Pour motiver les électeurs suisses à une plus grande participation aux votations et aux élections fédérales, le conseiller national Lorenz Hess (PBD BE) a déposé une initiative parlementaire, demandant l’ajout suivant à l’article 136 de la Constitution fédérale:
«La participation aux votations et aux élections fédérales est obligatoire jusqu’à l’âge de 65 ans. Quiconque ne s’acquitte pas de cette obligation et ne présente pas d’excuses doit payer une amende. Les montants des amendes sont fixés par les cantons, seuls bénéficiaires.» (Initiative parlementaire Hess Lorenz 15.498. Activer la démocratie directe. Introduire le vote obligatoire)
Le conseiller national Lorenz Hess prend modèle sur le canton de Schaffhouse: «Avec l’introduction de ce système, le modèle de Schaffhouse, au niveau fédéral, nous pourrions probablement créer une différence: de la participation actuelle d’environ 45% – en général –, à environ 65% comme à Schaffhouse.» (Initiative parlementaire 15.498 Hess Lorenz. Débat au Conseil national du 6/6/17)
Il est vrai que chaque taux de participation dans le canton de Schaffhouse se situe, lors des votations fédérales, bien au-delà des taux des autres cantons. Dans le passé, plusieurs cantons connaissaient une dite «contrainte de vote» alors qu’aujourd’hui, Schaffhouse est le seul canton connaissant l’obligation législative d’aller voter.
Art. 9 Loi électorale:
La participation aux votations fédérales, cantonales et communales et aux élections, ainsi qu’aux réunions communales est obligatoire jusqu’à l’âge de 65 ans. Ceux qui omettent d’accomplir ce devoir sans excuses doivent payer 6 francs (depuis 2015, auparavant 3 francs).
Concernant les excuses, il n’y a pas de règles strictes (elles doivent arriver au plus tard le troisième jour après la votation avec indication des raisons, qui ne seront cependant pas vérifiées; art. 10 Loi électorale)
On ne peut cependant guère conclure que la meilleure discipline des électeurs de Schaffhouse résulte du fait que les électeurs peu coopératifs seraient motivés par une amende, comme l’affirme le conseiller national Hess: «Mais on pourrait également dire comme dans d’autres domaines de la vie: ce qui ne coûte rien ne vaut rien.» (Lorenz Hess. Débat du Conseil national le 6/6/17)
Pour beaucoup de Schaffhousois ce n’est pas que l’obligation de s’excuser ou de payer 6 francs qui les fait aller régulièrement à l’urne ou au vote par correspondance. Au contraire, l’accomplissement du vote obligatoire civique est devenu une tradition dont la grande majorité de citoyens apportent leur soutien. Le vote obligatoire est en vigueur depuis 1892 et a survécu à plusieurs tentatives d’abolition, comme par exemple l’initiative populaire «Pour l’abrogation du vote obligatoire» ayant récolté 18 849 Non et 10 758 Oui.
Donc, on ne peut guère parler d’un «vote obligatoire». En démocratie directe, ce sont de toute façon les citoyens qui décident comment ils veulent concevoir leurs droits et leurs devoirs politiques. Le vote obligatoire est une convention voulue par le souverain schaffhousois dans le but de se rappeler eux-mêmes que les droits politiques de grande portée du peuple suisse ne comprennent pas que des droits, mais également des obligations.
