Organisation internationale au-dessus des partis, l’OIAC doit rester au service de la vérité

hd. Le 7 avril 2018, une attaque présumée usant d’armes chimiques a eu lieu à Douma en Syrie, tuant 50 civils. Suite à cette action, le 14 avril, soit sept jours plus tard, la réaction des forces américaines, françaises et britanniques fut de lancer une frappe de missiles sur trois cibles en Syrie, justifiées par le fait qu’il s’agissait là d’une attaque dont la responsabilité incombait au gouvernement syrien. On ignore encore aujourd’hui, cependant, les informations importantes et les positions des scientifiques de l’OIAC ayant participé à l’enquête à l’époque. Qui plus est, l’OIAC a déchargé de leurs fonctions deux de ses ex-scientifiques, et le réseau en ligne Bellingcat, proche de l’OTAN, a même tenté de discréditer l’un d’entre eux.Et cela malgré le fait que des documents de référence provenant de WikiLeaks et de Grayzone aient depuis été rendus publics (voir également Horizons et débats n° 5 du 10 mars 2020).27 signataires, ex-diplomates, officiers supérieurs de l’armée, écrivains et journalistes, ont publié le 11 mars 2021 une «Déclaration d’intérêt public»(Exposé des motifs de préoccupation) – Statement of Concern, voir en page 2 du journal) exigeant transparence et responsabilité de la part de l’OIAC afin de restaurer la crédibilité et l’intégrité de l’organisation.
    
Hans von Sponeck, ancien sous-secrétaire général des Nations-Unies et coordinateur humanitaire, est l’un de ceux qui ont contresigné cette déclaration. Il a accordé l’interview suivante à la correspondante au Moyen-Orient, Karin Leukefeld.

Karin Leukefeld : Monsieur von Sponeck, vous avez, en tant que haut fonctionnaire diplomatique de l’ONU, une grande expérience du Moyen-Orient, notamment de l’Irak. En quoi peut-on comparer la guerre en Syrie à ce qui s’est déroulé en Irak auparavant?
Hans von Sponeck: Aucun conflit armé au Moyen-Orient n’est aussi complexe que celui qui se déroule actuellement en Syrie, et qui dure depuis maintenant dix ans. En 2011, le soulèvement national s’est rapidement transformé en un affrontement plus vaste entre différents groupes qui n’avaient plus grand-chose à voir avec le conflit intérieur syrien, mais par contre bien plus avec les intérêts nationaux des pays voisins et ceux des grandes puissances poursuivant leurs propres objectifs géopolitiques. 
    Avec les années, il est devenu de plus en plus difficile pour les observateurs de discerner qui, parmi les protagonistes intérieurs et extérieurs au conflit, était responsable des différentes attaques. Dans le même temps, la destruction du pays et l’aggravation des souffrances de la population augmentaient de façon inexorable.

Pourquoi cet 
«Exposé des motifs de préoccupation»?

Vous avez adressé une «Déclaration d’intérêt public» à l’«Organisation pour l’interdiction des armes chimiques», l’OIAC. Quelle est votre inquiétude? 
Aujourd’hui, le public est conscient du fait que tous les belligérants présents en Syrie – le gouvernement syrien, les groupes d’opposition à l’intérieur du pays, les dirigeants autoproclamés ainsi que les autres Etats – ont tous, brutalement et à diverses reprises, violé les lois de la guerre et le droit humanitaire international. L’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC), créée en 1997, a effectivement – de manière générale – pour mission de mettre en œuvre cette interdiction et de veiller à la destruction des armes chimiques. En liaison avec les Nations unies, l’OIAC est censée tout mettre en œuvre pour prévenir toute action et/ou utilisation d’armes chimiques qui seraient contraires au droit international. C’est du moins ce que prévoit la Convention sur les armes chimiques, dont les Etats membres ou partenaires de l’OIAC sont signataires. En Syrie, la mission de l’OIAC était justement d’enquêter et de déterminer s’il y avait eu utilisation d’armes chimiques. 
    La «Déclaration d’intérêt public»porte plus particulièrement sur le cas de Douma, où se serait produite une attaque impliquant des armes chimiques en avril 2018.
    Selon le rapport final de l’OIAC sur les évènements de Douma, il y aurait eu cinquante morts parmi la population syrienne, lesquels seraient dus à une attaque aux armes chimiques.
    Dans l’intervalle, cependant, on a constaté une multiplication de documents, d’avis scientifiques et de déclarations d’employés de l’OIAC attestant que cela avait donné lieu à l’époque à une fausse interprétation de ce qui s’était déroulé à Douma.Tout cela implique la nécessité de légitimer une certaine action politique et militaire. C’est pour cette raison que nous avons publié la «Déclaration d’intérêt public».

