On ira tous au paradis fiscal

«‹The new Switzerland›, c’est ainsi que l’agence Bloomberg appelle les Etats-Unis, baptisés désormais ‹plus grand paradis fiscal au monde›. Alors que les banques suisses ont payé 5 milliards d’amendes pour avoir aidé des clients américains à évader le fisc, la perte réelle est la migration de la clientèle internationale en direction du paradis fiscal bien plus sûr et plus stable que sont les Etats-Unis.

On ira tous au paradis fiscal

par Myret Zaki*

«Il est évident que seuls les Etats puissants se donnent le droit de récupérer, par les moyens qu’ils jugent bons, les recettes fiscales qui leur échappent, tout en prospérant grâce à l’évasion fiscale qu’ils offrent sur leur propre territoire aux ressortissants d’autres pays.»
C’est un extrait du livre «Le secret bancaire est mort, vive l’évasion fiscale», paru il y a six ans. Il est présomptueux de se citer soi-même. Mais force est de constater que cet ouvrage, qui prédisait que les Etats-Unis récupéreraient la clientèle internationale des banques suisses, offrait une analyse réaliste.
Ces dernières années, il y a eu débat incessant en Suisse: les attaques américaines contre le secret bancaire relèvent-elles d’une guerre économique, ou d’un juste combat visant à éradiquer l’évasion fiscale, chez les banques américaines en tête? Nos contradicteurs soutenaient sincèrement que Washington adopterait sans faillir les standards mondiaux d’échange d’informations fiscales. Ils envisageaient sérieusement qu’un marché de plus de 15?000 milliards de dollars d’avoirs défiscalisés – à l’aide de structures anglo-saxonnes pour l’essentiel – se régulariserait d’un coup de baguette réglementaire magique. Ils doivent aujourd’hui déchanter.

Les Etats-Unis récupèrent le marché offshore

«The new Switzerland», c’est ainsi que l’agence Bloomberg appelle les Etats-Unis, baptisés désormais «plus grand paradis fiscal au monde». Alors que les banques suisses ont payé 5 milliards d’amendes pour avoir aidé des clients américains à évader le fisc, la perte réelle est la migration de la clientèle internationale en direction du paradis fiscal bien plus sûr et plus stable que sont les Etats-Unis.
Bloomberg évoque un mouvement de fond des avoirs privés des juridictions telles que la Suisse, les Bahamas, les Caïmans, les îles Vierges, les Bermudes vers les Etats-Unis, qui offrent une vraie confidentialité, parfaitement décomplexée. Quel Etat, en effet, rappellerait à l’ordre Washington? En Suisse également, des firmes conseillent à leurs clients, suisses et internationaux, de transférer leurs avoirs outre-Atlantique, que ce soit au Nevada, au Wyoming ou au Dakota du Sud.
C’est pragmatique: les Etats-Unis ont réussi à se dispenser des nouveaux standards de transparence qu’ils ont eux-mêmes contribué à édicter, tels que Fatca, une loi américaine, ou le standard international de l’échange automatique d’informations de l’OCDE, dont Washington n’est pas signataire.
Malgré le refus de signer ces conventions, les Etats-Unis ne se retrouvent pas pour autant sur la liste noire de l’OCDE. Dès lors, pourquoi s’en priveraient-ils? La seule limite légale est que les firmes américaines n’ont pas le droit de promouvoir activement l’aide à l’évasion fiscale.

Les avoirs privés divisés par deux en Suisse

A ce jour, dissimuler son identité grâce à des structures américaines opaques est simple comme bonjour: si un riche Mexicain ouvre un compte dans une banque américaine au nom d’une société des îles Vierges, seul le nom de la société sera transmis aux îles Vierges, sans que le nom de l’ayant droit véritable du compte soit jamais transmis au Mexique.
Si un résident de Hongkong souhaite échapper au radar des autorités chinoises, il lui suffit de mettre ses avoirs dans une société LLC (Limited Liability Company) du Nevada, détenue par un trust de ce même Etat, ce qui lui garantira qu’aucun document fiscal susceptible d’être échangé avec Hongkong ne sera généré aux Etats-Unis. Qui dit mieux? Une certitude: les avoirs privés étrangers placés dans des banques en Suisse sous forme de titres ont fondu de moitié entre 2007 et 2015, passant de 1109 à 516 milliards de francs, selon la Banque nationale suisse (BNS).
Encore des doutes sur la raison (fiscale) du plus fort?    •

*    Myret Zaki est née au Caire en 1973 et vit depuis 1981 à Genève. En 1997, elle fait ses débuts dans la banque privée genevoise Lombard Odier Darier Hentsch & Cie. Puis, dès 2001, elle dirige les pages et suppléments financiers du quotidien «Le Temps». En octobre 2008, elle publie son premier ouvrage «UBS, les dessous d’un scandale» qui raconte comment la banque suisse est mise en difficulté par les autorités américaines dans plusieurs affaires d’évasion fiscale aux Etats-Unis et surtout par la crise des subprimes. Elle obtient le prix de Journaliste Suisse 2008 de «Schweizer Journalist». En janvier 2010, Myret Zaki devient rédactrice en chef adjointe du magazine Bilan. Cette année-là, elle publie «Le Secret bancaire est mort, vive l’évasion fiscale», où elle expose la guerre économique qui a mené la Suisse à abandonner son secret bancaire. En 2011, elle publie «La fin du dollar» qui prédit la fin de la monnaie américaine à cause de sa dévaluation prolongée et de la dérive monétaire de la Réserve fédérale. En 2014, Myret Zaki est nommée rédactrice en chef de Bilan. Elle est favorable au protectionnisme en temps de guerre économique et considère le libre-échange comme une utopie.

Source: Bilan du 24/2/16; <link http: www.bilan.ch myret-zaki redaction-bilan ira-paradis-fiscal>www.bilan.ch/myret-zaki/redaction-bilan/ira-paradis-fiscal 

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