Plaidoyer pour le citoyen responsable

Plaidoyer pour le citoyen responsable

Votations fédérales du 19 mai 2019

Loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA)

par Werner Wüthrich, docteur en sciences administratives

«Voulez-vous adopter la loi fédérale du 28 septembre 2018, relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA)?» Telle est la question, soumise à la votation, qui sera présentée le 19 mai aux électeurs. Dans le même «package», on a associé deux objets discutables et totalement étrangers l’un à l’autre. Dans la partie fiscalité, l’imposition des entreprises devrait être effectuée afin d’être en conformité avec les normes internationales; dans la partie AVS, il s’agit d’alimenter en argent frais les Caisses de prévoyance, au travers de retenues salariales et de contributions de la part des employeurs.
En conséquence, ceux qui sont d’accord avec une partie de la proposition mais pas avec l’autre ne peuvent pas exprimer leur volonté de manière fidèle et sûre. On fait pour ainsi dire pression sur l’électeur d’accepter les deux objets – ce que les partisans désignent comme un compromis.
A la base d’un tel procédé, il y a une conception très particulière du citoyen responsable. Malheureusement, ce n’est rien de nouveau, comme nous allons l’expliquer par la suite. Il est même particulièrement fréquent quand les votations touchent à la fiscalité.

«Depuis la Seconde Guerre mondiale, il y a eu un très grand nombre de votations relatives à la fiscalité et aux finances. Elles ont très souvent abouti à un rejet populaire, non pas parce que les citoyens étaient fondamentalement contre les augmentations d’impôts, mais parce que la façon, dont ces votations se présentaient, n’était pas adaptée et qu’elles allaient souvent contre le principe de l’unité de la matière. Les finances fédérales sont-elles pour cette raison en difficultés et la Confédération fortement endettée? Non – bien au contraire. Aujourd’hui, le budget fédéral est dans l’ensemble extrêmement sain et la Suisse fait partie des quelques rares pays ayant atteint des excédents au cours des dernières années et ayant progressé encore dans le remboursement de son endettement pourtant modéré.»

Les votations relatives à la fiscalité sont un sujet sensible – à bien des égards. D’une part, elles touchent au porte-monnaie personnel, ce qui entraîne des réticences bien compréhensibles lorsqu’il s’agit d’augmenter ou même d’adopter de nouveaux prélèvements en faveur des services publics. Trop d’«Etat» n’est pas souhaitable. Cela ne signifie pas, cependant, que les électeurs veuillent réduire les autorités politiques à la famine financière et ne considèrent que leurs propres intérêts pécuniers. Bien au contraire, il s’agit là, pour la plupart, de la responsabilité en matière de politique nationale, du bien public et du souci de la communauté et des moyens qui lui sont nécessaires pour remplir ses devoirs.

Les réglementations fiscales et financières actuelles au niveau fédéral, cantonal et communal – position de force des électeurs

