Créer la confiance par le dialogue

Conférence germano-russe sur les jumelages de villes à Düren 2019

par Eva-Maria Föllmer-Müller

Plus d’une centaine de jumelages germano-russes, dont les représentants se sont réunis du 25 au 28 juin dans le district de Düren (Allemagne) à l’occasion de la 15e Conférence germano-russe sur le jumelage
de villes, ont montré comment les gens peuvent communiquer au-delà des frontières, exprimer des opinions différentes et participer à des projets communs. Des conférences dans des villes jumelées partenaires ont lieu tous les deux ans, alternativement en Russie et en Allemagne. L’objectif de ces conférences est de développer des perspectives pour une coopération plus intensive au niveau régional et local ainsi que de nouvelles opportunités de coopération entre la société civile et les communes. Le dernier hôte était la ville russe de Krasnodar (cf. aussi «Horizons et débats» no 17/18 du 26/7/17)
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Plus de 800 participants étaient venus à Düren, dont 300 invités de plus de 100 villes russes. Ils étaient venus ici pour discuter comment ils pourraient développer davantage leurs jumelages de villes: représentants de villes et de communes, d’organisations de la société civile, de la politique et de l’économie d’Allemagne et de Russie. Une société civile colorée, sûre d’elle, qui s’est réunie dans une atmosphère amicale pour échanger des idées et progresser, car elle sait ce qu’elle fait – malgré toutes les hostilités dans les relations germano-russes aux niveaux politique et médiatique. L’importance des relations interpersonnelles et de l’amitié a été soulignée à maintes reprises.

S’entendre au-delà des clivages politiques

Wolfgang Spelthan, conseiller régional du district de Düren, a rempli son rôle d’hôte avec enthousiasme. Courageux. Plus de 50 assistants ont essayé de rendre le séjour aussi agréable que possible pour les participants. L’événement s’est accompagné de contributions musicales de classe mondiale.
L’absence frappante notamment des représentants des grands médias fut perturbante. Il aurait été facile de contribuer à l’amélioration des relations entre les deux pays et de la paix – si cela avait été voulu. Les gens ont le droit de savoir ce qui a eu lieu dans le district de Düren.
Le thème de la conférence «Voies pour une meilleure entente: les jumelages comme outils de médiation du dialogue germano-russe» a permis d’améliorer les voies pour la compréhension mutuelle et de surmonter les clivages politiques. Sept groupes de travail se sont réunis sur les thèmes suivants: le développement urbain durable, la ville numérique, le développement municipal et régional, la coopération scientifique, culturelle et linguistique, l’inclusion et la participation, la société civile façonne les jumelages de villes – des voies vers la paix et la coopération médico-scientifique et humanitaire.
Parallèlement, du 21 au 28 juin, a eu lieu le 3e Forum de la jeunesse des jumelages germano-russes. Les 60 jeunes d’Allemagne et de Russie ont développé des projets d’échanges de jeunes entre les villes jumelées.
La conférence était organisée par le district de Düren, représenté par conseiller régional Wolfgang Spelthan encadrant l’ensemble de l’événement. Selon Spelthan, les jumelages «vivent des échanges et du dialogue, car tous deux forment la base pour la tolérance, l’entente internationale et finalement pour la paix».

Une bénédiction de l’histoire

La conférence a commencé par une cérémonie de dépôt de couronnes sur la pierre commémorative des travailleurs forcés soviétiques au cimetière Westfriedhof d’Aix-la-Chapelle (Aachen). La cérémonie d’ouverture a ensuite eu lieu dans la salle du couronnement de la mairie d’Aix-la-Chapelle (XIIIe siècle). Le discours d’ouverture a été prononcé par ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie Armin Laschet. Il a rappelé la Seconde Guerre mondiale et les 27 millions de soldats et de civils de l’Union soviétique tués après l’invasion allemande (1941–1945). Ce fut «une bénédiction de l’histoire que le peuple russe ait été prêt, 45 ans plus tard, à accepter la réunification allemande». L’ancien ministre-président de Brandebourg et président du Forum germano-russe Matthias Platzeck a déclaré que l’Europe serait impensable sans la Russie. Il a souligné que ce n’est pas le jour J en Normandie qui fut décisif pour la guerre: l’armée soviétique a porté le plus gros fardeau de la Seconde Guerre mondiale et a remporté la victoire sur le fascisme. «Après une guerre d’anéantissement jamais vue menée par l’Allemagne contre les peuples soviétiques, ils ont offert pardon, réconciliation et amitié. C’est un gros cadeau.» Et M. Platzeck d’ajouter, de ne pas oublier que la réunification a également été rendue possible par le retrait des troupes soviétiques de l’ex-RDA entre 1991 et 1993.

Alllocutions de bienvenue de Poutine et de Merkel

Sergeï Y. Netchaev, ambassadeur de la Fédération de Russie en Allemagne, a remercié MM. Laschet et Platzeck pour la mémoire historique. Dans leurs allocutions de bienvenue, le président russe Vladimir Poutine a salué les jumelages comme «un acte de diplomatie populaire» et la chancelière fédérale Angela Merkel a parlé de la «meilleure façon de rassembler les gens».
M. Mikhaïl Chvydkoy, représentant spécial du président russe pour la coopération culturelle internationale, a vu dans la conférence et les nombreux participants un signe important des efforts de la société civile pour établir de bonnes relations entre les deux Etats. Pour Platzeck, c’est «de la diplomatie populaire dans le meilleur sens du terme».
A la fin de l’événement, un nouveau jumelage a été scellé entre Innopolis (région de Tatarstan) et Elgersbourg (Thuringe), portant le nombre total de partenariats germano-russes à 112.

