mw. La Commission européenne va – si jamais nous adoptions la directive de l’UE sur les armes – surveiller sa mise en œuvre, comme nous l’apprenons suite à l’article de Félicien Monnier (cf. encadré).
A la recherche de la directive de l’UE qu’il cite, on est confronté à un jungle juridique insondable pour toute personne ne faisant pas partie des bureaucrates européens. La directive (UE) 2017/853 du 17 mai 2017 que nous Suisses sommes invités à adopter dans notre code juridique lors du vote du 19 mai 2019, est une nouvelle directive «modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes». Cette nouvelle directive consiste au début en une liste avec de brefs commentaires de 33 raisons (!) expliquant pourquoi l’ancienne directive (de 1991) doit être modifiée. Puis, il est précisé que les modifications font partie de l’acquis de Schengen, devant être repris par l’Islande, la Norvège, le Liechtenstein et la Suisse.
Un échantillon original de l’article 36: «En ce qui concerne la Suisse, la présente directive et la directive 91/477/CEE constituent un développement des dispositions de l’acquis de Schengen au sens de l’accord entre l’Union européenne, la Communauté européenne et la Confédération suisse sur l’association de la Confédération suisse à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen (6) qui relèvent des domaines visés à l’article 1 de la décision 1999/437/CE , lue en liaison avec l’article 3 de la décision 2008/146/CE du Conseil (7).» Si vous voyez dans cet emboîtement délibérément opaque un discours bureaucratique incompréhensible, voici une petite consolation: c’est impropre à la consommation pour tout lecteur, même pour un juriste expérimenté. L’essentiel de cette phrase: il existe deux autres directives européenne s’appliquant à la Suisse – qui les a lues?
Après 37 articles introductifs, nous en venons au contenu de la nouvelle directive respectivement à la modification des différents articles de la directive 91/477/CEE. Car la réglementation précédente ne sera pas remplacée par une nouvelle réglementation clairement numérotée, comme c’est l’usage pour la révision totale d’une loi. Voici un exemple de ce qu’on y lit: «14. A l’article 13, les paragraphes suivants sont ajoutés: (4) […] (5) […]» La tête bourdonne et personne – pas même un spécialiste – ne peut saisir ce qui fait maintenant partie du contenu de la directive modifiée. Néanmoins, grâce à sa persévérance la juriste tombe finalement sur l’article 17 cité par M. Monnier …
Quel appareil bureaucratique insensé! On peut supposer que les directives et les ordonnances sont délibérément formulées, numérotées et entrelacées d’une manière si complexe que même des lecteurs expérimentés ne pourront jamais les comprendre pleinement. Ainsi, on ne sait qu’après coup dans quoi on s’est fait prendre.
Ne votez jamais en faveur d’un objet dont vous ne pouvez pas ni lire ou comprendre le contenu! A la page 46 des Explications du Conseil fédéral, on lit: «L’Assemblée fédérale de la Confédération suisse, […] arrête: 1 L’échange de notes du 16 juin 2017 entre la Suisse et l’Union européenne concernant la reprise de la directive (UE) 2017/853 modifiant la directive 91/477/CEE relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes est approuvé. […]»
Combien de conseillers nationaux et de conseillers aux Etats ont lu cette construction monumentale? L’article 17, cité par l’avocat Félicien Monnier, a tout récemment été mentionné dans la presse quotidienne. Le fait que les opposants se soient heurtés à ce problème gêne naturellement les européistes: car maintenant il est évident que la centrale d’observation bruxelloise prévoit de vérifier régulièrement notre législation sur les armes pour ordonner un durcissement à son gré – si nous ne nous y opposons pas le 19 mai.
La porte-parole de l’Office fédéral de la police (Fedpol) vient de déclarer: «Actuellement, personne ne peut dire si et sous quelle forme des adaptations auront réellement lieu à l’avenir («St. Galler Tagblatt» du 17/4/19). Justement! •
Les partisans de la réforme de la loi sur les armes martèlent que le statut du soldat suisse est sauf, celui des tireurs sportifs préservé et qu’en réalité, la reprise de la directive UE ne changerait rien à notre droit.
Il convient d’abord de dénoncer cette argumentation, de plus en plus fréquente, consistant à prétendre qu’une réforme, imposée par le droit international, «ne change rien» à notre propre droit. Il s’agit pour ses utilisateurs de faire passer la pilule à un souverain suffisamment indifférent à la politique pour ne pas lire les textes. Précisément, faite de nouveaux textes, avec de nouveaux mots, une réforme législative change toujours quelque chose.
Cela est d’autant plus faux que la directive UE sur les armes prévoit elle-même sa propre évolution: «Au plus tard le 14 septembre 2020, puis tous les cinq ans, la Commission (européenne) soumet au Parlement européen et au Conseil un rapport sur l’application de la présente directive, y compris un bilan de la qualité de ses dispositions, assorti, s’il y a lieu, de propositions législatives concernant, en particulier ...» (art. 17 nouveau de la directive 91/477/CEE relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes).
Autrement dit, dans une année et demie, nous saurons déjà quelles modifications la Suisse devra reprendre dans sa législation. Cessons donc de nous vanter des prétendues concessions emportées par nos négociateurs. Elles sont temporaires, non seulement en raison du mécanisme de reprise de l’acquis Schengen, mais surtout du fossé mental qui sépare les objectifs de l’UE des réalités de la pratique du tir en Suisse.
Source: La Nation n° 2120 du 12/4/19
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