Le 29 septembre a eu lieu à Escholzmatt dans l’Entlebuch le 5e colloque scientifique de l’Institut de recherche sur la démocratie directe intitulé «Le principe coopératif et la démocratie directe». René Roca, directeur de l’institut, historien et conseiller communal argovien, était l’organisateur de cette réunion. Escholzmatt a une longue tradition coopérative et la vallée d’Entlebuch eut une grande importance pour le développement de la démocratie directe.
Une centaine de participants, venus de Suisse et de l’étranger, s’y retrouvèrent alors même que se déroulait à Schupfheim, le village voisin, la fête de la Désalpe. Au centre de ce colloque étaient placés les résultats de recherches démontrant l’importance du principe coopératif pour la démocratie directe. En complément de la réunion de l’année dernière qui avait été consacrée à l’importance du «droit naturel» pour la démocratie directe en Suisse, l’Institut de recherche se consacra cette année au «principe coopératif», approfondissant ainsi les recherches sur la théorie de la démocratie directe.
Fritz Lötscher, président de la commune d’Escholzmatt-Marbach, manifesta sa joie lors des salutations. «C’est pour nous un grand honneur de voir se dérouler chez nous cet événement scientifique.» Sa commune, située au cœur même de la Suisse est avec ses 4370 habitants la plus grande de la région, menant une vie active avec plus d’une centaine d’associations et environ 400 dans la région.
Dans son introduction, René Rocca a expliqué les origines des coopératives en Suisse, du point de vue historique et en mettant l’accent sur les fondements anthropologiques et de droit naturel, par la présentation du mouvement coopératif des XIXe et XXe siècles. Adolf Gasser (1903–1985) a formulé l’un des principaux principes des coopératives: «L’antagonisme domination – coopération est certainement le principe essentiel qu’a connu l’histoire sociale. Avec l’antagonisme Etat autoritaire – Etat social», il s’agit de différences fondamentales, des bases élémentaires du vivre ensemble humain.» (Gasser, Gemeindefreiheit als Rettung Europas, 1947). L’Entlebuch, en tant que communauté de vallée a joué un rôle particulier dans l’histoire, car nulle part en Europe, on n’a remis en cause les relations de pouvoir comme ce fut le cas lors des combats pour la liberté des «rebelles» de l’Entlebuch contre leurs seigneuries de Lucerne. La révolte de l’Entlebuch fut le début des guerres paysannes suisses en 1653.
Le principe coopératif ayant pris, depuis le Moyen-Age, des formes très diverses au sein de la Confédération helvétique est une tradition démocratique essentielle. Les activités communautaires de l’entraide, du partage des responsabilités et de l’autogestion permirent une entente dans les prises de responsabilité notamment dans l’approvisionnement en eaux, la construction de chemins et des ponts, etc. La démocratie de la «landsgemeinde», faisant également partie du mouvement populaire dans les campagnes, était au cours du XIXe siècle un modèle important pour davantage de participation populaire. Sur cette base, et profitant de l’expérience acquise, des personnalités actives au niveau des communes, des cantons et du pays purent ainsi continuer à développer les instruments de démocratie directe.
Le spécialiste en sciences politiques Wolf Linder, professeur à l’Université de Berne jusqu’en 2009, et membre du Conseil suisse de la science, s’exprima sur le thème «Démocratie directe et coopératives: a-t-on besoin des deux?» Il y répondit dès le début de son discours: «Oui, mais pourquoi?» Les coopératives et la démocratie directe relèvent du même principe: «Une personne = une voix» pour toutes les décisions importantes. Linder comprend les coopératives comme complément de la démocratie directe. Dans son intervention, il souligna les avantages des coopératives: elles sont durables et contribuent à de sérieux contrôles des ressources. Selon Linder, la responsabilité sociale est mieux gardée dans les coopératives comparées aux sociétés à capitaux, car elles ont davantage de marge de manœuvre. Il s’adressa également aux grandes coopératives Migros et Coop, pour leur rappeler qu’elles ne devaient pas oublier les bases fixées par leurs fondateurs. Les coopératives offrent d’excellentes opportunités, elles sont une alternative à la globalisation, car elles ne sont (presque) pas négociables et offrent une meilleure protection contre tout contrôle externe.
La matinée se termina par la conférence de Pirmin Meier, ancien membre de la constituante du canton d’Argovie et l’un des meilleurs connaisseurs du contraste entre la ville et la campagne dans l’ethnologie historique. Il présenta des extraits repris des importants écrivains de la littérature suisse, tels que Heinrich Zschokke (1771–1848), Jeremias Gotthelf (1797–1854), Gottfried Keller (1819–1890) et Heinrich Federer (1866–1928) pour présenter avec élan et passion les éléments coopératifs se trouvant dans ces œuvres: l’image de l’être humain émancipé, forgeant sa propre opinion, sans aucune illusion quant à la «hiérarchie» dans les villages. Il parla également de la main levée chez Heinrich Zschokke, et des échelles de valeurs de Gottfried Keller. Il exprima sa conviction profonde au sujet du livre «Das Goldmacherdorf» de Heinrich Zschokke, représentant selon lui, l’ouvrage littéraire le plus important concernant les coopératives. La conception du village en autarcie était prémonitoire, précédant les idées de Friedrich Wilhelm Raiffeisen. Il fut republié neuf fois jusqu’à la Révolution russe et traduit dans de nombreuses langues. Il fut le modèle pour trois romans de Jeremias Gotthelf, dont Pirmin Meier estima que le meilleur roman de cet auteur concernant les coopératives était «Die Käserei in der Vehfreude». Contrairement aux utopistes socialistes, Jeremias Gotthelf connaissait bien l’être humain – et en outre, la base des coopératives repose sur des valeurs éthiques et morales. Et Pirmin Meier de résumer: grâce à la littérature, on peut apprendre à connaître les spécificités de l’être humain et du peuple. La bonne littérature présente l’être humain tel qu’il est et non pas comme il devrait être. Grâce à ses grandes connaissances et sa présentation passionnée, Pirmin Meier a transmis aussi une partie de son amour du pays aux participants, dont certains avaient fait le voyage de l’étranger.
L’après-midi fut consacrée à la présentation de trois exemples de coopératives: la Coopérative forestière de l’Entlebuch du haut (Lukas Balmer, forestier et directeur), la Coopérative de culture d’herbes aromatiques Entlebuch, (Peter Stadelmann, président) et la Coopérative Zeit-Fragen (Jean-Paul Vuilleumier, président). De cette manière les participants au colloque purent se faire une idée de la diversité de la pratique coopérative, notamment par les personnalités qui les représentaient: acquis à la chose, sans intérêts financiers, en parfaite égalité.
Le colloque avait été fort bien préparé. La salle se trouvait dans le Restaurant de la Gare, la réception des participants était parfaitement organisée et le repas de midi excellent. Tout au long de la réunion, René Rocca dirigea les activités et les discussions de façon calme et compétente, dans une atmosphère agréable et constructive. Dans l’ensemble, ce colloque a permis de présenter la grande importance des coopératives pour l’amélioration du vivre ensemble dans nos sociétés. •
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