«Du sol allemand n’émanera à l’avenir que la Paix. Nous sommes conscients du fait que le respect des frontières, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de tous les Etats européens est un préalable fondamental à la paix.» Cette citation d’Helmut Kohl de l’année 1990 introduit le nouveau livre paru en avril de Willy Wimmer intitulé «Deutschland im Umbruch. Vom Diskurs zum Konkurs – eine Republik wird abgewickelt» [L’Allemagne en transition. Du débat à la faillite – le démantèlement d’une République).
Willy Wimmer a activement participé et marqué les décennies écoulées. Il a participé à la vie politique de son pays en tant que député CDU au Bundestag allemand, porte-parole de son parti au Bundestag pour les questions de la Défense, secrétaire d’Etat parlementaire auprès du Ministère fédéral de la Défense et vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. L’avenir de son pays lui tient à cœur: «L’Allemagne est […] mon pays, je tiens à ce qu’il ne disparaisse pas. Je suis donc prêt à m’engager publiquement pour cette cause.» (p. 12)
Il veut mettre en évidence les développements ayant mené à une situation, dans laquelle, à nouveau, le déclenchement d’une guerre à dimension globale est possible à tout moment. Dans ce but, l’auteur fait participer le lecteur aux rencontres et aux expériences faites dans ses diverses fonctions et finalement aussi en sa qualité de confident et accompagnateur d’Helmut Kohl. Au centre se trouvent les multiples relations personnelles qu’il a pu nouer et entretenir au cours des années.
Dans la préface, Willy Wimmer fait le lien avec son dernier livre intitulé «Die Akte Moskau» [Le dossier Moscou]. «Au cours de la première moitié des années 1990, nous avons réalisé qu’un profond bouleversement se préparait dans le pays: d’autres pouvoirs commencèrent à nous manipuler et à nous dominer, en première ligne les Etats-Unis et la Grande-Bretagne puis les organisations internationales, pour nous entraîner dans une politique agressive contre la Fédération de Russie. Ils semble qu’ils avaient à nouveau préparé un ‹dossier Moscou›.» (p. 11)
Willy Wimmer démontre comment l’Allemagne s’est transformée à son détriment, depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui, et comment ces changements sont liés avec l’orientation belliciste imposée à l’Allemagne. Cette orientation va-t-en-guerre s’est avérée déjà à la fin des années 90, lors de la «guerre menée contre la République fédérale de Yougoslavie en violation du droit international», la «première guerre d’agression après 1945» (p. 21), avec la participation de l’Allemagne – secondée par la grande majorité des médias publiques, réfutant d’ouvrir leurs colonnes au «raisonnement respectant le droit international et la Loi fondamentale» (p. 29) présenté par des personnalités comme Willy Wimmer. En même temps, il était de plus en plus évident que toute activité était orientée contre la Fédération de Russie. L’Allemagne fut contrainte à choisir une voie fatale, tout «en réprimant de plus en plus l’opinion du public» (p. 13). L’Allemagne participa à toutes les actions hostiles de l’OTAN, y compris aux sanctions contre la Russie, néfastes pour sa propre économie.
A l’intérieur, des transformations massives se produisirent en même temps, dans le système social et économique de la République fédérale que Wimmer décrit comme une «métamorphose de la République» (p. 53). Dans le domaine de la politique économique, les acquis de l’économie de marché sociale furent jetés par-dessus bord, garants et essence d’une partie importante du succès économique et social dans les premières années de la République fédérale. La «mentalité de flibustiers» (p. 40) caractérisant le capitalisme anglo-saxon – profit immédiat et rapide versement des dividendes – gagna en importance. «Les ‹shareholder values› [valeurs actionnariales] traversent l’Atlantique» (p. 35) et quiconque osait encore de parler d’économie sociale de marché en public, à l’instar de Willy Wimmer, fut attaqué par les propagandistes du capital illimité en tant que «communiste» et même ses collègues de parti ne voulaient plus rester en contact.
Selon Angela Merkel, il fallait développer une «démocratie conforme au marché» (p. 49). En même temps, on affaiblit de plus en plus la démocratie parlementaire de l’intérieur. Willy Wimmer cite, comme exemple, «la décision digne d’un coup d’Etat de la Chancelière Merkel» (p. 224) en matière de migration à l’été/automne 2015, qui neutralisa totalement les compétences du Parlement à l’aide de ses décisions.
Willy Wimmer mentionne comme autre exemple, les plans du gouvernement actuel de décider de l’engagement de la Bundeswehr à l’avenir sans l’aval du Parlement, uniquement par décret gouvernemental. Cela «équivaudrait à donner les pleins-pouvoirs au commandant en chef de l’OTAN en Allemagne, c’est-à-dire de soumettre, en réalité, la Bundeswehr au commandement du président américain» (p. 223). En même temps, on revendiqua un nouveau type de soldat. Ce n’est plus un «citoyen en uniforme», mais un «combattant» – ou en d’autres termes une «Wehrmacht sans pouvoir la nommer ainsi» (p. 221).
