S’opposer à la confusion et à la «désertification»

S’opposer à la confusion et à la «désertification»

par Friedrich Romig

Michael Rieger, germaniste, philosophe, historien et politologue allemand de renom, a repris comme titre de son livre la phrase «Wir gehen durch die Gegenwart wie durch eine Wüste» [Nous traversons le présent comme un désert] d’un essai rédigé par l’écrivain Fritz Eberling en 1930, donc à une époque fortement marquée par le bouleversements ayant suivi la Première Guerre mondiale.

Tant la République de Weimar que celle d’Autriche ressemblaient, dans le domaine spirituel, à un morne désert, ressenti – en comparaison à aujourd’hui – comme «en grande partie sans âme, sans culture et sans cœur».
Le «nivellement socialiste de toutes différences et la négation de la culture humaine» devint ainsi, comme le constate avec justesse Anabel Schunke, la raison d’être de l’Etat. La «pensée libérale» sous forme du relativisme a fortement contribué à cette émergence du «désert intérieur et extérieur» allant de pair avec les pertes destructrices de la tradition, de l’orientation envers le bien commun et du sens de la responsabilité. L’«homme moderne constamment stressé» (Franz Xaver Kroetz) a perdu les points de repère et les images positives capables de résister aux forces destructrices.
Michael Rieger veut nous les rappeler, ces points de repères et ces images positives, en recourant à sa bibliothèque. Il y trouve, par exemple, «Die Kornenwächter» [Les Gardiens de la Couronne] d’Achim von Arnim qui ont préservé «les images modèles éternellement sacrées de la véritable intimité et des idéaux». Elles ont toujours existé, lorsque la dévastation mentale devenait menaçante par ses Saturnales célébrées déjà lors de la Révolution française, comme aujourd’hui, sous le logo du «politiquement correct».
Dans son introduction, Rieger se réfère à juste titre à Kleist, Droste-Hülshoff, Peter Rosegger et de manière très détaillée à Adalbert Stifter désirant, avec sa «loi douce», redonner son importance aux mœurs et à la justice. Reinhold Schneider, également fort apprécié de Rieger, exprime à merveille le sens de cette «loi douce» dans un quatrain, rédigé peu avant la prise du pouvoir des nationaux-socialistes, dans une forme prophétique et concise:

«Denn Täter werden nie den Himmel zwingen:
Was sie vereinen, wird sich wieder spalten.
Was sie erneuern, über Nacht veralten,
Und was sie stiften, Not und Unheil bringen.»

[Car les malfaiteurs ne forceront jamais les
Cieux: ce qu’ils unissent se divisera à nouveau.
Ce qu’ils renouvellent se révélera être obsolète,
Et ce qu’ils créent provoquera misère et malheur.]

Le poème contenant ces quatre vers est intitulé: «Allein den Betern kann es noch gelingen» [Seuls les prieurs peuvent encore réussir...]. Schneider l’a intégré dans une collection de méditations publiée sous des conditions de samizdat, au milieu de la Seconde Guerre mondiale, que de nombreux soldats portait avec eux, cachée dans leur sac à dos, pour y puiser de la consolation face au sort inéluctable de la mort attendue.
Rieger intitule le premier chapitre de sa petite anthologie de réflexion conservatrice: «Catholicisme ou Modernisme». Par là, il annonce le sujet principal du livre. Ce premier chapitre rend hommage au Brésilien Plinio Corrêa de Oliveira, largement inconnu en Europe qui, avec ses ouvrages «Révolution et contre-révolution» et «Noblesse», traduits dans la plupart des langues du monde, a donné vie [en 1960] au mouvement «Tradition, Famille, Propriété» (TFP), ancré institutionnellement dans de nombreux pays. Sa thèse affirmant que l’ordre dans la culture, la civilisation et l’Etat «dépend de la prise en compte des enseignements de l’Eglise» est aujourd’hui acceptée par pratiquement tous les importants penseurs conservateurs. Ce n’est pas un hasard qu’Ernst Jünger, Caspar von Schrenck-Notzing et Russell Kirk se soient convertis du protestantisme à l’Eglise catholique romaine, sans parler de leurs prédécesseurs Adam Müller, Friedrich Schlegel, Carl Ludwig von Haller et de nombreux autres. Et finalement, il est significatif que des écrivains du rang d’un Peter Handke, Martin Walser, Thomas Bernhard ou Botho Strauss étanchent de plus en plus leur «soif de la vérité» dans les «fontaines jaillissantes» offertes par la religion.
Dans ses promenades à travers la tradition, Rieger se réfère, de manière répétée, à Othmar Spann à propos duquel Armin Mohler, probablement le meilleur connaisseur de la révolution conservatrice a jugé qu’il «a fourni à la révolution conservatrice le système le plus élaboré». L’œuvre exhaustif de Spann trouva, dans les années 1970, sa synthèse dans une édition complète de son œuvre en 21 volumes. Au grand plaisir de Michael Rieger, les doctrines de Spann sont défendues et répandues aujourd’hui, également dans les domaines de la politique et des sciences, par ses disciples et leurs descendants.
Avec ses croquis et ses portraits, Rieger n’a pas présenté un livre scientifique, mais un livre offrant au lecteur un «bain de jouvence» bénéfique et contribuant à l’hygiène mentale.    •
(Traduction Horizons et débats)
Rieger, Michael. «Wir gehen durch die Gegenwart wie durch eine Wüste» – Auf den Spuren der Tradition in Philosophie und Literatur – Skizzen und Porträts. [Nous traversons le présent comme un désert – Sur les traces de la tradition en philosophie et en littérature: croquis et portraits.] 240 p., Rückersdorf bei Nürnberg, Lepanto-Verlag 2018

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