La Déclaration de Paris

La Déclaration de Paris

 

Une Europe en laquelle nous pouvons croire

L’Europe nous appartient et nous appartenons à l’Europe

1) Ces terres constituent notre maison, nous n’en avons aucune autre. Les raisons pour lesquelles nous chérissons l’Europe dépassent notre capacité à expliquer ou justifier cette fidélité. C’est une affaire d’histoires communes, d’espérances et d’amours. C’est une affaire de coutumes, de périodes de joie et de douleur. C’est une affaire d’expériences enthousiasmantes de réconciliation, et de promesses d’un avenir partagé. Les paysages et les évènements de l’Europe nous renvoient des significations propres, qui n’appartiennent pas aux autres. Notre maison est un lieu où les objets nous sont familiers et dans laquelle nous nous reconnaissons, quelle que soit la distance qui nous en éloigne. L’Europe est notre civilisation, pour nous précieuse et irremplaçable.

Une fausse Europe nous menace

2) L’Europe, dans sa richesse et grandeur, est menacée par une vision fausse qu’elle entretient d’elle-même. Cette fausse Europe se voit comme l’aboutissement de notre civilisation, mais, en réalité, elle s’apprête à confisquer les patries. Elle cautionne une lecture caricaturale de notre histoire, et porte préjudice au passé. Les porte-étendards de cette fausse Europe sont des orphelins volontaires, qui conçoivent leur situation d’apatrides comme une noble prouesse. La fausse Europe se targue d’être le précurseur d’une communauté universelle, qui n’est ni une communauté, ni universelle.

«L’Europe, dans sa richesse et grandeur, est menacée par une vision fausse qu’elle entretient d’elle-même. Cette fausse Europe se voit comme l’aboutissement de notre civilisation, mais, en réalité, elle s’apprête à confisquer les patries. […] Les porte-étendards de cette fausse Europe sont des orphelins volontaires, qui conçoivent leur situation d’apatrides comme une noble prouesse. La fausse Europe se targue d’être le précurseur d’une communauté universelle, qui n’est ni une communauté, ni universelle. […] Les partisans de cette fausse Europe sont envoûtés par les superstitions d’un progrès inévitable. Ils croient que l’Histoire est de leur côté, et cette foi les rend hautains et dédaigneux, incapables de reconnaître les défauts du monde post-national et post-culturel qu’ils sont en train de construire. Dès lors, ils sont ignorants des vraies sources de la décence humaine. Ils ignorent et même répudient les racines chrétiennes de l’Europe. […] Noyée dans ses superstitions et son ignorance, aveuglée par des visions utopiques et prétentieuses, cette fausse Europe étouffe toute dissidence – au nom, bien sûr, de la liberté et de la tolérance.»

La fausse Europe est utopique et tyrannique

3) Les partisans de cette fausse Europe sont envoûtés par les superstitions d’un progrès inévitable. Ils croient que l’Histoire est de leur côté, et cette foi les rend hautains et dédaigneux, incapables de reconnaître les défauts du monde post-national et post-culturel qu’ils sont en train de construire. Dès lors, ils sont ignorants des vraies sources de la décence humaine. Ils ignorent et même répudient les racines chrétiennes de l’Europe. Simultanément, ils prennent bien soin de ne pas froisser les musulmans, censés adopter joyeusement leur perspective laïque et multiculturelle. Noyée dans ses superstitions et son ignorance, aveuglée par des visions utopiques et prétentieuses, cette fausse Europe étouffe toute dissidence – au nom, bien sûr, de la liberté et de la tolérance.

Nous devons protéger l’Europe véritable

4) Nous entrons dans une voie sans issue. La plus grande menace pour l’avenir de l’Europe n’est ni l’aventurisme de la Russie ni l’immigration musulmane. L’Europe véritable est menacée par l’étau suffocant dont cette fausse Europe nous écrase. Nos nations, et notre culture partagée, se laissent exténuer par des illusions et des aveuglements à propos de ce qu’est l’Europe et ce qu’elle devrait être. Nous prenons l’engagement de résister à cette menace pour notre avenir. Nous défendrons, soutiendrons et nous nous ferons les champions de cette Europe véritable, cette Europe à laquelle en vérité nous appartenons tous.

«L’Europe véritable est une communauté de nations. Nous avons nos propres langues, traditions et frontières. Néanmoins, nous avons toujours reconnu une affinité des uns pour les autres […]. Cette unité-dans-la-diversité nous parait naturelle. Cette affinité est remarquable et précieuse, car elle ne va pas de soi. La forme la plus commune d’unité-dans-la-diversité est l’empire, que les rois guerriers européens ont tenté de recréer après la chute de l’Empire romain. L’attrait d’une forme impériale a perduré, bien que le modèle de l’Etat-nation ait pris le dessus: cette forme politique lie le peuple à la souveraineté. L’Etat-nation dès lors est devenu la caractéristique principale de la civilisation européenne.»

La solidarité et la loyauté civique encouragent la participation active

5) L’Europe véritable attend et encourage la participation active dans le projet commun de vie politique et culturelle. L’idéal européen est un idéal de solidarité fondé sur le consentement à un corps juridique appliqué à tous, mais limité dans ses exigences. Ce consentement n’a pas toujours pris la forme d’une démocratie représentative. Cependant, nos traditions de fidélité civique, quelles qu’en soient les formes, reflètent un assentiment fondamental à nos fondements culturels. Par le passé, les Européens se sont battus pour rendre nos systèmes politiques plus ouverts à la participation collective, et nous sommes humblement fiers de cette histoire. En dépit des modalités qu’ils ont utilisées, parfois à travers la rébellion générale, ils ont affirmé haut et fort qu’en dépit de leurs injustices et de leurs échecs, les traditions des peuples de ce continent sont les nôtres. Notre vocation réformatrice fait de l’Europe un séjour où l’on recherche toujours plus de justice. Notre esprit de progrès prend racine dans notre amour pour notre terre natale et notre fidélité à son égard.

Nous ne sommes pas des sujets passifs

6) Un esprit européen d’unité nous incite à nous faire confiance dans l’espace public, même quand nous ne nous connaissons pas. Les parcs publics, les places et les larges avenues des villes et métropoles européennes racontent l’esprit politique européen: nous partageons notre vie commune et la res publica. Nous partons du principe qu’il est de notre devoir d’être responsables pour l’avenir de nos sociétés. Nous ne sommes pas des sujets passifs, sous la domination de pouvoirs despotiques, qu’ils soient religieux ou laïques. Nous ne sommes pas non plus couchés devant d’implacables forces de l’Histoire. Etre européen signifie posséder un pouvoir politique et historique. Nous sommes les auteurs de notre destin partagé.