Wimmer fait la synthèse de toutes ses évolutions simultanées, ce qui est un atout de son livre. Les développements dans le domaine économique et en politique intérieure dépendent fortement des développements dans le domaine des affaires extérieures: abandon d’une politique visant à l’entente et à la paix dans les relations internationales et renforcement d’une politique de confrontation envers la Russie, entraînant l’Allemagne au bord de la guerre. L’auteur rappelle les paroles d’Helmut Kohl de 1992: «Une Europe sans Russie ne sera pas l’Europe.» (p. 259)
Wimmer met en garde au sujet de la perte de cohérence dans la société allemande. De plus en plus de citoyens se sentent aliénés de leur gouvernement. Les partis établis perdent leur soutien, de nouveaux partis et mouvements s’installent dans toute l’Europe. Wimmer témoigne de la compréhension pour les citoyens tout en les avertissant: «Quelles sont les forces se cachant derrière les partis nouvellement créés pour offrir un foyer politique aux citoyens? Les indices provenant de toutes directions se maintiennent, affirmant que depuis la crise financière de 2007 et face à l’évolution incertaine des rapports internationaux mainte création de parti n’a pas été planifiée en Europe occidentale […]» (p. 232). Ce ne serait pas la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qu’un mouvement soi-disant spontané aurait été planifié outre-Atlantique pour empêcher toute politique indépendante.
A maintes occasions, Wimmer exprime sa grande préoccupation au sujet de son pays et de la paix internationale. Le lecteur apprend que depuis la première guerre du Golfe «des moyens considérables ont été détournés du budget fédéral pour financer les guerres des autres alliés», de l’argent «qui fait défaut pour l’aménagement de nos structures communes, les innovations économiques et le très urgent équilibre social.» (p. 230) Cela débouche sur l’affaiblissement économique de l’Allemagne: «Si l’on considère que les grandes multinationales américaines sont, comparées à nos entreprises, pratiquement exemptées des contributions fiscales dans l’UE, on commence à comprendre ce que signifie en réalité un partenariat avec les Etats-Unis dans le domaine de la ‹répartition des charges› invoquée tous azimuts.» (p. 230). On comprend pourquoi Wimmer nomme cela «la saignée de l’Europe», voulue et programmée. (p. 229)
Le livre de Wimmer aide à mieux comprendre les événements qui nous ont préoccupés ces dernières années. L’auteur met en évidence sans ambages les origines de la crise des réfugiés qu’on risque de négliger dans les débats polarisés sur ses effets: «On aime dissimuler les véritables raisons de la migration débordante. Entre l’Afghanistan et le Mali, sous la férule de l’OTAN, on réduit en cendres le monde entier. Les bombes font s’enfuir de leurs civilisations des millions de personnes. Dans ces pays, il n’y a plus d’avenir, pas même pour sa propre vie. Partout où l’OTAN met ses pieds, règnent la mort et les assassinats.» (p. 68)
L’auteur met en évidence les enjeux du coup d’Etat en Ukraine, fomenté par l’Occident. Il s’agissait de priver la Russie de son port de Sébastopol en Crimée, vital pour la marine russe, en vue d’empêcher l’approvisionnement du président syrien Assad par la marine russe. (p. 217)
L’auteur fait participer le lecteur à un entretien avec un hôte provenant d’Israël qui lui explique pourquoi Israël n’a pas signé un accord finalisé avec la Syrie sur l’avenir du Plateau du Golan: «La reddition du Plateau du Golan auraient pu être synonyme de la fin du conflit au Proche-Orient ou, au moins, initier la fin.» (p. 218) Combien de souffrances auraient pu être évitée dans toute la région par un tel accord! Et Willy Wimmer remet constamment au centre, le problème essentiel de notre époque: «Il faut qualifier la politique belliciste des Etats-Unis, partout dans le monde, comme un recul dramatique de civilisation, elle crée des situations pouvant à chaque moment déclencher une guerre globale.» (p. 219)
En lisant le livre, une question s’impose: Que faire? C’est aussi le titre de la postface du livre et c’est une fin pertinente. Willy Wimmer démontre, en citant des exemples de l’action de divers citoyens, les possibilités individuelles pour contrecarrer efficacement l’ambiance belliciste. Il met en garde ses lecteurs de ne pas se faire induire en erreur ou de «se faire leurrer par des exemples isolés et sensationnels […]» (p. 237). Tout au contraire, il faut se demander: quel est le lien entre le «crime de Salisbury» (p. 236), l’incendie catastrophique dans la ville sibérienne de Kemerovo avec plus de quarante enfants décédés et la Coupe mondiale de football 2018 en Russie. La lecture incite véritablement à la réflexion.