Il s’agit là d’une grave accusation. 
Il ne s’agit pas de spéculations ou de suppositions, mais de faits qui démontrent que la direction de l’OIAC, de concert avec divers gouvernements, a brossé un tableau mensonger de ce qui s’est passé à Douma. Dans la foulée, les engagements de l’OIAC de «se conformer en tout temps aux règles de professionnalisme et d’intégrité» ont été oubliés. C’est pourtant ce qui est stipulé dans les valeurs régnant au sein de l’OIAC.

Mesures de rétorsion à l’encontre 
d’un cosignataire britannique haut placé

L’un de vos cosignataires, le britannique Lord West, a été accusé par le gouvernement de Londres de se livrer à la «désinformation et à la propagande». Là, on fait appel à la grosse artillerie pour détruire votre crédibilité. 
Lord West est membre de la Chambre des Lords, Chambre Haute britannique, il est amiral à la retraite et a été pendant un temps Sous-secrétaire d’état en charge de la Sécurité du Royaume-Uni. En tant que cosignataire de la «Déclaration d’intérêt public», il a exprimé des doutes considérables, y compris auprès du gouvernement britannique, quant à la thèse selon laquelle des armes chimiques auraient été utilisées à Douma. Sa demande d’enquête a entraîné de graves suspicions à son encontre. La crainte de poursuites pénales pour ces manipulations est probablement à l’origine de cette situation.
    Les éléments de preuve d’actes répréhensibles au sein de la direction de l’OIAC sont sérieux et étayés par des faits. Les gouvernements, que ce soit celui du Royaume-Uni ou ceux d’autres pays, ne peuvent se contenter d’escamoter cette question en la qualifiant de «fortement teintée d’idéologie» ou encore «simplette et naïve». Du moins, on pourrait le penser. Et pourtant c’est bien ce qui se produit, et les politiques se sont alignés sur cette position. 
    En fait, ces gouvernements sont contrôlés par des groupes d’intérêt qui ont été impliqués dans ces manœuvres et qui les défendent avec véhémence. Ils refusent d’accepter les faits et ne cessent de repousser une dangereuse controverse. Cela porte préjudice au peuple syrien et fait obstacle à la résolution pacifique de ce long conflit. Pour ces groupes, le droit international et la protection de l’intégrité des institutions multilatérales n’ont aucune importance.

Seule la vérité compte

Mais pour les signataires de la «Déclaration d’intérêt public», seule la vérité compte. Il est ridicule de croire que leur réaction soit liée à une idéologie ou encore à l’intention de prendre la défense d’un dictateur. Il s’agit là de 27 personnes de renommée internationale qui, malgré leurs parcours très différents, se rejoignent sur un point essentiel: les connaissances scientifiques ne doivent pas subir de politisation. Dans cette optique, nous en appelons au directeur général de l’OIAC, M. Arias, qui doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour mener à bien la mission qui est celle de l’OIAC. L’OIAC a été créée en tant qu’organisation mondiale au-dessus des luttes partisanes et son devoir est d’être au service de la vérité. 

L’espoir d’être entendus

Qui avez-vous informé au sujet de votredéclaration, mis à part l’OIAC?
Mi-février, la Déclaration a été envoyée au Directeur général de l’OIAC et aux 193 membres de l’OIAC. Alors que la réponse de cette dernière est attendue [le 24 mars 2021, au moment même de l’interview], plusieurs Etats membres ont déjà clairement exprimé leur inquiétude face à cette affaire. Certains autres ont par contre réaffirmé qu’ils n’avaient pas l’intention de s’écarter de leur politique de fausses allégations. Comme cela s’est produit en Irak dans les années 1990, on dirait qu’ils sont prêts à induire le public en erreur par tous les moyens, uniquement dans le but de soutenir leur politique en Syrie. Cela pourrait avoir de graves conséquences. 
    La Présidente en exercice du Conseil de sécurité des Nations Unies, l’ambassadrice américaineLinda Thomas-Greenfield, le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Volkan Bozkin, et le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, ont également reçu l’«Exposé des motifs de préoccupation». C’est d’eux que nous espérons une écoute attentive. 

