L’Europe après le référendum britannique

L’Europe après le référendum britannique

par Karl Müller

D’abord, il faut les féliciter et il y a lieu de se réjouir: plus de 17 millions de citoyennes et citoyens britanniques ne se sont pas laissés intimider le 23 juin 2016: ni par leur Premier ministre David Cameron, ni par leur chancelier de l’Echiquier George Osborne, ni par Angela Merkel ou Siegmar Gabriel, ni par François Hollande, ni par Martin Schulz et Jean-Claude Juncker, ni par Donald Tusk. Ils ne se sont pas non plus laissés influencer par le président américain Barack Obama ou par les directeurs du FMI et de la Banque mondiale. Avec presque 52% des voix et une participation de plus de 70%, ils se sont exprimés en faveur de la sortie de leur pays de l’Union européenne. Voilà qui est remarquable!
Toutes les tentatives ultérieures de dégoûter les gens de la démocratie directe et de leur décision ne sont qu’une déclaration de faillite politique. Le président de la République fédérale allemande Joachim Gauck est probablement le plus emblématique parmi eux, lui qui a déclaré après la votation britannique que le problème n’étaient pas les élites mais désormais les «populations». Il n’a pas parlé de «peuples».
Gauck est représentatif de très nombreuses réactions publiques cacophoniques concernant ce référendum, qui ont toutes un point commun: elles font croire que les Britanniques ont voté pour leur propre effondrement et celui de l’Europe – ce qu’ils présentent comme un énorme problème, au lieu de faire ce qui serait adéquat: leur exprimer respect et considération pour le fait qu’ils viennent d’écrire un chapitre de l’histoire universelle – et cette fois de manière totalement pacifique.
Il est tout à fait normal que l’on discute de manière controversée les questions politiques, et que rien n’est, en politique, sans alternative. C’est justement le noyau essentiel de la politique de trancher entre diverses alternatives dont chacune a ses arguments. C’est le propre de la démocratie que les citoyens aient le dernier mot. Sinon à quoi bon les votations et les élections. Par nos temps si modernes, il ne faudrait alors plus que des ordinateurs de grande capacité (il y a plus de 2000 ans le philosophe Platon rêvait d’un règne des philosophes) truffés de toutes les informations et décidant des décisions optimales. Quelle idée absurde et inhumaine!
Dans le fond, toutes les personnes ayant des responsabilités à l’intérieur de l’UE et en Grande-Bretagne auraient dû se préparer aux deux résultats possibles afin de négocier en temps voulu les conséquences avec le calme, la prudence et le fair-play nécessaires. Mais ce que nous observons actuellement, nous rappelle plutôt un théâtre absurde, joué avec des rôles répartis d’avance, où personne ne doit savoir vraiment ce qui s’y joue.
Ceci laisse supposer que les responsables dans l’UE produisent toute cette agitation pour décourager d’autres peuples à en faire autant.
On pourrait également douter de l’honnêteté des intentions de certains hommes politiques ayant participé activement à la campagne de votation en faveur du Brexit et s’exprimant actuellement.
Mais pourquoi ne donne-t-on maintenant pas la parole aux plus de 17 millions de citoyens britanniques anonymes ayant voté avec leurs propres arguments en faveur de la sortie de l’UE?
Il est à conseiller de ne pas prêter trop d’importance à ce que disent ou écrivent les représentants de l’élite. En lieu et place, il faut un engagement pour prendre au sérieux la décision des citoyens britanniques.
Ce qu’il faut exiger de tous les politiciens responsables, c’est qu’ils se souviennent de ce qui est leur tâche, notamment d’être les serviteurs du peuple, les serviteurs des citoyens!
Cela reviendrait à mettre fin à toutes les menaces et bras de fer, à faire une pause et à se demander: que faut-il pour que les décisions politiques prises en Grande Bretagne et dans les autres Etats de l’UE correspondent à nouveau à la politique voulue du peuple?
Pour les responsables dans l’UE et en Grande-Bretagne cela signifie également de négocier les modalités de sortie de sorte que justice soit rendue aux Britanniques et aux peuples dans l’UE. Car l’obligation de la politique de réaliser le bien commun interdit à tout responsable de se limiter à ses propres intérêts au détriment de ses semblables et des peuples.
La crainte des responsables de l’UE de voir d’autres peuples imiter l’exemple britannique – au cas où les Britanniques s’en sortiraient trop bien – est si grande qu’ils tentent de traiter une sortie de l’UE comme un crime.
Si l’UE était vraiment si attrayante que l’on prétend, ce serait un jeu d’enfant pour elle de convaincre tous les autres peuples de ses avantages – d’accepter la décision des Britanniques et de faire tout pour qu’ils se portent aussi bien que possible à l’avenir – et hors de l’UE.
Paroles d’honneur, vous, les responsables dans l’UE, êtes-vous vraiment convaincus que votre union est la meilleure chose pour les Etats membres et pour les peuples? Ou bien, en vous interrogeant honnêtement, en doutez-vous aussi? En savez-vous trop sur le fait que l’UE sert d’autres intérêts que ceux des peuples?
L’argument massue actuel, avancé contre des réactions indésirables de la part des citoyens à une politique déplorable, est l’affirmation que de telles réactions sont le résultat d’une désinformation populiste. On prétend que les responsables politiques font tout juste et que sans l’intervention des populistes, les citoyens seraient prêts à les suivre. Ne serait-ce pas préférable que les hommes politiques comprennent les décisions prises par leurs peuples comme véritable mission en exprimant leur plus haute considération pour la volonté du peuple – et non, comme actuellement, en les boudant et en les menaçant?    •

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