Discussion ouverte et engagée

Le lendemain, une table ronde de haut niveau sur le thème «Relations germano-russes, quo vadis» a ouvert la journée: Gabriele Krone-Schmalz, journaliste et auteure; M. Dirk Wiese (SPD), membre du Bundestag et commissaire pour la Russie du gouvernement fédéral; Peter Franke, président de Fédération des sociétés allemandes Ouest-Est et du côté russe Mikhaïl Chvydkoy, représentant spécial du président de la Fédération de Russie pour la coopération culturelle internationale; Pavel Zavalny, président du Groupe parlementaire russo-allemand de la Douma d’Etat; et Valery Fadeev, président de la Chambre sociale de la Fédération de Russie et modérateur du débat. Les participants au panel se sont mis d’accord sur le maintien de l’achèvement de l’oléoduc Nord Stream 2 (en mer Baltique), la réglementation et l’assouplissement des visas, l’entretien et la promotion de la culture du souvenir au-delà des témoins de l’époque. Il a également été convenu que les contacts directs entre les personnes sont essentiels pour de bonnes relations entre les deux pays.
Au cours de la discussion animée avec les participants, les points névralgiques des relations germano-russes ont également été abordés ouvertement: les sanctions de l’UE à l’encontre de la Russie, récemment reportées suite à la crise de Crimée, ont été clairement critiquées. Pavel Zavalny a caractérisé l’utilisation constante du terme «annexion» en relation avec la Crimée comme «propagande et lavage de cerveau». Un participant a souligné que les villes jumelles de Crimée n’étaient pas autorisées à participer à la conférence. Selon l’organisateur, le ministère allemand des Affaires étrangères aurait annulé toutes les subventions pour la conférence si un seul participant de Crimée y avait assisté. Un autre participant a fait la promotion d’une pétition demandant au gouvernement fédéral de mettre fin aux sanctions contre la Russie.

Prendre bonne note des réalités

Gabriele Krone-Schmalz a critiqué le tabou sur le sujet «Crimée»: «On devrait prendre note des réalités et au moins en parler». Elle a souligné l’attitude beaucoup plus positive des citoyens allemands à l’égard de la Russie que la fausse image donnée par les médias. Mikhaïl Chvydkoy a souligné l’importance de la qualité des relations entre l’Allemagne et la Russie. Rien que cette année, les demandes de visa pour des voyages en Russie ont considérablement augmenté. Jusqu’au mois de mai, 21 000 demandes avaient été déposées à Bonn. Il a souligné les liens historiques profonds entre les deux pays, remontant au Moyen-Age, et la valeur inestimable du pardon et de la réconciliation déjà obtenus. Le jumelage de villes est la forme de partenariat la plus démocratique et la plus libre, a-t-il dit, parce qu’à ce niveau, on ne mâche pas ses mots. Cela ne serait pas possible à un niveau politique plus élevé. Peter Franke a rendu hommage aux jumelages: «Ils sont marqués par un profond désir de paix et d’échanges mutuels, permettant également de traverser et de supporter des moments difficiles.»
Matthias Platzeck a salué le niveau de qualité de la conférence et «l’ouverture à la discussion». Avec la célèbre citation de Willy Brandt, «La paix n’est pas tout, mais tout n’est rien sans la paix», il a résumé que très clairement la politique de paix et la politique de désarmement doivent être au cœur des questions des années à venir. Car: «A quoi servent tous les efforts de la société civile, s’il n’y a plus la possibilité de vivre en paix?»    •

«Une tâche digne de Sisyphe, mais entreprise avec joie»

russland.NEWS: Il est presque devenu à la mode de comparer la situation actuelle avec la situation de la guerre froide.

Matthias Platzeck: La différence, c’est qu’à mon avis, nous avons agi de manière plus stratégique pendant la «vieille» guerre froide, en pensant à plus long terme. Si aujourd’hui, dans un discours, vous ne citez pas clairement tout ce qui appartient au «récit mainstream» (Crimée, Ukraine orientale, Syrie, etc.), alors le discours n’est plus écouté: la note est donnée, le gros titre est formulé: «serviteur russe», «ami à Poutine», etc. Egon Bahr m’a dit un jour: il se demande si l’Ostpolitik de l’époque aurait eu la moindre chance dans les conditions actuelles. Willy Brandt fut alors insulté comme «traître à la patrie» par la FAZ [Frankfurter Allgemeine Zeitung] et le ZDF [Zweites deutsches Fernsehen]. Mais, par exemple, Der Spiegel et ARD ont défendu ses approches. Il y avait donc un véritable débat d’opinions. Aujourd’hui, cependant, il n’y a qu’une seule orientation: condamner la Russie sans se poser la moindre question – quelles sont les motivations, les raisons d’agir ainsi. […]

M. Platzeck, ne vous sentez-vous pas parfois comme un prédicateur dans le désert?

Cette question ne peut provenir que d’une conception politique à sens unique limitée à l’existence d’états définitifs. Tout ce que nous faisons ici ce sont des travaux permanents, sur la longue durée. On pousse la pierre vers le haut, puis elle retombe. Il faut avoir du plaisir à tout recommencer. C’est une tâche digne de Sisyphe, mais entreprise avec joie.

Source: Daria Boll-Palievskaya/russland.NEWS

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