Et en quoi consiste le Berlin Group 21? 
Nous sommes un petit groupe de personnes venant de divers pays qui, avec l’aide des signataires de la Déclaration, veulent s’assurer du déroulement d’une enquête sur l’approche de l’OIAC concernant l’incident de Douma afin que le public prenne connaissance des faits et demeure informé. A cette fin, nous avons également publié des documents de référence. Nous maintiendrons le débat dans le monde entier afin de défendre le droit à la vérité sur ce qui s’est passé à Douma. 

Les faits …

Entrons donc un peu dans les détails. Sur quoi se fondent vos conclusions selon lesquelles il y aurait des anomalies dans le rapport final sur l’utilisation présumée d’armes chimiques dans l’attaque de Douma? De quels faits est-il question ici?
La première version du rapport interne de l’OIAC sur Douma ne contenait aucune preuve de l’utilisation d’armes chimiques. Il est également avéré qu’en été 2018, peu avant la publication prévue du premier rapport intermédiaire et à l’insu de plusieurs scientifiques issus de l’OIAC impliqués dans l’enquête menée sur Douma, la direction de l’OIAC a voulu remplacer le rapport original par un rapport «revu et corrigé», un rapport manipulé. Ce rapport a faussement établi qu’àDouma, on avait utilisé du gaz de chlore. Pour finir, cette version «révisée» n’a pas été publiée car les scientifiques de l’OIAC ont formulé des protestations. Il n’en reste pas moins qu’il y a eu tentative de falsification. Il n’en demeure pas moins également que le rapport final sur les évènements de Douma, finalement publié le 1er mars 2019, contenait des conclusions qui n’avaient pas été établies par l’équipe chargée à l’origine de l’enquête de l’OIAC. Le rapport initial ne contient aucune preuve de l’utilisation de gaz de chlore à Douma, absolument aucune.

Et qu’en est-il des 50 morts qui ont été retrouvés?
Le rapport final ne mentionne pas non plus le fait que les toxicologues de l’équipe initiale de l’OIAC étaient parvenus à la conclusion qu’une mort des civils à Douma n’a pas pu être causée par le gaz de chlore. Il ne mentionne pas non plus que les ingénieurs membres de l’équipe de l’OIAC avaient déclaré qu’il était impossible, sur le plan balistique, que les cartouches de gaz retrouvées sur le toit d’une maison détruite aient été lâchées depuis le ciel. De l’avis des scientifiques, il était plus vraisemblable que ces cylindres avaient été transportés dans la maison et placés à l’endroit où ils ont été retrouvés afin de renvoyer une image fausse de ce qui s’était passé. Lapublication du rapport final n’aborde pas non plus le fait qu’il y a eu des tensions considérables au sein du personnel de l’OIAC mêlé à l’affaire, entre les scientifiques qui avaient fait partie de l’équipe de Douma et ceux qui ont été recrutés par la suite. 

… et leur manipulation

Pour quelle raison l’OIAC se serait-elle à ce point éloignée de ses propres principes?
Il importe dans ce contexte de rappeler la chronologie des événements: cette attaque visant des civils a eu lieu le 7 avril 2018 à Douma et une semaine plus tard, le 14 avril 2018, des frappes de missiles ont été effectuées par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France. Des avions et des navires de guerre ont été déployés en Méditerranée orientale, en mer Rouge et dans le golfe Persique. La justification de ces attaques résidait dans le fait que le gouvernement syrien devait être sanctionné pour son utilisation présumée d’armes chimiques à Douma. Les frappes aériennes ont pourtant eu lieu avant même que l’OIAC ne commence son enquête sur Douma! En d’autres termes, même sans intervention de l’OIAC, le recours à des armes chimiques à Douma avait déjà reçu «confirmation» de sorte que les frappes aériennes étaient également justifiées à des fins punitives. Il ne resterait plus qu’à obtenir confirmation, par le rapport final de l’OIAC sur Douma publié en 2019, que les civils morts à Douma avaient été victimes d’une attaque aux armes chimiques. Et cela avait déjà été reconnu en tant que «fait» par les gouvernements par le biais de leurs attaques un an plus tôt.

