Les «antifascistes» dans le courant dominant allemand?

Les «antifascistes» dans le courant dominant allemand?

Ce n’est pas comme ça qu’on apaisera le pays

par Karl Müller

Voici quelques réflexions pour illustrer les raisons pour lesquelles le nouvel «antifascisme» occidental n’a pas grand-chose à voir avec la lutte contre le fascisme et le national-socialisme.
Selon un article paru dans le «Neue Zürcher Zeitung» du 21 juillet sur la «Conférence de presse d’été» de la chancelière allemande, Angela Merkel s’inquiète de la culture politique en Allemagne. Elle désire «utiliser le reste de son mandat pour promouvoir des comportements différents et plus bienveillants». Les réseaux sociaux ont «transformé durablement la culture politique», nous sommes confrontés à un «processus de laisser-aller» qu’on ne pourra stopper qu’en «donnant le bon exemple».
A première vue, on aimerait bien se déclarer d’accord avec la chancelière allemande. Mais avec un peu de recul, on commence à se demander ce que la chancelière veut dire exactement? Quel est le rôle de sa politique dans les développements qu’elle critique? Et comment la chancelière réagit-elle face aux critiques envers sa propre politique?

«Eliminons les Etats-nations!»

Aujourd’hui encore, la chancelière allemande et les forces qui la soutiennent à l’intérieur et à l’extérieur du pays entourent la politique gouvernementale allemande de l’aura du «manque d’alternatives». Cela a eu des conséquences fatales pour la démocratie. Les analyses et les opinions divergentes n’ont plus été considérées comme des alternatives, mais dénigrées dès le départ et déniées de la possibilité d’être placées sur un pied d’égalité. Le fait de décrire la politique comme «sans alternatives» tue le débat démocratique et rappelle fortement une chanson de la SED [ancien parti de l’Allemagne de l’Est]: «Le parti, le parti, est le seul à avoir raison…» La dissolution des Etats-nations souverains et l’«approfondissement et l’élargissement de l’Union européenne» sont particulièrement considérés comme «sans alternatives». Le 7 juillet, même le «Neue Zürcher Zeitung» en Suisse a consacré un article très bienveillant et une page entière au projet de la proclamation d’une «République d’Europe»... avec comme gros titre une citation des protagonistes: «Eliminons les Etats-nations!

Les gens sont devenus suspicieux

Le succès et la diffusion des médias dits «alternatifs» n’est pas seulement dû au fait que de moins en moins de personnes se sentent compris et représentés dans les médias dits «grand public». Il existe de nombreux exemples de ces «médias grand public» rapportant et commentant tous de la même manière – par dessus la tête des citoyens. Cela a rendu de plus en plus de gens suspicieux et avides de trouver des sources d’information alternatives.

L’arme la plus tranchante dans la lutte contre les alternatives

L’arme la plus tranchante de la politique gouvernementale dans la lutte contre les alternatives est choisie dans l’arsenal de l’«antifascisme». En principe, ce n’est pas nouveau. En 1994 déjà, le politologue Hans-Helmuth Knütter, vivant alors à Bonn, publia le livre «Die Faschismus-Keule. Das letzte Aufgebot der deutschen Linken» [La massue du fascisme. La dernière équipe de la gauche allemande]. Cependant, la «dernière équipe de la gauche allemande» se trouve aujourd’hui dans le courant dominant et sur les bancs gouvernementaux. Il y a à cela pléthore d’indices et de preuves. Il est avéré que dans la «lutte gouvernementale contre la droite» des fonds publics sont remis à des groupes extrémistes «antifascistes». La politique du gouvernement est véritablement paradoxale – ou peut-être pas, mais délibérément construite de cette façon. D’une part, des fonds publics sont accordés à des groupes «antifa», d’autre part, dans ses rapports annuels, le Bundesamt für Verfassungsschutz [service de renseignement national] continue d’attirer l’attention sur les dangers de l’«antifascisme».
Le rapport concernant l’année 2017 (état de juillet 2018) précise à la rubrique «Antifascisme»:
«Du point de vue de l’extrême-gauche, le ‹fascisme› trouve ses racines dans le ‹capitalisme›. Dans ce contexte, la lutte contre l’extrémisme de droite n’est considérée comme suffisante et utile que si elle se concentre sur et attaque les conditions sociales supposées. Par conséquent, l’‹antifascisme› est toujours ‹la lutte contre le système capitaliste› et ses partisans, et donc plus que la simple lutte contre l’extrémisme de droite.
Dans un appel à une manifestation contre les ‹nazis›, cette attitude se clarifie: ‹La lutte contre le fascisme est aussi la lutte des opprimés contre la classe dirigeante. Sa destruction ne peut être réalisée qu’en surmontant le système capitaliste›. (Site: ‹Antifaschistische Aktion Karlsruhe›, 2 mars 2017)»

Antifa: lutte violente contre la démocratie bourgeoise

Plus bas, on peut lire: «Les extrémistes de gauche recherchent avant tout la confrontation directe avec les ‹fascistes› dans la rue et ne craignent pas non plus les attaques physiques». «‹L’antifascisme militant reste nécessaire et ne peut pas être pratiqué assez souvent.› (Site Internet: ‹linksunten.indymedia›, 16 janvier 2017)»
En d’autres termes, la lutte violente des antifas contre le «fascisme» est une lutte violente contre les valeurs et la démocratie bourgeoises, une lutte contre l’Etat de droit libéral et démocratique.

