Horizons et débats No 19/20 - Supplément "Congo"

Face aux coups de l’adversité – L’autobiographie de l’écrivain congolais Stanislas Bucyalimwe Mararo: un legs authentique

par Peter Küpfer

La vie en Afrique est quelquefois très éloignée de notre univers de consommation occidental. Très peu d’«Occidentaux» en ont fait eux-mêmes l’expérience, ou alors cela a eu lieu au sein d’hôtels où l’on vivait à l’occidentale, de plages sévèrement gardées, ou encore dans des bureaux sécurisés et climatisés nichés au sein de centres commerciaux comme à Nairobi ou en Afrique du Sud. C’est pourquoi on ressent une impression d’autant plus poignante lorsque on est confronté avec une des personnalités se considérant comme authentiquement africain, fier de ses racines, avec une profonde connaissance du continent et de sa douloureuse histoire, disposant de l’image précise, malheureusement souvent sombre, de ce qu’y vivent, de nos jours, ses compatriotes, dans le cas du Congo de l’Est, hantés par tous les maux. 

C’est le cas de Stanislas Bucyalimwe Mararo, historien, philosophe et politologue congolais. Il publie actuellement sa vaste autobiographie – pour l’instant disponible uniquement en français1– qui vient en point d’orgue de son œuvre abondante. Le titre est aussi révélateur que représentatif de ses travaux scientifiques: «Face aux coups de l’adversité. Une autobiographie». Sous le portrait de l’auteur, qui fixe la caméra avec calme, droiture et sans crainte, se trouve la devise, adoptée par plusieurs intrépides Maisons ducales régnantes de Bretagne pendant la guerre de Cent Ans: «Potius mori quam foedari» (Plutôt mourir que se déshonorer). Ce qui signifiait, à l’époque déjà, ne pas s’incliner face à la violence ou l’injustice.

Un incorruptible 
au service de la vérité

L’auteur n’a en effet jamais cédé à la violence et à l’injustice, comme on peut le voir dans son œuvre et son autobiographie. Celle-ci ne fait pas qu’apporter un témoignage impressionnant sur une existence qui a été et demeure inconditionnellement consacrée à la vérité, elle retrace en même temps les étapes historiques décisives de l’histoire du Congo (République démocratique du Congo, ex-Zaïre).


«Mes parents ne m’ont pas donné seulement la vie; ils m’ont entouré d’un encadrement approprié et transmis des valeurs qui ont fait éclore mes talents et permis de les développer malgré l’ampleur de l’adversité que je dus, malgré moi, affronter tous au long de ma vie. Pour le dire autrement: ce sont les valeurs que mes parents m’ont transmises et les multiples défis que j’ai affrontés régulièrement dès ma prime enfance qui ont forgé ma personnalité et déterminé mon destin.» (Introduction)


Le récit englobe donc les longues années de colonisation brutale (Congo belge), l’«indépendance» de la République du Congo (elle n’a duré que pendant les quelques mois d’été qui ont suivi le 30 juin 1960), à travers la dictature de Mobutu jusqu’aux deux prétendues guerres « civiles » des années 90, orchestrées en principe par les grandes puissances occidentales, avec ses dommages catastrophiques qui durent.

Patrice Lumumba, le seul président du Congo indépendant intronisé par des élections véritablement démocratiques, a été kidnappé et tué deux mois et demi après avoir pris ses fonctions par une unité spéciale sur la demande des services secrets américains, britanniques et belges, dans le cours d’une «guerre de sécession» (à l’époque, déjà une tromperie devant cacher la brutale mise en œuvre d’un «changement de régime») qui a fait rage pendant des années ayant mis à feu et à sang le pays – jusqu’à ce que le nouveau dirigeant, désigné par la grâce des puissances occidentales, Mobutu Sese Seko, l’homme des services secrets occidentaux et des pays tutélaires (soit les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Belgique) n’établisse sa dictature pour de longues années et ne rebaptise l’immense pays du nom de «Zaïre».

La dictature de Mobutu a fonctionné tout au long des années de la guerre froide ainsi que l’avaient planifié les auteurs de l’agenda caché. Le deal était aussi simple que brutal: Mobutu pouvait agir et gouverner selon son bon plaisir à l’encontre de «son peuple», ce qu’il faisait d’une main de fer. Ceci à condition que Mobutu laisse à l’Occident un accès sans limites aux richesses minières essentielles du Congo (cuivre, cobalt, coltan, uranium, or et diamants) et ce selon les tarifs pitoyables dictés par les acheteurs. De même, Mobutu devait garantir que les pays communistes du Bloc de l’Est n’auraient aucun accès économique, politique ou militaire à l’énorme pays d’Afrique Centrale, si important d’un point de vue géostratégique. La contrepartie à tout cela a été la mise en liste d’attente de la garantie des droits de l’homme et de la démocratie, recherchée tant par d’autres leaders de la première génération de dirigeants africains après la décolonisation.

Le Congo, joker africain 
dans le jeu des grandes puissances

Avec l’effondrement des pays communistes du bloc de l’Est, la maladie de Mobutu, dictateur vieillissant, et l’incertitude quant à ce qui allait advenir de ce réservoir à matières premières et ce géant géopolitique qu’était le Congo, les puissances occidentales et surtout les Etats-Unis devaient repartir sur des bases totalement nouvelles. Sous l’administration Bill Clinton on avait procédé à des travaux préparatoires afin de s’assurer que le changement de paradigmes dans l’histoire du monde (c’est-à-dire la fin de la guerre froide) ne remette pas en jeu la protection des intérêts de l’Occident en Afrique subsaharienne, mais tournerait à présent encore davantage en leur faveur. Comme Stanislas Bucyalimwe Mararole souligne à plusieurs reprises dans son autobiographie, en s’appuyant sur les témoignages de contemporains courageux,c’est la nouvelle «politique africaine» mise en place par les services secrets américains qui a instauré les fondements de ce qui, après le renversement de Mobutu en 1997, devait balayer comme un ouragan le pays, bouleversements dont il ne s’est toujours pas remis jusqu’à présent.