Open Source: des faits accessibles 
à tous pour vérification

On dirait un roman policier. Les gouvernements de trois pays disposant d’un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU et possédant également des armes nucléaires font pression sur l’OIAC pour que celle-ci manipule le rapport qu’elle doit rendre sur ce qui s’est passé à Douma afin de légitimer l’attaque de ces mêmes pays contre la Syrie? 
Tout cela est sans conteste un événement extrêmement troublant, mais ce n’est plus un secret. Les documents en attestant sont disponibles pour inspection. Je fais référence aux ébauches de rapports originaux de l’OIAC qui ont été publiés et peuvent être lus sur Wikileaks, publiés par la Fondation Courageet également par le Berlin Group 21. Ces documents ont effectivement été avalisés par des déclarations de bonne foi de fonctionnaires de l’OIAC. Par ailleurs, on sait qu’il y aurait eu d’autres irrégularités scientifiques et procédurales particulièrement graves. Des employés «gênants» ont été expulsés de l’OIAC. Pour que ce soit bien clair, il ne s’agit pas de conjectures, mais de faits.

Comme en Irak –
les Etats-Unis font pression sur l’OIAC

Si on peut exercer de telles pressions sur l’OIAC et que celle-ci tente quand même de le dissimuler, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur la crédibilité de cette Organisation? 
Il faut maintenant soulever certaines questions de toute urgence. Parmi celles-ci, la question suivante: quel était l’intérêt pour l’OIAC de tolérer, voire d’accepter, le non-respect de son mandat? Et cette autre question: y a-t-il eu un autre mandat, venu de «l’extérieur»? La réponse à la seconde question est probablement à l’origine du comportement de l’OIAC. Ce n’est un secret pour personne que des diplomates américains sont intervenus auprès de l’OIAC pour s’assurer que le rapport contiendrait des références à l’utilisation d’armes chimiques à Douma. On connaît désormais tous les détails sur la manière dont les Etats-Unis ont fait pression sur l’OIAC en Irak, par exemple. Et bien que les gouvernements concernés, tels que ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France, se posent en défenseurs de l’OIAC, cette agence est de plus en plus discréditée. Je tiens à souligner une fois de plus qu’il s’agit de faits, et non d’insinuations. 

L’Allemagne doit assumer plus de 
responsabilités, mais en toute honnêteté

Que pensez-vous de la position du gouvernement fédéral? L’Allemagne est au troisième rang des donateurs de l’OIAC, après les Etats-Unis et le Japon. Cela implique également de prendre des responsabilités.
L’Allemagne occupe une place importante dans les grandes organisations multilatérales telles que l’ONU et l’OIAC. Notre gouvernement doit comprendre que le reste du monde observe ce qu’il fait. Par conséquent, il devrait être particulièrement attentif à ce que l’Allemagne respecte le droit international et adopte sur le principe une attitude appropriée. Les événements qui se sont déroulés à Douma au cours des douze derniers mois devraient amener le gouvernement fédéral à revoir sérieusement la position allemande concernant sa coopération avec l’OIAC. Il serait judicieux de déterminer dans quelle mesure les ajustements de cette coopération sont devenus incontournables, en particulier dans le cas de ce qui s’est passé à Douma. Dans le cadre de la Conférence sur la Sécurité ayant lieu chaque année à Munich, les politiciens n’ont cessé de souligner la volonté de la politique étrangère et de sécurité allemande d’assumer davantage de responsabilités. En l’occurrence, il doit s’agir d’une volonté de défendre l’intégrité et la probité de la politique. Parmi ceux qui observent et analysent la politique, nombreux sont ceux qui s’alarment des comportements dangereux et malhonnêtes adoptés dans le cas de Douma. 