A ma connaissance, la Suisse est le seul pays, où les électeurs puissent décider par les urnes de l’introduction ou de l’augmentation de nouveaux impôts – que ce soit au niveau fédéral, cantonal ou communal. A la base, on trouve la juridiction fiscale des cantons et des communes. La Confédération ne possède que le droit supplétif de lever des impôts. Au niveau fédéral, il y a eu depuis environ un siècle un grand nombre de votations relatives à la fiscalité et la finance – et depuis bien plus longtemps dans les cantons et les communes (cf. à ce sujet l’édition spéciale dans d’Horizons et débats n° 27/28 du 14.11.2017 «Impôts et finances en Suisse – décidés par le peuple. L’arrière-plan de la politique nationale et son histoire.»).
Nous présentons ici une brève esquisse des grandes lignes de l’actuelle réglementation financière au niveau fédéral. En 1958, le peuple a approuvé la nouvelle réglementation fédérale des finances, dont les grandes orientations sont encore valables aujourd’hui (cf. Kölz, Quellenbuch, 2004, p. 352–356). Après la Seconde Guerre mondiale, il s’agissait d’intégrer les nouveaux impôts (impôt de défense nationale et impôt sur le chiffre d’affaires), limités et émis à titre provisoire, dans la législation ordinaire. Dans la période allant de 1950 à 1958, il y eut en tout douze votations populaires. Il ne s’agissait plus seulement d’argent, mais également et avant tout de questions de fédéralisme, de justice fiscale, de répartition des recettes, de subsidiarité et de bien plus encore.
Fallait-il laisser l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune aux communes et aux cantons? La Confédération devait-elle avant tout se financer par l’impôt sur le chiffre d’affaires? Dans quelle mesure aménager la progression? Fallait-il mettre en place un référendum financier ou même un référendum sur les dépenses publiques? Fallait-il réellement augmenter fortement les dépenses pour l’armée – comme cela était prévu? Dans quelle mesure, la Confédération devrait-elle harmoniser la fiscalité ou même la centraliser? L’intérêt politique à cette thématique était énorme – au cours de ces mêmes années, il y eut neuf initiatives populaires déposées sur des questions de fiscalité et de finances, qui furent partiellement retirées lorsque leur contenu fut retenu par le Parlement. (Hofer, 2012).
Le régime financier fédéral de 1958 incluait de nombreux compromis. La Confédération mit en place un impôt sur le revenu contenant un taux progressif élevé (aujourd’hui impôt fédéral direct) – mais pas d’impôt sur la fortune. Il est remarquable que la proposition incluait deux obstacles pour empêcher le Parlement d’augmenter les impôts sans avoir recours à une votation populaire obligatoire.
C’est ainsi que les limites supérieures de l’impôt de défense nationale (aujourd’hui impôt fédéral direct) et de l’impôt sur le chiffre d’affaires (aujourd’hui taxe sur la valeur ajoutée [TVA]) se trouvent inscrites dans la Constitution. Concernant l’impôt de défense nationale: «[…] l’impôt sur le revenu des personnes physiques suivra un barème progressif et ne devra pas dépasser 8% du revenu imposable total», quant à l’impôt sur le chiffre d’affaires: «[…] l’impôt ne devra pas dépasser 3,6% du chiffre pour le commerce de détail, et 5,4% pour le commerce de gros» (Kölz, Quellenbuch, 2004, p. 352).
La mention des chiffres dans la Constitution donne au peuple une position de force. Si le Conseil fédéral et le Parlement désire élever les impôts, ils doivent modifier la Constitution fédérale, ce qui nécessite obligatoirement une votation populaire exigeant non seulement la majorité des voix, mais aussi la majorité des cantons. Le fédéralisme est protégé parce qu’aujourd’hui encore, la majorité de 26 cantons doit donner son accord, garantissant ainsi l’impossibilité pour les cantons très peuplés de mettre en minorité les petits cantons. En outre, le régime financier fédéral de 1958 était limité à cinq ans. Les responsables de l’époque pensaient que la fiscalité de la Confédération, varierait constamment. Ces impôts devraient donc, au bout de quelques années, être périodiquement contrôlés et entérinés par le peuple; cela est également encore d’actualité à l’heure actuelle. Les délais ont cependant été étendus. Tout d’abord portés à cinq ans, ils sont ensuite passés à dix, puis douze, pour atteindre aujourd’hui quatorze ans. – Cette réglementation est un bel exemple du fédéralisme, tel qu’il s’est développé en Suisse.
Ces obstacles perdurent, tout en étant gênants pour le Parlement. Il y eut plusieurs fois des tentatives d’abrogation des taux maxima ou limitation – en 1970, en 1977, en 1979 et 1991 (Linder, 2010). La réponse du peuple fut toujours Non. Il aurait été possible, par exemple, d’inscrire les taux maxima non pas dans la Constitution, mais dans une loi fédérale. Dans ce cas de figure, le Parlement aurait pu relever les impôts sans passer automatiquement par une votation, sauf si 50 000 électeurs et électrices l’avaient réclamé par voie de référendum, cependant sans que la majorité des cantons soit nécessaire.
Dans ce contexte, les raisons de l’agacement suscité par la Suisse – avant tout dans le domaine de la fiscalité – parmi certains pouvoirs étrangers deviennent évidentes: chez nous, il ne peut y avoir de directives venant d’en haut sans qu’elles soient d’abord soumises à l’approbation des citoyens. Certes, nos propres autorités tentent parfois de faire pression sur nous pour orienter les votes – mais même de nos jours, il peut se produire des surprises, quand les électeurs résistent à la pression et votent autrement que les autorités l’espéraient.

En quoi consiste le projet électoral sur la fiscalité et l’AVS du 19 mai?