Ce plan (mentionné dans les archives secrètes américaines sous le nom de GHAI, Greater Horn of Africa Initiative) consistait à renforcer sur l’axe sud-ouest les gouvernements stratégiquement importants autour de la Corne de l’Afrique – Djibouti, la Somalie, l’Erythrée – et à utiliser à cette fin le dirigeant ougandais Yoweri Museveni, déjà totalement acquis aux intérêts des Etats-Unis. Avec un Kenya traditionnellement orienté vers une coopération rapprochée avec l’occident et un Congo fermement intégré dans la perspective de l’OTAN, on pouvait ainsi sécuriser l’arrière-pays de la Corne de l’Afrique dans le sens de l’intérêt des intérêts géopolitiques américains. De même, Museveni, le dictateur ougandais, élu bon élève des nouveaux dirigeants africains par la grâce de l’Amérique, n’a instauré son régime de parti unique que sur la puissance de ses armements (financés par les USA), Il n’a pas eu besoin de beaucoup de persuasion. Il avait d’ailleurs rêvé, déjà dans ses débuts, tout haut d’un nouveau méga-état en Afrique centrale, qui aurait englobé l’Ouganda, le Congo oriental, le Rwanda, le Burundi et certaines parties de la Tanzanie et du Kenya, un empire gouverné ethniquement par l’élite traditionnellement dirigeante des Hima en Ouganda et des Tutsi au Rwanda et Burundi, avec le soutien des grandes puissances occidentales.

A partir de 1994 la situation changea lorsqu’un autre jeune protégé des Etats-Unis, Paul Kagamé, le spécialiste de la guérilla rwandaise, lui-même descendant d’une des familles traditionnellement les plus influentes de l’élite tutsie de «l’ancien» Rwanda, réinstaura la suprématie des Tutsis au Rwanda. A l’instar de nombreux autres hauts officiers militaires partout dans le monde, lui aussi avait reçu l’entraînement spécialisé à l’Ecole militaire américaine de Fort Leavenworthselon les impératifs de la guérilla moderne. L’Ouganda de Museveni, soutenu par les Etats-Unis, avait Kagamé dans leur ligne de mire pour qu’après sa reconquête du pouvoir au Rwanda, il puisse réaliser avec lui l’avancée militaire vers Kinshasa afin de se débarrasser de Mobutu devenu imprévisible et peu fiable et pour que le Congo reste ainsi pour longtemps encore dans les mains des Américains.

Le Front patriotique rwandais (FPR) – un mouvement actif de guérilla militaire, constitué d’émigrants tutsis de l’élite rwandaise – fut mis sur pied et reçut très tôt une formation à cet effet sur le sol ougandais. Ils n’attendaient que le «feu vert» pour passer à l’action, utilisant la force armée pour retrouver la suprématie perdue au Rwanda (en raison de la transformation de l’ancienne monarchie en république). Ce vœu fut exaucé par les «global players» du début des années 1990. Lors d’une soi-disant «guerre civile» sanglante (de nouveau on procéda à une tromperie frauduleuse d’appellation puisqu’il s’agissait en effet d’une guerre d’invasion, soutenue notamment par les Etats-Unis), le FPR, équipé d’armes américaines, fourni par l’armée ougandaise en mercenaires et combattants aguerris issus de la Guerre de la jungle de Museveni, retrouva la suprématie perdue au Rwanda en 1994. 

Stanislas Bucyalimwe Mararo fait référence à des récits toujours plus fournis qui, d’après des témoins contemporains, rapportent que l’avancée des Tutsis rwandais sous l’égide de Kagamé, 1990-1994, s’est accompagnée de «purges» systématiques de type génocidaire à l’intérieur des territoires reconquis.3Ces purges ont tout d’abord visé des personnalités de premier plan, mais de plus en plus aussi contre l’ensemble du groupe ethnique majoritaire au Rwanda, la population hutu.

Honoré Ngbanda ainsi que d’autres auteurs (voir annotation 2) soulignent que le génocide des Tutsis par les Hutus rwandais a trouvé là sa principale raison d’être. Il y a eu une formation de milices hutues (dont les fameux Interahamwe) comme réaction aux carnages perpétrés du FPR pendant son avancée vers Kigali, car les Hutus rwandais craignaient la stratégie d’éradication, réalisée depuis longtemps dans les années précédentes «legénocide rwandais» de 1994 (dont parle le monde entier), carnages perpétrés du FPR lui-même dans les «territoires libérés», actions génocidaires des Tutsi avec comme victimes la population autochtone hutu dans les régions «libérées» par le FPR. Les atrocités commises lors de l’assaut final pour la prise du pouvoir par le FPR ainsi que les génocides qui s’en sont suivis (dans les deux camps: les Hutus envers les Tutsis et les Tutsis envers les Hutus) suite à l’assassinat de Juvénal Habyarimana, le président rwandais ayant toujours cherché une solution de la question ethnique, ont été soulevés à plusieurs reprises dans ce journal. On ne reviendra donc pas là-dessus dans ces lignes.Ce n’est que deux ans plus tard que l’on procéda à la réalisation de l’étape suivante du plan américain GHAI, là encore au travers d’une totale mystification de l’opinion publique mondiale.

