Courrier des lecteurs

Courrier des lecteurs

Jürgen Rose et le «trio infernal»

Lorsque nous avons entendu le nom de F. W. Steinmeier se présentant comme candidat à l’élection à la Présidence fédérale allemande, il nous est aussitôt venu à l’esprit le terme de «trio infernal» utilisé par Jürgen Rose dans son récent article [cf. Horizons et débats no 25/26 du 14/11/16] en parlant de Mme von der Leyen et des MM. Gauck et Steinmeier aspirant aux rôle de chef de file en Europe pour créer «une nouvelle politique de force allemande soumise au pouvoir militaire». Cela reviendrait à envoyer la Bundeswehr – conçue selon la Loi fondamentale comme une armée purement défensive –, sous le couvert de la politique de sécurité, pour y participer à des guerres, dans le monde entier.
A cela s’ajoutent les déclarations de M. Steinmeier selon lesquelles, bien que cette fonction ne soit que représentative, il ne se priverait pas de continuer à exprimer ses vues politiques en cas d’élection.

Gisela et Ingo Kersten

La famille en RDA

J’ai bien aimé l’article «La famille en RDA» [Horizons et débats no 27 du 28/11/16, p. 8], cependant quelque chose m’a troublé. L’article m’a plu parce qu’il illustre bien la valeur et l’importance de la famille pour l’éducation des enfants et la vie en général. Ce qui m’a troublé, c’est qu’on a comme l’impression que, contrairement à l’Allemagne occidentale de l’époque et d’aujourd’hui, la RDA aurait été un véritable lieu de protection de la famille.
S’il ne s’agit pas d’un malentendu de ma part, cette impression n’est certes qu’une seule part de la vérité. Ce serait certainement une erreur de croire que le régime de la RDA était réellement intéressé à protéger la famille. C’était plutôt une concession pour des raisons politiques.
Je vous écris en tant qu’ancien citoyen de l’Allemagne de l’Est. J’y ai passé mes premières 9 années. Les 30 années suivantes, jusqu’à la chute du mur, je suis resté en contact régulier par écrit avec divers membres de la famille et je suis souvent allé les voir.
Il est vrai que la famille en RDA n’a pas été confrontée aux mêmes ruptures qu’en Occident au cours des années soixante et soixante-dix et jusqu’à aujourd’hui. Mais il y a eu d’autres ruptures: l’Etat a toujours tenté d’avoir une forte influence sur les enfants, et dès la petite enfance, afin de les dérober à l’influence de leur famille; ceci n’est pas un préjugé. Pour mon père c’était une des raisons de quitter ce pays, quand il a réalisé que son petit garçon portait avec grande fierté le foulard bleu des Jeunes Pionniers autours du cou.
La RDA n’a pas eu besoin d’un mouvement des années soixante-huit comme les pays occidentaux – car le socialisme était déjà le pouvoir étatique et ne tolérait aucune opposition. Certes, en RDA, on voyait l’être humain comme un être social dès la naissance mais on ne peut pas en déduire qu’on reconnaissait à la famille une importance primordiale. Du point de vue des responsables politiques de la RDA, cela signifiait plutôt que la grande société socialiste avait le devoir d’éduquer les enfants et non pas la famille bourgeoise, dont Karl Marx s’était moqué dans son Manifeste communiste – sans parler de sa propre manière de vivre.
Le fait que la famille en RDA ait mieux survécu qu’en Allemagne de l’Ouest est – outre le climat politique sans réelle opposition – plutôt dû au fait que les responsables politiques du pays, malgré leur propre idéologie, n’avaient pas perdu tout bon sens. Contrairement aux mouvements contestataires estudiantins en Occident, ils se sentaient responsables de la situation de la population, car sinon, ils auraient pu perdre leur base du pouvoir. C’est pourquoi il ne fallait, outre les méthodes d’éducation socialistes antifamiliales utilisées fréquemment, pas trop toucher à la famille à cause de son importance pour la productivité et la cohésion sociale. Les contre-révolutionnaires chinois ont démontré ce qui se passe quand on détruit la famille: le déclin économique.
La préservation de la famille fut néanmoins une base sur laquelle un mouvement d’opposition put se former, qui – et c’est l’ironie de l’histoire – entraîna finalement la disparition de la RDA. Quand Modrow, le cofondateur du «Nouveau Forum» et ministre du gouvernement de transition, se montre outré par les idées antiautoritaires de l’Ecole de Francfort et de ses adeptes dans une citation de l’article, il ne s’exprime déjà plus en tant que représentant de «la RDA». C’est le mouvement citoyen, soutenu par les églises et les familles, qui a fini par enterrer la RDA socialiste.
D’après mon expérience personnelle, le fait que la famille ait pu survivre en RDA exprime le rejet naturel de la pratique socialiste par les êtres humains. Afin d’éviter une vue historique erronée de la RDA, il m’importait de compléter l’article par ces informations.