L’Etat-nation est la marque de fabrique de l’Europe

7) L’Europe véritable est une communauté de nations. Nous avons nos propres langues, traditions et frontières. Néanmoins, nous avons toujours reconnu une affinité des uns pour les autres, même quand nous étions en désaccord, voire même en guerre. Cette unité-dans-la-diversité nous parait naturelle. Cette affinité est remarquable et précieuse, car elle ne va pas de soi. La forme la plus commune d’unité-dans-la-diversité est l’empire, que les rois guerriers européens ont tenté de recréer après la chute de l’Empire romain. L’attrait d’une forme impériale a perduré, bien que le modèle de l’Etat-nation ait pris le dessus: cette forme politique lie le peuple à la souveraineté. L’Etat-nation dès lors est devenu la caractéristique principale de la civilisation européenne.

Nous ne soutenons pas une unité imposée et forcée

8) Une communauté nationale s’enorgueillit toujours d’elle-même, a tendance à se vanter de ses prouesses nationales dans tous les domaines, et entre en compétition avec les autres nations, parfois sur le champ de bataille. Les concurrences nationales ont blessé l’Europe, parfois gravement, mais n’ont jamais compromis notre unité culturelle. On peut même constater le contraire. A mesure que les Etats européens s’établissaient distinctement, une identité commune européenne se renforçait. De la terrible boucherie des deux guerres mondiales du XXe siècle, nous sommes sortis encore plus résolus à honorer notre héritage commun. C’est là le témoignage d’une civilisation profondément cosmopolite: nous ne cherchons une unité d’empire forcée ou imposée. Au contraire, le cosmopolitisme européen reconnaît que l’amour patriotique et la loyauté civique débouchent sur un horizon plus large.

Le Christianisme a encouragé l’unité culturelle

9) L’Europe véritable a été façonnée par le Christianisme. L’empire universel spirituel de l’Eglise a conféré une unité culturelle à l’Europe, sans passer par un empire politique. Cela a permis le déploiement de fidélités civiques au sein d’une culture européenne partagée. L’autonomie de ce que nous appelons la société civile est devenue une caractéristique fondamentale de la vie européenne. De plus, l’Evangile chrétien ne nous apporte pas un système de lois d’origine divine. Aussi la diversité des lois séculaires des nations peut-elle être proclamée et honorée sans remettre en cause l’unité européenne. Ce n’est pas un hasard si le déclin de la foi chrétienne en Europe a correspondu aux efforts renouvelés pour établir une unité politique, un empire de la finance et un empire de normes, argüant de sentiments pseudo-religieux universels, en passe d’être construit par l’Union Européenne.

Des racines chrétiennes nourrissent l’Europe

10) L’Europe véritable affirme l’égale dignité de chaque individu, quel que soit son sexe, son rang ou sa race. Ce principe se dégage également de nos racines chrétiennes. Nos vertus sont indéniablement liées à notre héritage chrétien: impartialité, compassion, miséricorde, réconciliation, lutte pour le maintien de la paix, charité. Le christianisme a révolutionné la relation entre l’homme et la femme, valorisant l’amour et la fidélité réciproques d’une manière jamais vue ni avant ni ailleurs. Le lien du mariage permet conjointement à l’homme et à la femme de s’épanouir en communion. Tous sont également des personnes: idée chrétienne, reprise par les Lumières.

Les racines classiques encouragent l’excellence

11) L’Europe véritable s’inspire également de la tradition classique. Nous nous reconnaissons dans la littérature de l’ancienne Grèce et de l’ancienne Rome. En tant qu’Européens, nous luttons pour la grandeur des vertus classiques. Par moment, cela a débouché sur une compétition violente pour la suprématie. Cependant, dans le meilleur des cas, cette aspiration à l’excellence inspire les hommes et les femmes d’Europe à réaliser des chefs d’œuvre musicaux et artistiques d’une beauté incomparable et à faire des percées dans les domaines de la science et de la technique. Les graves vertus des Romains, maîtres d’eux-mêmes, la fierté dans la participation civique et l’esprit de questionnement philosophique des Grecs n’ont jamais été oubliés dans l’Europe véritable. Ces héritages, aussi, sont les nôtres.

«Alors même qu’on vante une liberté sans précédent, la vie européenne devient de plus en plus régulée. Ces règles, souvent conçues par des technocrates sans visage à la solde des puissants, gouvernent nos relations professionnelles, nos décisions d’affaires, nos qualifications éducatives et nos médias d’information et de divertissement. L’Europe cherche à limiter la liberté d’expression, cette spécificité européenne qui incarne la liberté de conscience.»

L’Europe est un projet partagé

12) L’Europe véritable n’a jamais été parfaite. Les partisans de la fausse Europe n’ont pas tort de chercher des progrès et des réformes; beaucoup a été accompli depuis 1945 et 1989 que nous devons chérir et honorer. Notre vie partagée est un projet continu, tout sauf un héritage fossilisé. Cependant l’avenir de l’Europe repose sur une fidélité renouvelée au meilleur de nos traditions, non sur un universalisme fallacieux qui exige l’oubli et la haine de soi. L’Europe n’a pas commencé avec les Lumières. Notre patrie bien-aimée ne sera pas accomplie avec l’Union Européenne. L’Europe véritable est, et sera toujours, une communauté de nations, chacune jalouse de sa singularité. Pourtant, nous demeurons tous unis autour d’un héritage spirituel, qu’ensemble nous débattons, développons, partageons et aimons.

Nous perdons notre maison

13) L’Europe véritable est en péril. La noblesse de la souveraineté populaire, la résistance à l’empire, un cosmopolitisme capable d’amour civique, la conception chrétienne d’une vie humaine et digne, un lien vivant avec notre leg classique, tout cela nous échappe de plus en plus. Pendant que les partisans de la fausse Europe construisent leur fausse Chrétienté des droits humains universels, nous perdons notre maison.

Une fausse liberté prédomine

14) La fausse Europe se vante d’être résolument engagée pour la liberté humaine. Cette liberté, cependant, est très partiale. Elle se prétend libération de toute contrainte: liberté sexuelle, liberté d’expression personnelle, liberté «d’être soi-même». La génération de 1968 considère ces libertés comme des victoires précieuses sur un régime culturel tout puissant et oppressif. Ils se voient comme des libérateurs; leurs transgressions sont acclamées comme de nobles prouesses morales, pour lesquelles le monde est tenu d’être reconnaissant.

