Elections fédérales 2019
Les élections fédérales auront lieu très bientôt. 4652 candidats aspirent à obtenir le 20 octobre un des 200 sièges du Conseil national. Les 46 sièges du Conseil des Etats sont également très convoités dans de nombreux cantons: environ la moitié des sortants ne se présenteront plus. Cependant, la plupart des restants sont soumis au risque d’une non-réélection (cf. encadré «Système électoral suisse – une grande liberté pour le citoyen» expliquant le processus électoral).
Il n’y a rien de nouveau dans le fait que les partis politiques remuent plus ou moins convenablement leurs tambours électoraux dans un style plus ou moins élégant. Avant que les citoyennes et citoyens ne fassent leur choix, il est cependant utile d’être informé sur les groupes d’intérêt exerçant une influence au-delà des partis politiques, afin que les citoyens votent «juste». L’un d’eux est l’association «Opération Libero», présentée dans «Horizons et débats» du 19 août.1 Chaque électrice et électeur devrait connaître les étranges méthodes utilisées pour introduire au Parlement fédéral autant de candidats que possible, prêts à se soumettre à ses instructions. Une autre «aide électorale» prétendument objective est le questionnaire en ligne de «Smartvote», qui nous propose – après l’avoir rempli – la liste des «candidats appropriés». Smartvote bénéficie de l’appui du «Baromètre électoral» de la télévision publique SSR2 qui, avec l’aide massive des médias grand public, tente de favoriser les partis désirés et de réduire la part des électeurs des partis «malfamés» soumis à un constant dénigrement.
Regardons de plus près ces pièces du puzzle.
«Trouvez vos candidats idéaux avec quelques clics», voilà la recommandation de la Télévision suisse-alémanique: «Avec l’aide électorale de Smartvote et de la TV SRF, vous trouverez les bons politiciens pour votre bulletin de vote. […] Vous avez le choix de répondre à 31 ou 75 questions. L’aide électorale en ligne Smartvote compare vos réponses à celles de candidats. Ainsi vous saurez quels politiciens se rapprochent le plus de vos idées politiques personnelles.» Des questions sur 15 sujets – de la légalisation du cannabis au vote électronique – peuvent être consultées et on peut y répondre par oui, plutôt oui, non ou plutôt non.3 Nous nous limitons ici aux questions sur la politique européenne actuelle.
Il est surprenant de constater que l’accord-cadre institutionnel avec l’UE, qui devrait être au cœur de la liberté du citoyen et de la souveraineté de l’Etat, ne soit pas pris en compte. Au total, trois questions seulement portent sur les relations entre la Suisse et l’UE, dont l’une porte sur l’initiative de limitation qui sera soumise au vote l’année prochaine:4 «La limitation de l’immigration est-elle plus importante pour vous que la préservation des accords bilatéraux avec l’UE?» La seconde vise directement l’adhésion à l’UE: «La Suisse doit-elle entamer des négociations d’adhésion à l’UE?» La troisième traite de la dénonciation de l’accord de Schengen avec l’UE, ce qui n’est actuellement absolument pas à l’ordre du jour: «La Suisse doit-elle mettre fin à l’accord de Schengen avec l’UE et réintroduire davantage de contrôles des personnes directement à la frontière?»
Le truc derrière tout cela: la plupart des candidats en dehors de l’UDC trouveront les accords bilatéraux avec l’UE plus importants que la limitation de l’immigration – l’adoption de l’initiative de limitation par la population pouvant tout au plus conduire à la résiliation des Accords bilatéraux I, c’est-à-dire seulement 7 sur un total de 140 accords. L’important accord de libre-échange entre la Suisse et l’UE de 1972 et ses nombreux développements ultérieurs ne sont pas en danger. En outre, tous les candidats affirmeront leur refus de l’adhésion de la Suisse à l’UE, ce qui n’est souvent pas la vérité. La plupart des personnes extérieures à l’UDC soulignent l’importance de Schengen pour la sécurité de la Suisse et pour le tourisme. Comme si nos policiers ne pouvaient pas coopérer avec leurs collègues des pays voisins sans le système de recherche numérique SIS II, comme ils l’ont toujours fait, et comme si l’obtention d’un visa suisse était un problème insurmontable pour un globe-trotter de Chine ou de tout autre pays …
D’autre part, la plupart des partis et des candidats préfèrent ne pas prendre clairement position sur l’accord-cadre entre la Suisse et l’UE peu avant les élections – le programme en ligne Smartvote de la télévision publique suisse est à leur disposition. Parions que l’accord sera à nouveau au centre de la politique et des médias juste après le 20 octobre?