Sous prétexte qu’il s’agissait d’une «rébellion de l’ethnie Tutsie de l’Est du Congo» contre le gouvernement congolais de Mobutu à Kinshasa, en réalité une armada équipée d’armes et de technologies guerrières des plus modernes prit la direction de Kinshasa qui fut prise d’assaut un an plus tard dans une sorte de blitzkrieg et sans réelle résistance de la part de l’armée nationale congolaise. Mobutu s’enfuit et mourut peu après en exil des suites de sa grave maladie.

Les ravages opérés par cette armada et les graves crimes contre l’humanité qui les accompagnèrent, ainsi que les attaques meurtrières de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération) dirigée par Laurent Désiré Kabila (lui-même homme de paille des Rwandais) contre les camps de réfugiés hutus rwandais au Nord et au Sud-Kivu, sont une plaie et une tache honteuse dans l’histoire récente de l’humanité, restée sans poursuites judiciaires jusqu’à présent.5

Tout cela a été perpétré en toute connaissance de cause et avec l’approbation des gouvernements responsables, surtout celui des Etats-Unis, qui ont fait preuve d’une grande énergie pour dissimuler les faits. Les enquêtes de l’ONU qui s’en sont suivies ont été interdites par le régime Kabila. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TIPR) d’Arusha n’a enquêté que sur les criminels de guerre du côté hutu, tandis que les ressortissants tutsis s’en sont sortis grâce à l’intervention du Rwanda et des Etats-Unis. Deux ans seulement après la Blitzkrieg, Laurent Désiré Kabila perdit pourtant le soutien de ses «compagnons d’armes» et alliés rwandais-américains et fut assassiné par un de ses propres gardiens de sécurité.

Depuis lors, le gouvernement du Congo est entièrement entre les mains d’hommes de paille contrôlés par le Rwanda, qui garantissent aux grandes puissances occidentales les soutenant, ce qu’elles ont toujours désiré du Congo: un accès illimité à ses ressources naturelles si convoitées et un gouvernement faible exerçant à la lettre ce qu’on lui dit. 


«Dix-sept ans de travail (1974-1985, 1990-1994, 1996-1997, à l’Institut Supérieur Pédagogique, Bukavu, Sud-Kivu) ont été marqués par les hauts et les bas. Les hauts sont la participation à la formation de l’élite du pays, à l’autocensure académique et à la passion constante de toujours faire mieux. Les bas sont les effets de la politique discriminatoire pratiquée par la direction générale […] dans les promotion et l’octroi des bourses de stage et de doctorat à l’étranger, l’octroi des logements, des rivalités destructives. […] Les expériences qui m’ont le plus affecté sont le refus d’octroyer mon salaire à ma famille […] pendant que j’étais à l’étranger pour les études doctorales et la participation d’un collègue du Département d’Histoire, devenu premier Gouverneur de l’AFDL en novembre 1996, dans la fronde de mes pourchasseurs (Tutsi de l’AFDL) après avoir dressé, à maintes reprises, certains étudiants, surtout de la coterie, contre moi.» (Introduction)


Dans l’Est du Congo, riche en ressources naturelles, la guerre s’est poursuivie jusqu’au XXIesiècle, accompagnée d’atrocités indicibles commises à l’encontre d’une population civile sans défense. Le «Groupe Jérémie», un organisme de témoignage mis en place par Bucyalimwe Mararo lui-même en collaboration avec d’autres de ses contemporains courageux, a documenté les événements criminels depuis le début et a mis cette documentation à la disposition de l’ONU, sans qu’il ne se produise aucune réaction officielle. Jusqu’à présent l’insécurité générale réduisant au degré zéro la protection vitale de la population civile (ce qui a eu pour conséquence le dépeuplement d’une grande partie de l’Est du Congo) qui perdure encore aujourd’hui, a servi de soutien (et continue de soutenir) les activités des seigneurs de la guerre, tous impliqués dans le marché noir du pillage des biens congolais dont l’Est abonde. Malgré les rapports de l’ONU qui relataient fidèlement la vérité (ils étaient tranquillement rangés dans leurs tiroirs) tout cela a reçu une couverture médiatique de la part de médias crédules (ou encore professionnels approvisionnés par les services secrets) qui répandaient la version rwandaise comme un moulin à prière. Ils (les Tutsis rwandais, à présent solidement ancrés de nouveau au pouvoir) auraient été les (seules) victimes du génocide rwandais et seule leur victoire militaire aurait réussi à mettre fin aux tueries. Aujourd’hui, il existe toute une panoplie d’enquêtes menées par des auteurs courageux et dignes de foi qui démasquent ce tissu de mensonges tel qu’il est présenté.6

Seuls des chercheurs extrêmement persévérants se sont débattus au sein de ce labyrinthe organisé afin d’obtenir une image réaliste de ce qui se passait réellement au Congo. C’est parmi eux qu’on retrouve l’historien congolais Stanislas Bucyalimwe Mararo.

Plutôt mourir 
que de céder à l’injustice

Stanislas Bucyalimwe Mararo, fils de paysan, est né en 1948 dans un petit village du Congo (Muramba) du pays des collines, l’arrière-pays de Goma (Masisi) qui était à l’époque une région de nature idyllique. L’auteurdécrit avec une émotion palpable comment il a grandi au milieu de la centaine de vaches et autres animaux domestiques qui appartenaient à sa famille, sans clôture ni enclos, «dérangé» parfois par un troupeau d’éléphants venus de la brousse. La génération de ses parents avait travaillé dur pour défricher les pâturages de la jungle qui commençait alors à la limite de leur propriété.

