Quel espoir pour l’Allemagne?

Quel espoir pour l’Allemagne?

par Karl Müller

Klaus von Dohnanyi, âgé de 90 ans, ancien politicien du SPD, ministre d’Etat des Affaires étrangères et premier maire de Hambourg, commence son intéressant article intitulé «Zum Verhältnis zwischen Europa und Amerika» [Au sujet des relations entre l’Europe et l’Amérique] («Frankfurter Allgemeine Zeitung» du 23/6/18) par la phrase très juste: «Le monde se trouve dans une phase de bouleversement social et politique […]», et déjà à la fin du premier paragraphe, il est dit: «L’Europe et les Etats-Unis […] se trouvent sur une voie de confrontation dramatique sans qu’on sache comment cela se terminera.»
Klaus von Dohnanyi pense que cette «voie de confrontation» ne s’est pas développée uniquement suite au gouvernement américain actuel, mais il y voit des raisons plus profondes. Son analyse englobe l’ensemble du XXe siècle mais aussi les «théories» de Mackinder et Brzezinski fondements de la politique américaine. Il a même écrit: «La concurrence et les intérêts économiques étaient, comme le démontre en détail de nos jours notamment l’historiographie anglo-saxonne, la réelle cause pour l’entrée de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis dans la Première guerre mondiale.»
Dans de nombreux points, on voudrait spontanément donner raison à Klaus von Dohnanyi.

Pourquoi ne pas reconquérir le contrôle démocratique?

Puis en tombe sur une phrase très intéressante qui laisse songeur suite à la combinaison proposée: «La globalisation transmet aux êtres humains […] de plus en plus le sentiment de ne plus être maître dans sa propre demeure, ils veulent alors reconquérir leur contrôle démocratique et cela mène de plus en plus souvent à des réactions nationalistes.»
Mais Klaus von Dohnanyi rejette les «réactions nationalistes», il souhaite en lieu et place une «Europe» renforcée, et pense à une UE dirigée par le couple franco-allemand. Il cite bien de Gaulle et Adenauer comme modèles, mais il sait qu’aujourd’hui Macron et Merkel représentent les deux pays. On ne s’occupe plus de savoir que est le «maître dans la maison Europe» et comment doit se présenter le «contrôle démocratique». Comment Klaus von Dohnanyi juge-t-il le désir des gens de vouloir «regagner le contrôle démocratique» et d’être à nouveau «maître dans leur propre maison» quand il parle simultanément de «réactions nationalistes»?

Comment combattre l’Etat national souverain?

Un regard sur l’actuel débat allemand concernant les migrants enregistrés auparavant dans d’autres Etats européens prouve que cette question n’est pas anodine. Malgré les claires dispositions constitutionnelles allemandes1 et la situation juridique, on déclare que les «voies nationales» sont une grande calamité et un «expert juridique» précise comment finalement le droit européen brise le droit constitutionnel allemand; car l’«Allemagne est membre de l’Union européenne, donc, c’est le droit européen qui prévaut.» («Hessische/Niedersächsische Allgemeine» du 27/6/18) Le droit européen aurait une «priorité d’application». L’«expert juridique» est président de l’«Union de l’Europe» de Kassel.
Cela explique son interprétation bornée des Contrats européens et de la position du droit constitutionnel national. Malgré tout, elle est souvent citée et elle démontre comment la fin de la souveraineté de l’Etat national est, dans certains cercles, déjà conclue. Depuis Jean Monnet, la prétention au pouvoir des institutions européennes supranationales aboutit dans le principe suivant: les crises sont le meilleur moyen pour faire avancer l’«intégration européenne». Les nombreux commentaires de politiciens et des médias des dernières semaines analysés sous cet angle sont à prendre en considération. Pourquoi ne pas organiser quelques débats houleux – comme par exemple à l’heure actuelle entre le CDU et le CSU?

Que penser des «forces nationales»?