Baromètre électoral de la SSR:
Le battage médiatique international sur le climat est en cours dans les médias, les groupes de réflexion et les partis politiques suisses avant les élections.
Selon le dernier baromètre électoral de la télévision suisse, les Verts pourraient augmenter leur taux de participation de 3,4 points de pourcentage par rapport aux élections de 2015: «Les Verts ont avant tout le bon choix des sujets de leur côté.» (Politologue Michael Hermann dans SRF-News du 4 septembre) Les Vert’libéraux, qui se sont, dans le canton de Zurich, séparés des Verts en 2004 et sont maintenant considéré comme l’un des partis du milieu, pourrait également croître de 2,3% selon le baromètre électoral,5 mais en partant d’un faible niveau actuel: Les Vert’libéraux n’ont obtenu que 7 sièges au Conseil national lors des dernières élections.
L’UDC, par contre, selon les prévisions du baromètre électoral et des médias grand public, devrait subir des pertes électorales importantes. La seule raison est celle-ci: contrairement aux autres partis bourgeois, elle ne veut pas se soumettre au dictat du changement climatique comme question électorale la plus importante et rejette l’accord-cadre avec Bruxelles en raison de l’adoption obligatoire du droit étranger et de la juridiction étrangère associée. Afin d’influencer les électeurs, également au sujet du vote à venir sur l’initiative de limitation [de l’immigration], les offices fédéraux signalent régulièrement une diminution de l’immigration en provenance de l’espace de l’UE ainsi qu’une diminution du nombre de demandeurs d’asile. Si vous regardez les prévisions de l’Office fédéral de la statistique (OFS), vous constaterez cependant que la population de la Suisse déjà très peuplée, continuera à croître fortement. D’ici 2030, la Suisse comptera environ 10 millions d’habitants, soit une augmentation considérable par rapport aux 7,1 millions d’habitant en 20006. Selon l’OFS, cela est dû non seulement à l’immigration, mais aussi à l’augmentation de l’excédent de natalité (différence entre les naissances et les décès), notamment dans la partie étrangère de la population: «Depuis la fin des années 1960, l’excédent de natalité parmi la population résidente étrangère est beaucoup plus élevé que parmi la population suisse. […] Depuis 1998, la population suisse croît presque exclusivement suite aux naturalisations.»7
Après cette parenthèse corrective sur le soi-disant déclin de l’immigration, les chiffres du baromètre électoral du 5 septembre prévoit pour l’UDC: 2,6% de pertes d’électeurs. Il ne faut toutefois pas oublier que l’UDC a enregistré un taux de participation record de près de 30% aux élections du Conseil national en 2015 et même si elle ne devait atteindre «plus que» 26,8% aux élections de 2019, elle restera de loin le parti le plus fort: à la deuxième place se trouve le PS avec probablement 18,7%, puis le PLR avec 16,7%, les Verts et le PDC suivent ex-aequo avec chacun environ 10%, suivi des Vert’libéraux avec 6,9%.
Il convient d’ajouter que le PDC a, depuis plusieurs décennies, le plus grand nombre de sièges au Conseil des Etats – actuellement 14 sur 46. Au Conseil national, l’UDC regroupe environ un tiers des parlementaires, alors qu’au Conseil des Etats, ce parti a moins de sièges que le PDC, le PS et le PLR.
L’enquête s’est déroulée en ligne entre le 19 et le 25 août. Les données provenant de 17 128 électeurs inscrits ont été utilisées pour l’évaluation. «Comme les participants à l’enquête se recrutent eux-mêmes (opt-in), la composition de l’échantillon n’est pas représentative.» C’est pourquoi le Centre de recherche Sotomo a «pondéré les réponses: le biais dans l’échantillon doit être contrebalancé par des procédures de pondération statistique». Cela permet «d’atteindre un haut degré de représentativité de la population électrice active».8
Objection! Si les personnes sondées s’annoncent elles-mêmes, l’échantillon est et demeure non représentatif. En utilisant un programme informatique pour «peigner» les résultats, l’institut de recherche sur l’opinion publique Sotomo ne rend pas les résultats plus «représentatifs». Il s’agit d’une mise en garde contre une trop grande confiance en l’informatique: avec le bon logiciel, les «experts en informatique» savent fabriquer, si nécessaire, «l’opinion de la population électrice active» à partir d’opinions rassemblées de manière aléatoire.