Aujourd’hui, des villages de sa région natale se réduisent partout à un tas de ruines calcinées, tout près de cratères éventrés où stagnent des eaux usées contaminées: des mines de coltan creusées à la hâte, exploitées à ciel ouvert (souvent par des enfants), «protégées» par des milices sans cesse changeantes, de provenance non-identifiée et toutes orientées vers le même objectif: vendre au marché noir le maximum de matériel convoité afin d’approvisionner les intermédiaires au prochain point de collecte – principalement à destination de Kigali. Bien que le Rwanda ne possède pas de mines de coltan, le métal le plus rare du monde et sans lequel aucun téléphone portable ne peut fonctionner est devenu un produit d’exportation majeur du tout petit état du Rwanda, autrefois dénué de toute ressource minière. Cette transformation de l’aspect des ressources de la terre natale de l’auteur démontre de façon impressionnante ce qui est arrivé au Congo. Entretemps se sont produits les événements n’ayant pu être mentionnés ci-dessus que de façon superficielle.

De petit paysan à professeur d’université

La chance était avec le petit paysan. Son père, qui n’avait jamais pu aller à l’école, insista pour que son fils si intelligent acquiert de meilleures bases dans la vie et y fasse son chemin. Seule une bonne éducation, en particulier la maîtrise de la langue française (qui était la langue des colonisateurs) permettait à son fils d’accéder à une vie meilleure que celle à laquelle il était destiné, fit-il remarquer à son fils (à cette époque, les paysans étaient régulièrement contraints à travailler dans les fermes des propriétaires belges, puis plus tard pour aider à construire des routes pour le gouvernement de Mobutu). Pour cette famille, la seule voie possible de l’accès au savoir, dans les conditions congolaises de l’époque, était la voie traditionnelle: à part les écoles gérées par l’église, en majorité catholique, il n’y avait rien d’autre dans le pays. Le brillant élève passa l’école primaire avec d’excellentes notes (accomplissant à pied trois heures de marche rapide aller-retour pour se rendre à l’école) et rejoignit ensuite le Petit-Séminaire de Rugari, plus tard Buhimba (internat du diocèse de Goma) à une centaine de kilomètres de son domicile, une distance que lui et ses camarades de classe du secondaire, des garçons de 14 ans, parcouraient à pied au début des grandes vacances, puis de nouveau en début de semestre, portant sur la tête leur valise, et entièrement enveloppée dans un linge blanc). Après une nouvelle étape franchie haut la main, sa famille lui permet de poursuivre ses études (à partir de 1968) au Grand Séminaire de Muresha/Bukavu (à l’autre bout du Kivu).


«Hasard ou destin? Poursuivre les études aux Etats-Unis ne m’était jamais venu à l’esprit. Non seulement parce que la barrière linguistique ne m’y encourageait pas, mais aussi et surtout du fait que la Belgique et la France étaient alors les seuls points de mire de la promotion académique et scientifique pour tout le monde. […] Mais, comme par miracle, la voie fut ouverte grâce à un couple américain, Catharine et David Newbury qui, au cours d’un séjour d’une année académique à l’ISP-Bukavu (1982-1983) sont devenues mes amis et parrains. […] C’est grâce à ce couple et d’autres personnes de bonne volonté […] que j’ai pu découvrir une autre Amérique, une Amérique des humbles, une Amérique des hommes sensibles et bienveillants, une Amérique des gens qui inspirent par l’exemple.» (Introduction)


Stanis Bucyalimwe Mararo abandonna la carrière ecclésiastique qu’il avait d’abord envisagée au profit d’études d’histoire à Kinshasa, poursuivies ensuite à Lubumbashi. Entretemps, pour avoir participé à une grande manifestation en faveur des droits de l’homme, il dut accomplir son service militaire en bataillon disciplinaire dans l’armée nationale de Mobutu. Après avoir obtenu son diplôme, Stanislas Bucyalimwe Mararo enseigna, pendant 17 ans au total, l’histoire et la philosophie au célèbre Institut Supérieur Pédagogique de Bukavu.

Les Tutsis rwandais en exil aux 
commandes sur les deux rives du lac Kivu

Très tôt, le jeune professeur régulier avait remarqué que toutes les postes décisionnels étaient occupés par des membres de l’ethnie tutsie du Congo oriental et que les membres de la majorité hutu, dont l’auteur se réclame, étaient exposés à de nombreuses exactions. Même à l’époque déjà, dans les années 1980, les signes avant-coureurs s’annonçaient de ce qui allait plus tard conduire à la crise congolaise actuelle.7

Dans ces conditions, il était difficile pour Stanislas Bucyalimwe Mararo de continuer à se faire connaître dans le monde universitaire en plus de ses activités d’enseignement, ce qui était son plus cher désir. Ce n’est pas par hasard qu’après l’attaque de Bukavu, dans les jours qui ont suivi le 29 octobre 1996, les bâtiments de l’Institut supérieur pédagogique, suite à l’avance des troupes de l’ADFL de Kabila, aient été transformés en quartier général de la campagne pour la conquête de l’est du pays. Le recteur de l’institution depuis de longues années et qui était le garant de la politique en faveur des Tutsis, se comporta en collabo accompli pendant la période précédant et suivant le raid. Cela a permis à un collègue de l’auteur au Département de l’Histoire de l’ISB Bukavu de devenir le premier gouverneur du Sud-Kivu sous l’occupation AFDL, après avoir semé les intrigues parmi les étudiants de Stanis Bucyalimwe Mararo en le diffament. C’est ce genre de «carrière éclair» qui a provoqué le rejet de la part de Bucyalimwe Mararo, a justifié son indignation et renforcé sa propre inflexibilité. Dans l’épilogue de son autobiographie, il exhorte notamment la jeune génération à renoncer à cette soumission à la violence et à contribuer à l’édification d’un véritable et authentique amour de la patrie. Ainsi qu’il le souligne en maints endroits du texte, ni la corruption ni la servilité envers le pouvoir ne compatibles avec cet état d’esprit. Comme il a très tôt mis en exergue la réceptivité de l’élite de l’Est du Congo aux «services» d’inspiration rwandaise, qu’il l’a rapporté et appelé par son nom dès ses premières publications, il a été traité avec suspicion par le lobby de l’époque mettant continuellement des obstacles à sa carrière universitaire.

