Quelles seront les conséquences de l’invocation de la clause de défense mutuelle de l’UE?

Quelles seront les conséquences de l’invocation de la clause de défense mutuelle de l’UE?

Un nouveau après-11-Septembre?

par Karl Müller

«La guerre contre le terrorisme peut durer 50 ans ou plus.» – Cette phrase fut prononcée par l’ancien vice-président des Etats-Unis, le néoconservateur Dick Cheney. Ne doit-on pas se rappeler cette déclaration quand, suite aux terribles attentats de Paris du 13 novembre 2015, le président français François Hollande déclare son pays être en guerre? De nombreuses prises de positions éminentes actuelles rappellent les paroles exprimées en public les jours, semaines et mois qui ont suivi les évènements du 11 septembre 2001. Suite à ces paroles, le monde n’a pas été plus sûr ces 14 dernières années, bien au contraire.

La France invoque la clause de défense mutuelle …

Le 17 novembre, le gouvernement français invoque l’article 42.7 des traités européens et exige des Etats membres de l’UE le «soutien» qui y est prévu. L’article 42 contient des dispositions portant sur la politique de sécurité et de défense commune. Il est dit dans la première phrase de l’alinéa 7: «Au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etat membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unis.»
Dans l’UE, le paragraphe 7 est aussi communément appelé «clause de défense mutuelle» et exige davantage des autres Etats membres de l’UE que l’article 5 du Traité de l’OTAN. Alors que celui-ci permet aux Etats membres de l’OTAN de décider eux-mêmes de quelle manière ils veulent remplir leurs obligations de défense mutuelle, l’article 42.7 du Traité de l’UE exige des autres Etats membres, d’offrir «aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir» à l’Etat soumis à une agression armée sur son territoire.
L’article 42.7 sous-entend l’état de guerre. Le Traité de l’UE ne définit cependant pas concrètement l’utilisation de l’article 42.7. En conséquence, les commentaires actuels divergent. Les principaux médias allemands proches des politiciens varient entre apaisement et tambours de guerre.

… et l’Allemagne accepte

Alors que le 16 novembre plusieurs médias et politiciens allemands exprimaient de grands doutes quant à l’utilisation du mot «guerre» en rapport avec les attentats du 13 novembre, le gouvernement fédéral annonçait dans un communiqué de presse du 17 novembre – en citant la ministre de la Défense allemande Ursula von der Leyen – que l’Allemagne offrirait «aide et assistance par tous les moyens en [son] pouvoir». Donc, la ministre allemande de la Défense a repris le libellé de l’article 42.7 du Traité de l’UE et s’est ralliée à l’interprétation du président français que la France se trouve en état de guerre depuis le 13 novembre. Le communiqué de presse du gouvernement fédéral énonce par la suite sans aucune distance ou restriction l’invocation de l’article 42.7 par la France.
A la fin du communiqué de presse, il est dit: «La chancelière allemande Angela Merkel a déjà téléphoné samedi passé avec le président français François Hollande. Elle a condamné les attaques terroristes barbares dans les termes les plus forts et a souligné que l’Allemagne se tient fermement au côté de la France. L’Allemagne apportera tout soutien demandé par Paris dans la lutte contre le terrorisme. Mme Merkel a précisé que ‹Cette attaque contre la liberté ne concerne pas seulement Paris – elle nous concerne tous et nous frappe tous. C’est pourquoi nous donnerons une réponse commune›.»

Les doutes sérieux ne sont-ils plus que de la maculature?

Le 16 novembre, le porte-parole du SPD en matière de défense Rainer Arnold a encore mis en garde dans une interview accordé au Deutschlandfunk: «Je pense toujours à nos décisions concernant l’Afghanistan. Moi-même, mais probablement aussi d’autres députés ont discuté de ce sujet sous une haute pression émotionnelle. A cette époque, je me suis dit, indépendamment de la tragédie en cours, il faut absolument éviter que cela se reproduise. Nous devons faire ce qui a un sens réel. Nous devons avancer de manière sage en nous répartissant le travail. Il est évident que dans cette alliance contre le terrorisme, il se doit d’en parler et si la question est posée à l’Allemagne sur ce que nous pouvons faire de plus, alors il faudra en discuter. Mais lancer actuellement le débat, par exemple, sur la clause de défense mutuelle, que veulent nous imposer quelques généraux, ou peut-être quelques médias, je pense que ce n’est pas le moment.» Tout cela n’est-ce plus que de la maculature?

