La conférence sur le fédéralisme qui s’est tenue la semaine passée à Montreux a réaffirmé que la construction institutionnelle de la Suisse n’est pas dépassée face aux enjeux actuels, et qu’elle constitue au contraire un facteur de compétitivité et de prospérité.
La ville de Montreux a accueilli les 26 et 27 octobre la cinquième conférence sur le fédéralisme. Cette manifestation a lieu tous les trois ans depuis 2002, à l’initiative de la Conférence des gouvernements cantonaux. Mais qu’est-ce exactement que le fédéralisme? La question, posée inopinément à des passants face à une caméra, suscite moult hésitations et embarras. Pourtant, un sondage mené au début de l’année a démontré un fort attachement à cette notion: 59% des «leaders d’opinions» (majoritairement de droite) et 46% du grand public (davantage à gauche qu’à droite) y voient «un principe fondamental auquel il ne faut pas toucher», et ces chiffres sont en hausse par rapport aux études antérieures. Ceux qui veulent «remettre le fédéralisme en question» ne constituent qu’une toute petite minorité.
Il n’en reste pas moins que beaucoup de gens ne sont pas sûrs de comprendre de quoi il s’agit, et nombreux sont ceux qui souhaiteraient une meilleure information. Ce devrait être le rôle de l’école. Ce pourrait aussi être celui des médias. En ce sens, on éprouve quelque déception à la lecture de certains articles de presse censés rendre compte de la conférence de Montreux, mais incapables d’en refléter fidèlement l’esprit ni même le contenu. Certes, la concélébration du fédéralisme allait un peu de soi dans le cadre de cette rencontre officielle, organisée par des convaincus. Pourtant le programme s’est révélé riche en propos intéressants qui méritaient d’être relayés auprès d’un public plus large.
On retiendra notamment l’intervention originale du politologue alémanique Michael Hermann, qui s’est attaché à montrer que les prétendues «faiblesses» du fédéralisme n’en sont pas vraiment et peuvent même constituer sa force. Il a aussi souligné l’importance de clivages multiples et croisés (linguistiques, géographiques, financiers) qui permettent de varier les minorités et les majorités tout en empêchant l’affrontement de blocs compacts.
Au chapitre des «enjeux majeurs» tels que la numérisation ou les cyber-risques, des «experts» et des politiques ont débattu de la capacité des petits cantons à élaborer des solutions souples et originales, ou encore de la plus grande résistance des systèmes décentralisés et redondants. Des témoignages concrets ont confirmé que centralisation ne rime pas forcément avec efficacité et rapidité.
Le fédéralisme est un thème éminemment politique; mais qu’en est-il de son interaction avec l’économie? Freine-t-il ou au contraire favorise-t-il l’exceptionnelle compétitivité de la Suisse? La conférence de Montreux s’est aussi penchée sur cette question. Une étude scientifique aboutit à la conclusion que le fédéralisme contribue à optimiser les prestations publiques, qu’il stimule l’esprit d’innovation et la concurrence, ou encore qu’il atténue la répartition inégale des revenus, réduisant ainsi les besoins de redistribution.
Plus fondamentalement, il a été souligné que le fédéralisme helvétique a pour premier et principal effet de créer une grande stabilité politique, et que cette stabilité profite à toute l’économie. Les entreprises étrangères qui viennent s’établir en Suisse recherchent aussi cette stabilité. Cet atout ne doit pas être sous-estimé, à l’heure où d’autres Etats européens se retrouvent ébranlés par des revendications communautaires centrifuges. A cela s’ajoute encore la possibilité de dialoguer avec des autorités géographiquement et culturellement proches, capables de comprendre les problèmes et les besoins des entreprises installées sur leur territoire.
Le fédéralisme n’a évidemment pas été inventé pour doper la compétitivité helvétique, mais il a façonné un cadre politique et social propice à la prospérité. En ce sens, il mérite d’être défendu de manière systématique, non seulement en paroles mais aussi en actes, en s’opposant inlassablement aux ambitions technocratiques et aux solutions de facilité que constituent les délégations de compétences vers le haut. La liberté et la responsabilité que l’on revendique volontiers pour les entreprises doivent aussi s’appliquer aux communautés politiques fondamentales que sont les cantons.
Cet effort de vigilance représente une application pratique du fédéralisme, susceptible de rendre ce dernier plus compréhensible par la population. Encore faut-il l’expliquer soigneusement.
Source: Service d’information du Centre Patronal du 1/11/17 (N° 3162)
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