Cheval de Troie berlinois: promotion du «pacte numérique#D»

Cheval de Troie berlinois: promotion du «pacte numérique#D»

Appel et pétition de la «Gesellschaft für Bildung und Wissen e.V.»

En octobre dernier, la ministre fédérale de l’éducation et de la recherche Johanna Wanka a annoncé la promotion d’un pacte numérique. En Allemagne, 40 000 établissements scolaires vont être équipés d’ordinateurs et de réseaux WiFi au cours des cinq prochaines années. Pour ce projet, le gouvernement fédéral compte investir 5 milliards d’euros pour les prochaines 5 années. Ce qui semble sympathique – 5 milliards d’euros pour les écoles – s’avère être un cheval de Troie.

Les coûts du matériel

Faisons le calcul: 5 milliards d’euros divisés par 40 000 établissements, pour 5 ans, cela fait à peu près 25 000 euros par établissement et année. Les frais réels pour le matériel informatique nécessaire sont beaucoup plus élevés. Dans une étude commandée par la fondation Bertelsmann, Andreas Breitner (Université de Brême) a élaboré deux scénarios.
Premier scénario: cinq élèves se partagent un ordinateur. Pour un établissement moyen de 750 élèves, les frais annuels se trouveraient dans une fourchette de 70 000 à 136 000 euros. Si chaque élève dispose de son propre ordinateur, la fourchette est entre 240 000 à 350 000 euros par établissement et par an. Au niveau fédéral, les frais seraient donc entre 534 millions et 2,62 milliards d’euros par an uniquement pour le matériel. Les frais pour les techniciens, la mise à jour et les licences de logiciel sont non compris. Les salles ne sont pas encore chauffées, les enseignants ne sont pas encore formés ni payés. En outre, on charge les Länder des frais ultérieurs pour les techniciens, la maintenance, les mises à jour, les licences de logiciel et on accapare ainsi indirectement des moyens financiers des Länder.

Du clientélisme au lieu de soutien scolaire

Mme Wanka part de l’idée que l’ordinateur et l’informatique sont les «meilleurs outils pour la bonne formation au XXIe siècle». D’où elle sort cette idée, c’est son secret à elle. Il n’y a pas d’études scientifiquement validées pouvant prouver le bénéfice de la technique numérique pour l’enseignement. Toutes les études connues démontrent plutôt le contraire, dernièrement l’étude de l’OCDE «Students, Computers and Learning». Citation: «L’utilisation renforcée de médias numériques ne mène évidemment pas en soi à une meilleure performance des étudiants. Le succès dépend beaucoup plus de l’enseignant.» Dans la même étude de l’OCDE, on peut lire comment soutenir les élèves pour garantir le respect du principe d’égalité des chances: c’est par l’«encouragement des connaissances de bases en mathématiques et dans l’écriture.» Selon l’OCDE, cela aide davantage à respecter l’égalité des chances en matière de formation plutôt que d’attribuer davantage d’argent et de faciliter l’accès aux appareils et services informatiques». Quelles écoles voulons-nous?

