Les Etats-Unis exigent: «Les Allemands au front»* – désormais en Syrie

par Willy Wimmer

hd. James Jeffrey, le représentant spécial des Etats-Unis pour la Syrie et la coalition anti-IS, «a prié» l’Allemagne de mettre à disposition des USA des troupes terrestres pour la guerre en Syrie. Le fait que le gouvernement allemand ait pour l’instant rejeté la «demande» du gouvernement américain le 8 juillet n’est pas une raison pour se réjouir. Willy Wimmer, ancien secrétaire d’Etat au ministère allemand de la Défense, a émis le commentaire suivant.

L’empire demande des soldats allemands. Cette fois-ci, ils seront déployés en tant que troupes terrestres en Syrie. Peu importe que la Syrie soit un pays souverain. Personne ne peut prétendre avoir reçu une invitation du légitime gouvernement syrien à déployer la Bundeswehr allemande. La Charte des Nations Unies ne joue aucun rôle, bien qu’elle soit la seule légitimation à part l’exigence d’aide à la légitime défense. Ce n’est pas rien.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Charte des Nations Unies est la seule légitimation possible pour un recours à la force militaire. Les dévastations causées par cette guerre furent trop grandes pour reprendre l’ordre du jour et poursuivre les vieilles habitudes et pratiques de guerre après cette terrible période. A cet égard, la Charte des Nations Unies représente une importante contribution civilisatrice dans l’intérêt de l’humanité tout entière. Avec et depuis la guerre contre la Yougoslavie en 1999, les Etats-Unis ont systématiquement détruit l’épine dorsale de la Charte des Nations Unies. L’endiguement de la guerre n’est plus l’objectif. Le but est la guerre au profit des Etats-Unis, et comme leur propres forces doivent être protégées ou ne sont plus suffisantes, c’est à la Bundeswehr d’aller au front.
Dans ce contexte, il est absolument essentiel de prendre connaissance des lignes directrices de la politique de sécurité du président américain: selon ces règles, la guerre est liée au fait d’être menée dans l’intérêt des Américains. La Charte des Nations Unies ne joue aucun rôle dans ce document, elle n’apparaît nulle part comme élément-clé. En mettant en pratique les intérêts américains et en renonçant à l’apport civilisationnel de la Charte des Nations Unies, nous sommes revenus au point où la guerre allemande contre la Pologne a commencé le 1er septembre 1939.
Les prochains jours de commémoration seront l’occasion d’échanger sur toutes les considérations faites dans ce contexte. En outre, les actions américaines ont conduit à renoncer aux restrictions demandées par la Charte des Nations Unies. Mais toute la dimension du souvenir sera déterminée à l’avenir – contrairement aux décennies passées – par le fait que, pour des raisons assez transparentes, la «mémoire-clé de Versailles» a été lâchement abandonnée en Occident par les coupables. Il s’agissait et il s’agit toujours de deux ou trois considérations chez nos «amis»: soit l’utilisation du potentiel allemand dans leur propre intérêt, soit la destruction de l’Allemagne si cela ne devait pas réussir. Déjà lors de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne devait retrouver son destin dans l’anéantissement de la Russie. Il n’en va pas autrement aujourd’hui – il s’agit de la Russie ... ou de l’Iran ou de la lutte contre la Chine.
Selon la presse française, la présidente actuelle de la CDU, Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, a déjà promis, avant son voyage en Israël, de lever la réserve parlementaire sur l’engagement de la Bundeswehr pour leurs «guerres coloniales» à l’aide de l’UE. C’est le signal donné à Washington de le régler en même temps pour l’OTAN et donc pour les intérêts américains. Alors, nous serons enfin là, où on veut nous avoir depuis des décennies. Par la suite, nous lirons dans la presse, où nos soldats sont déployés. Cela est également évident depuis que la présidente de la CDU est partie en voyage. Une fois de plus, elle a mentionné la raison d’Etat allemande, bien que nous ayons une Loi fondamentale. En même temps, lors d’une conférence internationale, un ancien dirigeant du Mossad s’est exprimé dans la presse en précisant que son pays n’avait aucun intérêt à la paix pour des raisons de politique intérieure.    •

(Traduction Horizons et débats)

*    Le dicton «The Germans to the front» ou «Les Allemands au front» est attribué à l’admiral britannique Sir Edward Hobart Seymour (1840–1929) pendant l’été 1900. Seymour avait essayé en juin 1900 d’avancer de Tianjin en direction de Pékin pour libérer les légations assiégées. Il a toutefois dû interrompre cette avance et retourner à Tianjin. Il aurait alors envoyé des soldats allemands – avec l’appel: «The Germans to the front/Les Allemands au front!» (note de la rédaction)

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