Christian Fischer, Cologne

Remarque de la rédaction: La lettre de lecteur ci-dessus apporte un complément important aux deux contributions de notre édition no 27, car évidemment ni notre rédaction, ni les auteurs des articles ne veulent nier les problèmes, cités par l’auteur de cette lettre. Cependant, il est important que nous, habitants des pays dits occidentaux, nous nous demandions, comment notre critique, souvent âpre de la politique familiale de l’ancienne RDA est compatible avec le fait que nous-mêmes en «Occident» méconnaissons l’importance de la famille au point d’en nier la nature humaine.

«Enseignement axé sur les compétences» et déclin du système de formation dans les Etats de l’OCDE

Selon les «Bases du Plan d’études 21», le système scolaire suisse qui a fait ses preuves doit être transformé par l’«enseignement axé sur les compétences» (définition Weinert) de l’OCDE. (www.lehrplan.ch/sites/default/files/Grundlagenbericht.pdf)
L’organisation économique OCDE, fondée en 1961, veut ouvrir le marché global de l’enseignement à l’aide de l’«enseignement axé sur les compétences et leur gestion» et par «l’apprentissage autoguidé». Un des objectifs est le déclin de la souveraineté des Etats et pour 2017 plus de 6000 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour les multinationales engagées dans la formation (ordinateurs, tablettes, logiciels, unités d’enseignement prêtes à l’usage, batteries de tests, etc.).
Ces réformes, initiées au milieu des années 1960 aux Etats-Unis et les nouveaux plans d’études y ont mené au déclin massif du système de formation, ayant notamment affecté les élèves faibles. Dans les années 1970, on a effectué la plus grande expérience scolaire mondiale avec 100 000 élèves et 1 milliard de dollars à disposition, pour trouver la meilleure méthode de soutien aux élèves faibles. Bien que toutes les universités d’élites y aient participé, seul l’«enseignement direct» (enseignement traditionnel en classe) d’un enseignant expérimenté a pu remplir les objectifs d’amélioration fixés dans toutes les branches. Malgré ce résultat, les politiciens responsables de l’enseignement ont privilégié, au niveau des finances, les méthodes ayant échoué. C’est la raison pour laquelle le niveau de formation extrêmement bas des Etats-Unis ne s’est plus jamais amélioré.
L’introduction de méthodes d’apprentissage «individualisées» et «autorégulées» avec des «accompagnateurs» au lieu d’enseignants dans les écoles uniques a mené, au cours des années 1980 en Grande-Bretagne, à un déclin des performances. En 1993, le gourou de l’éducation du parti travailliste a rendu responsable son propre parti de l’échec de la formation scolaire et de la transmission de valeurs morales durant des décennies, ainsi que de l’abandon des élèves les plus faibles.
En 1990, la Finlande a introduit un plan d’études national avec «enseignement axé sur les compétences» et une «école unique». On a voulu se détourner du bon système scolaire prévalant jusque là, pour s’adapter aux temps «modernes». Grâce aux avantages restants de l’ancien système scolaire, la Finlande a obtenu une place de pointe dans les épreuves PISA en 2006. Mais lorsque les anciens enseignants qualifiés ont été majoritairement remplacés par des «accompagnateurs d’apprentissage» nouvellement formés, le «pays modèle» a fait une chute dans les tests PISA en 2009 et a perdu 25 points, ce qui correspond à une année entière d’études. Entre-temps, la Finlande se détourne des réformes de l’école unique et réintroduit des écoles spécialisées.
En 2000, la Nouvelle-Zélande a introduit un nouveau plan d’études orienté sur les compétences similaire à celui de la Grande-Bretagne. Depuis 2002, les résultats des tests PISA de ce pays se trouvent en chute libre. En 2001 47% des élèves de 12 ans étaient capables d’effectuer des multiplications simples; en 2009, ils n’étaient plus que 37%!
Opposons-nous à l’enterrement subreptice de l’excellent système scolaire suisse sans que le peuple ait eu voix au chapitre!

Peter Aebersold, Zurich

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