Dévalorisation des enseignants et de la communauté sociale

En «échange des soutiens financiers», on exige des concessions représentant une ingérence massive dans le profil professionnel et la perception de soi de l’enseignement. Les enseignants vont être formés à l’utilisation des médias numériques, pour les élèves. C’est une réduction de l’enseignement en général pour développer celui des médias.
En même temps l’emploi de la technique numérique comme seule technique médiale en cours est contraignant, ce qui représente une ingérence directe dans la liberté de l’enseignement et de méthode des enseignants. On ne fait pas de différence ni concernant l’âge, ni le type de l’établissement ni le contenu de l’enseignement ce qui, d’un point de vue de la pédagogie et de la psychologie du développement et de l’apprentissage représente un réel déficit.
La tâche de développer des concepts pour «un enseignement numérique» méconnait déjà à la base qu’il n’existe ni un enseignement numérique ni une formation numérique. Le mot «enseignement» demande forcément une interaction entre l’enseignant et les apprenants. La formation est intimement liée à une personne et non pas à des formats de stockage de données. Quiconque parle au nom du ministère fédéral de la science doit différencier correctement entre «les médias numériques en cours» et des phases d’apprentissage autonome à l’aide d’appareils électroniques et de médias. En outre, il faut faire la différence entre les médias offline et médias online. Quant aux médias online, le point caractéristique est qu’il faut une voie de retour permanente et qu’il faut stocker et valoriser toutes les données («Big Data Mining»). La mesure psychométrique de l’être humain et le fait de tester des élèves constituent la base pour l’apprentissage dit «individualisé et personnalisé»: des algorithmes calculent les prochains exercices à l’aide de la reconnaissance de modèles et de la statistique. En réalité, l’être humain devient lui-même un ensemble de données.
Le manque de règles en matière de protection des données lors de la récolte et de l’analyse des données rendent l’utilisation de ces techniques dans le domaine scolaire inapplicable tout comme le concept de base de la «production numérique du capital humain avec des compétences évaluées.» En outre, il faut encore mentionner que le travail individualisé avec des appareils électroniques isole les élèves et dissout la communauté de classe sociale et solidaire. Socialement isolé, l’être humain devient facilement victime d’influences – y compris par une voix numérique.
Quiconque ordonne aux enseignants l’application de normes techniques communes et l’entretien des infrastructures numériques ne se rend pas compte de la complexité de la tâche. Un exemple: Depuis 2009, on développe un logiciel pour un «procédé de service orienté sur le dialogue» devant réguler au niveau fédéral l’attribution des places d’études à accès limité. Jusqu’à présent, ce système a coûté 15 millions d’euros. En 2016, 19% des places d’études sont accessibles à l’aide de cette plateforme. Avec ce système, il ne s’agit que de 4000 cursus d’études dans 426 universités. La coordination des systèmes techniques pour 40 000 établissements scolaires au niveau fédéral sera encore beaucoup plus compliquée.

Base juridique faible et fausse compétition

Le fait que Mme Wanka se trouve en terre juridiquement inconnue – car l’enseignement et la formation sont le domaine des Länder – complète l’image. Son engagement pour les techniques informatiques dans les établissements scolaires est une constante – en 2000 déjà, elle faisait la promotion pour des classes de «portables», en 2009, pour les classes de «tablettes». Actuellement, en tant que ministre fédérale, elle tente de contourner l’interdiction de la coopération, à l’aide du paragraphe 91c. Cela peut paraître juridiquement original – si c’est conforme au droit, c’est en cours de vérification. Etant donné que les établissements sont systématiquement et en permanence en manque de moyens financiers, elle les met en concurrence les uns contre les autres. Car la «manne financière» n’est pas répartie équitablement mais n’est attribuée qu’aux établissements ayant proposé un concept de «formation numérique». La stratégie double est qu’ainsi, on favorise les concepts voulus, tout en créant une désolidarisation systématique des établissements et des collègues puisqu‘ils doivent entrer en concurrence avec leurs concepts.

