Le gel hydroalcoolique, une invention Suisse

par Nicole Duprat, France

La pandémie du Covid-19 met en lumière l’action méconnue du Docteur Didier Pittet.Cet infectiologue des Hôpitaux Universitaires de Genève est à l’origine de l’utilisation du gel hydroalcoolique dans le monde entier.

Le geste qui sauve

Un écrivain français, originaire de Sète, Thierry Crouzet a relaté cette odyssée médicale dans son livre «Le geste qui sauve» aux Editions l’Age d’Homme.A la base du parcours menant à la création du gel hydroalcoolique se trouve une question simple: «Comment le personnel soignant peut-il se laver les mains plus efficacement? Au cours de ses études de médecine, alors qu’il se spécialise dans les maladies infectieuses, le médecin épidémiologiste de l’Hôpital Universitaire de Genève (HUG), Didier Pittet, s’intéresse au problème des infections liées aux cathéters intraveineux responsables de 20 à 30 millions d’infections hospitalières par an. Tel est le thème de ce livre dont l’écriture très agréable de l’auteur nous livre une histoire très inspirante qui fait du bien au moral. Il est à noter que Thierry Crouzet a cédé tous ses droits à la fondation CleanHandsSaveLives.orget qu’une version gratuite figure sur Internet.

Une invention vieille de 21 ans

Dans les années 1990, Le «Docteur Mains propres» comme on le surnomme si bien, devient spécialiste des maladies contagieuses aux HUG et combat les infections nosocomiales, celles qui sont liées aux soins. Il a fait sienne la question de Pasteur«Au lieu de s’ingénier à tuer les microbes dans les plaies, ne serait-il pas plus raisonnable de ne pas les y introduire». Cette entreprise laborieuse aboutira à l’invention et à la diffusion massive d’une formule désinfectante élaborée avec l’aide d’un pharmacien anglais du Centre hospitalier, Williams Griffith. 

L’idée est simple mais constitue cependant une révolution sanitaire: remplacer l’utilité du savon lorsque les soignants en contact avec les malades sont contraints à des lavages des mains répétitifs ou bien lorsque dans les pays pauvres sans grande infrastructure de santé ils doivent pallier au manque d’eau. Il s’agissait également de fabriquer facilement et à bas coût, en tout point du globe, la solution ou le gel hydroalcoolique. 

On sait depuis 1905 que l’alcool est un puissant bactéricide et virucide mais c’est en le mélangeant à de l’eau et à de la glycérine que le pharmacien parvient à le faire adhérer à la peau pour y détruire les germes indésirables.

Des résistances à vaincre

Mais persuader le monde de l’utilisation de ce produit n’aura pas été chose aisée. Le Professeur Pittet aura dû prendre son bâton de pèlerin et sillonner la planète pour convaincre de l’usage du gel au lieu du savon dans certains hôpitaux et le démocratiser dans toutes les nations! Cette innovation de rupture permettant dans les pays pauvres de s’affranchir du déficit d’eau courante est connue sous l’appellation scientifique de «Geneva Model». Difficile tâche aussi dans les pays musulmans car le gel comme son nom l’indique contient de l’alcool. Il a fallu modifier la formule en employant de l’alcool isopropylique. En Russie, certains buvaient la solution, on a dû y ajouter un vomitif! Il a dû également affronter et sermonner les producteurs pharmaceutiques pour maintenir des petits prix, tout en cassant dans le même temps des compagnies qui cherchaient à s’enrichir sur le dos des malades!

Au service du bien commun

Salutaire en ces temps de pandémie, l’invention et la diffusion du gel hydroalcoolique a sauvé des millions de vies. Lors de son invention, il y a 21 ans, le docteur Didier Pittet pouvait breveter le produit désinfectant à son profit, le commercialiser, s’enrichir. Aujourd’hui plus qu’avant, sa découverte lui aurait permis de devenir multimilliardaire. Cependant, il a préféré ne pas breveter sa découverte pour le bien de l’Humanité. Il a choisi de faire don du brevet du gel hydroalcoolique à l’OMS, ce qui permet d’en produire localement à moindre coût dans le monde entier. «L’hygiène des mains est quelque chose de trop simple, de trop nécessaire pour qu’elle soit brevetée. Je n’y ai jamais pensé» explique-t-il dans un reportage de la télévision française sur la chaine  (TF1). Par ailleurs, l’infectiologue a profité du reportage pour critiquer la flambée actuelle du prix de son invention dans certains pays et a félicité la France d’avoir imposé une limite du prix de vente dessolutions hydro alcooliques. «Cela coûte 1 euro. De le vendre tout d’un coup à 20 euros, c’est totalement irrespectueux!», condamne-t-il.

«Contrairement à l’argent, l’entraide est disponible en quantité illimitée, c’est la monnaie de l’abondance» ou encore «Quand on donne, on donne. C’est l’économie de la paix», affirme-t-il.

Un extrait du livre le confirme aussi «C’est un apôtre du don […]». Plus qu’un geste de santé, Didier Pittet a inventé une nouvelle formule de politesse et de respect «Je me lave les mains pour vous protéger», écrit Thierry Crouzet.

Distinction honorifique,
simplicité et bienveillance

Sa stratégie de lutte contre les infections nosocomiales – environ 70 000 personnes touchées chaque année en Suisse dont 2000 décèdent indique l’ouvrage – continue d’être développée aux HUG et avec l’aide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle sauve chaque année 8 millions de patients un peu partout sur la planète. Pour ses soins rendus à la prévention des infections et aux soins rendus au Royaume-Uni, le Professeur Didier Pittet a été élevé en 2007 au rang de Commandeur de l’Ordre de l’Empire par sa Majesté la Reine Elisabeth II. Depuis plus de 400 ans, aucun Suisse n’avait été anobli par la couronne britannique. Mais pas de quoi lui donner la grosse tête!

Au Petit Lancy, nombreux sont ceux qui connaissent Didier Pittet dans sa simplicité et sa bienveillance. Celui qui fut pendant de nombreuses années président de Conseil de la paroisse du Christ-Roi est un enfant de Lancy.

Devenu une sommité médicale internationale, il reste une personne pleine de générosité dont l’aura a dépassé les frontières communales. L’écrivain français Thierry Crouzet ne s’y est pas trompé. En consacrant son ouvrage à celui qui a offert à l’humanité la clé de fabrication du gel sauvant chaque jour des centaines de millions de vies  partout dans le monde, il décrit une initiative unanimement saluée et merveilleusement racontée dans ce livre.

Suivre l’épopée médicale du Docteur Pittet c’est découvrir qu’une autre humanité est possible avec la promesse de basculer d’une économie de prédation à une économe de paix.
 


Didier Pittet est chef de service des maladies contagieuses à l’HUG à Genève,Professeur Honoraire à Impérial Collège (Londres), Hong Kong Polytechnic University et Medical School of the Fu (Shangai), Membre honoraire de l’Académie des Sciences de Russie et de l’Académie de Chirurgie française

2  Thierry Crouzet, Le geste qui sauve. Des millions de vie, peut-être la vôtre. L’Age d’Homme Genève 2014, ISBN 978-1986813013

 

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