Les enjeux de la rencontre entre Angela Merkel et Vladimir Poutine

Les enjeux de la rencontre entre Angela Merkel et Vladimir Poutine

La détente et la concentration sur la résolution des problèmes sont d’actualité

par Karl Müller

L’idée qu’il est non seulement possible, mais plus approprié à la nature humaine, que les hommes et les Etats du monde cohabitent pacifiquement et équitablement, dans une saine coopération au lieu de se combattre, a souvent été mise en question ces dernières années – bien qu’elle constitue la base anthropologique et éthique de la Charte de l’ONU et du droit international. Il se peut pourtant que cette idée obtienne une nouvelle chance dans le cadre des bouleversements actuels dans le monde.
Bien qu’on lui mette constamment des bâtons dans les roues, le président américain Donald Trump l’a démontré: il est possible que des chefs d’Etats ennemis de longue date puissent renouer le dialogue. Lors de ses rencontres avec Kim Jong-un le 12 juin 2018 à Singapour et avec Vladimir Poutine le 15 juillet 2018 à Helsinki, il a montré qu’il est possible de faire les premiers pas dans cette direction. Toutes les récriminations adressées depuis au président américain ne sont pas révélatrices d’une fausseté de ses entretiens. C’est plutôt la preuve qu’il existe réellement – outre l’idée d’une cohabitation d’égal à égal, pacifique et prospère pour tous – une autre vue du monde puissante mais erronée: soit par conviction, soit dans le but de dissimuler une avidité maladive du pouvoir et de l’argent. Ce concept du monde correspond en principe au vieux modèle du darwinisme social stipulant que l’homme est un loup pour l’homme dans un combat dont la finalité n’est qu’un jeu à somme nulle. Les luttes pour l’accaparement des ressources et les guerres sont donc inévitables.

Des tâches communes pour l’Allemagne et la Russie

Après la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki, la chancelière allemande Angela Merkel a rencontré le 18 août le président russe pendant trois heures à Meseberg (Brandebourg). Assis à une table dans un beau parc, ils ont engagé un entretien sérieux. Cette photo a fait le tour du monde tandis que les résultats de cet entretien sont restés secrets. Ces événements ne sont vraisemblablement pas indépendants intérieurement l’un de l’autre ce qui est un signal plein d’espérance. Il serait bénéfique que la chancelière allemande, elle aussi, s’engage à corriger la confrontation avec le président russe, pas à pas, et à miser davantage sur la coopération – peu importe si son motif en est la compétition avec le président américain pour les marchés et les relations politiques futurs.
La chancelière allemande ainsi que le président russe ont mentionné, devant la presse dans leurs commentaires préalables à l’entretien, les tâches communes. Le président russe a notamment souligné les relations économiques interétatiques en cours de s’améliorer. En dépit de toutes les manœuvres de déstabilisation, Nord Stream 2 sera construit. Quant à l’Ukraine, les deux présidents confirment l’accord de Minsk. Concernant la Syrie, ils sont également prêts à collaborer. Sur le site Internet du gouvernement fédéral, on a pu lire le 18 août que l’Allemagne voulait «en tant que membre du dit ‹Small group› (Allemagne, France, Jordanie, Arabie saoudite, Grande-Bretagne et Etats-Unis) s’engager en faveur du lancement d’un processus politique». Le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov a mentionné au cours de la nuit du 18 août, que la Russie allait prendre avec l’Allemagne, la France et la Turquie un nouvel élan pour stabiliser le pays détruit.

«Sens de la réalité et désarmement rhétorique»

Concernant la rencontre des deux politiciens, l’écho médiatique en Allemagne n’a pas été exubérant. Comparé aux années passées, la tonalité est devenue plus factuelle. Les diatribes contre le président russe ont été rares. Et l’agence de presse Sputnik, proche du gouvernement, a écrit le 21 août: «Après la récente rencontre de travail entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président Vladimir Poutine au château de Meseberg près de Berlin, la partie allemande semble s’efforcer à faire entrer dans les rapports germano-russes le sens de la réalité et le désarmement rhétorique. […] La rencontre de Meseberg est généralement évaluée comme étant un signal que Berlin et Moscou sont décidés, malgré toutes les divergences, à collaborer et à s’accorder de manière plus intense sur le parquet international. C’est un des rares points, où la population allemande soutient pleinement son gouvernement, comme le montrent les enquêtes depuis plusieurs années.»