L’individualisme, l’isolement et le désœuvrement se développent

15) Pour les plus jeunes générations européennes, néanmoins, la réalité est beaucoup moins belle. L’hédonisme libertin mène souvent à l’ennui et au sentiment d’inutilité. Le lien du mariage a été fragilisé. Dans le tourbillon de la liberté sexuelle, les désirs profonds de nos jeunes de se marier et de fonder des familles sont souvent frustrés. Une liberté qui aliène les plus profonds désirs du cœur, devient une malédiction. Nos sociétés sombrent dans l’individualisme, l’isolement et le désœuvrement. Au lieu d’être libres, nous sommes condamnés à la conformité vide du consommateur et de la culture des médias. Il est de notre devoir de dire la vérité: La génération de 1968 a détruit mais n’a rien construit. Elle a créé un vide aujourd’hui rempli par les réseaux-sociaux, un tourisme bon marché et la pornographie.

Nous sommes régulés et gérés

16) Alors même qu’on vante une liberté sans précédent, la vie européenne devient de plus en plus régulée. Ces règles, souvent conçues par des technocrates sans visage à la solde des puissants, gouvernent nos relations professionnelles, nos décisions d’affaires, nos qualifications éducatives et nos médias d’information et de divertissement. L’Europe cherche à limiter la liberté d’expression, cette spécificité européenne qui incarne la liberté de conscience. Les cibles de ces restrictions ne sont pas l’obscénité ni les assauts contre la décence publique. Au contraire, l’Europe cherche manifestement à restreindre la liberté d’expression politique. Les chefs politiques qui rappellent des vérités gênantes sur l’Islam ou l’immigration sont trainés devant les juges. Le politiquement correct impose des tabous qui empêchent toute remise en question du statu quo. Cette fausse Europe n’encourage pas vraiment une culture de liberté. Elle promeut une culture d’homogénéisation dictée par le marché et un conformisme imposé par la politique.

Le multiculturalisme ne fonctionne pas

17) Cette fausse Europe se vante d’être attachée à l’égalité comme jamais auparavant. Elle prétend lutter contre toutes les formes de discriminations liées aux appartenances raciales, religieuses ou identitaires en promouvant leur inclusion. Dans ce domaine, un progrès véritable a eu lieu, même si un esprit utopique a pris le dessus. Au cours de la génération précédente, l’Europe a poursuivi un grand projet multiculturaliste. Exiger ou même encourager l’assimilation des nouveaux venus musulmans à nos mœurs et coutumes, pour ne pas dire à notre religion, aurait été, nous dit-on, une grande injustice. Être attaché à l’égalité, nous dit-on, requiert une abjuration de notre préférence pour notre propre culture. Paradoxalement, l’entreprise multiculturaliste européenne, qui dénie les racines chrétiennes de l’Europe, exploite un idéal de charité universelle d’une manière exagérée et chimérique. Elle exige des Européens un déni de soi qui confine à la sainteté. Nous devrions alors reconnaître la colonisation de nos patries et la disparition de notre culture comme le plus grand accomplissement du XXIe siècle; un acte collectif de sacrifice pour l’avènement d’une sorte de communauté globale, paisible et prospère.

«Alors que nous reconnaissons les aspects positifs de l’économie de marché, nous devons résister aux idéologies qui cherchent à organiser toute la société à partir de la logique du marché. Nous ne pouvons pas permettre que tout soit à vendre. Des marchés prospères requièrent l’Etat de droit, celui-ci devant viser plus haut que la simple efficacité économique.»

La mauvaise foi se développe

18) Il y a beaucoup de mauvaise foi dans ce type de raisonnement. La plupart de ceux qui nous gouvernent, sans doute, reconnaissent la supériorité de la culture européenne mais refusent que cela soit affirmé publiquement d’une manière qui pourrait offenser les immigrés. De par la supériorité de la culture européenne, ils pensent que l’assimilation se fera de manière naturelle et rapide. Parodiant ironiquement la pensée impérialiste d’antan, les classes gouvernantes européennes présument que par une loi de la nature ou de l’histoire, «ils» deviendront nécessairement comme «nous»; il serait inconcevable de penser que l’inverse soit vrai. En attendant, le multiculturalisme officiel a été déployé comme un outil thérapeutique pour gérer les malheureuses mais «temporaires» tensions culturelles.

La tyrannie technocratique devient de plus en plus grande

19) Il y a une mauvaise foi encore plus présente, et encore plus sombre, à l’œuvre. Au cours de la dernière génération, un nombre croissant des membres de notre classe dirigeante ont décidé que leurs intérêts se trouvaient favorisés par une accélération de la mondialisation. Ils espèrent construire des institutions supranationales qu’ils seraient capables de contrôler sans subir les inconvénients de la souveraineté populaire. Il devient de plus en plus clair que le «déficit démocratique» au sein des institutions européennes n’est pas simplement un problème technique qui doit être résolu par des moyens techniques. Ce déficit démocratique correspond plutôt à un engagement fondamental qui est défendu avec zèle. Qu’il soit défendu par les arguments d’une supposée «nécessité économique» ou par les exigences d’un droit international issu des droits de l’homme, qui échappe à tout contrôle, les mandarins supranationaux de l’Union Européenne confisquent la vie politique de l’Europe, répondant à toutes les remises en causes par une réponse technocratique: Il n’y a pas d’alternative. C’est la tyrannie, douce mais réelle, à laquelle nous sommes confrontés.

«Au cours de la dernière génération, un nombre croissant des membres de notre classe dirigeante ont décidé que leurs intérêts se trouvaient favorisés par une accélération de la mondialisation. Ils espèrent construire des institutions supranationales qu’ils seraient capables de contrôler sans subir les inconvénients de la souveraineté populaire. Il devient de plus en plus clair que le ‹déficit démocratique› au sein des institutions européennes n’est pas simplement un problème technique qui doit être résolu par des moyens techniques. Ce déficit démocratique correspond plutôt à un engagement fondamental qui est défendu avec zèle. Qu’il soit défendu par les arguments d’une supposée ‹nécessité économique› ou par les exigences d’un droit international issu des droits de l’homme, qui échappe à tout contrôle, les mandarins supranationaux de l’Union Européenne confisquent la vie politique de l’Europe, répondant à toutes les remises en causes par une réponse technocratique: Il n’y a pas d’alternative. C’est la tyrannie, douce mais réelle, à laquelle nous sommes confrontés»

La fausse Europe est fragile et impuissante

20) L’hubris de cette fausse Europe devient de plus en plus évidente, en dépit des grands efforts déployés par ses partisans pour entretenir de confortables illusions. Par-dessus tout, cette fausse Europe est beaucoup plus faible que nous tous l’avions espéré. Le divertissement populaire et la consommation matérielle ne peuvent pas entretenir la vie civique. Privés d’idéaux supérieurs et découragés par l’idéologie multiculturaliste d’exprimer une fierté patriotique, nos sociétés rencontrent suscitent difficilement la volonté de se défendre. De plus, une rhétorique inclusive et un système économique impersonnel, dominé par des grandes firmes internationales, ne saurait renouveler la confiance civique et la cohésion sociale. Il faut le dire franchement: les sociétés européennes résistent mal. Il suffit d’ouvrir les yeux pour observer une utilisation inédite de la puissance étatique, d’ingénierie sociale et d’endoctrinement dans le système éducatif. Ce n’est pas uniquement la terreur islamique qui jette des soldats lourdement armés dans nos rues. La police anti-émeute est désormais nécessaire pour réprimer des groupes protestataires et même gérer des foules enivrées des supporteurs de football. Le fanatisme des supporters de nos équipes de football est un signe désespéré du besoin humain profond de solidarité, un besoin qui autrement demeure inassouvi dans cette fausse Europe.