Stanislas Bucyalimwe Mararo, entretemps marié et père de famille, accepta une offre qui lui fut faite d’accomplir un séjour postuniversitaire de troisième cycle dans une université américaine (Indiana University Bloomington, 1985-1990) où il acquit son doctorat avec distinction, sa dissertation analysant le problème des tensions créées par les tentatives d’hégémonie tutsie dans le Nord-Kivu, sujet qui n’était pas du goût de ses supérieurs à l’ISB. Quelques années plus tard, de retour à Bukavu où il avait repris ses activités d’enseignement, Stanislas Bucyalimwe Mararo regagna les Etats-Unis pour participer à un séminaire de doctorat aux Etats-Unis (Yale University 1994-1995). Cette amplification de son impact scientifique lui fut rendu possible grâce aux liens amicaux entretenus de longue date avec un couple d’universitaires américains (David et Catherine Newbury, Chapell Hill, Caroline du Nord), que l’auteur avait soutenu de ses conseils lors d’une étude de terrain qu’ils avaient entreprise au Kivu. Cette amitié encore et toujours présente dans la vie de Stanislas Bucyalimwe Mararo devait par la suite contribuer essentiellement au succès de sa fuite audacieuse suite à l’occupation de Bukavu par l’Armada de l’AFDL et la terreur qu’elle exerçait contre la population (voir ci-dessous). Dans les quelques années précédant l’invasion du Congo (1996) il mena de nombreuses recherches, toutes centrées sur la tentative des Tutsis rwandais présents dans l’est du Congo de préparer le pays à l’annexion planifiée par le Rwanda et ses alliés; ces recherches mettent en évidence que ce projet de conquête de l’hégémonie, d’abord sur le plan civile, ensuite militaire, a un historique qui remonte à plusieurs décennies. 

Les événements se sont précipités lorsque ce projet, c’est-à-dire l’annexion de l’Est du Congo et le renversement de Mobutu, atteignit sa réalisation concrète – conformément aux plans des Etats-Unis et de ses alliés – par le nouveau gouvernement rwandais dirigé par Kagamé. Là aussi il a fallu mettre en scène une vaste opération de propagande par les médias. Dans les médias occidentaux, les encyclopédies et la littérature la plus répandue, on ne parle jamais que d’une «rébellion de la minorité tutsie»(ceux qu’on appelle les «Banyamulenge»– des éleveurs de bétail rwandais exilés à l’origine dans l’est du Congo) contre la population autochtone, àlaquelle ils reprochaient de les menacer, et le gouvernement de Mobutu, accusé de ne rien faire, ou alors trop peu, à ce sujet. Voilà donc l’AFDL, en réalité une armée d’intervention très bien équipée et cofinancée par les USA, qui se dressaà présent contrele Zaïre de Mobutu afin d’orienter les choses au Congo dans leur sens. Les médias occidentaux et les gouvernements conformes à l’OTAN, parmi eux notamment la République fédérale d’Allemagne, reprirent avec empressement cette version; ils l’ont maintenue jusqu’à ce jour, un véritable scandale politico-médiatique sur lequel on n’a pas encore prononcé le moindre motofficiel.

Fuite et exil

L’évasion de Stanislas Bucyalimwe Mararo se déroula sur plus d’une année et commença dès le lendemain du jour où la ville se fut livrée sans pratiquement aucune résistance aux forces d’occupation AFDL. Dès le premier jour, celles-ci mirent en pratique à l’encontre de la population de la ville une terreur brutale, concentrée en premier lieu sur les personnalités ayant encouragé la résistance patriotique. L’un d’entre eux était Mgr Christophe Munzihirwa, archevêque de Bukavu, qui avait souligné dans son sermon du dimanche précédent que menacer les gens avec une arme à la main n’était pas un acte chrétien.

Cela lui coûta la vie. Le tout premier jour de l’apparition des formations de l’ADFL à Bukavu, il fut traîné hors de sa voiture alors qu’il circulait dans le cadre de son ministère et abattu sur la route à coups de revolver. Bucyalimwe Mararo apprit alors par diverses sources que son nom figurait également en tête de la liste des exécutions du FPR. En outre, les pelotons d’exécution de l’AFDL étaient à pied d’œuvre à divers points de contrôle. Tous les Hutus étaient considérés comme des membres potentiels de l’organisation extrémiste Interahamwe et furent abattus immédiatement. Tout cela ne laissait pas vraiment de place à la discussion. Sur les conseils de sa famille et de ses amis, l’auteur, après quelques tentatives d’évasion infructueuses dans la région des collines autour de Bukavu, décida de se cacher en pleine ville, répétant ainsi une situation vécue par les familles juives allemandes dans certaines villes d’Allemagne après 1933, où tout mouvement inconsidéré pouvait signifier le transfert vers un camp de concentration et une mort certaine. Après des mois à se cacher chez de fidèles amis, Stanislas Bucyalimwe Mararo apprit que les services secrets rwandais étaient sur sa piste sur la base d’informations provenant de traîtres: il se trouvait doncdésormais gravement menacé de vie, ce qui n’imposa qu’un seul choix: quitter le pays.

