Priorité à la protection de la vie

La gestion de la pandémie du coronavirus en Allemagne

par Karl-Jürgen Müller

La pandémie du Coronavirus est, également entre autres, une question du droit à la vie. Cela nécessite en effet unité et cohérence. Et quiconque affirme en son fort intérieur le droit à la vie va également se positionner contre la violence et la guerre et pour la bonne entente dans les relations internationales.

Au Musée d’histoire allemand de Berlin, une affiche d’environ 70 x 50 cm est exposée, omniprésente en Allemagne au début de la Première Guerre mondiale. Le texte de l’affiche est composé de la date «1eraoût 1914» – le jour où l’Allemagne est entrée en guerre – et de l’appel de l’empereur  Guillaume II au peuple allemand: «Je ne connais plus de partis, je ne connais que des Allemands.»

Cette phrase est considérée comme la citation la plus célèbre du Kaiser. Elle a été diffusée des millions de fois dans les journaux, sur des affiches et des cartes postales. Et aujourd’hui (et même à l’époque) l’appel et l’affiche sont (et étaient) considérés par les milieux «sociaux critiques» comme l’incarnation de la propagande de guerre allemande d’un Etat autoritaire.
L’arrière-plan de l’affiche était la soi-disante «trêve» entre les partis politiques fidèles à l’empereur au Reichstag et le groupe parlementaire du  SPD, qui avait été jusqu’alors extrêmement critique envers l’empereur, mais qui s’était maintenant écarté de sa ligne précédente et avait accepté les prêts de guerre. L’affiche glorifie cette «trêve»: sous le portrait de Guillaume II tenu par des anges, le peuple allemand est réuni pour rendre hommage à son monarque. Parmi la foule se trouvent des femmes, des enfants, des étudiants, des officiers, des ecclésiastiques et des agriculteurs – et aussi quelques ouvriers. Les armoiries des 25 Etats fédéraux symbolisent l’unité politique de l’Empire.

Des contemporains «critiques»

De nombreux contemporains «critiques» ont peut-être pensé à cette affiche en lisant ou en écoutant les appels politiques actuels en Allemagne et dans d’autres pays, qui, au vu de la pandémie du Coronavirus, appellent à l’unité et à la cohérence et – presque comme en temps de guerre – imposent de nombreuses restrictions à la liberté individuelle.

Un exemple de ces contemporains «critiques» est une lettre de l’éditeur d’un site web allemand se considérant comme critique à ses auteurs. L’éditeury écrit: «Si, et cela semble encore concevable pour le moment, l’état d’urgence s’étendrait à toute la République, et si même la Bundeswehr devait être éventuellement déployée sur le territoire national, de nombreuses questions se poseraient de notre point de vue et nous aimerions vous les livrer comme impulsion de base à des articles dans un premier temps de réflexion. Les sujets de travail importants sont entre autres: «Quelles sont les décisions prises actuellement demeurant invisibles aux yeux du public – ou en bref: quels sont les dégâts qui se produisent pendant que nous regardons ailleurs?» Ou encore: «En temps de crise, ce qui a toujours été fait ou devrait être essayé mais n’a pas été accepté jusqu’à présent (prolongation de la mission en Afghanistan, engagement des écoliers en faveur de l’apprentissage en ligne, suppression de l’argent liquide) est désormais appliqué.

L’éditeur continue en proposant d’ autres question comme par exemple: «Les manifestations des gilets jaunes ont continué et n’ont pas pu être dispersées – que va-t-il se passer maintenant? Avec l’état d’urgence, toutes les protestations contre les coupes sociales deviennent illégales – est-ce voulu? – Les mensonges de l’industrie pharmaceutique – rapport final de la commission d’enquête après la grippe porcine. – La définition de la pandémie (la définition a été modifiée à l’OMS à l’occasion de la grippe porcine)». Ou encore: «Programme d’aide d’un milliard de dollars du ministère fédéral des finances: programme de redistribution de la base vers le sommet? – Influence du DAX [Index allemand des actins boursiéres] et conséquences économiques – s’agit-il d’une guerre économique sous ‹faux pavillon›?»Ou encore: «Crédibilité du virologue en chef de l’hôpital de la Charité: il a mis au point le test, rapportant aujourd’hui des millions de dollars dans le monde entier, mais ne mesure qu’un ‹marqueur› et aucun danger – le conflit d’intérêts n’est pas discuté dans le monde entier, il est même ‹le médecin le plus influent d’Allemagne› et conseille la Chancelière. – En décembre 2019, peu avant le début de la ‹pandémie›, un exercice appelé Event 201a été organisé avec la participation de l’autorité sanitaire chinoise, de l’OMS, de la Fondation Gates et de la CIA. Ce n’est pas une rumeur, on peut la lire sur leur propre site web: http://www.centerforhealthsecurity.org/event201/scenario.html. Une épidémie mondiale de corona a été simulée, qui devait commencer au Brésil dans le cadre de l’exercice, mais elle ressemble dans tous ses détails à ce que nous vivons dans la réalité.»

Au cours des dernières années, le site web mentionné a fourni de nombreuses analyses et déclarations «critiques» précieuses sur de nombreuses questions politiques. Il convient de noter en particulier l’engagement de toutes les parties concernées contre la propagande de guerre et la politique de guerre des Etats de l’OTAN, qui dure depuis des années. On ne peut que s’en réjouir. Les questions posées et les sujets avisés doivent être considérés comme légitimes.