Une culture du déni de soi s’est installée

21) Les classes intellectuelles européennes sont, hélas, parmi les premiers partisans de la vanité de cette fausse Europe. Les universités sont, sans aucun doute, une des gloires de la civilisation européenne. Là où jadis, ils cherchaient à transmettre à chaque nouvelle génération la sagesse des siècles passés, aujourd’hui, trop souvent les intellectuels associent la pensée critique à un rejet simpliste du passé. Un point de repère essentiel de la pensée européenne a été la rigoureuse discipline de l’honnêteté intellectuelle et la recherche de l’objectivité. Cependant, au cours de deux dernières générations, ce noble idéal a été transformé. L’ascétisme qui naguère visait à libérer l’esprit de la tyrannie de l’opinion dominante est devenu un conformisme irréfléchi suscitant de l’animosité envers tout ce qui est nôtre. Cette position de rejet culturel permet sans trop de risque et de difficulté d’être «critique». Au cours de la dernière génération, elle a été répétée dans les amphithéâtres, au point de devenir une doctrine, un dogme. Professer ce nouveau credo représente un signe d’élévation spirituelle, et permet d’être accueilli au sein des esprits «éclairés». Nos universités sont devenues des acteurs moteurs de destruction culturelle.

Les élites arrogantes font étalage de leur vertu

22) Nos classes dirigeantes élargissent les droits humains. Elles combattent le changement climatique. Elles conçoivent un marché économique global intégré et harmonisent les politiques fiscales. Elles surveillent les progrès en vue d’une meilleure égalité des genres. Elles font tant de choses pour nous! Qu’importe-t-il les mécanismes par lesquels elles agissent? Qu’importe-t-il si les peuples européens deviennent de plus en plus sceptiques devant leur administration?

«Cela exige de notre part un renoncement au langage mensonger qui évite la responsabilité et encourage la manipulation idéologique. Les discours à propos de la diversité, l’inclusion et le multiculturalisme sont vides. Souvent, un tel langage est déployé de manière à faire passer des échecs pour des réussites: l’effilochement de la solidarité sociale serait, ‹en fait›, un signe d’accueil, de tolérance et d’inclusion. Cela relève du discours marketing, un langage qui vise à obscurcir plutôt qu’à éclairer la réalité. Nous devons retrouver un respect permanent de la réalité. Le langage est un instrument délicat, et avili dès lors qu’il est utilisé comme une matraque. Nous devrions être les partisans de la décence du langage. Le recours à la dénonciation est le signe de la décadence de la période contemporaine. Nous ne devons pas accepter d’être intimidés verbalement, encore moins par des menaces de mort. Nous devons protéger ceux qui parlent raisonnablement, même si nous pensons qu’ils se trompent. L’avenir de l’Europe devra être libéral dans sa meilleure signification: être attaché à un débat public solide, délivré de tous risques de violence et de coercition.»

Une alternative est possible

23) Ce scepticisme grandissant est pleinement justifié. Aujourd’hui, l’Europe est dominée par un matérialisme sans but qui semble incapable de motiver les hommes et les femmes à fonder des familles. Une culture du rejet prive les prochaines générations du sentiment de leur identité. Certains de nos pays ont des régions dans lesquels les musulmans vivent dans une autonomie informelle vis-à-vis des lois locales, comme s’ils étaient des colons plutôt que des membres frères de nos nations. L’individualisme nous isole les uns des autres. La mondialisation transforme les perspectives d’avenir de millions de personnes. Quand ces perspectives sont remises en question, nos classes gouvernantes affirment qu’elles font leur possible pour s’adapter à l’inévitable, s’ajuster à des nécessités implacables. Il n’y a pas d’autres possibilités et résister serait irrationnel! Ceux qui s’opposent à cette fatalité sont dénoncés pour crime de nostalgie, méritant l’anathème de racistes ou fascistes. Alors que les divisions sociales et le manque de confiance dans les institutions deviennent de plus en plus visibles, la vie politique européenne apparaît toujours plus marquée par la colère et la rancœur, et personne ne sait où cela mènera. Nous ne devons pas continuer sur cette route. Nous devons rejeter la tyrannie de la fausse Europe. Une alternative est possible.

Nous devons repousser une pseudo-religion

24) Travailler en vue du renouveau exige de partir d’une connaissance de soi théologique. L’universalisme et les prétentions universalistes de cette fausse Europe se révèlent être les ersatz d’une entreprise religieuse, dotée de son propre credo et de ses anathèmes. C’est un opium puissant qui paralyse l’Europe en tant que corps politique. Nous devons insister sur le fait que les aspirations religieuses sont proprement du domaine de la religion et pas de celui de la politique, encore moins celui de l’administration bureaucratique. Afin de retrouver notre capacité d’action politique et historique, il est impératif de re-laïciser la vie publique européenne.

Nous devons restaurer un libéralisme véritable

25) Cela exige de notre part un renoncement au langage mensonger qui évite la responsabilité et encourage la manipulation idéologique. Les discours à propos de la diversité, l’inclusion et le multiculturalisme sont vides. Souvent, un tel langage est déployé de manière à faire passer des échecs pour des réussites: l’effilochement de la solidarité sociale serait, «en fait», un signe d’accueil, de tolérance et d’inclusion. Cela relève du discours marketing, un langage qui vise à obscurcir plutôt qu’à éclairer la réalité. Nous devons retrouver un respect permanent de la réalité. Le langage est un instrument délicat, et avili dès lors qu’il est utilisé comme une matraque. Nous devrions être les partisans de la décence du langage. Le recours à la dénonciation est le signe de la décadence de la période contemporaine. Nous ne devons pas accepter d’être intimidés verbalement, encore moins par des menaces de mort. Nous devons protéger ceux qui parlent raisonnablement, même si nous pensons qu’ils se trompent. L’avenir de l’Europe devra être libéral dans sa meilleure signification: être attaché à un débat public solide, délivré de tous risques de violence et de coercition.