Des amitiés qui sauvent la vie

Il ne restait plus beaucoup de temps. Rassembler des documents à la hâte, un peu d’argent et le principal: une fausse carte d’identité, et puis en route. Le transfert en voiture ayant échoué, il fallait prendre le bus en direction de la frontière et du lac Tanganyika, en passant par de nombreux points de contrôle où les soldats de l’AFDL, leurs mitraillettes prêtes à tirer, veillaient à ce qu’aucun Hutu ne puisse franchir la frontière vers l’étranger. 

Avec un peu de ruse et beaucoup de chance, l’auteur a passé de nombreux points de contrôle, chacun reposant la question ultime: être ou ne pas être. Enfin, il a pu atteindre le point d’embarquement sur le bateau qui l’a emmené jusqu›à l’extrémité sud du lac Tanganyika (Kigoma, Tanzanie).


«A voir le parcours esquissé ci-dessus et les multiples embûches que j’ai pu surmonter, je suis enclin à dire que ma vie est un miracle. J’ai commis des erreurs par ignorance ou par mauvaise appréciation. Mais, confronté aux réalités de la vie, j’ai chaque fois rectifié le tir, en apprenant par essai-erreur sans jamais tomber dans une moindre compromission.» (Conclusions)


Par l’entremise de quelques amis, il avait pu recevoir de l’argent grâce à ses amis américains (mentionnés plus haut) qui s’étaient portés garants pour lui, ce qui lui permit de s’envoler de Kigoma vers le Kenya. Pour des raisons de sécurité, l’auteur choisit le vol pour Mwanza, ville située sur le bord sud du lac de Victoria. Au bout d’un voyage en bus de plusieurs heures qui dura toute la nuit, interrompu par plusieurs contrôles d’identité extrêmement risqués, Stanislas Bucyalimwe Mararo parvint finalement à Nairobi, le 23 mars 1997. 

Comme auparavant, c’est principalement grâce à des amitiés de longue date que sa fuite se poursuivit à bien. A Nairobi, il put donc se rabattre sur un ami de longue date qui s’y trouvait. Admis dans sa famille, le réfugié put ainsi, pendant six mois, examiner les possibilités réalisables. En premier lieu venait l’option américaine, encouragée par ses amis américains qui lui conseillaient d’obtenir un visa pour les Etats-Unis; ils se porteraient garants de l’invitation officielle ainsi que de l’obligation de subvenir à ses propres besoins, garanties sans lesquelles aucun visa pour les Etats-Unis n’était accordé. Les difficultés ne résidaient cependant pas là, mais plutôt du côté des autorités congolaises, qui retardèrentobstinément, puis bloquèrent le visa pour les Etats-Unis.

Comme ces retards avaient prolongé le séjour du réfugié dans la capitale kenyane, il tenta de se procurer de l’argent en travaillant. Il posa sa candidature en tant que professeur invité à l’Université catholique d’Afrique de l’Est à Nairobi, candidature qui fut acceptée parce que le recteur connaissait et appréciait cet historien sérieux, patriote et chrétien ouvert d’esprit depuis l’époque où lui-même avait résidé à Bukavu. Cependant, des changements soudains dans sa situation sécuritaire à Nairobi (où les services secrets rwandais étaient devenus très actifs ces derniers temps) forcèrent Stanislas Bucyalimwe Mararo à un départ précipité. Là encore, son engagement patriotique et sa droiture du temps de Bukavu joua en sa faveur. 

En tant que président de la société civile du Nord-Kivu (une cellule de résistance tout à fait fiable contre les velléités d’annexion de l’Est du Congo), Stanislas Bucyalimwe Mararo avait fondé le jumelage des villes de Bukavu et de Palerme (Sicile), avec le soutien de personnes partageant les mêmes idées en Europe; il l’avait maintenu et relancé au travers de divers projets communs.

 


«Dans ce cheminement en dents de scie, des frustration et déceptions ont été nombreuses. Mais, l’essentiel a été sauvé: maintenir le cap. C’est comme si j’avais aussi écouté tôt ce conseil que JoeSenior donna à son fils, futur vice-président des Etats-Unis: Il importe peu que l’homme tombe, pourvu qu’il sache se relever. Même ma famille qui en a souffert énormément a bien compris que le premier ennemi de l’homme est le découragement. J’ai plusieurs faits à l’appui; mais celui qui m’a le plus marqué est la sérénité dont mon épouse, Georgette Bagunda,et ma fille aînée, Christelle Kaza, ont fait montre le 12 mars 1997, en pleine répression AFDL: étant venues me voir en catimini dans ma cachette de Buholo (quartier Kadutu à Bukavu) et en sentant le danger de mort qui pesait sur moi, elles m’ont dit: Bilingos*, quittez le pays. Dieu vous accompagnera. Car votre salut, c’est notre salut.» (Conclusions)
*) Surnom familier de l’auteur


L’institution de jumelage (Coopération internationale Sud-Sud) était présidée par une personnalité (Antonio Rocca) avec laquelle l’auteur avait également noué des liens d’amitié personnels. A l’époque, Rocca persuada le maire de Palerme de faire pression pour que l’auteur obtienne un visa d’entrée à Palerme, une demande qui fut finalement acceptée par le ministère des affaires étrangères du gouvernement italien.

C’est ainsi que l’auteur arriva à Palerme, où il fut amicalement accueilli dans la famille Rocca. Toutefois, comme le visa italien n’était valable qu’un mois et qu’il expirait à la fin du mois d’octobre 1997, il était essentiel d’explorer d’autres pistes. Bucyalimwe Mararo tenta toujours d’obtenir un visa pour les Etats-Unis, cette fois-ci depuis l’Italie. En vain. Il ne restait donc plus que la Belgique comme destination finale, l’ancienne puissance coloniale du Congo.