Rappeler les événements – sans faire de reproches

Depuis 1991, la plupart des gouvernements des Etats de l’OTAN et de l’UE ont entrepris beaucoup pour rendre la vie difficile à la Fédération de la Russie et à ses gouvernements. Il n’est pas nécessaire ici de répéter les nombreuses preuves. La Russie, «perdante» de la guerre froide, devait se plier aux volontés hégémoniques du monde occidental et notamment du pouvoir principal américain, en abandonnant, par exemple, ses ressources naturelles aux intérêts occidentaux. On parla de la «fin de l’histoire» (Francis Fukuyama), formule signifiant la victoire finale de la politique étatsunienne. Le livre de Brzezinski intitulé «Le Grand Echiquier. L’Amérique et le reste du monde» paru en 1997, fut le nouveau paradigme de cette politique. Des organisations non-gouvernementales alignées sur l’Occident devaient contribuer à réorienter la Russie sur la ligne occidentale ou au moins corriger la mal-aimée politique russe, comme elle se présentait depuis l’an 2000 sous les présidents Poutine et Medvedev – si nécessaire par un changement de régime. Le gouvernement russe, ayant retrouvé plus de confiance, réagit à sa façon – à l’intérieur et à l’extérieur du pays ainsi qu’au niveau de la politique de défense. Probablement pas toujours avec finesse, ce qui est compréhensible suite à la nouvelle guerre froide comportant des champs de bataille névralgiques.

Pourrait-il y avoir une possibilité de fenêtre ouverte au dialogue?

Jusqu’il y a quelques semaines, on pouvait à juste titre parler d’escalade permanente dans les relations entre d’une part les Etats de l’OTAN et de l’UE et d’autre part la Russie. Mais même au sein de l’UE, certains gouvernements n’ont pas approuvé cette ligne. Par exemple l’Autriche, en tant que pays neutre, auquel le président russe a rendu visite avant sa rencontre avec la chancelière allemande, a réalisé ses rapports envers la Russie différemment que l’Allemagne ou les Etats baltes et la Pologne. Cela ne débouche pas encore sur un changement politique, car la puissance hégémonique occidentale que sont les Etats-Unis a maintenu presque unanimement sa voie de confrontation jusqu’à janvier 2017.
Avec Donald Trump – malgré tous les revers, toutes les contradictions et la forte influence du «groupe des va-t’en-guerre» – la possibilité d’un changement existe, même si l’on ne sait pas encore qui s’imposera dans le sérieux conflit ayant lieu à l’intérieur des Etats-Unis. Donald Trump a favorisé, également pour les Etats européens et les autres pays de ce monde, la possibilité d’une fenêtre ouverte au dialogue. Si la rencontre de la chancelière allemande avec le président russe est le signal que cette ouverture peut être utilisée dans le sens de la paix et qu’Angela Merkel cesse de se comporter en exécutrice du «groupe des va-t’en-guerre», l’espoir est en effet permis.

Cesser de saper la souveraineté russe

Angela Merkel et les autres gouvernements occidentaux doivent déclarer très clairement au gouvernement russe leurs décisions de mettre fin à l’avenir à l’action de sape de la souveraineté de la Fédération de la Russie et d’entreprendre des activités d’affaiblissement du pays. Des négociations et une coopération honnête sur un même pied d’égalité sont nécessaires. Le poker politique n’est pas la bonne voie. La détente et la concentration sur la solution des problèmes sont d’actualité. Le monde ne manque pas de problèmes massifs. Les êtres humains touchés en souffrent chaque jour.     •

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