Lernfabrik 4.0: du behaviorisme au lieu de formation

Le «pacte numérique#D» fait partie de la nouvelle définition de l’école et de l’enseignement en voie vers une «fabrique pour apprentissage 4.0» (Lernfabrik 4.0) de plus en plus automatisée et gérée numériquement.
On y dégrade les enseignants en travailleurs sociaux et accompagnateurs d’apprentissage. L’objectif est de remplacer l’enseignement par l’instruction automatisée à l’aide de logiciels numériques et de systèmes linguistiques. Ces modèles ne nous parviennent pas de la pédagogie mais de la cybernétique et du behaviorisme. Ils ne sont pas neufs, ils correspondent plus ou moins à «l’apprentissage programmé» des années 1960, actualisé par la nouvelle technologie informatique et le Big Data Mining comme autorité de contrôle et de domination à l’arrière-plan. Ce ne sont plus des écoles mais des systèmes d’apprentissage contrôlé, basés sur le web, calculés par des algorithmes. Les Américains aisés, et la plupart des leaders de la Silicon Valley, envoient leurs enfants dans des écoles avec des enseignants vivants et empêchent ainsi que leur progéniture soit scolarisée automatiquement par des logiciels des systèmes linguistiques. Martin Schulz, président du Parlement européen, écrivit en 2014: «Les multinationales de l’Internet et les services de renseignements veulent l’homme entièrement déterminé. Si nous voulons continuer à être libres, nous devons nous défendre et changer de politique.» Cela vaut surtout pour la politique de l’enseignement. Elle doit se séparer de la focalisation sur la technique numérique pour à nouveau s’approcher des hommes et de leurs manières d’apprendre et de se former afin que les générations futures puissent profiter d’un avenir humain et démocratique.

Sept demandes

Ce qu’il faut exiger en lieu et place des infrastructures et du matériel informatiques:
Quelles (hautes) écoles voulons-nous?

  1. En Allemagne, les écoles et les hautes écoles sont des établissements de formation en traditions humanistes et démocratiques. Elles doivent placer l’être humain au centre et non pas des systèmes techniques et leurs cycles de développement. Ce qu’il faut, c’est davantage d’enseignants, de mentors et de tuteurs mais pas de matériel informatique.
  2. Les médias et leur utilisation sont des outils de l’enseignement dans un contexte pédagogique ou didactique. Ce sont d’éventuels moyens auxiliaires pour faciliter l’enseignement et l’apprentissage. Les enseignants sont les seuls à décider de l’utilisation sensée des supports d’apprentissage sur la base de leur formation et selon leur droit fondamental garantissant la liberté de l’enseignement et de méthode.
  3. Ni les enseignants ni les élèves peuvent être forcés d’utiliser des appareils numériques, tels les tablettes ou les smartphones pendant les cours. Tout enfant doit avoir la possibilité de suivre l’enseignement et de faire ses devoirs sans appareils électroniques sans être défavorisé.
  4. Personne n’a le droit d’enregistrer ou d’échanger entre eux les données des écoles et des élèves ou de les utiliser pour profils d’apprentissage. Les données des élèves, en tant que mineurs juridiquement protégés, sont protégées par la loi allemande. Il est urgent de légiférer dans ce domaine avant d’installer des systèmes techniques.
  5. Selon les pédiatres, les spécialistes des sciences de la cognition, les représentants de la recherche sur l’impact médiatique et la pédagogie, les médias avec écrans pendant les premières années de scolarité n’aident pas à l’apprentissage
  6. Les compétences médiatiques pour garantir les chances de formation sont la lecture, l’écriture et le calcul. Tout investissement dans ces techniques culturelles et l’encouragement à la lecture sont décisifs pour des parcours scolaires réussis.
  7. Toute utilisation des médias en classe doit être évaluée du point de vue pédagogique: cela dépend de l’âge et de la situation d’apprentissage.

PS: La question de la numérisation se pose différemment dans les écoles professionnelles. Les apprenants sont des jeunes adultes, dont on peut attendre davantage de responsabilité dans l’utilisation des médias numériques. Ces écoles doivent être bien équipées pour former les jeunes gens de manière à ce qu’ils soient aptes à la réalité du terrain.    •

Contacts: Prof. Dr. R. Lankau, Fakultät M+I, HS Offenburg, Badstr. 24, 77652 Offenburg; Dr. Matthias
Burchardt, Institut für Bildungsphilosophie, Anthropologie- und Pädagogik der Lebensspanne, Universität zu Köln, Albertus-Magnus-Platz, 50931 Köln;
Peter Hensinger, Bismarckstr. 63, 70197 Stuttgart

Premiers signataires (état au 2 novembre 2016)