Nous avons besoin d’hommes d’Etat responsables

26) Briser le sort de la fausse Europe et de sa pseudo-religieuse croisade utopique pour un monde sans frontières, signifie encourager un nouveau sens politique et un nouveau type d’homme d’Etat. Un bon chef politique régit le bien public d’un peuple particulier. Un bon chef d’Etat considère notre héritage européen partagé et nos traditions nationales particulières comme magnifiques et vivifiantes, mais aussi comme des dons fragiles. Il ne rejette pas cet héritage et ne tente pas de le perdre en poursuivant des rêves utopiques. De tels chefs recherchent les honneurs décernés par leur peuple, ils ne recherchent pas l’approbation de la «communauté internationale», qui correspond en réalité à un instrument de relations publiques pour une oligarchie.

Nous devons renouveler l’unité nationale et la solidarité

27) Reconnaissant le caractère particulier des nations européennes, et leur marque chrétienne, nous ne devons pas être mis en difficulté par les fausses affirmations des multiculturalistes. Une immigration sans assimilation est une colonisation, et celle-ci doit être rejetée. Nous attendons justement de ceux qui migrent vers nos terres qu’ils s’incorporent à nos nations en adoptant nos mœurs. Cette attente doit être soutenue par des politiques consistantes. Le langage du multiculturalisme a été importé d’Amérique. Cependant, la grande période d’immigration vers les Etats-Unis s’arrêta au début du XXe siècle, en une période de croissance économique rapide et remarquable, dans un pays n’ayant virtuellement pas d’Etat-providence, doté d’un sens très prononcé de l’identité nationale à laquelle les immigrés étaient tenus de s’assimiler. Après avoir laissé entrer un nombre considérable d’immigrants, l’Amérique ferma presque complètement ses portes durant près de deux générations. L’Europe devrait apprendre de l’expérience américaine plutôt que d’adopter des idéologies étatsuniennes contemporaines. Cette expérience souligne le fait que le travail est un puissant moteur d’assimilation, qu’une politique sociale généreuse peut empêcher l’assimilation, et qu’une politique prudente peut obliger à réduire l’immigration, parfois drastiquement. Nous ne devons pas permettre à l’idéologie multiculturaliste de déformer nos jugements politiques sur la meilleure manière de servir le bien commun; lequel exige pour commencer une communauté nationale assez unitaire et solidaire pour voir son bien comme commun!

Seuls les empires sont multiculturels

28) Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe de l’ouest a cultivé des démocraties entreprenantes. Après l’effondrement de l’Union soviétique, les nations d’Europe centrale ont restauré la vitalité de leurs institutions civiques. Celles-ci font partie des plus précieuses prouesses de l’Europe. Elles seront perdues si nous ne traitons pas la question de l’immigration et du changement démographique de nos nations. Seuls les empires sont multiculturels, ce que deviendra l’Union européenne si nous échouons à faire du renouvellement de la solidarité et de l’unité civique les critères à partir desquels nous évaluerons les politiques d’immigration et les stratégies d’assimilation.

De saines hiérarchies contribuent au bien-être social

29) Beaucoup se trompent en pensant que l’Europe n’est agitée que par des controverses à propos de l’immigration. En vérité, ce débat n’est qu’une dimension d’un délitement social général. Nous devons reconnaître en général la dignité de rôles particuliers dans la société. Les parents, instituteurs et professeurs ont un devoir de former ceux qui se trouvent sous leur responsabilité. Nous devons résister au culte d’une expertise obtenu au détriment de la sagesse, du tact, de la quête d’une vie cultivée. Il ne peut y avoir de renouveau de l’Europe sans rejet déterminé d’un égalitarisme exagéré et d’une réduction de la sagesse au savoir technique. Nous approuvons les réussites politiques de l’ère moderne. Chaque homme et femme doit avoir un vote égal. Les droits fondamentaux doivent être protégés. Cependant une démocratie saine requiert des hiérarchies sociales et culturelles qui encouragent la quête de l’excellence et qui honorent ceux qui servent le bien commun. Nous devons restaurer un sentiment de grandeur spirituelle et l’honorer selon ce qui lui est dû, afin que notre civilisation réponde au pouvoir grandissant de la seule richesse d’un côté et du divertissement vulgaire de l’autre.

«Nous croyons que l’Europe a une histoire et une culture dignes d’être entretenues. Nos universités, cependant, bien trop souvent trahissent notre héritage culturel. Nous devons réformer les programmes éducatifs pour encourager la transmission de notre culture commune plutôt que d’endoctriner les plus jeunes à une culture du rejet de soi. Les professeurs et les tuteurs à tous les niveaux ont un devoir de mémoire. Ils devraient être fiers de leur rôle de pont entre les générations du passé et les générations à venir. Nous devons renouveler la culture d’élite de l’Europe en définissant le sublime et le beau comme notre étalon commun, en rejetant la dégradation des arts dans une forme de propagande politique.»

Nous devons restaurer notre culture morale

30) La dignité humaine est bien plus que le droit de ne pas être inquiété, et les doctrines internationales des droits de l’homme n’épuisent pas les revendications de justice, encore moins celles du bien. L’Europe doit retrouver un nouveau consensus à propos de la culture morale afin que les populations soient guidées vers une vie plus vertueuse. Nous ne devons pas permettre à une fausse conception de la liberté d’empêcher l’usage prudent de la loi pour prévenir le vice. Nous devons être indulgents devant la faiblesse humaine, mais l’Europe ne peut s’épanouir sans la restauration d’une aspiration commune vers une conduite élevée et vers l’excellence. Une culture qui promeut la dignité découle de la décence et de l’accomplissement des devoirs de chacun selon sa place. Nous devons renouveler le respect mutuel entre les classes sociales, caractéristique d’une société qui valorise les contributions de tous.

Les marchés doivent être ordonnés en vue de finalités sociales

31) Alors que nous reconnaissons les aspects positifs de l’économie de marché, nous devons résister aux idéologies qui cherchent à organiser toute la société à partir de la logique du marché. Nous ne pouvons pas permettre que tout soit à vendre. Des marchés prospères requièrent l’Etat de droit, celui-ci devant viser plus haut que la simple efficacité économique. Les marchés fonctionnent bien lorsqu’ils sont enracinés dans des institutions sociales robustes organisées selon leurs propres principes, qui ne relèvent pas de la logique de marché. La prospérité économique, bien qu’elle soit bénéfique, ne correspond pas au plus haut degré du bien. Les marchés doivent être orientés en vue de finalités sociales. Aujourd’hui, le gigantisme des entreprises menace même la souveraineté politique. Les nations ont besoin de coopérer et de maîtriser l’arrogance et l’indifférence des forces économiques globales. Nous soutenons l’usage prudent de la puissance gouvernementale pour poursuivre des biens sociaux non-économiques.