Mais qu’est-ce qui renforce les gens?

Mais cela renforce-t-il les populations face à la pandémie du Coronavirus? Cela propose-t-il aux gens des moyens pour respecter et protéger leur santé et leur vie, ainsi que la santé et la vie de leurs semblables? Ou pour le dire autrement: Un titre comme celui de l’éditorial de la «Neue Zürcher Zeitung» du 14 mars 2020 – «Jetzt kommt es auf uns alle an» («Maintenant, c’est à nous tous») – est-il une manipulation des citoyens qu’il faut critiquer – presque comme l’appel de l’empereur Guillaume II – ou un tel titre ne dit-il pas ce dont il s’agit en réalité en ce moment: que chacun est appelé à faire sa part pour contenir la pandémie et limiter les dégâts au maximum. Et qu’il ne s’agit pas en premier lieu de «problématiser» tout ce qui est possible et donc vraisemblablement de renforcer la méfiance existante déjà de toute façon, mais plutôt de faire tout ce qui est possible pour protéger la vie – en d’autres termes, la base de tous les autres droits fondamentaux et humains.

Des valeurs

Cela ne fonctionnera pas sans valeurs. Martin Booms, président de l’Académie pour l’éthique sociale et la culture publique à Bonn, l’a clairement exprimé dans un article paru dans la «Neue Zürcher Zeitung» le 14 mars 2020, et il est nécessaire de réfléchir à ce qu’il dit.

On peut y lire: «L’épidémie de corona pourrait se transformer en la crise mondiale la plus grave que le monde ait connue depuis des décennies. Cependant, cela n’est pas seulement – et même pas au début –dû à la dimension médico-biologique de l’événement, aussi grave soit-il sans doute à évaluer. [...] Le danger beaucoup plus grand et plus durable émane des effets secondaires sociaux, politiques, économiques et surtout moraux de l’événement, qui dans le pire des cas pourraient se dissocier de la progression de l’épidémie réelle. [...] Car l’épidémie de corona rencontre – surtout dans les sociétés libérales occidentales – un patient moralement et politiquement gravement malade, souffrant déjà de tous les symptômes que l’épidémie actuelle met en évidence de façon exponentielle: un degré élevé de désorientation et d’incertitude, couplé à une perte de confiance dans les structures politiques et économiques établies; [...] une érosion du concept de vérité objective, qui a ébranlé la dernière base solide des faits généralement acceptés.

Ou encore: «Les Etats économiquement sains seront-ils prêts à soutenir les pays économiquement menacés par des programmes d’aide? Les gens vont-ils limiter leur liberté personnelle par le sens de responsabilité pour contribuer à réduire le risque de contagion aux groupes à risque?»

Ou encore: «Si, vu  la crise sanitaire, il est possible de rappeler les fondements idéalistes, depuis longtemps fragilisés, de l’idée libérale occidentale, le problème biologique représentera en fin de compte une opportunité sociale. Car la crise de Corona pourrait alors endiguer les forces politiques, sociales et économiques ayant récemment promu non pas l’esprit d’humanisme et de solidarité, mais celui de division, d’exclusion et de priorisation d’intérêts personnels mal compris.

Le droit à la vie et ses conséquences

Les questions et les problèmes soulevés par les penseurs «socialement critiques» ne sont pas injustifiés. Ils devraient également être poursuivis. Mais il est également nécessaire de reconsidérer chaque jour le monde dans lequel nous vivons, les tâches concrètes auxquelles nous sommes confrontés et les questions et réponses renforçant réellement les personnes. N’y a-t-il pas beaucoup d’intellectuels «sociocritiques» qui ont tendance à accorder plus de poids à leurs «critiques», leurs «analyses» et leurs «théories» qu’au bien-être réel de leurs semblables? Cela ne doit pas se produire par mauvaise volonté. Karl Marx et le mouvement communiste en sont un exemple remarquable. Les intellectuels de cette tradition feraient donc bien de continuer à se remettre en question de manière critique. Ce qui sert le bien commun n’est toujours révélé que par les résultats. La pandémie de corona est un vrai problème, les personnes tombées malades du virus et celles mortes de la maladie sont réelles. La question de savoir comment atténuer cette situation et y remédier est donc prioritaire.

Ceux qui ont intériorisé cela et le droit à la vie (non pas comme leur propre prérogative mais comme le droit fondamental de tous les êtres humains) prendront aussi fermement position contre toute injustice, violence et guerre, exploitation des êtres humains par les êtres humains. Ces fléaux de l’humanité pourraient apparaître également sous de nouvelles formes de «terreur vertueuse» jacobine, sous forme de «sanctions» contre des Etats et des peuples, sous forme de variantes d’»interventions humanitaires» ou sous forme de manœuvres de guerre comme «Defender Europe 2020».1

1Depuis la mi-mars 2020, de plus en plus de rapports indiquent que «Defender Europe 2020» a été annulé en raison de la pandémie de corona, ou qu’il n’aura lieu que dans une mesure limitée. Les troupes américaines en route vers l’Europe se seraient retournées vers les Etats-Unis. Les soldats de la Bundeswehr ne devraient pas participer à cause de la lutte contre la pandémie. Les détails définitifs ne sont pas connus au moment de la mise sous presse.

 

 

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