1. Réforme fiscale

«La fiscalité sur les sociétés doit être adaptée afin que la Suisse corresponde aux nouvelles normes internationales et reste compétitive.» Citation du Conseil fédéral (Explications du Conseil fédéral, p. 9). Soit, en clair: il n’est pas du goût de l’OCDE et de l’UE que la situation financière de la Suisse soit meilleure que celle de nombreux autres Etats. C’est pour cette raison que de nombreuses multinationales ont leur siège en Suisse car c’est là, comme on le sait, que dominent les conditions de stabilité politique et économique. Mais c’est aussi parce que la Suisse possède sa propre monnaie si appréciée que de puissantes sociétés et des individus fortunés sont disposés à payer des intérêts négatifs pour leur argent. En outre, les cantons peuvent également faire usage de leur liberté fédéraliste et offrir aux sociétés étrangères des conditions attractives sur le plan fiscal.
Ces privilèges fiscaux au niveau cantonal devraient être abolis – dixit le Conseil fédéral et le Parlement sous la pression des puissances étrangères (cf. Explications du Conseil fédéral, p. 13). C’est ainsi que nous, Suisses sommes – après la votation sur l’USR III (Réforme de la fiscalité d’entreprise III) refusée il y a deux ans à presque 60% des voix – à nouveau confrontés à cette question de la fiscalité des entreprises. La Suisse peut certes subir des pressions de la part des puissances étrangères, mais en fin de compte, ce sont les électeurs et les électrices qui décident.
Avec cette réforme fiscale, les cantons seraient contraints d’étendre à toutes les entreprises les mêmes règlementations de l’impôt sur le bénéfice. Les cantons ne peuvent augmenter leurs impôts sous peine de voir les entreprises étrangères émigrer. Donc, certains cantons projettent, dès à présent, une baisse générale de la fiscalité d’entreprise pour que les sociétés locales et étrangères aient un taux d’imposition uniformément bas.
Il faut s’attendre pour les cantons à des manques à gagner fiscaux, qui seront partiellement compensés par la Confédération. Ainsi, les cantons pourront pondérer de manière plus forte les dépenses dévolues à la recherche et au développement (Explications du Conseil fédéral, p. 13). Le «susucre» accordé aux cantons pour compenser les pertes fiscales, sera de l’argent puisé dans l’escarcelle fédérale: «La part des cantons au produit de l’impôt fédéral direct sera relevée et passera de 17,0% à 21,2%. Les cantons recevront environ 1 milliard de francs supplémentaires par an si l’on se fonde sur le niveau actuel des recettes,» (Explications du Conseil fédéral, p. 14). Mais il ne faut pas oublier que ces «cadeaux» seront payés avec

2. Financement de l’AVS

Le second «susucre», accordé aux citoyens pour qu’ils puissent plus facilement accepter les pertes fiscales au niveau de leur canton, sont «quelques 2 milliards de francs supplémentaires versés chaque année à l’AVS». De cette somme, environ 800 millions proviendront de la caisse fédérale (et donc de la part des contribuables!). Les 1,2 milliards restants seront payés par les employés et les employeurs sous forme d’une augmentation des retenues salariales, à hauteur de 0,15% du salaire (Explications du Conseil fédéral, p. 15).
Vraiment un super cadeau! La Confédération devrait peut-être économiser autrement l’argent de la caisse fédérale, et une augmentation des retenues plus élevées sur le salaire ne provoquerait sans doute aucun enthousiasme délirant …
Et qu’est-ce que tout cela a à voir avec la fiscalité d’entreprise? Rien du tout!