L’éducation doit être réformée

32) Nous croyons que l’Europe a une histoire et une culture dignes d’être entretenues. Nos universités, cependant, bien trop souvent trahissent notre héritage culturel. Nous devons réformer les programmes éducatifs pour encourager la transmission de notre culture commune plutôt que d’endoctriner les plus jeunes à une culture du rejet de soi. Les professeurs et les tuteurs à tous les niveaux ont un devoir de mémoire. Ils devraient être fiers de leur rôle de pont entre les générations du passé et les générations à venir. Nous devons renouveler la culture d’élite de l’Europe en définissant le sublime et le beau comme notre étalon commun, en rejetant la dégradation des arts dans une forme de propagande politique. Ceci va nécessiter une nouvelle génération de mécènes. Les entreprises et les bureaucraties se sont montrées de mauvais gestionnaires des arts.

Le mariage et les familles sont essentiels

33) Le mariage est le fondement de la société civile et constitue la base de l’harmonie entre les hommes et les femmes. C’est un lien intime organisé autour de l’entretien d’un foyer durable et l’éducation des enfants. Nous affirmons que nos rôles les plus fondamentaux en société en tant qu’êtres humains sont ceux de pères et mères. Le mariage et les enfants sont intrinsèquement liés à toute conception de l’épanouissement de l’être humain. Les enfants requièrent le sacrifice de ceux qui les font venir au monde. Ce sacrifice est noble et doit être honoré. Nous soutenons les prudentes politiques sociales qui encouragent et renforcent le mariage, les naissances et l’éducation des enfants. Une société qui échoue dans l’accueil de ses propres enfants n’a pas d’avenir.

Le populisme doit être interrogé

34) L’anxiété augmente en Europe aujourd’hui face à la montée de ce qui est appelé le «populisme». Alors que ce terme n’est jamais vraiment défini, il est utilisé comme une invective. Nous avons nos doutes par rapport à ce phénomène. L’Europe doit faire appel à la sagesse de ses traditions plutôt que de compter sur des slogans ou des appels émotifs à la division. Cependant nous considérons que ce phénomène peut représenter une saine rébellion contre la tyrannie de la fausse Europe, qui étiquète comme «anti-démocratique» toute menace à son monopole de légitimité morale. Le dénommé «populisme» questionne la dictature du statu quo, le «fanatisme du centre», et le fait légitimement. C’est un signe que même au milieu de notre culture politique dégradée et appauvrie, la capacité d’action historique des peuples européens peut renaître.

«Nous rejetons comme simpliste l’affirmation selon laquelle il n’y a pas d’alternative responsable à la solidarité artificielle et sans âme d’un marché unifié, à une bureaucratie transnationale, à la société du divertissement. Le pain et les jeux ne suffisent pas. L’alternative responsable est l’Europe véritable. […] Aujourd’hui, nous demandons à tous les Européens de nous rejoindre pour rejeter l’utopie fantaisiste d’un monde multiculturel sans frontières. Nous aimons dans une juste mesure nos patries et nous cherchons à transmettre à nos enfants toutes les nobles choses que nous avons reçues en patrimoine. Comme Européens, nous partageons aussi un héritage commun, un héritage exigeant la paix de l’Europe des nations. Renouvelons la souveraineté nationale, retrouvons la dignité d’une responsabilité politique commune pour le bien et l’avenir de l’Europe.»

Notre avenir est celui de l’Europe véritable

35) Nous rejetons comme simpliste l’affirmation selon laquelle il n’y a pas d’alternative responsable à la solidarité artificielle et sans âme d’un marché unifié, à une bureaucratie transnationale, à la société du divertissement. Le pain et les jeux ne suffisent pas. L’alternative responsable est l’Europe véritable.

Nous devons prendre nos responsabilités

36) Aujourd’hui, nous demandons à tous les Européens de nous rejoindre pour rejeter l’utopie fantaisiste d’un monde multiculturel sans frontières. Nous aimons dans une juste mesure nos patries et nous cherchons à transmettre à nos enfants toutes les nobles choses que nous avons reçues en patrimoine. Comme Européens, nous partageons aussi un héritage commun, un héritage exigeant la paix de l’Europe des nations. Renouvelons la souveraineté nationale, retrouvons la dignité d’une responsabilité politique commune pour le bien et l’avenir de l’Europe.    •

Philippe Bénéton (France)
Rémi Brague (France)
Chantal Delsol (France)
Roman Joch (République tchèque)
András Lánczi (Hongrie)
Ryszard Legutko (Pologne)
Pierre Manent (France)
Dalmacio Negro Pavón (Espagne)
Roger Scruton (Grande Bretagne)
Robert Spaemann (Allemagne)
Bart Jan Spruyt (Pays-Bas)
Matthias Storme (Belgique)

Source: www.dreuz.info/2017/10/24/la-declaration-de-paris-une-europe-en-laquelle-nous-pouvons-croire/