Bien que la réglementation schaffhousoise soit reconnue au sein du Conseil national, l’initiative parlementaire de Lorenz Hess n’a obtenu que peu de soutien. La Commission des institutions politiques du Conseil national «reconnaît que l’obligation de participer aux votations populaires dans le canton de Schaffhouse semble porter des fruits. Pourtant, elle préfère renoncer à cet instrument au niveau fédéral et rejette l’initiative parlementaire du conseiller national Lorenz Hess (PBD, BE) par 22 voix contre 2.» (Communiqué de presse du 18/11/16). Le 6 juin 2017, le Conseil national a rejeté avec une grande majorité par 166 voix contre 13 et 10 abstentions l’introduction d’un vote obligatoire au niveau fédéral. Pour la grande majorité des membres du Conseil national, la liberté du citoyen priorise toutes autres réflexions: «La participation aux votations populaires n’est pas obligatoire, c’est un droit. C’est l’affaire des partis et d’autres organisations politiques de motiver les citoyens à exercer ce droit.» (Communiqué de presse de la Commission des institutions politiques CIP-CN du 18/11/16)
Il convient d’ajouter: l’affirmation, selon laquelle la majorité des Suisses ne vont pas voter s’est avérée fausse. En réalité, plus de trois quarts des électeurs participent aux élections et aux votations.
Dans le débat du Conseil national du 6/6/17, le conseiller national Peter Keller (UDC Nidwald) attire l’attention sur le fait que la participation des électeurs suisses s’avérait en réalité beaucoup plus élevée que prévu. Une étude menée par le politologue Adrian Vatter a montré, «… que ce ne sont pas toujours les mêmes 40% qui vont voter et pas toujours les mêmes 60% qui n’y vont pas, mais que les gens y vont de manière sélective, selon les sujets, et que dans l’ensemble plus des trois quarts de la population suisse vont voter.» (Initiative parlementaire 15.498 Hess Lorenz. Débat du Conseil national le 6/6/17)
D’ailleurs, il y aurait encore beaucoup plus de citoyens participant aux votations, si les décisions populaires à prendre étaient toutes mises en œuvre par les gouvernements et les parlements, comme cela était usuel avant la fièvre de la mondialisation et la manie de l’UE développées chez les responsables en politique et dans l’administration.
Malgré tout, nous devons nous demander pourquoi dans le meilleur de tous les modèles démocratiques un nombre assez important de citoyens, notamment de jeunes adultes, ne montre pas d’avantage d’intérêt pour les affaires politiques au niveau fédéral, cantonal et communal et ne participent donc que rarement aux votations populaires. Comme mentionné plus haut, l’abstentionnisme ne peut pas être réglé par un vote obligatoire. Le seul moyen possible réside en la motivation mutuelle des citoyens, par exemple dans les parties politiques, selon la CIP-CN.
Il convient d’ajouter: en premier lieu, c’est le devoir de la formation civique et de l’éducation des jeunes au sein de la famille, à l’école et dans les associations de jeunes. Il s’agit de guider les générations futures et d’être des modèles pour qu’ils deviennent des citoyens actifs dans leur communauté. C’est une grande joie de voir des enfants accompagner leurs parents au bureau de vote ou discuter à la table familiale sur les sujets des votations. La fête communale pour les jeunes citoyens est également une occasion où les électeurs potentiels de 18 ans sont spécialement invités à leur première Assemblée communale pour être introduits dans son déroulement.
Les enseignants doivent également assumer leur responsabilité. Dans ma vie d’enseignante à l’école professionnelle pendant plus de 30 ans, j’ai vu grandir l’intérêt politique chez d’innombrables adolescents pendant que je les instruisais sur les bases de la formation civique. En lisant et discutant ensemble en classe les «Explications du Conseil fédéral», les jeunes gens perdaient de plus en plus le sentiment «de ne rien comprendre», ce qui les motivait d’aller voter. Parmi les étrangers naturalisés il y avait assez souvent des jeunes qui appréciaient particulièrement la démocratie directe, car ils pouvaient comparer l’étendue de nos droits en comparaison de leur pays d’origine.
