Dégradation dangereuse de la situation dans le pays

Dégradation dangereuse de la situation dans le pays

République démocratique du Congo

Au sujet de l’Appel urgent du Dr Denis Mukwege, directeur médical de l’hôpital de Panzi à Bukavu

par Peter Küpfer

La «République démocratique du Congo» (ancien Zaïre), sans réelle base démocratique ne trouve pas de repos. L’Etat est en faillite, son armée nationale corrompue tandis que sa police nationale s’est transformée, selon des sources dignes de confiance, en un facteur créant davantage de chaos plutôt que de le combattre. Dans la partie orientale du pays, règnent depuis plus de 20 ans, les assassinats politiques, la terreur, le viol et le chaos, entretenus par des milices anonymes étant, selon diverses sources indépendantes, soutenus logistiquement, instruits et armés par le gouvernement rwandais. Ces milices font tout pour terroriser la société civile en rendant impossible toute vie normale. Des régions entières sont entre-temps abandonnées et se désertifient. Comme l’affirment des témoins dignes de confiance, c’est précisément l’effet voulu. A première vue, le but est purement économique: les deux provinces limitrophes du Rwanda, se trouvant au sud et au nord du lac Kivu (le Sud-Kivu et le Nord-Kivu) disposent d’innombrables mines contenant des matières premières hautement convoitées, dont le Coltan (colombite-tantalite), nécessaire au fonctionnement de tout ordinateur ou téléphone portable. Selon les affirmations des opposants démocratiques, un grand nombre de ces mines ne sont pas enregistrées et sont donc exploitées de manière «sauvage», protégées par les kalachnikovs des milices téléguidées du gouvernement rwandais. L’autre partie de ces mines serait exploitée de manière cachée par les forces de l’Armée nationale congolaise elles-mêmes. Entre-temps, le Rwanda, connu longtemps comme pays d’une extrême pauvreté et ne disposant d’aucune ressource minière, s’est transformé en gros exportateur de diamants et de coltan au niveau mondial. Le commencement de cette richesse soudaine peut être fixé avec précision: elle a débuté en automne 1966, à la suite de l’attaque des prétendues «forces armées rebelles» contre le Congo, affrontement portant au pouvoir la dynastie Kabila.
Kasaï:

Le «modèle» du Kivu se répète-t-il?

L’opposition démocratique congolaise souligne depuis de longues années que la question des ressources minières est l’une des raisons essentielles expliquant pourquoi l’armée nationale congolaise n’a jamais sérieusement tenté de couper court aux ravages commis par les milices dans cette région. La seconde raison importante se situe au niveau géostratégique. On Occident, on entend de plus en plus souvent des voix préconisant le «partage du Congo». C’est précisément ce que semble également poursuivre le gouvernement rwandais. Un Etat «Congo oriental» intégrant la partie Est du Congo ainsi que l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Voilà une idée faisant depuis belle lurette son chemin dans les cerveaux de divers services secrets occidentaux et notamment américains. Depuis la mort du dictateur Mobutu, toujours prêt à rendre service aux Etats-Unis – par exemple avec un accès privilégié aux matières premières les plus importantes –, ceux-ci sont à la quête d’un successeur aussi solide. En analysant l’histoire du Congo et les douloureuses expériences récentes, ce but semble logique – même si cette «logique» est diabolique et a coûté la vie à plusieurs millions de personnes, dans leur majorité des civiles: hommes, femmes et enfants. Il s’agit en réalité d’affaiblir les territoires du Congo oriental, si riches en matières premières, et de les séparer du reste du Congo pour créer un nouveau super-Etat en Afrique orientale, une puissance régionale entièrement soumise aux intérêts économiques et géostratégiques des Etats-Unis.

Sursaut patriotique ou guerre civile?

Entre-temps, les frustrations et les tensions dans la réalité congolaise ont atteint des dimensions explosives. Vu de l’extérieur, la question principale est le «prolongement» arbitraire du mandat du président Joseph Kabila. Il refuse obstinément – et en violation de la Constitution – de se retirer et d’organiser de nouvelles élections. Depuis le 19 décembre 2016, il n’est plus qu’un «président illégal» s’accrochant à la présidence probablement pour tenter de se soustraire à l’enquête exigée depuis longtemps par l’opposition et l’ONU sur son rôle joué lors des deux dernières guerres congolaises – comme Mugabe au Simbabwe.
Entre temps, ce sont également les représentants de la Conférence des évêques au Congo, institution appréciée par ses prises de position apaisantes et modérées, qui tirent la sonnette d’alarme: «Seul un soulèvement populaire peut amener le changement au Congo», a déclaré, dans une interview accordée à «MO-Nouvelles internationales», l’abbé Nshole, secrétaire général de la Conférence des évêques. Ce sursaut patriotique se réalisera, selon Nshole, par des manifestations pacifiques dans tout le pays. L’opposition rend également attentif aux événements actuels hautement inquiétants ayant lieu dans l’immense province du Kasaï. On y est confronté aux mêmes attaques terroristes contre la population civile, que depuis 20 ans au Kivu. De nouvelles «milices» mystérieuses y hantent les villages avec leur comportement atroce pour chasser les populations civiles de leurs terres. Entre-temps, des membres de l’opposition sont tombés sur de nombreux charniers. Dernièrement, des médias congolais indépendants (p. ex. Radio Okapi) ont affirmé que certaines de ces fosses ont été creusées par des soldats de l’armée nationale congolaise.
Si les événements évoluent selon le modèle du Kivu, le danger d’une guerre civile est bien réel.

La situation est grave

L’«Appel urgent aux Congolais», publié ci-dessous dans sa version originale, illustre l’actuelle situation difficile dans le pays. L’auteur est le Dr Denis Mukwege, un activiste courageux s’engageant en faveur des droits de l’homme dans son pays. Il a fait ses études de médicine au Burundi et en France et s’est spécialisé en gynécologie. Il pratique son métier à Bukavu. En automne 1996, lors de l’invasion au Kivu des milices téléguidées par le Rwanda , il était médecin dans l’hôpital régional de Lemera (territoire d’Uvira, Sud-Kivu). Ce n’est que par miracle qu’il a échappé à son assassinat planifié par un groupe armé. Depuis il s’est installé à Panzi (un quartier de Bukavu, capitale du Sud-Kivu) où on a pu construire un hôpital avec l’aide d’organisations humanitaires. Cette clinique, dirigée par le Docteur Mukwege, est spécialisée depuis dix ans dans le traitement de femmes ayant survécu à un viol. Denis Mukwege est reconnu au niveau international et participe à des congrès et des conférences, où il se distingue par ses interventions engagées en faveur de la défense des droits de l’homme, de la paix et de la démocratie.    •

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