Un rapporteur spécial de l’ONU déclare: la «persécution collective» de Julian Assange doit cesser immédiatement

Un rapporteur spécial de l’ONU déclare: la «persécution collective» de Julian Assange doit cesser immédiatement

Nils Melzer, le rappor­teur spécial des Nations Unies sur la torture, a rendu visite à Julian Assange dans une prison de Londres. Il craint que les droits humains de J. Assange ne soient gravement violés s’il est extradé vers les Etats-Unis. Il condamne les abus délibérés et concertés infligés pendant des années au co-fondateur de Wikileaks.

«Mon inquiétude la plus urgente est qu’aux Etats-Unis, M. Assange soit exposé à un risque réel de violations graves de ses droits de l’homme, y compris sa liberté d’expression, son droit à un procès équitable et l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants», explique Nils Melzer.
«Je suis particulièrement alarmé par l’annonce récente, faite par le Ministère américain de la Justice, de 17 nouvelles accusations portées contre M. Assange en vertu de la loi sur l’espionnage, exigeant actuellement jusqu’à 175 ans de prison. Cela pourrait bien aboutir à une peine d’emprisonnement à perpétuité sans libération conditionnelle, voire même à la peine de mort, si d’autres accusations devaient être ajoutées à l’avenir», déclare M. Melzer, qui s’était déjà préoccupé antérieurement de la santé de M. Assange.
Bien qu’Assange ne soit pas détenu en isolement, le rapporteur spécial se dit gravement préoccupé par le fait que la fréquence et la durée limitées des visites des avocats et son manque d’accès aux dossiers et aux documents ne lui permettent pas de préparer correctement sa défense dans toutes les procédures judiciaires complexes s’accumulant contre lui.
«Depuis 2010, lorsque Wikileaks a commencé à publier des preuves de crimes de guerre et de torture commis par les forces américaines, nous avons assisté à un effort soutenu et concerté de la part de plusieurs Etats pour faire extrader M. Assange vers les Etats-Unis à des fins de poursuites. La criminalisation du journalisme d’investigation viole autant la Constitution américaine que le droit international des droits humains», expose Melzer.
«Depuis lors, M. Assange a fait l’objet d’une campagne acharnée et sans retenue d’harcèlement moral public, d’intimidation et de diffamation, non seulement aux Etats-Unis, mais aussi au Royaume-Uni, en Suède et, plus récemment, en Equateur.» Selon l’expert, il s’agit d’un flot sans fin de déclarations humiliantes, dégradantes et menaçantes dans la presse et sur les médias sociaux, mais aussi par de hautes personnalités politiques, voire par des magistrats judiciaires impliqués dans des procédures contre Assange.
«Au cours des neuf dernières années, M. Assange a été exposé à des abus persistants et de plus en plus graves, allant de la persécution judiciaire systématique et de l’emprisonnement arbitraire à l’ambassade d’Equateur, à son isolement oppressant, au harcèlement et à la surveillance à l’intérieur de l’ambassade, au ridicule, aux insultes et à l’humiliation collectifs délibérés, à l’incitation à répétition à la violence et même à sa mort.»
Lors de sa visite en prison le 9 mai, Melzer était accompagné de deux experts médicaux spécialisés dans l’examen des victimes potentielles de torture et d’autres mauvais traitements.
L’équipe a eu un entretien confidentiel avec Assange et a pu procéder à une évaluation médicale approfondie.
«Il était évident que la santé de M. Assange a été gravement affectée par l’environnement extrêmement hostile et arbitraire auquel il a été exposé pendant de nombreuses années», annonce l’expert. «Plus grave encore que les affections physiques, M. Assange présentait tous les symptômes typiques d’une exposition prolongée à la torture psychologique, y compris le stress extrême, l’anxiété chronique et le traumatisme psychologique intense.»
«Les preuves sont accablantes et claires», déclare l’expert. «M. Assange a été délibérément exposé, pendant plusieurs années, à des formes de plus en plus graves de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont les effets cumulatifs ne peuvent être qualifiés que de torture psychologique.»
«Je condamne avec la plus grande fermeté le caractère délibéré, concerté et durable des abus infligés à M. Assange et déplore vivement que tous les gouvernements concernés n’aient toujours pas pris de mesures pour protéger ses droits fondamentaux et sa dignité», témoigne l’expert. «En affichant une attitude de complaisance, au mieux, et de complicité, au pire, ces gouvernements ont créé un climat d’impunité encourageant la diffamation et les abus sans entrave à l’intention de M. Assange.»
Dans des lettres officielles envoyées fin mai, M. Melzer a exhorté les quatre gouvernements concernés à s’abstenir de diffuser, d’instiguer ou de tolérer davantage de déclarations ou d’autres activités préjudiciables aux droits et à la dignité humaine d’Assange et à prendre des mesures pour lui assurer une réparation et une réadaptation appropriées pour les dommages passés. Il a en outre demandé au Gouvernement britannique de ne pas extrader Assange vers les Etats-Unis ni vers aucun autre Etat n’ayant pas fourni de garanties fiables contre son transfert ultérieur vers les Etats-Unis. Il a également rappelé au Royaume-Uni son obligation d’assurer à Assange un accès sans entrave à un conseil juridique, à la documentation et à une préparation adéquate à la mesure de la complexité de la procédure en cours.
 «En 20 ans de travail avec les victimes de la guerre, de la violence et de la persécution politique, je n’ai jamais vu un groupe d’Etats démocratiques s’unir pour isoler, diaboliser et maltraiter délibérément un seul individu pendant si longtemps et avec si peu de respect pour la dignité humaine et l’Etat de droit», conclut Melzer. «La persécution collective de Julian Assange doit cesser ici et maintenant!»    •

* L’expert suisse en droit international Nils Melzer­ est depuis novembre 2016 Rapporteur spécial sur la torture et donc expert des dites Procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisme et siègent à titre personnel. Antérieurement, Nils Melzer a travaillé pendant douze ans pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans différentes régions en crise, en tant que délégué, vice-chef de mission et conseiller juridique. Outre son mandat à l’ONU, il est titulaire d’une chaire en droit international humanitaire à l’Université de Glasgow et enseigne également à l’Académie pour le droit international humanitaire et les droits de l’homme de Genève.

Source: <link http: www.ohchr.org external-link seite:>www.ohchr.org, 31/5/19

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