Il est peu probable que l’«intégration européenne» va s’imposer à l’avenir. En réalité, on observe dans presque tous les Etats de l’UE des forces politiques prétendant être orientées du côté «national» et gagnant en poids politique. Mais quelle est réellement la situation de cet «autre côté»? Les forces politiques «nationales» offrent-elles réellement une alternative en Allemagne (et dans les autres pays de l’UE)? Là aussi, il y a de nombreux points d’interrogation. Dans son nouveau livre «Deutschland im Umbruch» [L’Allemagne en mutation], Willy Wimmer mentionne l’influence de services de renseignements étrangers sur les diverses forces «nationales»: «Il y a quelques mois, une des personnalités à la tête du service de renseignement intérieur de l’Autriche a signalé, lors de l’émission ZIB 2 [Zeit im Bild] à la télévision autrichienne, dans quelle mesure, au cours des dernières années, la présence de groupes aux idées bizarres ont refait surface en Europe tout en étant dirigés depuis les Etats-Unis. Il y a ceux qui pensent que l’Europe est une entreprise, ou d’autres qui, semble-t-il, s’engage avec véhémence pour un ‹accord de paix›. […] Qui peut bien se trouver derrière les partis nouvellement créés pour donner une patrie aux gens mécontents de la situation actuelle? […] Je crains […] que le président de l’office autrichien du service de renseignement intérieur ait raison en insinuant dans l’émission ZIB 2: les véritables sources de telles propositions sont à chercher parmi certaines forces au sein des Etats-Unis. On veut ainsi nous forcer à faire une certaine politique. L’agacement des citoyennes et citoyens, résultante de cette politique [du gouvernement fédéral allemand], est récupéré dans des courants induisant les gens en erreur.»

Ne pas mettre tout le monde dans le même sac

Il faut y réfléchir. Ce serait cependant une grave erreur de croire que tous les militants et membres des divers partis et mouvements politiques infiltrés par des services secrets posent problèmes. De nombreuses personnes, dans tous (!) les partis, ont des intentions honnêtes. Elles proviennent de divers milieux politiques et ont peut-être différentes approches et priorités, mais beaucoup d’aspects préoccupant les gens doivent être discutés et débattus. La plupart des gens ne se distinguent pas par une recherche exagérée du pouvoir politique, ils préfèrent très souvent chercher et trouver de bonnes solutions pour tous aux réels problèmes existants.

Diverses forces politiques sincères

Dans son ouvrage de référence en trois volumes sur l’histoire allemande de 1800 à 1918, l’historien allemand Thomas Nipperdey présente les courants politiques formés à la suite de la révolution échouée de 1848/49 dans la Fédération allemande de l’époque: les libéraux, les conservateurs et les catholiques, le mouvement des ouvriers et les partis ouvriers. Ces trois mouvements ont, selon Nipperdey, défendu des idées justifiées, et sont donc en conséquence, présentés et estimés dans son ouvrage de référence.
Les questions touchant au droit et à la liberté, la question sociale et les questions se rapportant au conservatisme et aux valeurs perpétuelles sont toujours actuelles. La requête justifiée de protéger notre environnement naturel a suffisamment de place dans les diverses orientations politiques fondamentales. Pour l’Allemagne, les nombreuses personnes engagées en faveur du bien commun sont un grand espoir. Elles se distinguent par une humanité vécue et une disponibilité au dialogue concret. Ces gens ne forment pas encore une force politique efficace, beaucoup se laissent encore intimider par les bousculades quotidiennes dans l’arène politique. Mais dans une démocratie directe à construire, cette force aurait plus de chances de s’épanouir sans lutte pour le pouvoir et l’influence. Willy Wimmer termine son nouveau livre par la phrase suivante: «La Suisse nous montre comment vivre la démocratie par la participation de citoyennes et citoyens responsables.» S’engager dans cette direction, également en Allemagne, donne de l’espoir aux gens.     •

1    L’article 16a de la Loi fondamentale dit: «(1) Les persécutés politiques jouissent du droit d’asile. (2) L’alinéa 1er ne peut être invoqué par celui qui entre sur le territoire fédéral en provenance d’un Etat membre des Communautés européennes ou d’un autre Etat tiers dans lequel est assurée l’application de la Convention relative au statut des réfugiés et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.»

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