Principe juridique de l’unité de la matière

«Associer deux objets n’ayant pas de lien entre eux est une insulte à la démocratie et ne permet pas d’exprimer sa volonté de manière fidèle et sûre.» Selon le second des comités de référendum («Comité bourgeois NON au projet Réforme fiscale/Financement de l’AVS» et «Comité de la jeune génération») c’est là que se trouve la principale raison du recours au référendum (Explications du Conseil fédéral, p. 17). Suite à ce couplage anticonstitutionnel, plusieurs comités de référendum indépendants se sont formés. Cela a généré de nombreux arguments pour et contre sur les deux sujets. Il est choquant d’obliger les électeurs à choisir entre l’acceptation ou le rejet d’un paquet aussi hétéroclite.
Dans la Constitution fédérale, il y a des lignes directrices très claires: l’article 34, alinéa 2 protège «la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté.» dans le domaine des droits politiques. L’article 139, alinéa 3 exige que les initiatives populaires respectent «le principe de l’unité de la matière» donc ne mélangent pas des sujets sans liens entre eux. Cette ligne directrice est également valable pour le Parlement. Notamment dans le domaine de la fiscalité et de la finance, ce principe a souvent été lésé. Et donc, cela vaut aussi pour cet objet de votation du 19 mai. Voici deux exemples tirés du passé:
En 1955, une initiative populaire fut invalidée par les Chambres fédérales à cause d’un manquement au principe de l’unité de la matière. C’était l’époque de la guerre froide et on réarmait dans le monde entier – également en Suisse. Les Chambres fédérales décidèrent de doubler les budgets de l’armée et d’augmenter les impôts en conséquence. Les groupements pacifistes rassemblés autour de Leonhard Ragaz s’élevèrent alors contre ces mesures et lancèrent une initiative populaire. Il fallait instaurer une «trêve de l’armement» et le budget prévu pour une année devait être affecté pour moitié à des œuvres de bienfaisance pour la jeunesse et à la construction de logements bon marché et pour l’autre moitié, être utilisé dans les pays voisins pour la reconstruction de régions dévastées par la guerre. Certains parlementaires argumentèrent: comment un électeur pourrait-il exprimer son vote s’il désire soutenir par sa contribution fiscale le projet concernant les logements bon marché, mais pas l’aide apportée à la reconstruction à l’étranger – ou vice versa? Les deux Chambres fédérales invalidèrent l’initiative. Ceci, cependant, se produit rarement. Les auteurs de l’initiative ne se laissèrent pas décourager et représentèrent immédiatement deux nouvelles initiatives, à présent plus clairement formulées: l’une exigeait que les dépenses militaires excédant 500 millions de francs suisses par année soient soumises au vote du peuple. L’autre demandait qu’un montant annuel équivalant à un dixième des dépenses militaires soit affecté à la sécurité sociale et à la solidarité internationale. La votation n’eut cependant pas lieu, car les deux initiatives furent retirées lorsqu’éclata l’insurrection populaire en Hongrie, entraînant en Suisse l’unanimité sur l’augmentation des dépenses d’armement (Hofer, 2012, N° 72, 75 et 76). La politique peut vraiment se révéler vivante et extrêmement captivante!
Passons maintenant à un autre exemple impressionnant relevant du domaine de la fiscalité: l’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée au cours des années qui suivirent 1977. A cause du GATT et de l’Accord de libre-échange de 1972 avec la CEE, les droits de douane avaient diminué et il manquait de l’argent dans les caisses fédérales. En outre, une récession massive survenue en 1974 fit fondre les rentrées fiscales. De plus, en 1977 la Communauté européenne avait unifié la taxe sur la valeur ajoutée pour tous les pays membres – avec un taux minimal de 15%.
Le Conseil fédéral et le Parlement voulaient s’en rapprocher et passer également à la taxe sur la valeur ajoutée – mais avec un taux plus faible de 10%. Le peuple refusa très clairement cette proposition. Le taux était bien trop élevé par rapport à l’impôt sur le chiffre d’affaires alors en vigueur. Là-dessus se greffa un autre motif de refus. Le Parlement associa la taxe sur la valeur ajoutée à la tentative de démanteler les droits populaires dans le domaine de la fiscalité. Il désirait extirper de la Constitution les taux maxima pour les impôts fédéraux, afin qu’il n’y ait plus de référendum obligatoire dans le domaine des augmentations d’impôts.
La deuxième tentative d’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée suivit à peine deux ans plus tard – cette fois au taux normal abaissé à 8%. Le Parlement s’obstina à nouveau: les taux maxima des impôts fédéraux et leurs délais imposés devaient être éliminés de la Constitution. Et à nouveau le peuple refusa très nettement avec 65% des voix, et presque tous les cantons s’y opposèrent également. Par ailleurs le peuple accepta l’augmentation raisonnablement fondée de l’ancien impôt sur le chiffre d’affaires ICHA, afin de soutenir le budget fédéral.
En 1991 – dix ans plus tard – le Parlement fit une troisième tentative d’introduction la taxe sur la valeur ajoutée – au taux normal de 6,2%, comme pour l’impôt sur le chiffre d’affaires. Les deux Chambres fédérales exigèrent comme auparavant le retrait du délai des deux impôts fédéraux de la Constitution. En outre, le Parlement devait obtenir la compétence d’augmenter de 1,3% le taux de la taxe sur la valeur ajoutée pour garantir le financement de l’AVS. A nouveau, des questions totalement différentes étaient réunies dans la même proposition. – Mais le peuple se montra tout aussi obstiné et refusa l’amalgame de ces objets de votation trop différents.
En 1993, la politique fédérale connut son heure de gloire: après seize années, les Chambres fédérales présentèrent au peuple une proposition demandant à nouveau l’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée, en présentant quatre questions séparées auxquelles on pouvait répondre clairement par Oui ou par Non – à savoir:

