Ces derniers jours, j’ai lu deux sortes de textes différents. D’une part le livre intitulé «Oliver Stone. Conversations avec Poutine» (ISBN 978-2-22640-249-3) relatant les visites à quatre reprises du réalisateur, scénariste et producteur américain Oliver Stone au président russe Vladimir Poutine entre juillet 2015 et février 2017 et l’enregistrement des interviews avec lui pendant plusieurs jours pour un film documentaire. Ces interviews sont disponibles en français depuis novembre 2017 et en allemand depuis septembre 2018 sous forme de livre. D’autre part, je me suis approfondi dans les discours de nombreux hommes politiques présents à la Conférence de Munich sur la sécurité de cette année, en particulier ceux de la chancelière allemande Angela Merkel et de la ministre allemande Ursula von der Leyen, du ministre britannique de la guerre Gavin Williamson, du vice-président américain Michael Richard Pence et de l’ancien vice-président américain Joseph R. Biden, mais aussi ceux du ministre russe des Affaires étrangères Sergeï Lavrov et de Yang Jiechi, le représentant de la République populaire chinoise. Ces discours sont faciles à trouver sur le site Web de la Conférence sur la sécurité (<link https: www.securityconference.de aktivitaeten munich-security-conference msc-2019 reden external-link seite:>www.securityconference.de/aktivitaeten/munich-security-conference/msc-2019/reden/), le discours de Joseph R. Biden jusqu’à présent uniquement sous forme de vidéo (<link https: www.securityconference.de en media-library munich-security-conference-2019 video statement-by-joeseph-r-biden-jr-followed-by-qa external-link seite:>www.securityconference.de/en/media-library/munich-security-conference-2019/video/statement-by-joeseph-r-biden-jr-followed-by-qa/).
Ces discours et l’événement de Munich dans son ensemble ont laissé les impressions suivantes:
L’attitude des orateurs de l’OTAN ne fut pas moins importante que le contenu de ce qui fut dit: une attitude grandiloquente. Les dirigeants de l’OTAN croient-ils toujours et encore qu’ils (ou elles) sont les maîtres du monde et qu’ils doivent décider de ce qui est bon et ce qui est mauvais et de ce qui doit se faire sur cette planète? Les phrases utilisées sont les mêmes chez tous. Et en clamant l’importance de la liberté, de la démocratie, de la primauté du droit et de la dignité humaine, ils commettent un terrible abus avec des paroles aussi importantes.
Oui, malheureusement, il faut le concéder: les seules paroles rassemblant les peuples dans la cadre des relations entre les grandes puissances sont venues du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Chacun peut prendre connaissance de son intervention. (<link https: www.mid.ru en press_service minister_speeches asset_publisher content id external-link seite:>www.mid.ru/en/press_service/minister_speeches/-/asset_publisher/7OvQR5KJWVmR/content/id/3520272). M. Lavrov a mentionné explicitement quelques faits désagréables, tout en rappelant, à nouveau, les perspectives s’offrant à tous les Etats et peuples du continent eurasien, à savoir non pas une concurrence acharnée (comme cela est perçu dans les Etats de l’OTAN), mais une coopération commune dans le plus grand nombre possible de domaines tout en acceptant simultanément l’indépendance et la souveraineté de tous les Etats et les peuples.
Ce qui m’amène au livre contenant les entretiens avec Poutine. J’en recommande vivement la lecture. Un homme politique diabolisé par les responsables des Etats de l’OTAN se révèle être un homme d’Etat rencontrant autrui sur le même pied d’égalité de manière réfléchie, avec modération et un sentiment de responsabilité, très bien informé jusque dans les détails et étudiant soigneusement les situations concrètes – sans écouter les diabolisations et diffamations si répandues dans notre pays. Voilà une excellente détente et phase de récupération après la Conférence de Munich sur la sécurité de 2019. •
1 Les explications du terme «rules-based order» vont d’une simple traduction, c’est-à-dire d’un «ordre fondé sur des règles», à une hégémonie sous contrôle étatsunien. Un blogueur du Council on Foreign Relations américain a écrit le 3 mai 2016 sur le site foreignaffairs.com («World Order: What, exactly, are the Rules?») pour expliquer le terme et l’existence d’«un ordre international libéralo-occidental dont les valeurs, les normes, les lois et les institutions uniques visent à déterminer et contrôler le comportement des Etats. Cet ordre est originaire de l’Europe, et ne trouva son plein effet qu’avec la montée en puissance (ou l’hégémonie) des Etats-Unis, puisque après 1945, les Etats-Unis avaient tout le pouvoir et l’intention de forger un ordre mondial multilatéral utilisant un mélange de persuasions, d’incitations et de coercitions.» Dans l’édition anglaise de Wikipédia, on peut lire actuellement ce qui suit: «Dans les relations internationales, l’ordre économique international et libéral (LIEO), également connu sous le nom d’ordre mondial fondé sur des règles fixes [en anglais, il est donc écrit: rules-based order], ou ordre international libéral dirigé par les Etats-Unis. C’est un terme selon lequel les relations internationales actuelles sont organisées autour de plusieurs principes directeurs, tels que les marchés ouverts, les institutions multilatérales, la démocratie libérale et le rôle dirigeant des Etats-Unis et de ses alliés. Cet ordre a été créé après la Seconde Guerre mondiale et demeure souvent associé à la Pax Americana.» Il est donc compréhensible que le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov, ait dit dans la discussion ayant suivi son intervention du 16 février à la Conférence de Munich sur la sécurité: «De nos jours, nos collègues occidentaux n’utilisent plus que rarement les termes ‹droit international› et ‹normes du droit international›. Ils préfèrent parler de ‹rules-based order› et prétendent que c’est la même chose. Mais ils préfèrent utiliser leur propre terme plutôt que ‹droit international›. A mon avis, ils ne veulent pas se conformer au droit international, tel qu’il est, par exemple, consacré dans la Convention sur les armes chimiques ratifiée par tous les membres de la communauté internationale. Ils ne veulent utiliser que les ‹règles› inventées par eux-mêmes pour interpréter la Charte en violation des procédures existantes.»
2 Un coup d’œil dans les actuels manuels scolaires allemands pour l’éducation politique montre à quel point le processus de nivellement a progressé. Là, on ne trouve plus d’informations factuelles, mais uniquement le discours uniforme des pays de l’OTAN sans aucune critique. Par exemple, dans l’ouvrage paru en 2017 et intitulé «Zeitfragen. Politische Bildung für berufliche Schulen» [Questions actuelles. Formation politique pour les écoles professionnelles] publié par la célèbre maison d’édition Klett de Stuttgart, on trouve à la page 211 la tâche suivante concernant le conflit en Ukraine: «Pour l’UE, l’intégration de la Crimée par la Russie est une annexion et viole le droit international. Contre cette démarche, elle a imposé des sanctions économiques et politiques (mesures punitives) contre la Russie. Rassemblez des arguments permettant de justifier de telles mesures.» Les élèves allemands ont-ils uniquement le droit de connaître le point de vue de l’OTAN?
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