Les élèves affichent des performances scolaires de plus en plus médiocres

Résultats d’une enquête auprès des enseignants des deux demi-cantons bâlois

par Michael Pedrazzi, Conseil d’administration de la «Starke Schule beider Basel»

Au cours des deux dernières semaines, la «Starke Schule beider Basel» (SSbB, association bâloise pour une école forte) a mené une vaste enquête comparative, auprès des enseignants des écoles publiques du niveau primaire et secondaire I et II, sur le niveau de performance des élèves aujourd’hui par rapport à il y a cinq ans. Les résultats donnent à réfléchir: une large majorité d’enseignants jugent que les performances des élèves d’aujourd’hui sont moins bonnes, voire considérablement moins bonnes qu’il y a cinq ans. 

506 enseignants des écoles obligatoires et des écoles supérieures des deux demi-cantons de Bâle (Bâle-ville et Bâle-campagne) ont participé à l’enquête, nombre garantissant le caractère significatif de l’enquête. Seuls les enseignants disposant d’au moins cinq ans d’expérience d’enseignement étaient autorisés à participer à l’enquête dont l’objectif était de comparer la situation actuelle avec celle du passé. Les enseignants ont répondu aux questions ciblées sur l’évolution des performances des élèves dans les différentes matières. Ils ont eu le choix entre les cinq degrés suivants: «nettement moins bien», «moins bien», «à peu près pareil», «mieux» et «nettement mieux». L’enquête permettait de différencier verbalement les réponses quant à leurs causes. 

Les résultats peuvent déprimer: 63,6 % des enseignants ont estimé que le niveau de performance des élèves était moins bon ou nettement moins bon qu’il y a cinq ans ou plus. Seuls 7,9 % estiment que les performances des élèves d’aujourd’hui sont meilleures ou nettement meilleures. 28,5 % ne voient aucune différence de performance significative.

Différence significative 
entre les deux demi-cantons de Bâle 

Sur les 506 pédagogues interrogés, 264 enseignent dans le canton de Bâle-Campagne et 242 dans le canton de Bâle-Ville. Dans les deux demi-cantons, les enseignants interrogés sont d’accord sur le résultat primordial: dans le canton de Bâle-Campagne, 70,8 % déclarent que le niveau actuel est moins bon ou nettement moins bon. Bâle-Ville confirme le résultat à 55,8 %. Ce n’est qu’une minorité des interrogés, seuls 7,6 % dans le canton de Bâle-Campagne et 8,2 % dans celui de Bâle-Ville estimant que le niveau de performance des élèves s’était amélioré ces dernières années par rapport au passé. 

Le fait que les enseignants de Bâle-Campagne constatent une plus grande détérioration des performances que leurs collègues du canton de Bâle ville s’explique vraisemblablement par rapport au modèle scolaire de Bâle-Ville, fort marqué par les modèles des réformistes (école d’orientation et école supérieure), en application ces dernières décennies déjà et n’étant corrigés que récemment. De nombreux experts tiennent ce modèle scolaire bâlois, ultra-progressiste, pour responsable de la crise de l’éducation scolaire de ces 15 dernières années. 

Comparaison entre 
les différents niveaux scolaires 

Si l’on compare les trois niveaux scolaires (primaire, secondaire I et secondaire II) régissant les écoles des deux demi-cantons, l’école secondaire I, c’est-à-dire les classes de la 7e à la 9e année scolaire, tient le record négatif: 75,6 % des personnes interrogées ont déclaré que le niveau s’était détérioré ou considérablement détérioré. Ceux estimant la situation comme tenable ne composèrent que 24,4 % dont seuls 6 % ont choisi le terme «amélioration» tandis que 18,4 % ont constaté la stagnation du niveau de performance. 

Dans l’ensemble, la situation est identique à tous les trois niveaux: plus que la moitié des personnes interrogées constatent une détérioration claire et nette, tandis que le nombre extrêmement restreint de voix constatant l’amélioration est alarmant.