  1. On introduit la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal de 6,2% et la fixation un délai pour la TVA et l’impôt fédéral direct est prorogée jusqu’en 2006.
  2. «Afin d’optimiser le budget fédéral, le Conseil fédéral peut demander un supplément à l’impôt sur le chiffre d’affaire […] de tout au plus 0,3%.» (pour le cas où la première proposition serait acceptée)
  3. Le Parlement se voit conférer la compétence d’augmenter le taux de la TVA de 1%, pour le cas où ce serait nécessaire pour garantir le financement de l’AVS et de l’AI [assurance invalidité] – sous réserve du référendum facultatif.
  4. Les droits de douane sur l’huile minérale seront convertis en taxes sur la consommation (carburant et mazout). (Kölz, Quellenbuch, 2004, p. 539–541)

Le peuple a apprécié la conduite exemplaire des autorités en approuvant l’ensemble des quatre propositions – pour trois d’entre elles à plus de 60%. (Linder 2010, p. 512)
En 2006, le peuple a une fois de plus approuvé les impôts fédéraux et prolongé leur durée de validité jusqu’en 2020. L’année prochaine, on nous demandera à nouveau si nous sommes d’accord avec l’actuelle réglementation fiscale de la Confédération. Ce scrutin sera important – avant tout à cause de sa valeur symbolique. Avec le projet d’accord-cadre avec l’UE, nous ne serons plus autant sollicités …

Remarques finales

Depuis la Seconde Guerre mondiale, il y a eu un très grand nombre de votations relatives à la fiscalité et aux finances. Elles ont très souvent abouti à un rejet populaire, non pas parce que les citoyens étaient fondamentalement contre les augmentations d’impôts, mais parce que la façon, dont ces votations se présentaient, n’était pas adaptée et qu’elles allaient souvent contre le principe de l’unité de la matière. Les finances fédérales sont-elles pour cette raison en difficultés et la Confédération fortement endettée? Non – bien au contraire. Aujourd’hui, le budget fédéral est dans l’ensemble extrêmement sain et la Suisse fait partie des quelques rares pays ayant atteint des excédents au cours des dernières années et ayant progressé encore dans le remboursement de son endettement pourtant modéré.
Au cours des dernières décennies, la majorité des votations a eu trait – outre à l’agriculture – aux impôts. Ces deux domaines ont pour beaucoup une importance affective – il s’agit là des bases de la nutrition et de la conservation du pays, et de la gestion de la communauté et du bien public. L’image créée par le poète Gottfried Keller est ici particulièrement adaptée, selon laquelle les citoyens doivent se tenir sur le seuil de leur porte et veiller à ce que tout se passe bien.
Pour conclure mon plaidoyer, revenons encore une fois à la proposition actuelle. Le 19 mai, nous votons pour un objet associant les impôts et l’assurance vieillesse de façon anticonstitutionnelle, si bien que les électrices et électeurs ne peuvent clairement prendre position. Selon l’annonce conjointe du Conseil fédéral et du Parlement, un projet de réforme de l’assurance-vieillesse sera en préparation à l’automne prochain. Cette réforme sera peut-être soumise à votation dès l’année prochaine. Conséquence directe de mes commentaires, le citoyen responsable apprécie les questions claires auxquelles il peut répondre par Oui ou par Non.
On trouve suffisamment de documentation au sujet des votations précédentes ayant abouti au Non. Il conviendrait de séparer les questions relatives au projet de réforme et de l’assurance-vieillesse et de poser des questions concrètes: faut-il aligner l’âge de la retraite des femmes sur celui des hommes? Faut-il, de façon générale, relever d’un an l’âge du départ en retraite? Faut-il augmenter les retenues sur salaire et les contributions des employeurs pour l’AVS de X%? Faut-il augmenter la taxe sur la valeur ajoutée de X% au profit de l’assurance-vieillesse? – Les électeurs et les électrices responsables en remercieraient les politiciens.
La démocratie directe est exigeante – tout particulièrement en ce qui concerne les impôts. Elle a néanmoins, au cours des cent cinquante dernières années, développé une culture dont il faut prendre soin.    •

Sources:
Kölz, Alfred. Neuere Schweizerische Verfassungsgeschichte mit Quellenbuch. Bern 2004
Linder, Wolf u.a. Handbuch der eidgenössischen Volksabstimmungen 1848–2007. Bern 2010
Hofer, Bruno. Volksinitiativen der Schweiz. 2012

Notre site web utilise des cookies afin de pouvoir améliorer notre page en permanence et vous offrir une expérience optimale en tant que visiteurs. En continuant à consulter ce site web, vous déclarez accepter l’utilisation de cookies. Vous trouverez de plus amples informations concernant les cookies dans notre déclaration de protection des données.

Si vous désirez interdire l’utilisation de cookies, par ex. par le biais de Google Analytics, vous pouvez installer ce dernier au moyen des modules complémentaires du présent navigateur.

OK