Qui pense aux victimes de la violence et de la guerre dans le reste du monde?

Les chefs d’Etats et de gouvernements de l’UE ont demandé à tous les citoyens de l’UE d’observer lundi 16 novembre une minute de silence à 12h00 en mémoire des victimes de Paris. Les politiciens ont déclaré qu’il s’agissait maintenant de la solidarité et de la défense commune des valeurs de la liberté et de la démocratie. Une partie des ministres de l’Education des Länder ont avisé le matin-même que toutes les écoles de leur Land observeront également cette minute de silence.
Que faut-il en penser? Malheureusement, ce lundi n’a pas été utilisé pour commémorer toutes les victimes de la guerre et de la violence dans le monde. Malheureusement, il n’y a eu aucune discussion sur les antécédents, les raisons pour lesquelles des jeunes gens pleins de haine et de fantasmes n’hésitent pas à détruire la vie de centaines de personnes en même temps que la leur.

Willy Wimmer: «Daech est une création de l’enfer organisé par nos amis»

Willy Wimmer, homme politique ayant siégé plus de 30 ans au Bundestag pour la CDU et ancien secrétaire d’Etat au ministère allemand de la Défense, a écrit deux jours après les attentats de Paris: «Nos expériences nous apprennent que dès le moment de l’attentat, des forces intéressées utilisent un tel crime odieux à leurs fins, et n’ont éventuellement même pas attendu le moment du massacre. Rappelons-nous: c’était au milieu des années 90, quand de hauts responsables du Secrétariat d’Etat des Etats-Unis appelaient les talibans afghans, à peine connus chez nous, ‹nos gars›. Et cela fut complété par la remarque suivante: ‹Les Afghans, on peut les louer mais jamais les acheter›. Les louer, naturellement pour faire valoir ses propres intérêts. Depuis lors, une trace de sang traverse ces deux décennies en passant par des financiers connus pour arriver actuellement aux organisations terroristes à l’instar de Daech. Les publications décrivant le rôle d’Etats dans ces activités sont si nombreuses qu’on est rapidement submergé par le déferlement d’informations. Parmi ces Etats on trouve – depuis les moudjahidin et les talibans – les Etats-Unis au sommet de la liste, mais également des forces saoudiennes, qataries et malheureusement aussi françaises et britanniques. Il suffit de relire les journaux locaux qui nous décrivent avec une grande clarté quels étaient les Etats ou forces qui ont soutenus et alimentés la guerre civile en Syrie. Sans ces forces, il n’ y aurait pas eu des centaines de milliers de victimes en Syrie. (mise en évidence par Horizons et débats) [...] Daech est une création de l’enfer organisé par nos amis.»
Est-il permis d’écrire encore de telles choses? N’affaiblit-on pas ainsi la capacité de défense et la légitime défense contre des attaques terroristes? Oui, il est nécessaire que de telles choses soient écrites actuellement. Tant qu’il n’y a pas de sincérité dans la lutte contre le terrorisme, il n’est pas possible de faire confiance à ceux qui prétendent vouloir lutter contre le terrorisme.

«Toute guerre est une défaite pour l’humanité»

«La guerre signifie toujours un échec pour la paix, elle est toujours une défaite pour l’humanité.» – Voilà ce que le Pape a déclaré, il y a plus de deux ans. Pourquoi cela ne serait-il plus valable? N’y aurait-il pas beaucoup moins de souffrance et de destruction si la communauté internationale se mettait d’accord de lutter contre toutes les forces commettant des actes de terrorisme – par tous les moyens légaux, que leur nom soit Daech ou autre, et en ne leur vendant plus d’armes, ne leur achetant plus de pétrole, ne leur procurant plus d’argent, ne leur offrant plus de refuges, etc., etc. – au lieu d’appeler à nouveau à la guerre?
Ne serait-ce pas vraiment plus sensé de s’en tenir au droit, avant d’enfreindre une fois de plus le droit en vigueur, comme si souvent au cours des 25 dernières années?     •

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