Les enseignants voient des raisons 
évidentes pour le déclin de l’éducation 

307 enseignants ont expliqué leurs choix en détaillant les causes de manière différenciée. L’évaluation de ces commentaires aboutit à six raisons principales pour la détérioration du niveau d’éducation scolaire: 

  • Les élèves d’aujourd’hui sont beaucoup moins résilients que ceux du passé. La capacité de concentration a diminué progressivement.
  • Aujourd’hui, un plus grand nombre d’élèves reçoivent moins de soutien de la part de leur famille, ce qui doit être compensé à l’école. Cela nécessite des ressources en temps considérables au détriment du temps disponible à l’enseignement. 
  • Le passage de cinq à six années d’école primaire ainsi que la réduction du niveau secondaire de quatre à trois années a entraîné une hétérogénéité nettement plus grande dans la sixième année d’école primaire. Ainsi, les élèves les plus performants ne peuvent souvent pas bénéficier d’un soutien optimal en dernière année de l’école primaire. Aujourd’hui, en 6ème année primaire, il est impossible d’enseigner quantitativement et qualitativement le même niveau qui était normalement atteint au cours de l’ancienne 1ère année secondaire. 
  • En raison des nombreux projets et des semaines de projets, des camps, des journées sportives, des voyages scolaires, des ateliers futuristes, des journées du développement scolaire etc., la réserve temporelle consacrée à l’enseignement par matières selon l’horaire se réduit de plus en plus. Le temps d’enseignement effectif est aujourd’hui considérablement inférieur à celui d’il y a quelques années. 
  • Dans les langues étrangères (français, anglais), le fait de pratiquer, dans les années scolaires du primaire déjà, le multilinguisme précoce avec des manuels scolaires correspondants sont considérés comme la raison principale de l’échec constaté. De nombreux enseignants de langues étrangères accusent ces manuels scolaires et l’idéologie sous-jacente ainsi que leur structure incohérente d’être à l’origine du manque de connaissances, notamment en matière de grammaire. 
  • Le nouveau plan d’études avec sa multitude de compétences est inutile ou sans aide. De nombreux enseignants désignent les nombreuses réformes des dernières années pour responsables du déclin de l’éducation. 

Quelques réponses exemplaires

«Avec de nombreuses réformes, à commencer par le «désencombrement» des plans d’études scolaires, mais surtout par l’individualisation de l’enseignement et l’assouplissement des objectifs d’apprentissage dès l’école primaire (les anciens objectifs d’apprentissage de la première année ne sont désormais obligatoires qu’après la troisième année), les enseignants ont été amenés à transférer la responsabilité des progrès d’apprentissage aux élèves.» 

«Les candidats à la maturité et les étudiants (j’enseigne aussi un module à l’université) ont parfois de gros problèmes d’orthographe, de structuration des réflexions, se montrant incapables d’entreprendre de recherches approfondies […].» 

«Le niveau linguistique en langue maternelle a beaucoup baissé.»

«Depuis des années, nous copions de plus en plus le système scolaire anglo-saxon en mettant l’accent sur les tests, sur le contrôle (‹Output›) au lieu de nous concentrer sur la compétence particulière des enseignants.» 

«La combinaison de l’histoire et de la géographie [à Bâle-Ville] conduit au fait que les enfants ne disposent plus de bases solides. La connaissances présupposées ont souvent été omises ou traitées dans une mesure limitée.» 

«La numérisation est un autre pas en arrière parce que la composante cognitive est insuffisamment promue par le clavier. [...] Les téléphones portables (‹WhatsApp›) et les ordinateurs portables sont très distrayants de sorte que la concentration diminue rapidement.»

«Les compétences linguistiques de base (structure de la phrase, orthographe, répondre aux questions de telle sorte que même une personne qui n’a pas lu la question comprend la réponse) ne sont plus présentes à l’entrée des élèves à l’enseignement secondaire. La réforme HarmoS(nivellement des plans d’études dans une grande partie des cantons suisses à orientation progressiste, ndt) a entraîné une régression massive: beaucoup trop d’imprécisions et d’approximations sont acceptées au niveau primaire. Aujourd’hui, les élèves de septième année sont à peu près au même niveau que ceux de la sixième. Approche discutable consistant à ne pas insister sur l’exactitude et à laisser se développer largement des autoroutes neuronales vers l’imprécis.»

«La répétition n’est pas souhaitable sur le plan de la politique de l’éducation puisqu’ elle est coûteuse. Les nombreuses conséquences qui en découlent amènent les enseignants à baisser continuellement leurs exigences.»

«Le passage de 5/4 à 6/3* équivaut à un déclin de l’éducation pour les raisons suivantes: 1) Les enseignants du primaire ne sont pas formés pour la sixième année scolaire, c’est-à-dire qu’ils ne disposent pas de contenus et de connaissances correspondantes pour cette année. 2) L’écart entre les performances des élèves est déjà grand en quatrième et cinquième année du primaire. En sixième année, cette hétérogénéité ne peut plus être compensée, ni même par la différenciation interne la plus efficace.»