Là aussi, les négociations traînèrent en longueur. Une «circonstance»inattendue vint au secours de l’auteur, avant tout en raison des contraintes liées à l’adhésion de l’Italie à l’UE: le 26 octobre 1997, l’Italie rejoignit les accords européens de Schengen. Ainsi, un visa accordé à un individu par un membre de la communauté des Etats se trouvait également valable pour tous les autres pays de l’UE. On rassembla ses forces et organisa un billet d’avion de Palerme à Rome et un billet de train de Rome à Bruxelles via Milan. Aux premières heures du 30 octobre 1997, un jour avant l’expiration de son visa italien, après un voyage en train de nuit de Milan à Bruxelles, l’odyssée de l’indomptable historien africain s’acheva dans la gare centrale de Bruxelles, après presque 12 mois d’incertitude pendant lesquels chaque matin à son réveil – et donc plus de 300 fois – la question s’était posée, pour lui comme pour sa famille, s’il verrait encore arriver le soir.

 «Je travaille pour ne pas devenir fou»

Suite à la procédure d’admission courante à notre époque, Stanislas Bucyalimwe Mararo fut officiellement admis en tant que réfugié politique en Belgique et reçut les papiers nécessaires. Il put également bientôt retrouver toute sa famille à Anvers. En raison de ses publications scientifiques, il se vit offrir un poste de «chercheur indépendant» au Centre d’études de la régiondes Grands Lacs africains de l’Université d’Anvers (chaire du Prof. Filip Reyntjens) où il fut principalement chargé de la supervision de la série de publications «Annuaires des Grands Lacs Africains» pour laquelle il rédigea divers documents fondamentaux de recherche. L’auteur conserva cette position jusqu’en 1998, année de sa retraite. En outre, il travailla sans relâche sur de nombreux rapports et des monographies, entièrement consacrées à ce qui avait été l’œuvre de sa vie: présenter au monde scientifique la pure et simple vérité sur ce que son peuple avait subi au cours des dernières décennies, principalement pour servir des intérêts de pouvoir et de profit. C’est toujours à distance qu’il relata les horreurs de la deuxième guerre congolaise (1997-98), laquelle se prolongea jusqu’après 2007, en contact étroit cependant avec des compatriotes dignes de foi et des organisations de la résistance non-gouvernementale qu’il avait en partie fondées lui-même à l’époque. 

Le sort de l’Est du Congo, en particulier du Nord-Kivu, devint pour lui le modèle de ce qui a été fait et continue d’être fait aux autres peuples. Ce faisant, il lança un appel pressant au respect du principe qui constitue l’âme de tout état: une population qui connaisse son histoire, adopte envers celle-ci une attitude constructive et tournée vers l’avenir, qui se considère comme le centre même de l’état (et non l’inverse, l’état comme le centre de sa propre existence) et contribue donc à déterminer son propre destin. Pour ce faire, et c’est ce qu’il a toujours proclamé et qu›il a lui-même vécu: il faut que les citoyens refusent de céder à la violence et d’y résister.

Pendant la courte période où il put se concentrer entièrement sur ses propres recherches, Stanislas Bucyalimwe Mararo travailla fébrilement et fournit au monde scientifique plusieurs œuvresde recherches solides, toutes amplement documentées. Lorsqu’on lui demanda comment il arrivait à rassembler un si grand nombre de faits fondamentaux, il répondit un jour à l’auteur de ces lignes: «Je travaille du matin au soir pour ne pas devenir fou.»

On pourrait en effet devenir fou devant l’ampleur des atrocités qui ont été et sont encore commises à l’encontre de son peuple et de l’indifférence avec laquelle on en fait le constat, si ce n’est de carrément nier leur existence, reproche que l’on doit faire à de nombreux gouvernements, institutions et médias. Il faudra un certain temps pour que les analyses factuelles de Stanislas Bucyalimwe Mararo, soutenues par une éthique scientifique, humaine incorruptible, trouvent leur juste place parmi les connaissances générales. Nous-mêmes, qui avons croisé le chemin de cet homme d’exception, sommes interpellés par ce défi. Nous devons contribuer à sa diffusion. Sa vie et son œuvre restent exemplaires : dans ses dimensions scientifiques aussi bien qu’humaines.

1Bucyalimwe Mararo, Stanislas. Face aux coups de l’adversité. Une autobiographie, Bruxelles (Editions Scribe) 2019, ISBN 978-2-930765-57-0

2Parmi eux, citonsHonoré Ngbanda Nzambo, ministre pendant plusieurs années, chef des services de renseignement congolais et confident de Mobutu dans les dernières années de son gouvernement. Dans le livre mentionné ci-dessous, le patriote critique renommé du nouveau régime congolais (sous Laurent Désiré Kabila et Joseph Kabila), présente sa vue très détaillée sur les circonstances et le contexte de la trahison américaine de Mobutu, la prise du pouvoir des nouveaux seigneurs. Cf.: Ngbanda Nzambo, Honoré. Crimes organisés en Afrique centrale. Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux, Paris (Editions Duboiris) 2004

3Voir Péan, Pierre. Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, p. 103 et suivantes. Péan se base sur le rapport officiel des Nations unies du 10 octobre 1994 par le rapporteur spécial Gersony, «placardisé» jusqu’à ce jour,reproduit textuellement dans l’annexe du livre mentionné ci-dessus.