Prof. Dr. Hans-Jürgen Bandelt, FB Mathematik, Universität Hamburg • Prof. Dr. Peter Bender, Institut für Mathematik, Universität Paderborn • Prof. Dr. Armin Bernhard, Allgemeine Pädagogik, Universität Duisburg-Essen • Prof. Dr. Peter Buck, Pädagogische Hochschule, Institut für Sachunterricht, Im Neuenheimer Feld 561, 69120 Heidelberg • Dr. Matthias Burchardt, Universität zu Köln • Dr. Burkard Chwalek, OStr. i. K., Lehrer am Gymnasium (Latein, Geschichte, Philosophie), Hildegardisschule Bingen • Prof. Dr. Karl-Heinz Dammer, Institut für Erziehungswissenschaft, Abteilung Allgemeine Pädagogik, Pädagogische Hochschule Heidelberg • Prof. Dr. Ursula Frost, Universität zu Köln • Prof. Dr. Andreas Gruschka, Erziehungswissenschaften, Goethe Universität Frankfurt • Prof. Dr. Dr. Wolfgang A. Halang, Informationstechnik, FernUniversität Hagen • Prof. Dr. Ulrich Heinen, Gestaltungstechnik und Kunstgeschichte, Dekan der Fakultät Design und Kunst, Bergische Universität Wuppertal • M.A. Peter Hensinger, Diagnose Funk • Dr. Anette Hettinger, Pädagogische Hochschule Heidelberg • Prof. Dr. Edwin Hübner, Freie Hochschule Stuttgart, Stuttgart • Dr. phil. Beat Kissling, Erziehungswissenschaftler & Psychologe, Kantonsschullehrer & Hochschuldozent • Prof. Dr. Hans Peter Klein, Universität Frankfurt • Josef Kraus, Gymnasiallehrer und Schulleiter i.R. • Prof. Dr. Jochen Krautz, Fakultät für Design und Kunst, Bergische Universität Wuppertal • Prof. Dr. Volker Ladenthin, Lehrstuhl für Historische und Systematische Erziehungswissenschaft, Bonn • Prof. Dr. phil. Ralf Lankau, Hochschule Offenburg • Ingo Leipner, Journalist, Bensheim • Prof. Dr. Gerhard Lembke, Duale Hochschule Mannheim • Prof. Dr. Peter Lutzker, Anthropologie, Freie Hochschule Stuttgart • Prof. Dr. Pierangelo Maset, Institut für Kunst, Musik und ihre Vermittlung, Leuphana Universität Lüneburg • apl. Prof. Dr. Niko Paech, Eibenweg 26, 26131 Oldenburg • Prof. Dr. Ingo Reuter, Viersen • Dr. Klaus Scheler, Pädagogische Hochschule, Heidelberg • Prof. Dr. Roy Sommer, Anglistische Literatur-, Kultur- und Medienwissenschaft, Bergische Universität Wuppertal • Prof. Dr. Hubert Sowa, Professor für Kunst und ihre Didaktik, Pädagogische Hochschule Ludwigsburg • Prof. Dr. Dr. Manfred Spitzer, Psychiatrische Universitätsklinik & Transferzentrum für Neurowissenschaften und Lernen, Universität Ulm • Hagen Steffel, Wissenschaftlicher Mitarbeiter, Institut für Kunst, Musik und ihre Vermittlung, Leuphana Universität Lüneburg • Prof. (em.) Dr. Gertraud Teuchert-Noodt, Neurobiologie, Universität Bielefeld • Prof. Dr. Werner Thiede, Richard-Wagner-Strasse 8, D-75242 Neuhausen • Prof. Dr. Christoph Türcke, Hochschule für Grafik und Buchkunst Leipzig • Prof. em. Dr. Rainer Winkel, Erziehungswissenschaft, Berlin • Dr. phil. Lutz Wittenberg, Erziehungswissenschaftler und Berufsschullehrer, Oberwangen, Schweiz

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