«Opération libero» en original: «Pour cet octobre, nous appelons à participer aux élections du changement! Nous soutenons les candidats qui s’engagent pour nos objectifs. A Bâle-Ville, l’‹Opération Libero› a choisi Sibel Arslan et Christian Egeler. Nous les avons invités tous les deux à se présenter le 5 septembre.» (Page d’accueil, agenda)
Mais comment convaincre les électrices et électeurs suisses de voter pour les «bons» candidats? Tout simplement – on embrigade le plus grand nombre possible de candidats pour le Conseil national pour ses fins et on cherche les sponsors nécessaires parmi les représentants des grandes entreprises internationales faisant de l’«ouverture» de la Suisse une priorité absolue. Incroyable, mais vrai.
Etudions les analyses d’Isabel Villalon dans la publication Inside Paradeplatz et de l’hebdomadaire WOZ, qui se présente sur sa page d’accueil comme «le seul journal indépendant, suprarégional et de gauche en Suisse alémanique». Ils révèlent les objectifs et les méthodes d’«Opération Libero» dans la campagne électorale – et la volonté scandaleuse d’une partie des candidats au Conseil national de se laisser engager pour ses objectifs.
Remarque: Heinz Karrer est président d’economiesuisse qui, au nom de «l’économie» – ou plutôt de certains patrons de grandes entreprises peu impliqués en Suisse – est à l’avant-garde en faveur de l’accord-cadre et de l’«ouverture» de la Suisse, même au prix de l’abandon de son modèle étatique unique. Un partenaire idéal pour «Opération Libero» disposant également de moyens conséquents. Son budget est estimé à 1,5 millions de francs.
Dans la WOZ, nous apprenons que l’«Opération Libero» «recrute actuellement 26 candidats de différents partis, du PLR aux Verts. L’association s’est adressée spécifiquement aux candidats et leur a promis une participation au financement de leur publicité, comme le montre une sorte de contrat que la WOZ s’est procuré. En retour, les candidats ont dû s’engager sur des positions préétablies.»10
Vraiment incroyable! Ensuite, nous découvrons sur quelles voies d’opinion les personnes voulant devenir les représentants de notre peuple (!) se laissent mener. Pour la WOZ en tant que journal de gauche, trois points sont particulièrement explosifs: 1) La «signature rapide de l’accord-cadre actuel» en abandonnant la protection salariale; 2) l’augmentation du prix des taxes sur l’énergie, «frappant durement les plus pauvres», combinée avec la signature de l’accord sur l’électricité avec l’UE [qui entraînerait la privatisation de nos centrales hydrauliques communales, mw]; 3) La «modification progressive de l’âge moyen du départ en retraite». Comme le souligne à juste titre la WOZ, ces positions coïncident avec celles de puissantes associations professionnelles – et il faut l’ajouter, certainement pas avec celles de la population active. Concernant le point 2 Isabel Villalon écrit: «D’abord, il y a la partie touchant à la politique énergétique; très intéressante parce qu’elle mène directement aux donateurs. […] D’une pierre deux coup: un accord sur l’électricité avec l’UE en tant que précurseur de l’adhésion de la Suisse à l’UE et, en même temps, l’augmentation massive des prix de l’électricité chez nous stagnantes depuis des décennies. Donc, les caisses des multinationales de l’électricité vont se remplir. Le nouvel Eldorado.»9
Selon la WOZ, le document confidentiel de l’«Opération Libero» stipule que le «consentement écrit» des candidats envers les «exigences, évaluations et positions» énumérées constitue la «base obligatoire pour le soutien des candidats». Pour recevoir des fonds pour leur publicité, les candidats doivent obligatoirement indiquer ‹oui› ou ‹plutôt oui› à toutes les questions. La conclusion suivante s’impose: l’association tente d’acheter des candidats.»10
L’association ne se contente pas d’essayer, elle est déjà parvenue à ses fins: au moins 26 candidats pour le Conseil national y ont souscrit. En tant qu’électrices et électeurs, nous sommes bien sûr très intéressés à connaître les noms des politiciens se laissant influencer de la sorte? Jusqu’à présent, il n’y a que quelques noms connus. Les autres doivent être découvert avant les élections pour pouvoir les rayer à temps de notre liste électorale personnelle.
