mw. L’initiative populaire pour l’autodétermination (IAD) a été rejetée le 25 novembre 2018 par 66,3% des voix: un résultat inquiétant. Récemment, l’enquête «VOTO»1 sur le comportement électoral des citoyens a abouti à des résultats exigeant réflexion.
43% des plus des 1500 votantes et votants interrogés «ont indiqué avoir eu plutôt de la peine à saisir de quoi il s’agissait» (Enquête VOTO, p. 4): un pourcentage étonnamment élevé dans le pays de la démocratie directe. Mais face aux «informations» déroutantes et contraires aux faits des politiciens, des médias et des représentants des grandes entreprises, cela n’est pas si surprenant! Un tiers des opposants à l’initiative ont cité comme motif principal «la mise en cause de la crédibilité de la Suisse en tant que partenaire lors de négociations internationales», aspect qui, en réalité, n’était aucunement mis en cause par l’initiative. 16% ont voté «contre le cloisonnement», un autre aspect nullement concerné par le texte de l’initiative. Et suite à un continuel matraquage, l’affirmation selon laquelle l’initiative était «contre les droits humains» est restée gravée dans l’esprit de nombreuses personnes …
La lecture de l’article de la «Neue Zürcher Zeitung» sur l’étude VOTO, permet de constater le fait suivant: soudainement, une fois la votation passée, il est parfaitement possible de décrire de manière brève, objective et compréhensible l’essence de l’IAD: «En substance, l’initiative pour l’autodétermination voulait que la Constitution fédérale reste la source suprême du droit et qu’elle prime sur le droit international – sous réserve du droit international contraignant. Le droit international se trouvant en contradiction avec la Constitution fédérale doit être renégocié et, le cas échéant, dénoncé.»2 Cette soudaine clarté, pourquoi la cherchait-on en vain avant le vote? Ainsi, les lecteurs n’auraient eu aucune difficulté à comprendre le but de l’initiative. Les défenseurs de l’initiative l’avaient pourtant bien compris puisqu’ils ont majoritairement voté oui «pour préserver la souveraineté et l’autodétermination». (Etude VOTO p. 26)
Une autre constatation extrêmement préoccupante de l’étude est l’irritation croissante à l’égard de personnes et de groupes porteurs d’opinions politiques différentes: «Le principal facteur déterminant de la décision a été le positionnement politique et, plus précisément, l’identification partisane: […] A gauche, peu de personnes étaient prêtes à soutenir l’initiative (6% ou 7%) et même au centre, voire au centre-droit, elle n’a pas obtenu de majorité. Ce n’est que tout à droite qu’une majorité de votantes et de votants l’a soutenue et même soutenue très nettement (74%). D’une manière générale, le positionnement idéologique et politique a eu une influence si forte sur la décision que les autres critères n’ont joué qu’un rôle mineur.» (p. 24; mise en évidence mw)
Ce genre d’idées partisanes convient éventuellement à certaines démocraties représentatives, mais en démocratie directe, c’est un signal alarmant. Car une discussion objective des opinions les plus diverses est une condition indispensable pour la formation des opinions en démocratie. En Suisse, les discussions honnêtes et ouvertes au café du commerce ou lors de discussions publiques sont une belle habitude. Bien sûr qu’il y a eu aussi des querelles de clocher dans le passé, mais la façon dont les concitoyens débattent les uns avec les autres, dirigée par un esprit de responsabilité envers la communauté, est très différente des débats dans un Etat autoritaire. Le fait que cette culture politique – notamment dans le domaine de la question primordiale des liens de la Suisse avec l’UE et d’autres constructions supranationales – a subi les dommages indiqués dans l’étude VOTO, est un signal d’alarme. Nous citoyens, mais aussi les médias, sommes appelés à ne pas continuer à verser de l’huile sur le feu, mais à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour favoriser et renforcer une culture politique de vie commune. •
1 Enquête VOTO relative à la votation populaire fédérale du 25 novembre 2018. Auteurs: Thomas Milic, Alessandro Feller et Daniel Kübler, Centre d’études sur la démocratie Aarau (ZDA), en collaboration avec Anke Tresch, Laurent Bernhard, Laura Scaperrotta et Lukas Lauener, Centre de recherche FORS de Lausanne
2 «Zu schwere Kost für das Stimmvolk». «Neue Zürcher Zeitung» du 11/1/19
Notre site web utilise des cookies afin de pouvoir améliorer notre page en permanence et vous offrir une expérience optimale en tant que visiteurs. En continuant à consulter ce site web, vous déclarez accepter l’utilisation de cookies. Vous trouverez de plus amples informations concernant les cookies dans notre déclaration de protection des données.
Si vous désirez interdire l’utilisation de cookies, par ex. par le biais de Google Analytics, vous pouvez installer ce dernier au moyen des modules complémentaires du présent navigateur.