Willy Wimmer indique des voies pour une politique respectant la paix et le droit international. A l’Allemagne de se réorienter «sur le maintien de la tradition constitutionnelle de la République fédérale allemande, comme elle avait cours jusqu’au changement de gouvernement à l’automne 1998 […].» (p. 237) L’UE se prêterait à une évolution où la nation comme fondement d’un Etat démocratique serait un élément constitutif. La collaboration militaire des pays de l’UE pourrait exclure toute guerre d’agression. La participation de l’Allemagne à l’OTAN pourrait être liée, en accord avec la Charte des Nations Unies, à un engagement uniquement défensif. Et pour terminer, on pourrait également prendre en compte la revendication de Willy Brandt de développer la démocratie en Allemagne. Dans la dernière phrase du livre Willy Wimmer renvoie à la Suisse: «La Suisse nous sert de modèle pour comprendre ce que veut dire vivre la démocratie en étant citoyenne et citoyen responsable.»
Willy Wimmer appartient à la génération née pendant la Guerre et ayant grandi dans les années de l’Après-Guerre. Il sait ce qu’est la guerre. Chaque page de son livre est imprégnée de sa préoccupation centrale: plus jamais de guerre partant du sol allemand. Son livre est un plaidoyer pour l’entente entre les peuples. Rédigé dans un style vif, il est bien lisible et extrêmement informatif. Dans son annexe, il y a de précieux documents. Le livre tout entier est un véritable trésor: un «must» pour quiconque désire mieux comprendre le cours et les évolutions des dernières 25 années de l’Histoire récente. •
(Traduction Horizons et débats)
hd. Lors de sa réunion à Bruxelles les 27 et 28 juin 2018, le Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement de tous les pays membres de l’UE) a formulé 12 points traitant du sujet de la migration et les a repris dans ses conclusions (<link http: www.consilium.europa.eu media>www.consilium.europa.eu/media/35943/28-euco-final-conclusions-fr.pdf). La chancelière allemande y trouve la confirmation de son opinion selon laquelle il ne peut et doit y avoir qu’une «solution globale de l’UE» dans le problème des migrations. Elle rejette toute réglementation nationale indépendante. Toutefois, en lisant les 12 points adoptés, il apparaît clairement qu’au delà des formules de compromis dans le cadre d’une politique migratoire commune, la lutte contre les passeurs, la sécurisation des frontières extérieures de l’UE, l’accélération de l’expulsion des migrants illégaux, la mise en place de points de rassemblement pour eux ainsi que de centres pour l’examen du droit d’asile et, enfin, la lutte contre les causes de l’émigration – tout cela est contradictoire, vague et non contraignant. Les résultats montrent donc que les gouvernements des Etats membres de l’UE ne se sont toujours pas mis d’accord sur les questions clés de la politique migratoire. Seul le mot «volontaire», apparaissant à plusieurs reprises, a probablement rendu possible ce compromis de formule. Willy Wimmer commente les résultats de Bruxelles comme suit.
«Concernant cette décision de Bruxelles, il faut y regarder à deux fois. Quant à l’usage normal de la langue, il peut vous donner des nausées. Il y a plusieurs raisons à cela. La majorité des chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles sont eux-mêmes responsables du développement migratoire problématique depuis 2015. Leur intérêt principal est de ne pas devoir assumer de responsabilités lors des prochaines élections. On ne peut nullement s’attendre que ces personnes veuillent réellement trouver une solution aux énormes problèmes. Seul le Premier ministre Orbán a défini une ligne claire: interdiction d’entrée dans l’Europe de l’UE pour toute personne sans motif légal et expulsion de toute personne ayant malgré tout réussi à y pénétrer.
On jette de la poudre de perlimpinpin aux yeux des habitants de l’UE en proposant que les Nations Unies elles-mêmes ou certaines de leurs sous-organisations s’occupent des centres de débarquement à l’intérieur ou à l’extérieur de l’UE. Ce sont précisément les Nations Unies qui tentent de mettre en œuvre des concepts d’humanitarisme en instaurant leurs ‹expériences sociales› et leurs projets de réinstallation, sans tenir compte de la volonté des peuples de chaque Etat européen. Les décisions de l’UE risquent de faciliter l’action de l’ONU et de l’OMI (Organisation internationale pour les migrations) selon leurs concepts antidémocratiques.
Le sommet de l’UE a donné peu de répit aux chefs d’Etat et de gouvernement. L’Europe est confrontée à un fiasco auto-infligé signifiant la fin de l’UE. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont ainsi porté le plus gros préjudice possible au légitime désir des citoyens européens de vivre en paix, en sécurité et dans la prospérité. Il semble nécessaire que le président américain Trump doive d’abord rencontrer le président russe Poutine le 16 juillet 2018 pour que l’espoir de paix et de bon voisinage sur le continent européen renaisse. Les responsables de l’UE sont des tigres de papier, hélas pour notre plus grande perte!»
(Traduction Horizons et débats)
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