Les déclarations des trois personnes nommées par la WOZ sont scandaleuses: «Il ne se sent pas acheté, affirme Philipp Kutter, candidat PDC de Zurich, il continuera à agir de manière indépendante.» La conseillère nationale des Verts, Sibel Arslan affirme que «ce n’est pas en raison du soutien promis à la campagne qu’elle a accepté le document demandant le relèvement de l’âge de la retraite, mais surtout en raison de la politique de migration ouverte postulée». Et le conseiller national du PS Eric Nussbaumer dit qu’il «ne s’est pas laissé acheter», mais qu’il est intéressé à une «coopération non partisane».10
Pour caractériser de telles campagnes électorales, nous donnons la parole à Isabel Villalon: «[...] une nouvelle étape dans la décomposition de la démocratie a été franchie. L’étape sicilienne: garantir le comportement de vote au sein du Parlement contre de l’argent – l’argent de la campagne électorale –permettant ainsi une (ré)élection, menant par la suite pour les conseillers nationaux souvent à des honoraires supplémentaires grâce aux engagements notamment dans des Conseils d’administration.»9
Comme déjà dit: les 26 noms (et probablement d’autres encore) doivent être divulgués aussi tôt que possible – car nous ne voulons pas élire des marionnettes.
Tim Guldimann, ancien ambassadeur de Suisse à Berlin, a siégé brièvement au Conseil national pour le PS et s’est fait rembourser les vols Berne–Berlin retour par la caisse fédérale. Maintenant, il tire les ficelles de l’«Opération Libero». Isabel Villalon précise: «Le modèle est bien connu en Sicile: l’‹onorevole› de longue date, le cerveaux à l’arrière-plan, celui qui dirige le canal entre la politique et le maquis. Un acteur indispensable.»9 Selon Villalon, Guldimann a aidé l’association «Opération Libero», auparavant tout à fait insignifiante, à obtenir une certaine attention et influence: «De véritables miracles se produisent lorsque des associations politiques suisses inconnues entrent dans l’univers des ramifications de l’Open Society Foundation grâce aux relations d’un ancien ambassadeurs. Guldimann est-il l’éminence grise derrière les ‹opérations› des Liberos en Suisse pour le compte de commanditaires étrangers?» Une question intéressante. Il est bien connu que les Open Society Foundations sont l’instrument politique du milliardaire américain George Soros, qui les utilise dans le monde entier pour fomenter des révolutions de couleurs et autres activités. Et certains candidats parlementaires suisses se font financer par de tels agitateurs sans «se sentir achetés» ...
«Guldimann n’en fait pas de mystère face à la WOZ: son objectif est de changer les majorités au Parlement avec un soutien de 1,5 millions de francs.»10 Une révolution colorée en Suisse? Pour que les grandes compagnies d’électricité de l’UE puissent brader notre énergie hydroélectrique et démonter notre démocratie directe, et pour que les caisses vides de Bruxelles puissent s’approprier nos richesses nationales? Rentrez dans le rang, camarade Guldimann!
Nous, les citoyennes et citoyens formons le peuple électeur, et en démocratie chaque personne n’a qu’une seule voix – l’avez-vous déjà oublié? •
1 «Quelle liberté nous apporte l’‹Opération Libero›»? In: Horizons et débats no 18 du 19/8/19
2 SSR: Société suisse de radiodiffusion et télévision, financée par les prélèvements obligatoires des ménages. SRF: radio et télévision suisses, le service de programmes suisse-alémanique de la SSR, en plus de RTR, RSI et RTS dans les trois autres langues nationales.
3 https://www.srf.ch/news/schweiz/wahlen-2019/wahlempfehlung-finden-sie-per-mausklick-ihre-wunschkandidaten-2
4 cf. «Volonté de contourner de gré ou de force la reprise obligatoire du droit de l’UE». In: Horizons et débats no 20 du 16/9/19
5 SRF-News du 5/9/19: «Klimafrage bleibt entscheidend. Grüne Parteien auf Rekordkurs»
6 Office fédéral de la statistique. Population et développement de la population suisse; les scénarios de l’évolution démographique de la population de la Suisse 2015–2045
7 Office fédéral de la statistique. Panorama février 2016, p. 2
8 SRF-News du 5/9/19: «Klimafrage bleibt entscheidend. Grüne Parteien auf Rekordkurs»
9 «Sizilien in der Schweiz: Kauf von Nationalräten, graue Eminenzen im Hintergrund». Inside Paradeplatz du 30/8/19, par Isabel Villalon
10 «Opération Libero. Mit dem Einkaufswägeli in den Wahlkampf», In: WOZ n° 35/2019 du 29/8/19, par Yves Wegelin
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