Et quelques commentaires positifs 

«J’enseigne depuis 30 ans. Le niveau d’anglais s’est énormément amélioré, contrairement au français. Il y a de nombreuses raisons à cela. La raison la plus importante est peut-être l’auto-stimulation des élèves: l’anglais est cool, l’anglais est ‹facile›, l’anglais est un must. L’univers d’un adolescent est l’anglais, à savoir la musique, les films et les séries sur Netflix, les jeux vidéo en ligne. Ces derniers impliquent également de jouer, d’écrire et de parler au niveau international, en anglais. Une autre raison: les deux années d’école primaire apportent quelque chose, les élèves viennent avec une très bonne compréhension auditive et savent s’exprimer oralement. Ensuite, les manuels anglais sont meilleurs que tous les autres. ‹Ready for English› était en tête de liste, ‹New World› est ok.»

«Des connaissances plus larges en matière de TIC (connaissances du numérique) grâce à une bonne infrastructure TIC pour chaque élève. Une meilleure maîtrise du calcul mental grâce à des programmes d’exercices plus efficaces. Des manuels de meilleure qualité qu’auparavant.»

«La langue anglaise est très présente. De nombreux élèves sont en contact quotidien avec cette langue. Ils regardent également de plus en plus de séries sur Netflix (ou les ‹streament› ailleurs) en anglais, ce qui leur permet également d’améliorer leur niveau d’anglais. Néanmoins, il y a encore des élèves au niveau très faible J’ajouterais que les différences de niveau en anglais sont de plus en plus importantes.» 

«Les élèves apportent plus de connaissances fondamentales sur les différentes matières. Dans le passé, il y avait seulement quelques élèves qui savaient déjà quelque chose à l’avance et pouvaient contribuer, maintenant ce sont plusieurs élèves disposant des informations plus approfondies.»

Conclusion

Il est frappant et remarquable que l’une des principales raisons pour expliquer la réduction constatée des performances est liée à la réduction de la capacité de réceptivité et de concentration ainsi qu’au manque de capacité à relier les processus de réflexion en connexion. Il s’agit là d’un verdict accablant des enseignants quant au plan d’études basé précisément sur ces compétences et introduit sur la quasi-totalité des cantons suisses Il est évident qu’avec ses 3536 descriptions de compétences détaillées, la matière de base, enseignée en classe, a été réduite. Cela peut expliquer pourquoi ce sont précisément les diverses compétences interdisciplinaires qui ont souffert. Il s’avère une fois de plus que les élèves d’aujourd’hui ont plus de difficultés qu’auparavant à suivre de simples réflexions de manière structurée. 

L’enquête reconnaît comme une raison flagrante de cette détérioration notamment la gestion du changement introduite en catimini dans des termes de méthodologie et de didactique de l’enseignement. Sans nécessité, l’enseignement calme et concentré où les élèves acquièrent une compréhension de base de la matière était discrédité et présenté comme étant désapprouvé et éternellement obstiné. D’autre part, le travail en groupe ainsi que l’auto-apprentissage sont déclarés être la mesure de toutes choses. Des leçons sans leadership et sans orientation dans lesquelles les élèves essaient de découvrir des choses par eux-mêmes au prix d’un temps d’enseignement élargi et où ils peuvent difficilement se concentrer à cause du bruit, où ils sont principalement occupés et obtiennent souvent de mauvais résultats, ont des conséquences fatales pour la réussite de l’apprentissage. 

Surtout au niveau du secondaire I, les enseignants doivent enseigner de plus en plus de matières. Le problème existe depuis que la «Pädagogische Hochschule, PH» (Collège universitaire pédagogique) a repris de l’Université la formation professionnelle des futurs enseignants du secondaire I. Là aussi, la période d’études précieuse est gaspillée sur des contenus très éloignés de la pratique faisant défaut, en fin de compte, dans la formation spécialisée des étudiants. 

Il est donc important de promouvoir de façon plus déterminée les connaissances scientifiques de base et leurs relations dans les différentes matières afin de pouvoir stopper une nouvelle détérioration du niveau des performances et d’éducation de nos écoles publiques. Les élèves méritent de recevoir une éducation scolaire de bonne qualité et d’être préparés de manière optimale aux possibilités de formation supérieure.•

*Changement de la répartition des années scolaires traditionnelle, dans les écoles bâloises, de 5 années d’école primaire et 4 ans du secondaire à 6 années du primaire et 3 du secondaire; ndt. 

Source: http://www.starke-schule-beider-basel.ch/Home.aspx du 16/12/20

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