Je voudrais ajouter quelques réflexions aux remarques des deux conseillères nationales, Mme Estermann et Mme Badran, ainsi qu’à l’article de Mme Duprat dans le numéro 9 de Horizons et débats du 12 mai 2020.
Il est devenu évident, dans la crise du coronavirus, que le désordre économique globalisé, avec son idéologie de la croissance et de la share-holder value, s’avère être un système qui ne sert pas la famille humaine. Le modèle néolibéral de la déréglementation des marchés financiers, des biens et des services, accompagné de la soi-disant libre circulation des personnes, trouve son origine dans l’idéologie de la croissance illimitée et néglige la conservation des ressources ainsi que la protection du climat et de l’environnement. Le «toujours plus davantage», accompagné des économies de coûts grâce à la délocalisation des chantiers de production vers des pays à bas salaires (voire très bas) et à faibles coûts, et donc des chaînes de transport dépendantes, empêche l’évolution des économies moins développées. Il en va de même avec certains pays maintenus «au plus bas» en tant que fournisseurs de matières premières bon marché. La situation est similaire dans le domaine de l’emploi de la main-d’œuvre comme les moissonneurs ou les employés du métier des soins qui nous font défaut actuellement. Il est plus logique de qualifier et d’embaucher les personnes sans travail dans ces domaines, ce qui leur permettrait de rester dans leur propre pays, plutôt que de les en priver.
Une solution est concevable à travers un nouveau concept d’économie sociale de marché mettant l’accent sur la satisfaction des besoins réels, aux prix équitables et aux profits raisonnables, et où les marchés sont confinés à des zones économiques aux conditions de vie comparables. En d’autres termes, ce qui est consommé dans une zone économique particulière est également produit, dans une large mesure, avec la main-d’œuvre s’y trouvant. Il faut mettre un terme au dumping salarial avec les travailleurs d’Europe de l’Est ou arrivant même de pays plus éloignés. Au lieu de l’«accaparement des terres» pratiqué par les grandes entreprises et le libre-échange, une réglementation orientée vers la promotion notamment des petites exploitations agricoles offrant leurs produits sur les marchés régionaux, serait la meilleure solution. Cela ne s’appliquerait pas seulement à des continents comme l’Afrique.
Le climat et l’environnement seraient mieux protégés en l’absence de longues voies de transport, par une mobilité privée (voyages) et professionnelle réduite, accompagnée de la création de biens et de services durables, sensés et économes en ressources – au lieu d’appliquer l’idéologie de la croissance effrénée. Nous constatons aujourd’hui que la nature s’est énormément rétablie, en quelques semaines seulement, en raison du confinement à échelle mondiale. Un système axé sur une répartition appropriée au sein des économies développées plutôt que sur l’idéologie de la croissance constituerait une vision alternative de l’avenir, respectueuse des ressources, de l’environnement et du climat tout en étant socialement acceptable. En même temps, le fossé entre les riches et les pauvres doit être réduit en recourant à une démarcation spatiale entre les pays économiquement développés et ceux moins développés. Au cours des dernières décennies, l’économie mondiale globalisée, orientée vers une croissance rentable, a entraîné une accumulation de capital à une échelle jamais vue avant, par exemple sur Amazon, Google, Zalandoou facebook– pour n’en citer que quelques-uns. D’autre part, plus de 800 millions de personnes dans le monde souffrent de faim. Cela correspond à 11 % de la population mondiale.
Des hommes politiques établis, comme le ministre allemand du développement Müller (CSU), expriment aujourd’hui des sentiments similaires: «Le capitalisme devenu toujours plus rapide, ces 30 dernières années, doit s’arrêter.» Pour lui, la crise du corona virus est un signal d’alerte pour l’humanité, qui doit changer d’attitude face à la nature et à l’environnement (source n-tv du 3 mai 2020).
La négation des frontières façonnant notre monde et l’égoïsme de certains ne nuisent pas seulement au climat et à l’environnement, mais ont en effet accru les inégalités, non seulement entre les différentes régions du monde, mais aussi au sein des économies développées. La mobilité mondiale et l’ouverture des marchés permettent aujourd’hui aux virus de se propager à la vitesse de l’éclair nous plaçant devant l’obligation de dire «stop»: Il ne faut plus continuer de la sorte. Arrêtons!
Werner Voß, Wiehl (Allemagne)
(Traduction Horizons et débats)
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