L’UE n’est pas l’Europe

La construction et la politique de l’Union européenne donne l’impression d’un fiasco total. Les propositions avancées par le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, le Président d’Etat français Emmanuel Macron et le Président du Conseil européen Donald Tusk au cours des semaines écoulées pour résoudre les problèmes ne sont pas convaincantes. Ces derniers misent sur un accroissement du poids de l’UE et ignorent délibérément le fait que l’UE ne peut résoudre leurs problèmes, notamment parce qu’elle comporte déjà dans sa compréhension de base la raison primordiale des problèmes.
La question d’une nouvelle orientation se pose donc avec toujours plus d’insistance. Cependant, l’espérance de pouvoir se reposer sur des grandes puissances telles que les Etats-Unis, la Russie ou la Chine ne résout pas ce problème.
Les Etats-Unis, dirigeant depuis la Seconde Guerre mondiale la destinée de l’Europe occidentale et depuis 1990 celles de presque tous les pays européens jusqu’à la frontière russe, ne peuvent et ne doivent plus être un point de repère. La politique américaine menace toute l’Europe. Les citoyens américains, portant de précieuses idées pour le vivre-ensemble des personnes, des peuples et des Etats, ne définissent pas cette politique, ce sont d’autres forces. Leur liste de méfaits et de dégâts est longue et un changement de cap n’est pas en vue.
Le grand pays de la Russie fait également partie de l’Europe et représente presque un continent à lui seul. Il contribue à des aspects importants du débat sur la future Europe. Le discours du président russe Vladimir Poutine au Club de Valdaï de début octobre 20171 a démontré à quel point la situation des relations internationales est soigneusement analysée et que les excellentes réflexions formulées méritent d’être prises au sérieux. Mais la Russie a sa propre histoire, ses propres problèmes et cherche sciemment sa propre voie russe.
Cela est également valable pour la Chine. Quiconque veut se faire une idée réaliste de la Chine et de sa politique à la suite au 19e Congrès du parti communiste chinois d’octobre 2017 ferait bien de ne pas se fier uniquement à la couverture médiatique occidentale. Les sites Internet en allemand des médias chinois2 offrent davantage d’information. Ainsi, on ne réalise pas seulement que nous n’apprenons rien de substantiel de nos médias. Il s’avère aussi que ce pays a sa propre histoire, ses propres problèmes et choisit actuellement aussi en pleine conscience ses propres solutions.
Les Etats européens devraient entretenir de bonnes relations d’égal à égal avec toutes les grandes puissances, devraient les développer selon les valeurs et les règles du droit international et exiger des grandes puissances qu’elles les respectent également. Cependant, ce n’est pas à ce niveau que nous trouverons des modèles pour une future voie européenne – il n’y a qu’un seul principe pouvant nous servir de modèle: prendre conscience de notre propre histoire, reconnaître et nommer nos propres problèmes et aller de l’avant sur notre propre voie.
Il est donc primordial que les gens en Europe réfléchissent à un chemin européen autonome, à un chemin autonome des Etats européens – au-delà des propositions de l’UE, dont la volonté de se mettre au même niveau que l’Europe (UE=Europe) doit être clairement rejetée.
Début octobre, un groupe d’érudits et d’intellectuels européens de diverses facultés des sciences sociales et humaines ont présenté un manifeste appelé «La Déclaration de Paris»,3 avec comme sous-titre programmatique «Une Europe en laquelle nous pouvons croire». En mai 2017, ce groupe, dont les membres sont issus de divers pays européens, s’est rencontré pour la première fois à Paris. Ils se sont rassemblés suite à leur inquiétude profonde concernant la situation actuelle de la politique, de la culture et de la société européennes – et avant tout, concernant l’état de la pensée européenne. L’Europe est en train de détruire son immense héritage civilisationnel. Au lieu de rester les bras croisées ou de se limiter à diagnostiquer une nouvelle fois le «déclin de l’Occident», ces personnalités se sont décidées à rédiger une déclaration et de la rendre publique. «La déclaration de Paris» est un appel à une nouvelle compréhension et reconnaissance de la substance culturelle de l’Europe. C’est une invitation aux populations européennes, de se réapproprier activement le meilleur des traditions européennes et de reconstruire ensemble un avenir pacifique, «noble» et plein d’espoir.
Nous appelons à une étude sérieuse de ce texte et nous vous invitions à également vous exprimer publiquement – au-delà du programme de l’UE défendant le mainstream – sur les questions cruciales concernant l’avenir de l’Europe.

Karl Müller

1    Le site «Sans à priori», par exemple, a publié ce discours sur: <link https: sansapriori.net external-link seite:>sansapriori.net/2017/11/01/2291-reunion-du-club-de-discussion-international-de-valdai-par-vladimir-poutine-du-19-octobre-2017/ 
2    Par exemple le site en allemand de l’agence de presse Xinhua: <link http: german.xinhuanet.com>german.xinhuanet.com
3    La déclaration est publiée en de nombreuses langues européennes sur divers sites Internet: en français sur <link https: www.dreuz.info la-declaration-de-paris-une-europe-en-laquelle-nous-pouvons-croire>www.dreuz.info/2017/10/24/la-declaration-de-paris-une-europe-en-laquelle-nous-pouvons-croire/

Les premiers signataires de la «Déclaration de Paris»

Philippe Bénéton est un politologue français, professeur à l’Université de Rennes 1 et à l’Institut catholique d’études supérieurs. Il obtient son doctorat d’Etat en sciences politique, à l’Université de Paris I en 1973 et l’agrégation de science politique en 1976 au Visiting Scholar du Center for International Affairs du département de science politique de l’Université de Harvard aux Etats-Unis. Ses travaux portent sur la philosophie politique, en particulier le conservatisme, la problématique de l’égalité, la démocratie libérale, la question de l’opinion dominante – qu’on appelle la «nouvelle morale» – et des auteurs tels que Machiavel, Erasme et Thomas More. Il est également professeur invité au département de sociologie de l’Université de Genève, professeur à l’Assumption College (Massachusetts), à l’Institut catholique d’études supérieures de La Roche-sur-Yon, à l’Université de Marmara à Istanbul et à la Pontificia Università Gregoriana de Rome.

Rémi Brague est un essayiste, historien de la philosophie, universitaire, spécialiste de la philosophie médiévale arabe et juive et connaisseur de la philosophie grecque. Sa thèse de doctorat d’Etat est une étude sur la notion du monde chez Aristote. C’est ensuite que sa recherche s’est tournée sur le Moyen-Age arabe, juif et latin. Il enseigne la philosophie grecque, romaine et arabe à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et l’histoire du christianisme européen à l’Université Ludwig-Maximilian de Munich. Il est membre de l’Institut de France. Rémy Brague est aussi un commentateur de l’œuvre de Heidegger et un fin lecteur de Leo Strauss. L’ouvrage qui l’a fait sortir du cadre de l’expertise philosophique érudite est «L’Europe, la voie romaine», traduit en plusieurs langues. En 2009, il devient un membre de l’Académie catholique de France et obtient le Grand prix de philosophie de l’Académie française. La «Fondation vaticane Joseph Ratzinger – Benoit XVI» lui a remis en 2012 le Prix Ratzinger pour la théologie.

Chantal Delsolest une philosophe, historienne des idées politiques et romancière française. Docteur ès lettres, elle est actuellement professeur à l’université de Marne-la-Vallée, où elle dirige le Centre d’études européennes, devenu Institut Hannah Arendt, qu’elle a fondé en 1993. Elle prend plus particulièrement pour objet de son enseignement les relations internationales et la géopolitique européenne. Elle anime, dans ces domaines, des échanges suivis avec d’une part, l’Europe centrale et orientale, et d’autre part, l’Amérique du Sud. En 2001, elle obtient le Prix de l’Académie française pour son œuvre. Elle a été élue membre de l’Académie des sciences morales et politiques an 2007. En 2016, elle cofonde l’Ecole professorale de Paris, établissement privé de formation des enseignants.

