La pandémie du Coronavirus nous a permis à nous, Humains, d’activer des forces positives fondamentales. Face à l’urgence de ces derniers temps, les exemples démontrant la créativité et l’intensité qui se témoignent par d’innombrables actes et de gestes d’entraide s’accumulent.
La mesure qui consiste à exclure, en cas d’urgence, une partie de la population de l’aide médicale sans restriction s’adapte pourtant mal à ce sursaut de solidarité humaine en temps de péril. D’après les articles de journaux de ces derniers jours, cela semble en effet être la ligne de conduite d’un hôpital régional en France qui, poussé à ses limites par la crise et face à une situation d’extrême urgence, a eu recours à la directive que voilà: Depuis le 21 mars, les patients de plus de 80 ans souffrant gravement de Covid-19 n’ont pas le droit aux ventilateurs artificiels et sont réduits à des traitements purement palliatifs les «accompagnants à la mort». Selon les rapports, le comité d’éthique responsable a approuvé la procédure. La Fondation allemande pour la protection des patients a vivement critiqué cette conduite qui ne se base, en dernière analyse, que sur le critère de l’âge. L’âge ou l’origine ne devraient pas jouer de rôle décisif dans l’assistance médicale, a déclaré Eugen Brysch, membre du conseil d’administration.1
En principe, les lois et les ordonnances issues du gouvernement d’un Etat réellement démocratique doivent se lier étroitement à la tâche principale dont elles découlent: garantir à ses citoyens leur vie dans la liberté, la sécurité et la dignité humaine. Et cela vaut pour tous les citoyens, sans exception. A l’instar de l’école qui est là pour tout le monde, les transports publics et l’approvisionnement de base en eau et en électricité, les soins de santé sont eux aussi là pour tout le monde. En démocratie, le principe de solidarité s’applique également aux plus faibles, sinon la démocratie est réellement en mauvais état. Cela signifie que, face à la crise du coronavirus, il faut examiner chaque cas individuellement et essayer de lui rendre justice de manière humaine. «La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres», tel était le titre de l’éditorial d’Erika Vögeli dans le numéro 6 de «Horizons et débats». Elle y a rappelé à juste titre l’esprit qui émane de notre constitution.
Exclure un groupe de concitoyens, par exemple les personnes âgées, de la garantie des soins médicaux, sans entraves, contredirait l’essence même de cet esprit. Des personnes aujourd’hui âgées de 80 ans et plus ont vécu les privations de la Seconde Guerre mondiale étant enfants, ont ensuite contribué à recréer la prospérité de notre pays l’ayant soutenu et consolidé pendant les années de l’essor économique. La plupart d’entre elles travaillaient dur tout en ayant un style de vie modeste. Elles ont donné à l’Etat ce dont il avait besoin, entre autres avec leurs impôts réguliers. Il serait inacceptable de les voir se faire traiter comme les «drones» de notre système économique ou comme un «fardeau». Cette génération n’a guère besoin d’être exhortée à la solidarité; elle lui a été transférée, faisant ensuite partie du for intérieur de sa personnalité, par le biais de l’éducation, de l’école et du mode de vie. C’est précisément pour ces raisons que nos concitoyens plus âgés ont le droit de réclamer la solidarité. Ils nous ont souvent rappelé, à juste titre, de vivre plus prudemment et plus modestement. Ce proverbe africain est également justifié ici: «Quand une personne âgée meurt, une bibliothèque meurt avec elle».
Mais la solidarité doit jouer partout. Le «sursaut de solidarité» que la présidente de la Confédération, Mme Simonetta Sommaruga, a récemment sollicité de la part de tous les Suisses doit également façonner l’esprit des ordonnances que les responsables éditent. La solidarité ne signifie pas seulement obéir aux ordres. Elle représente beaucoup plus.
Le médecin suisse Beat Richner, récemment enterré avec tous les honneurs, a démontré ce qu’une seule personne peut accomplir au cours d’un engagement de toute une vie dans le lointain Cambodge. Son exemple est un fanal. M. Richner a sauvé des vies par des moyens simples, avec l’implication des proches de ces patients, et a garanti aux hôpitaux Kantha Bopha des soins de grande qualité au niveau humain et médical. Ce faisant, il a placé les plus faibles au centre de ses efforts, les enfants cambodgiens marqués par la guerre et ses effets désastreux sur la santé jusqu’à nos jours. Il a notamment essayé de se procurer des médicaments à prix réduit auprès de sociétés pharmaceutiques renommées, pour des besoins urgents, insistant sur le fait qu’il n’était point dirigé par la quête du profit mais du désir d’aider – en vain. Ensuite, M. Richner s’est tourné vers la solidarité du peuple suisse et a réussi, pouvant compter sur lui pour maintenir son œuvre gigantesque pendant toutes ces années. Une partie de son succès est dû au fait que Beat Richner n’isolait pas ses patients. Leurs familles étaient là, vivaient tout naturellement avec leurs parents malades, principalement leurs enfants, les nourrissaient et passaient beaucoup de temps avec eux, participant aux traitements là où cela faisait bon effet.
Nous ne sommes pas au Cambodge. Nos menaces sanitaires, contrairement à ce qui se passe là-bas, ne sont pas une conséquence de la guerre. Mais le fait que la personne malade a avant tout besoin de compassion et de camaraderie, et non pas seulement de spécialistes et d’équipements est une condition préalable à la réussite du traitement, également chez nous.
La personne malade est toujours un être humain et, dans de nombreux cas, elle peut contribuer activement à son état de santé ou à son rétablissement, plus que nous ne le pensons. Même le cas de la menace actuelle présente des opportunités, il faudrait oser les saisir. Réfléchissons-y ensemble! Lors d’un grave accident de voiture, la victime est souvent réanimée par le bouche-à-bouche d’un passant. Cela fonctionnait même à l’époque de l’infection par le VIH où l’aide prompte ne présentait pas un obstacle insurmontable à le pratiquer. Les personnes malades ont besoin d’une chose par-dessus tout: l’empathie humaine. Les injonctions testamentaires excluant telle ou telle thérapie ne créent pas la confiance, c’est grâce à l’encouragement médical que le souffle redeviendra, que la crise pourra être surmontée. La ventilation artificielle est un pis-aller dont ne personne nie l’importance dans les hôpitaux. Mais l’énergie de la relance provient de la compassionet de la confiance de savoir que nous serons aidés par la seule raison d’appartenir à la communauté humaine. Que la mort survienne, nous, les humains ne devrions pas pouvoir, ni vouloir en décider, ce n’est pas notre tâche, Dieu merci. Un patient reste un membre de la famille, un ami, un voisin, un collègue de travail et un concitoyen. Si nous vivons ce principe en profondeur, notre aide, aussi simple soit-elle, contribue, elle aussi, au soulagement d’une personne tombée malade. L’essentiel: nous nous aidons! La crise de la Coronavirus nous en rend conscients à maintes occasions. C’est une chance pour nous tous.•
1Bericht aus dem Elsass: Patienten über 80 werden nicht mehr beatmet; in: Tages-Anzeiger, Corona-Ticker-International 26/03/2020 (www.tages-anzeiger/corona-ticker-international)
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