Au terme de son apprentissage professionnel sous ma responsabilité, un élève kosovar me confia ceci: «La chose la plus importante que j’ai appris de vous, c’est l’éducation à la citoyenneté. Quand je retournerai au Kosovo, ces connaissances m’accompagneront et j’en parlerai à ma famille, mes parents et mes collègues.» Le fait d’entendre de telles réactions, renforce l’envie de l’enseignant de faire encore mieux connaître le modèle suisse à ses élèves et d’éveiller en eux le plaisir d’y participer. •
«La Suisse vit de la confiance du citoyen responsable. Il a le dernier mot. Cela signifie que nous devons discuter les problèmes et créer des majorités dans les débats publics – également pour les accords internationaux. Il n’y a pas d’autres solutions. Aucun tribunal, aucun groupe d’experts, aucun décret officiel ne peut nous dispenser de faire ce travail. Si nous ne sommes plus capables de le faire, la Suisse va disparaître, ce modèle unique de démocratie citoyenne. De nom, elle continuera peut-être à exister, mais sans sa réelle substance.» (Paul Widmer, ancien ambassadeur suisse. «Wird die Schweiz eine gelenkte Demokratie?» [La Suisse se transforme-t-elle en démocratie dirigée?] NZZ am Sonntag du 30/4/17)
mw. Le 8 juin 2017, le Conseil national a décidé de prolonger jusqu’en 2020 la participation de l’Armée suisse à l’opération KFOR de l’OTAN au Kosovo (avec 100 voix contre 76 et 1 abstention). Dans Horizons et débats no 13 du 12/6/17, nous avons expliqué les raisons relevant du droit de la neutralité pour lesquelles la Suisse devrait retirer ses troupes Swisscoy aussi tôt que possible («Swisscoy – un engagement militaire illimité sous commandement de l’OTAN au Kosovo? Il est temps de se retirer de façon ordonnée»).
Bien que des représentants de diverses positions politiques distinctes aient demandé d’en finir avec cette mission militaire au Kosovo avec pour dernier délai l’année 2020, la majorité du Conseil national s’y est opposée. Etant donné que le Conseil des Etats avait déjà accepté le 13 mars 2017 le prolongement pour trois ans (également sans limitations dans le temps), la Swisscoy restera pour le moment au Kosovo. Dans trois ans, il y aura à nouveau une décision parlementaire concernant un prochain prolongement. Restons attentifs.
Extraits de 2 prises de positions (16.079 Participation de la Suisse à la KFOR. Prolongation de l’engagement de la Swisscoy. Débat au Conseil national du 8/6/17)
Raymond Clottu (UDC Neuchâtel): «Le Conseil fédéral veut prolonger une nouvelle fois l’engagement militaire au Kosovo, dont l’utilité est plus que douteuse, qui ne répond à aucun objectif précis et qui, de surcroît, remet en question la valeur de notre neutralité. Pire, il refuse d’y mettre un terme définitif, même après ces quatre années supplémentaires.
Cela fait maintenant 18 ans que la Swisscoy intervient au service de l’OTAN, voire bientôt plus de deux décennies, si la nouvelle prolongation de trois ans devait être acceptée. Si la présence de l’armée suisse devait servir à stabiliser ce petit Etat, cette mission aurait dû se terminer depuis longtemps.
