Selon la Constitution, la politique agricole doit garantir la sécurité alimentaire dans le contexte coûteux de la Suisse au moyen d’une aide au revenu et d’une protection des frontières. Le message du Conseil fédéral ne précise pas comment l’équilibre des différences entre les coûts et les prix sera maintenu en faveur de l’agriculture.
Au lieu de cela, le Conseil fédéral tente de déléguer progressivement cette tâche à l’industrie agricole et alimentaire elle-même, en exigeant qu’elle «augmente la valeur ajoutée sur le marché, augmente l’efficacité opérationnelle et continue de réduire la pollution de l’environnement et la consommation de ressources non renouvelables».
La question principale de la sécurité alimentaire mentionnée au début reste floue et les mesures engagées finissent même par contredire le mandat constitutionnel. Sont notamment en cause les mesures suivantes:
En outre, il ne sera pas possible de compenser les différences de coûts et de prix par rapport aux importations, ni de compenser les «services environnementaux» supplémentaires et la volonté de réduction de la production et des revenus avec le même budget.
La PA 22+ poursuit sans discussion le changement de direction initié par la PA 14–17, qui est d’intensifier l’agriculture et de la pousser dans les niches de la cité-Etat suisse. Cependant, à l’automne 2017, l’électorat avait approuvé l’initiative de sécurité alimentaire de l’Union des agriculteurs avec 80% des voix. Le Conseil fédéral a voulu ignorer cet état de fait dans sa «vue d’ensemble» de novembre 2017, alors controversée. Cela a échoué. Au lieu de cela, deux initiatives (eau potable et pesticides, juin 2018) sont venues des mêmes cercles qui ont soutenu la PA 14–17 et se sont opposés à l’initiative de l’Union des agriculteurs. Ces deux initiatives accusent l’agriculture d’être la seule responsable de l’impact environnemental que provoque l’utilisation croissante de la zone située entre le lac Léman et le lac de Constance. Par conséquent, l’agriculture est considérée comme une «ressource spatiale» pour la compensation écologique dans la cité-Etat. Dans le cadre des initiatives en matière d’eau potable et de protection des végétaux, le système de paiements directs a été détourné et soumis à des exigences très strictes. La PA 22+ rejette cette exigence extrême des deux initiatives. Néanmoins, il existe un lien: jusqu’à présent, les services de conservation des paysages fournis par l’agriculture ont constitué un argument supplémentaire en faveur du soutien nécessaire des revenus face à la réduction des prix à la production induite par l’OMC. Depuis la PA 14–17 et maintenant dans la PA 22+, les conflits métaboliques2 résultant de l’adaptation de la production de calories à une population en croissance explosive dans un espace limité sont exclusivement attribués à l’agriculture. La PA 22+ lui demande de fournir plus de services écologiques et de restreindre la production, ce qui, en fin de compte, se traduit par plus de travail et des rendements plus faibles. Le fait que, dans cette situation, la PA 22+ réduise de 100 millions de francs le cadre financier des paiements directs rappelle brutalement l’intention politique sous-jacente de la PA 22+: les paiements directs en tant qu’aide au revenu pour la production alimentaire seront supprimés, et ils ne seront plus attribués que pour des «services au système environnemental», ce qui va à l’encontre du mandat constitutionnel de la politique agricole. Nous avons déjà critiqué ce détournement des paiements directs dans la PA 14–17. Cela s’applique également à la PA 22+.
Même si la PA 22+ ne soutient pas les deux initiatives, cette utilisation anticonstitutionnelle des paiements directs reste notre principale critique à son égard.
L’assouplissement du droit financier et du marché foncier séparé, l’augmentation de la taxation des fermes, l’obstruction à l’aménagement du territoire des sites de peuplement rural, le sacrifice des zones de rotation des cultures au profit de la conservation du paysage, etc., tout cela confirme que la PA 22+ a pour buts d’affaiblir le rôle de l’agriculture en tant que limitation de la cité-Etat en pleine croissance et de la subordonner à ce processus de croissance grâce aux slogans habituels: plus de marché et plus d’écologie.
Les subventions pour l’industrie agricole et alimentaire doivent fournir des incitations claires pour assurer notre sécurité alimentaire dans l’îlot aux prix élevés qu’est la Suisse tout en maintenant les normes souhaitées pour les aliments et les ressources naturelles nécessaires pour y parvenir. C’est la seule façon de garantir que les préoccupations écologiques des initiatives mentionnées ci-dessus ne conduisent pas à un passage aux importations.
Hans Bieri, le 17 février 2020
Pour de plus amples informations, veuillez contacter Hans Bieri, tél. +41 79 432 43 52
1 Les niches rentables comprennent, par exemple, l’agrotourisme, la transformation des produits de l’entreprise ou l’exploitation de boutiques agricoles. Toutefois, cela déplace l’activité de l’agriculteur de la production primaire (cultures arables, céréales, légumes, fruits, viande et production laitière) vers le secteur des services.
2 Conflits métaboliques: Lors de l’extraction de ressources naturelles, mais aussi dans le cadre d’autres activités humaines (grandes villes, etc.), des sub-stances sont toujours introduites dans la nature. Cela inclut en premier lieu l’application de produits phytosanitaires et d’engrais. Cependant, on accorde moins d’attention au problème de l’augmentation des eaux usées due à la croissance démographique, notamment les restes de médicaments, de préparations hormonales, et de drogues ni à la pollution le long des lignes de chemin de fer et des bords de route ainsi que dans les masses d’eau (notamment les déchets plastiques), qui laissent également des traces dans le sol.
(Traduction Horizons et débats)
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