Suite au Congrès du parti AfD, l’Allemagne est-elle dans la folie des campagnes électorales?

Suite au Congrès du parti AfD, l’Allemagne est-elle dans la folie des campagnes électorales?

par Karl Müller

Lors de son Congrès des 30 avril et 1er mai, le jeune parti «Alternative für Deutschland» (AfD) a adopté son programme de base comprenant plus de 70 pages. Les sujets traités commencent, après un préambule, par le chapitre «Démocratie et valeurs fondamentales», suivi de «L’euro et l’Europe», puis suivent «Sécurité intérieure et justice», «Politique étrangère et sécurité», «Marché du travail et politique sociale», «Famille et enfants», «Culture, langue et identité», «Ecole obligatoire, Hautes écoles et recherche», «Migration, intégration et asile», «Economie, monde digital et protection des consommateurs», «Finances et imposition fiscale», «Politique énergétique», «Protection de la nature et de l’environnement, agri- et sylviculture» et finalement «Maintien des valeurs avant modernisation et nouvelles constructions».
Il faut pouvoir s’exprimer sur tous ces sujets, toutes les opinions peuvent, voire doivent, être acceptées et discutées de manière objective et controverse. Cependant, dans l’Allemagne politiquement correct cela n’est pas le cas. On préfère diffuser des étiquettes péjoratives: «populisme grossier» (Gerda Hasselfeldt, CSU), «parti de la droite extrémiste sans consistance» (Ralf Stegner, SPD), «réactionnaire» (Katrin Göring-Eckardt, Bündnis90/Die Grünen), etc. etc. Pour éviter toute confusion, il ne s’agit pas ici de faire de la réclame pour l’AfD: il s’agit de principes de la culture politique, alors qu’en Allemagne on assiste à une déculturation politique. Il suffit de lire les commentaires des médias et les prises de positions de certains politiciens après le Congrès.
Le Congrès avait invité un conférencier, en la personne de l’ancien président de la République tchèque, Vaclav Klaus. Dans les cercles politiquement corrects de l’UE, personne ne l’aime vraiment, car il a sa propre détermination. Il jette un regard critique sur l’UE et sur l’euro et il a longtemps hésité à signer le Traité de Lisbonne. Martin Schulz (SPD) et Daniel Cohn-Bendit (Bündnis 90/Die Grünen) s’étaient rendus eux-mêmes au château de Prague pour mettre fortement sous pression le Président. Ce fut leur façon de considérer la souveraineté d’un pays et l’indépendance d’un chef d’Etat. Le texte du Traité de Lisbonne était, à peu de choses près, le même que celui que les Français et les Néerlandais avaient refusé lors de consultations populaires. L’UE n’avait pratiquement pas touché au texte, se contentant de lui donner un autre nom, n’acceptant plus de consultation populaire, sauf pour l’Irlande qui est le seul pays de l’UE où cela est impératif. En un premier lieu, les Irlandais avaient également refusé ce texte. Mais après avoir été pris en étau, entre autre par une vaste attaque contre l’église catholique du pays. En fait, cela pouvait se justifier, mais le moment était très mal venu. De ce fait les Irlandais durent plier l’échine et accepter.
C’est donc ce Vaclav Klaus qui était l’invité de l’AfD en Allemagne. Ses paroles font réfléchir, non pas en ce qui concerne l’AfD, mais bien l’Allemagne.
Cet ancien président de la République tchèque s’exprima ainsi: «Le niveau de diabolisation de votre parti dans la politique allemande, dans les médias allemands et dans les sphères universitaires et culturelles est absurde et démesuré, c’est faux et mensonger, mais malheureusement cela prend racine dans de larges couches de la population.» Et M. Klaus de continuer: «La brutalité de ces attaques démontre que vous avez raison et que ces gens pleins de critiques sont gagnés par la peur. Ces gens ne veulent pas d’une pluralité de la pensée politique, ni de la démocratie. C’est pourquoi vous devez, vous, vous battre pour une pluralité formant la base de la démocratie, et pour la survie de pensées différentes, voire contraires. Votre parti doit refuser la pensée dite «correcte» et si destructrice. Il doit se battre contre la destruction de la démocratie dans la société allemande, car c’est une grave menace pour les libertés citoyennes du pays.» Et de poursuivre: «Votre Congrès actuel doit […] s’exprimer sur les fondements. Il doit clarifier explicitement le cadre de l’idéologie du parti, sans se perdre dans les détails des thèmes et des sous-thèmes, sans s’approfondir dans tous les domaines du discours politique. Il faut, par exemple, s’exprimer sur l’Europe, sur le phénomène migratoire, sur les réglementations et les manipulations croissantes non seulement de l’économie mais également de notre vie privée, sur l’attaque féroce de nos traditions, de nos mœurs, de nos coutumes et de nos valeurs, tous les fondements qui nous appartiennent et dont nous en avons eu l’héritage de nos parents et grands-parents. Vous devez décrire l’impasse désespérante, dans lequel se trouve l’Europe, et montrer la voie de sortie.»
Il n’est pas important de déceler si l’AfD y a réussi. Cependant, Vaclav Klaus entreprend une analyse qui doit nous alerter. Il décrit un comportement politique en Allemagne refusant toute décence dans le contact avec autrui et dans la conception de la démocratie.
Dans le quotidien «Bild» du 3 mai on lit: «La cheffe de la CDU Angela Merkel a indiqué pour la première fois, suite aux succès électoraux de l’AfD, une modification de sa politique. ‹Bild› a appris qu’elle aurait, selon certains participants, déclaré au sein du comité de direction de la CDU que le parti devait davantage se préoccuper des électeurs conservateurs se trouvant à la droite du centre politique. Elle aurait aussi proposé une nouvelle stratégie face à l’AfD. Il ne serait pas judicieux de s’en prendre continuellement à ce parti et à ses électeurs. Cela créerait des sentiments de solidarité».
Serait-ce une nouvelle tactique face aux résultats désastreux lors des dernières élections?
Toutefois: le lendemain, la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» annonçait que la Chancelière avait été mal comprise: «Selon des participants [de la direction de la CDU], l’AFP [agence de presse] aurait appris que les citations [parues dans ‹Bild›] ne correspondaient pas à ce qui avait été dit. Dans la centrale de la CDU, on a précisé qu’il n’avait pas été question d’un changement de direction de la politique.»
En résumé: tout comme dans d’autres pays européens, les cercles dirigeants politiques en Allemagne ne savent pas trop comment se comporter face à une population ne voulant plus les suivre. Nonobstant toutes les diffamations, de plus en plus de citoyens n’ont plus confiance dans cette politique dite «sans alternatives» et cherchent, eux-mêmes des alternatives. De manier le bâton pour imposer le «politiquement correct» n’est plus de mise. Une telle politique ne peut que causer des dommages à l’Allemagne de même que de graves pertes – tant en ce qui concerne la réputation que la paix intérieure. Y a-t-il vraiment un intérêt à cela?    •

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