Vous avez été sous-secrétaire général des Nations unies pour l’aide humanitaire en Irak et vous avez démissionné en signe de protestation contre les sanctions imposées par l’ONU à l’époque. Au cours de notre entretien, vous avez à plusieurs reprises fait référence à l’Irak. Ces expériences en Irak sont-elles la clé de votre actuel attachement à la défense de la vérité concernant le rapport de l’OIAC sur les événements de Douma?
Cela nous renvoie effectivement aux dommages causés à l’Irak par les gouvernements américain et britannique durant les années où ces sanctions ont été en vigueur ainsi qu’à l’année 2003, lors de la guerre menée en violation du droit international. La paupérisation de tout un peuple, la violation du droit international et l’affaiblissement de l’influence de l’ONU ont été motivés par le mythe des armes de destruction massive irakiennes, qui en réalité étaient inexistantes. 
    La crédibilité politique est un atout incorruptible que la désinformation et la propagande en trompe l’œil peuvent réduire à néant. L’Allemagne et l’Europe doivent s’efforcer de consolider et de protéger cet atout maître. Il faut à tout prix empêcher que ne se reproduisent les opérations militaires en Syrie, telles que celles qui se sont immédiatement imposées après la publication du rapport final censuré de l’OIAC sur Douma en mars 2019. 
    En tant que membre du Berlin Group 21, je partage entièrement l’avis de l’ancien directeur général de l’OIAC, José Bustani. Lors de son intervention devant le Conseil de sécurité des Nations unies le 5 octobre 2020. Il a exhorté l’actuel directeur général, Fernando Arias, à inviter les inspecteurs qui, dans une perspective de critique scientifique, réfutaient certaines parties du rapport sur Douma à venir dialoguer avec lui. C’est uniquement de cette façon que l’OIAC pourra restaurer sa crédibilité. Ce type de débat devrait déboucher sur la dépolitisation du rapport final sur Douma et faciliter la tâche des gouvernements ayant soutenu et encouragé l’approche de l’OIAC. Mais il reste encore un long chemin à parcourir.

Merci pour cet entretien.

Première parution le 24 mars 2021 sur www.nachdenkseiten.de

(Traduction Horizons et débats)

«Nous sommes profondément préoccupés»

Déclaration ouverte sur l'enquête de l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques sur l’utilisation présumée d’armes chimiques en Syrie