Madeleine Albright met également en garde contre le fascisme

Madeleine Albright, l’ancienne Secrétaire d’Etat américaine issue du même parti politique que Clinton et Obama, dirige actuellement le «combat contre la droite». Son livre, paru mi-juillet 2018 en langue allemande, avec une grande publicité dans tout l’espace germanophone (également en Suisse), porte le titre: «Faschismus. Eine Warnung» [Le fascisme. Un avertissement]. Le quotidien «St. Galler Tagblatt» du 20 juillet a publié une longue interview de Mme Albright pour qu’elle puisse y déposer ses réflexions. Mme Albright traque le danger fasciste non pas dans quelques groupuscules politiques – qui existent véritablement – mais également dans la politique des gouvernements ne correspondant pas à son goût. Dans son livre, on cherche en vain une approche scientifique et une analyse systématique et historique du fascisme. Son livre se voue avant tout à la polémique politique contre Donald Trump, Vladimir Poutine et la Corée du Nord. Puis il s’élève contre les gouvernements européens revendiquant davantage de souveraineté nationale, contre les critiques envers les médias «mainstream» et envers la politique migratoire de la Chancelière allemande (et les forces politiques qui la soutiennent). Selon Mme Albright, tout ne relève pas du fascisme. Mais cela revient à emprunter la voie du fascisme. Voilà la raison pour sa mise en garde.

Madeleine Albright, Joseph Fischer et Angela Merkel

Madeleine Albright est une coreligionnaire d’Angela Merkel ainsi que de Joseph Fischer, ancien politicien des Verts et ancien ministre allemand des Affaires étrangères. Tout comme de nombreux membres du groupe politique belliciste américain, elle ne tarit pas d’éloges sur l’Allemagne: «Je pense que l’Allemagne a joué un rôle-clé très positif dans le développement de l’Europa de l’après-guerre.» Et de rajouter: «J’aimerais préciser que l’un de ceux que je respecte le plus, un de mes meilleurs amis, est Joschka (Joseph) Fischer. […] Sa révolte contre ce qu’était et représentait le fascisme, ses avertissements, sa crédibilité en relation avec les Balkans, lorsqu’il a encouragé l’Europe à faire quelque chose en disant: ‹Il faut à tout prix empêcher un nouvel Auschwitz.› A l’époque, il a joué un grand rôle.» Et Mme Albright de conclure, une phrase plus loin: «Le rôle de l’Allemagne est important. La chancelière Merkel est un personnalité dont les paroles ont du poids.»

Qui est Mme Albright?

Pour mémoire: en 1998/1999, Madeleine Albright et Joseph Fischer furent les acteurs principaux pour la préparation et le déclenchement de la guerre d’agression de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie, en violation flagrante du droit international. Ils sont responsables de plus de 2000 morts directs de la guerre, de la destruction d’un pays au centre de l’Europe et d’un nombre encore inconnu de victimes, suite à l’engagement de systèmes d’armes radioactives. L’«antifascisme» selon Albright et Fischer fut (et demeure) meurtrier.
Il ne faut pas non plus oublier la réponse de Mme Albright à la question suivante: comment justifier les sanctions déclenchées pendant des années contre l’Irak en 1991, compte tenu de la mort d’un demi-million d’enfants suite aux effets directs de ces sanctions. La réponse de Mme Albright fut que cela en a valu le prix.

Mme Merkel n’est pas crédible

Une chose est certaine: aussi longtemps que toutes les alternatives à la politique des Etats-Unis et de l’Union européenne et de ses membres sont soumises au soupçon général du fascisme – et cela par des politiciens préconisant et utilisant eux-mêmes une politique violente – les préoccupations d’Angela Merkel, exprimées lors de sa «Conférence de presse d’été», retentissent comme de la pure dérision. Mme Merkel n’est pas crédible.
La situation politique actuelle ne pourra s’améliorer que si la Chancelière s’engage réellement à recréer en Allemagne un débat démocratique permettant aux diverses opinions politiques d’être acceptées d’égal à égal, d’exiger que les arguments factuels et non la polémique soient pris au sérieux et que toute personne de bonne volonté soit respectée et appréciée.
Une récente nouvelle allemande raconte l’histoire d’un homme licencié, à qui personne dans l’entreprise, ni le chef du personnel, ni son chef direct, ni le comité d’entreprise ne peut fournir de raison ou assumer la responsabilité, car, selon eux, le seul responsable est l’ordinateur. Après quelques semaines, suite à sa perplexité et son désespoir, l’homme détruit l’ordinateur avec un marteau – évidemment, ce n’est pas la meilleure solution. Mais comment juger du comportement de ses supérieurs décrit à la fin de la nouvelle: «‹On ne peut que se féliciter d’avoir licencié cet homme›, déclare le chef du personnel en s’entretenant avec l’ancien chef de cet homme. ‹Comment peut-on s’énerver de la sorte à cause d’un licenciement.›»     •

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