Roman Joch est un politicien tchèque, journaliste, chroniqueur politique et traducteur. Depuis 2007, il enseigne à la faculté des sciences économiques de l’Université d’économie de Prague, où il enseigne l’idéologie politique. D’août 2010 à octobre 2012, il a été conseiller du Premier ministre tchèque Petr Neas dans les domaines de la politique extérieur et des droits de l’homme. De 2012 à 2014, il a travaillé comme conseiller du Maire de Prague Tomáš Hudek.

András Lánczi est philosophe, politologue, professeur d’université et recteur de l’Université Corvinus de Budapest. Il dirige également l’Institut de politologie. De 1986 à 1991, il a publié une revue philosophique intitulée «Lightness». Il a enseigné aussi à d’autres instituts scientifiques, notamment à l’Institut des études européennes à Vienne. Il est président du centre pour le renouvellement européens fondé en 2007 et lauréat du prix de la Société hongroise de politologie. En 2009, il a obtenu la médaille d’or de l’Université Corvinus de Budapest. Ses domaines sont la philosophie politique, la théorie de la politologie, les théories de la démocratie, mais aussi le sujet du féminisme. Deux de ses domaines de recherches sont les travaux scientifiques de Leo Strauss et la science politique hongroise du XXe siècle, notamment entre les deux guerres mondiales.

Ryszard Antoni Legutko est un philosophe polonais et politicien du parti gouvernemental «Droit et justice» (PiS). De 2005 à 2007, il a été membre du Sénat, et en 2007, brièvement ministre de la formation, puis il était secrétaire d’Etat dans la chancellerie du président. Depuis 2009, il est membre du Parlement européen. Il a fait son doctorat en philosophie en 1981. Dans les années 1980, il était l’un des éditeurs du journal d’opposition Samizdat «Arka». Après le changement de système, il a passé sa thèse d’habilitation intitulée «Critique de la démocratie dans la philosophie politique de Platon». De 1992 à 1998, il a enseigné les sciences humaines.

Pierre Manent est philosophe français et professeur de philosophie politique. Il est directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, où il enseigne toujours la philosophie politique. Manent grandit dans un environnement communiste. Non baptisé, il intègre l’église catholique comme adolescent. Après ses études à l’Ecole normale supérieure, il est assistant chez Raymond Aron au Collège de France. Il est membre de l’Académie pontificale des sciences sociales. Manent est un représentant important de la philosophie politique de notre temps et défend un libéralisme conservateur.

Janne Haaland Matlary est une politologue norvégienne, active dans l’église catholique romaine et politicienne conservatrice. En 1994, elle rédige sa thèse de doctorat en sciences politiques et enseigne la politique internationale à l’Université d’Oslo. Ses principaux domaines scientifiques sont la politique énergétique, la politique de sécurité et la politique internationale des droits de l’homme. De 1997 à 2000, elle est secrétaire d’Etat au ministère norvégien des Affaires étrangères. Elle était conseillère du Pape Jean-Paul II et membre du Conseil pontifical pour la justice, la paix et la famille jusqu’à sa dissolution en 2016. En 1995, elle représente le Vatican lors de la 4e Conférence des Nations Unies sur les femmes à Pékin. En automne 2009, Matlary est appelée par le Pape Benoît XVI à participer à l’Académie pontificale des Sciences sociales, dont elle est toujours membre académique.

Dalmacio Negro Pavón est un politologue, juriste et philosophe espagnol. Il a fait des études et son doctorat en sciences politiques et est professeur titulaire pour les domaines des fondements de la philosophie et de l’histoire de la philosophie. Il a enseigné à l’Université Complutense de Madrid. Actuellement, il est professeur émérite pour les sciences politiques à l’Université CEU San Pablo. Il est membre de Académie royale Ciencias Morales y Políticas.

Sir Roger Vernon Scruton est un écrivain et philosophe britannique. Il étudie la philosophie à l’Université de Cambridge et termine son doctorat avec un travail sur l’esthétique. De 1971 à 1992, il enseigne au Birkbeck College. De 1992 à 1995, il est professeur à l’Université de Boston, de 2005 à 2009, à l’Institute for the Psychological Sciences à Arlington (Virginie). Roger Scruton est un représentant important des points de vue paléo-conservateurs, en opposition à la pensée néoconservatrice et également conservative-alternative («Alt-Right»).

Robert Spaemann est philosophe allemand. Il étudie la philosophie, l’histoire, la théologie et la romanistique aux universités de Münster, Munich, Fribourg (Suisse) et Paris. A l’Université de Münster, il obtient son habilitation en 1962. Il enseigne ensuite la philosophie, successivement à Stuttgart (de 1962 à 1968), à Heidelberg (de 1968 à 1972), puis à Munich, jusqu’à sa retraite en 1992. Le philosophe s’intéresse principalement à l’éthique fondée sur le christianisme. Cela l’a conduit à se prononcer publiquement contre l’arme atomique, l’euthanasie, l’avortement, et à développer une critique de l’utilitarisme. En 2006, il a participé à la réunion de philosophes et de scientifiques organisée par le pape Benoît XVI à Castel Gandolfo au sujet de l’évolution (livre des résumés: Creazione ed evoluzione, Edizioni Dehoniane in Bologna).

Bart Jan Spruytest historien, journaliste et chroniqueur hollandais. Il étudie l’histoire à l’Université d’Utrecht et fait son doctorat en 1996 à l’Université de Leyde sur un sujet de l’histoire de l’Eglise. Spruyt fait d’abord partie de l’Eglise protestante des Pays-Bas, la quitte et rejoint l’Eglise reformée reconstituée. Il est cofondateur et, de 2002 à 2005, directeur de la fondation Edmund Burke. En septembre 2009, il est nommé professeur pour les sciences sociales et l’histoire au Wartburg College de Rotterdam. Spruyt travaille depuis 2008 également comme journaliste indépendant.

Matthias Edward Storme est spécialiste du droit, écrivain et politicien belge. Il étudie le droit et la philosophie à l’UFSIA d’Anvers (1976–1978) et à l’Université catholique de Louvain (1978–1981) et également à l’Université de Yale aux Etats-Unis. A l’Institut Max Planck de Hambourg et à l’Université de Bologne, il fait des recherches sur le droit privé étranger et international. Plus tard, il enseigne le droit aux Universités de Louvain et d’Anvers.

Notre site web utilise des cookies afin de pouvoir améliorer notre page en permanence et vous offrir une expérience optimale en tant que visiteurs. En continuant à consulter ce site web, vous déclarez accepter l’utilisation de cookies. Vous trouverez de plus amples informations concernant les cookies dans notre déclaration de protection des données.

Si vous désirez interdire l’utilisation de cookies, par ex. par le biais de Google Analytics, vous pouvez installer ce dernier au moyen des modules complémentaires du présent navigateur.

OK