dans le domaine de l’école publique, notamment par le biais du Lehrplan 21 (Plan d’études 21).
La fondation du groupe allemand Bertelsmann, qui détermine par son classement européen ce qui est selon sa compréhension une «bonne» fondation, est à la pointe de ces «fondations stratégiques».
Un exemple est la Fondation Jacobs qui opère également en Suisse et possède un lien direct avec l’organisation économique OCDE. Ce qui n’est pas connu du public, c’est qu’elle commença son «travail stratégique de fondation» en Suisse avec un financement de départ s’élevant à plusieurs millions de francs. Les dirigeants des associations d’enseignants et des écoles supérieures ont été invités à participer aux travaux, entre autre au Schloss Marbach, hôtel appartenant à la fondation et situé au bord du lac de Constance.
Selon l’ancien conseiller fédéral Pascal Couchepin, qui était avec l’ancien conseiller fédéral Flavio Cotti membre du conseil d’administration de la Fondation Jacobs, celle-ci a deux priorités, la recherche et les projets sur place, afin de pouvoir influencer les processus sociaux. En tant qu’organisation privée, elle dispose d’une grande liberté d’action. Elle ne peut pas remplacer l’Etat, mais elle peut prendre de grands risques et agir plus rapidement que l’Etat. Il est important de prendre les devants au niveau social afin de déclencher des transformations dans la société. Couchepin pense que la Fondation Jacobs y parviendra. Actuellement, Hans Ambühl siège en tant que secrétaire général de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDCIP), au conseil d’administration de la fondation.
La fondation a incité tous les cantons et communes suisses à participer aux «paysages éducatifs» de Jacobs.
En 2011, Jacobs a, pour la phase d’essai de ses «paysages éducatifs», déterminé et financé trois projets dans le canton de Bâle-Ville, trois projets dans le canton de Fribourg, et trois autres dans le canton de Zurich. Au printemps 2014, la Fondation Jacobs a entamé la deuxième phase de son programme «paysage éducatif suisse», qui s’étend de 2014 à 2018 et pour laquelle elle met à disposition 2,5 millions de francs (pour les deux phases 6,5 millions). Lors de la phase d’essai précédente, Jacobs avait exigé, que les cantons doivent obligatoirement (!) participer aux «paysages éducatifs» de sa fondation. Parmi les propositions déposées, Jacobs à sélectionné en 2014 «ses» nouveaux «paysages éducatifs»: Aarau, Bern-Ouest, Bienne, Bläsi (Bâle Ville), Bulle, Emmen, Littau, Sursee, Amriswil, Arbon, Lausanne et Rarogne. Selon la Fondation, la société suisse est «marquée» par la migration, la mondialisation et le changement démographique et c’est pourquoi la Fondation allemande Jacobs encourage avec son programme de «paysages éducatifs suisses», la coopération systématique «d’acteurs scolaires et extra-scolaires» pour l’aménagement de paysages éducatifs à une échelle locale.2
Qui s’étonnera que les politiciens dans le domaine de l’éducation, les directeurs de l’instruction publique, les membres directeurs des associations d’enseignants et les directeurs d’écoles chantent le chant sacré des réformes scolaires – souvent en toute connaissance de cause et à l’encontre de leur propres expériences – et louent tout spécialement le programme scolaire harmonisé du Lehrplan 21?

Les instigateurs et leurs réseaux n’apparaissent que rarement au grand jour comme dans le cas de Ernst Buschor, ancien directeur de l’instruction publique du canton de Zurich et gourou international du New Public Management (NPM). En 2002, il mena les réformes du NPM à l’Université ce qui a conduit à un changement culturel vers l’«auto-organisation» et – comme pour les universités américaines – à une influence des sponsors issus de l’économie sur les activités scientifiques jusqu’alors libres. Selon Wikipédia, Buschor s’engagea entre autre depuis 2003 dans le conseil d’administration de la Fondation Jacobs, depuis 2004 dans le conseil consultatif du Centrum für Hochschulentwicklung (CHE) et était en 2005 membre de la commission dirigeante de la Fondation AVENIR, à Zurich. De 2005 à 2007, il était directeur du conseil d’administration de la Fondation Bertelsmann, à Gütersloh, etc. Selon la «Neue Zürcher Zeitung» du 9 mars 2003 «il a restructuré le système éducatif comme aucun autre politicien avant lui». Depuis 2008, il siège à la présidence du «Forum Bildung» proche du milieu économique et financé par l’intermédiaire de fondations telle Mercator et qui vise à «faire bouger le paysage éducatif suisse».Au moyen de l’initiative populaire contre le Lehrplan 21, nous pouvons faire en sorte que le système éducatif ne soit plus sous l’influence des grands groupes étrangers et que la souveraineté des cantons et notre démocratie directe soit à nouveau entièrement portée par le peuple.    •

1    Tonia Bieber: Soft Governance in Education. TranState Working Paper N°. 117. Brême 2010
2    Zytpunkt N° 4/14, Verband Thurgauer Schulgemeinden VTGS

Qui s’étonnera que les politiciens dans le domaine de l’éducation, les directeurs de l’instruction publique, les membres directeurs des associations d’enseignants et les directeurs d’écoles chantent le chant sacré des réformes scolaires – souvent en toute connaissance de cause et à l’encontre de leur propres expériences – et louent tout spécialement le programme scolaire harmonisé du Lehrplan 21?

Les instigateurs et leurs réseaux n’apparaissent que rarement au grand jour comme dans le cas de Ernst Buschor, ancien directeur de l’instruction publique du canton de Zurich et gourou international du New Public Management (NPM). En 2002, il mena les réformes du NPM à l’Université ce qui a conduit à un changement culturel vers l’«auto-organisation» et – comme pour les universités américaines – à une influence des sponsors issus de l’économie sur les activités scientifiques jusqu’alors libres. Selon Wikipédia, Buschor s’engagea entre autre depuis 2003 dans le conseil d’administration de la Fondation Jacobs, depuis 2004 dans le conseil consultatif du Centrum für Hochschulentwicklung (CHE) et était en 2005 membre de la commission dirigeante de la Fondation AVENIR, à Zurich. De 2005 à 2007, il était directeur du conseil d’administration de la Fondation Bertelsmann, à Gütersloh, etc. Selon la «Neue Zürcher Zeitung» du 9 mars 2003 «il a restructuré le système éducatif comme aucun autre politicien avant lui». Depuis 2008, il siège à la présidence du «Forum Bildung» proche du milieu économique et financé par l’intermédiaire de fondations telle Mercator et qui vise à «faire bouger le paysage éducatif suisse».Au moyen de l’initiative populaire contre le Lehrplan 21, nous pouvons faire en sorte que le système éducatif ne soit plus sous l’influence des grands groupes étrangers et que la souveraineté des cantons et notre démocratie directe soit à nouveau entièrement portée par le peuple.    •

1    Tonia Bieber: Soft Governance in Education. TranState Working Paper N°. 117. Brême 2010
2    Zytpunkt N° 4/14, Verband Thurgauer Schulgemeinden VTGS

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