Il y a longtemps aussi qu’on aurait dû s’interroger sur l’utilité réelle de cette mission de l’OTAN. D’ailleurs, cette dernière réduira ses effectifs, fixés initialement à 50 000 hommes, à environ 2600 hommes à très court terme. […]
Pour le groupe UDC, il est exclu d’accepter une nouvelle prolongation sans la décision de la Suisse d’un rapatriement définitif de ses soldats d’ici fin 2020 au plus tard, comme le vise la proposition de la minorité II. […]
Balhasar Glättli (Les Verts Zurich, porte-parole de la minorité II): «Vous le savez, nous autres Verts, avons toujours été opposés aux engagements de l’armée suisse à l’étranger. Par conséquent, nous avons toujours refusé cette mission KFOR et la participation de la Suisse sous forme de la Swisscoy. […]
Concernant la Suisse, il y a aussi une contradiction au niveau du droit international. Ce n’est pas mon idée mais celle de Daniel Vischer qui a signalé cela dans cette Chambre parlementaire déjà en 2003. Il a dit: Alors, nous sommes en Suisse, nous reconnaissons l’Etat du Kosovo. Mais quelles sont les conditions pour la reconnaissance d’un Etat? Il y en a au moins trois. Il faut un peuple, un territoire et un pouvoir public, donc la possibilité pour les institutions compétentes d’exercer le pouvoir d’Etat, le monopole étatique dans le cadre de l’Etat de droit. Si l’on accepte cette définition, c’est en contradiction avec le fait de dire qu’il faut une mission étrangère au Kosovo représentant exactement ce pouvoir étatique. […]
Nous devons revenir à ce qui peut et qui doit être notre véritable devoir en tant que pays neutre. Nous avons une relation spéciale avec le Kosovo. Notre devoir est la promotion civile de la paix, c’est l’engagement de nos moyens pour soutenir les institutions démocratiques et juridiques mais également pour soutenir le développement économique. […]» [Traduction Horizons et débats]
mw. Comme cela a déjà été publié dans nos colonnes, l’auteur de la motion (le conseiller aux Etats Claude Janiak) désirait introduire dans le droit suisse, à l’instar des Etats-Unis et de l’Italie, que les autorités de poursuite pénale puissent garantir à un criminel une réduction de peine ou l’impunité, s’il est d’accord de faire une déclaration contre un ou plusieurs de ses complices en tant que «témoin de la couronne», c’est-à-dire comme témoin principal du procureur (cf. «Réglementation relative aux repentis à l’américaine ou punition juste selon la compréhension suisse du droit ?», Horizons et débats no 12 du 29/5/17). Le Conseil des Etats avait accepté la motion le 14/12/16 avec 23 voix contre 11 et 4 abstentions. La Commission préparatoire des Affaires juridiques du Conseil national recommanda à la Chambre du peuple l’acceptation de la motion (avec 15 voix contre 8). La minorité de cette Commission cependant, était du même avis que l’auteur de l’article d’Horizons et débats: atténuer la peine dans des cas individuels et après avoir soigneusement évalué les faits et les circonstances – d’accord. Négocier la réduction d’une peine, voire l’impunité, avec des membres d’organisations criminelles déjà dans la phase de l’instruction pénale, avec des conséquences obligatoires sur l’arrêt rendu par le Tribunal – non.
La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a présenté aux membres du Conseil national, devant décidé de cette motion le 31 mai, les aspects juridiques et éthiques questionnables de cette réglementation: «Admettons que vous approuvez la motion de votre Commission des affaires juridiques et admettons qu’une personne, membre d’une organisation terroriste, dise qu’elle veut empêcher d’autres attentats et qu’elle est prête à dénoncer ses anciens complices – pourquoi cette personne doit-elle déjà obtenir la garantie d’une sentence clémente ou de l’impunité avant tout jugement? Je pense qu’il est sensé que cette personne puisse compter sur une réduction probable de la peine, si elle contribue à empêcher d’autres actes terroristes. Mais je pense que le fait de pouvoir s’affranchir de toute peine est problématique pour le sentiment de justice.» (16.3735. Motion Janiak Claude. Introduction d’une réglementation relative aux repentis. Débats au Conseil national du 31 mai 2017)
Et vraiment, les voix critiques ont pu convaincre la majorité du Conseil national à s’opposer à la motion Janiak, avec un score clair de 108 voix contre et 72 pour. Les non provenaient de presque tous les groupes politiques. Il y avait par exemple 15 membres du PDC en faveur de la motion et 13 contre, dans le PLR seulement 5 membres étaient en faveur et 24 y étaient opposés. – Il est réjouissant qu’on puisse observer assez souvent une telle indépendance personnelle d’une partie des parlementaires dans les Chambres fédérales (et aussi à l’échelle des cantons et des communes). Etant donné qu’une motion (donc une demande adressée au gouvernement de présenter un projet de loi au Parlement) doit être acceptée par les deux Chambres, la motion Janiak est définitivement abandonnée suite au Non du Conseil national.
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