4Voir entre autres Küpfer, Peter. Il faut réécrire l’histoire du Rwanda, Horizons et Débats n° 9, 12 mai 2020

5Cf. entre autres: Onana, Charles. Ces tueurs tutsis. Au cœur de la tragédie congolaise, Paris (Duboiris) 2009, édition de poche (français) ISBN 978-2-91687-208-7

6Cf. entre autres Rever, Judi. In praise of blood. The Crimes of the Rwandan Patriotic Front, 2020 (Random House/Penguin), anglais, ISBN 978-0-345812-10-0

7Après 1959, lorsque l’ancienne monarchie rwandaise est devenue une république et que les privilèges de l’élite tutsie soutenue par la monarchie ont disparu, le nombre de réfugiés issus du pays voisin a augmenté dans l’Est du Congo. Au début, les immigrants rwandais ont été bien accueillis par la population congolaise. Ce n’est que plus tard que la tolérance a fait place à une irritation croissante, car beaucoup d’immigrés ne se comportaient plus comme des invités mais exigeaient et prenaient de plus en plus de place dans le pays d’accueil. Au cours des années qui suivirent, l’auteur a démontré ce préliminaire insidieux mais planifié, une sorte d’occupation civile de l’Est du Congo, dans des études minutieuses basées sur sa thèse, par exemple dans l’ouvrage en deux volumes «Manœuvres pour l’hégémonie ethnique.Une question épineuse dans le processus de paix au Nord-Kivu» (République démocratique du Congo), Bruxelles (Editions Scribe) 2014,deux tomes (anglais), ISBN 978-2-930765-03-7 (Vol. 1) et ISBN 978-2-930765-04-4 (Vol. 2).

 

Chronologie

 1960:
Le Congo belge devient indépendant et s’appelle désormais République démocratique du Congo. Patrice Lumumba est Premier ministre.

19/01/1961:
 Patrice Lumumba est assassiné. Jusqu’en 1965, la confusion règne au Congo. Par la suite, du coup d’Etat militaire du colonel Mobutu Sese Seko. Il rebaptise le pays «Zaïre». 

01/10/1990:
Le FPR (Front patriotique rwandais, armée de guérilla tutsie sous le commandement de Paul Kagamé) attaque le Rwanda et son gouvernement légal du président Juvénal Habyarimana (Hutu) depuis l’Ouganda. Habyrimana était prêt, même face à l’attaque FPR, à trouver une solution équitable de la question socio-ethnique divisant le pays. 

06/04/1994:
Destruction en vol, par un missile sol-air, de l’avion présidentiel rwandais avec à son bord le président Juvénal Habyarimana et le président burundais Cyprien Ntaryamira, accompagnés de hauts gradés gouvernementaux et militaires et de son équipage français, tous morts.

Octobre/novembre 1996:
Début de la guerre d’agression de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération) contre le Congo avec bombardement massif des camps de réfugiés rwandais (principalement hutus). Parmi les centaines de milliers de réfugiés, un grand nombre succombe par suite des exactions commises par les troupes de l’AFDL ou meurt de faim dans une jungle inexpugnable.

19/05/1997: 
Laurent Désiré Kabila, 
l’homme du Rwanda et des Etats-Unis, se désigne lui-même nouveau président du Congo, qui s’appelle à nouveau République démocratique du Congo.

Août 1998:
Laurent Désiré Kabila perd la faveur de ses partisans rwandais et ougandais. Ils mettent en place une nouvelle «rébellion» auto créée, prétendument interne au Congo (comme en 1996) et déclenchent la deuxième guerre du Congo. D’autres états interviennent à leurs côtés, notamment l’Angola, le Zimbabwe et la Namibie. L’intervention de l’ONU conduit à un cessez-le-feu sur un front de plusieurs milliers de kilomètres à l’intérieur du pays. Dans l’Est du Congo, la population civile continue à subir de terribles souffrances suite à la terreur et l’exploitation illégale des ressources naturelles par les soi-disant «mouvements de libération», dont le RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie,avec deux ailes, rwandaise et ougandaise) et le MLC (Mouvement pour la Libération du Congo). Ces mouvements de «libération», qui après le cessez-le-feu de Lusaka se transforment en d’autres coalitions aux noms sans cesse modifiés, terrorisent la population de l’Est du Congo sans intervention de la Monuc(les forces de l’ONU censées de les protéger) jusqu’en 2017 et parfois après encore, comme en témoignent des organisations de défense des droits de l’homme fiables.

16 janvier 2001:
Laurent Désiré Kabila est abattu par un de ses propres gardiens de sécurité, le contexte du crime n’ayant jamais été éclairci. Après l’assassinat de Laurent Désiré Kabila, «son fils» Josef Kabila (son origine est contestée, mais il appartient certes au cercle restreint de la junte militaire rwandaise et a participé de même qu’il a été responsable de la campagne de 1996) sort de son existence discrète rwandaise et lui succède par intérim. Huit ans s’écouleront avant que Joseph Kabila n’essaie de légitimer sa présidence par des élections, que de nombreux observateurs qualifient cependant de frauduleuses. Entre-temps, il s’est maintenu au pouvoir jusqu’en 2018 sans véritable légitimité pour ensuite être remplacé par Felix Tshisekedi,le président du parti socialiste, lors d’élections également controversées, un homme qui, selon les critiques, aurait été «acheté» par le régime Kabila.

 (Informations rassemblées 
par Peter Küpfer) 
 

 

Manouvering for Ethnic Hegemony. A Thorny Issue in The North Kivu Peace Process (DR Congo)

RD-Congo. L´entre-deux-lacs, Kivu et Edouard. Histoire, économie et culture (1885-2017)

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