Nous désirons exprimer notre inquiétude profonde au sujet de la prolongation de la controverse et les retombées politiques entourant l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) et son enquête de l’attaque présumée à l’arme chimique le 7 avril 2018 à Douma, en Syrie.
  Depuis la publication par l’OIAC de son rapport final en Mars 2019, une série de développements inquiétants a soulevé des inquiétudes sérieuses et substantielles quant à la manière avec laquelle l’enquête a été menée. Ces développements incluent: des situations dans lesquelles les inspecteurs de l’OIAC impliqués directement dans l’enquête ont identifié des irrégularités méthodologiques et scientifiques majeures, une fuite d’une quantité significative de documents corroborant ces irrégularités, et des déclarations accablantes lors des réunions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il est maintenant bien établi que certains inspecteurs à un haut niveau de hiérarchie, impliqués dans l’enquête et dont l’un d’eux a joué un rôle central, rejettent la façon avec laquelle l’enquête en est venue à formuler ses conclusions. Les gestionnaires de l’OIAC se voient maintenant accusés d’avoir accepté des résultats d’enquête possiblement manipulés et sans fondement, avec les implications géopolitiques et sécuritaires découlant d’une telle situation. Les appels par certains membres du conseil exécutif de l’OIAC pour permettre à tous les inspecteurs d’être entendus ont été bloqués.
  Les inquiétudes des inspecteurs sont partagées par le premier directeur général de l’OIAC, José Boustani, et un nombre significatif d’individus éminents ont demandé de la transparence et de la redevabilité de la part de l’organisation (OIAC). M. Boustani lui-même a été empêché par des membres importants du Conseil de sécurité de participer à une audience sur le dossier syrien. Comme l’ambassadeur Boustani l’a déclaré lors d’un recours personnel au directeur général de l’ONU, si l’organisation est confiante au sujet de sa conduite sur le dossier de l’enquête de Douma, alors, elle ne devrait avoir aucune difficulté à répondre aux préoccupations des inspecteurs.
  A ce jour, l’OIAC a malheureusement manqué à fournir une réponse aux allégations concernant l’enquête et, malgré des déclarations contraires, il semble qu’elle n’a jamais permis à son équipe d’enquêteurs de faire entendre leurs opinions et inquiétudes. En fait, les gestionnaires de haut niveau de l’organisation n’ont jamais rencontré la plupart des membres de l’équipe chargée de l’enquête. Au lieu de cela, ils ont ignoré le problème en lançant une enquête sur la fuite des documents de l’enquête de Douma et condamné publiquement les inspecteurs les plus expérimentés pour avoir parlé de leurs préoccupations.
  Dans un développement récent inquiétant, qui s’est révélé être une tentative de calomnie d’un ex scientifique de haut rang de l’OIAC dont l’identité a été révélée. Un brouillon de lettre, présumé faux a été envoyé par le directeur général à l’un des inspecteurs dissidents et a été délibérément divulgué à un site web «open source» spécialisé dans la publication des enquêtes de ce genre. Ce site web a ensuite publié ce brouillon de lettre conjointement avec l’identité de l’inspecteur concerné. Plus inquiétant encore est le dénigrement anonyme des inspecteurs dissidents et de l’ambassadeur Boustani par une source bien au fait de l’enquête de Douma, dans une entrevue récente accordée à une série de la BBC4 radio, en violation des règlements de l’OIAC. Il est important de souligner ici que les fuites de documents de décembre 2020 ont montré que des officiels de haut rang de l’OIAC avaient les mêmes inquiétudes que celles de l’inspecteur ayant mis à jour les mauvaises pratiques de l’enquête et demeuraient prêts à le soutenir.
  Le problème actuel menace de porter atteinte sévèrement à la réputation et à la crédibilité de l’OIAC et de saper son rôle vital dans la poursuite de la paix et de la sécurité à l’échelle internationale. Il n’est tout simplement pas défendable qu’une organisation scientifique comme l’OIAC refuse de répondre ouvertement aux critiques et aux inquiétudes de ses propres scientifiques tout en étant associée à des tentatives de discrédit et de calomnie de ces mêmes scientifiques. La controverse en cours concernant le rapport sur Douma soulève aussi des doutes sur la fiabilité des rapports antérieurs de la mission d’établissement des faits (FFM) concernant d’autres attaques présumées à l’arme chimique en Syrie, incluant celle de Khan Shaykhun en 2017.
  Nous croyons que les intérêts de l’OIAC seront mieux servis lorsque le directeur général s’assurera de faire entendre les préoccupations de tous les inspecteurs à travers un forum neutre, complétées d’une enquête pleinement scientifique et objective.
  A cette fin, nous appelons le directeur général de l’OIAC à trouver le courage nécessaire pour adresser les problèmes intérieurs à l’organisation concernant l’enquête de Douma et s’assurer que les pays membres ainsi que les Nations Unies soient informées en conséquence. Nous espérons et croyons que c’est la manière par laquelle la crédibilité et l’intégrité de l’OIAC peuvent être restaurées.

Signataires soutenant la déclaration d’intérêt public

José Bustani, ambassadeur du Brésil, premier directeur général de l’OIAC et ex-ambassadeur au Royaume-Uni et en France. Professeur Noam Chomsky, professeur lauréat de l’université de l’Arizona et professeur émérite au MIT. Daniel Ellsberg, PERI Distinguished Research Fellow, UMass Amherst. Préalablement haut responsable aux départements d’état (FSR-1) et de Défense (GS-18) au Etats-Unis. Andrew Cockburn, éditeur à Washington, Harper’s Magazine. Professeur Richard Falk, Professor émérite de droit international, université Princeton. Professeur Dr. Ulrich Gottstein, au nom des médecins internationaux pour la prévention de guerre nucléaire, International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW-Germany). Katharine Gun, ex-GCHQ (UKGOV), dénonciateur. Denis J. Halliday, assistant au secrétaire général des Nations-Unies (1994-98). Professor Pervez Houdbhoy, université Quaid-e-Azam et ex Pugwash. Kristinn Hrafnnson, éditeur-en-chef, Wikileaks. Dr. Sabine Krüger, chimiste analytique et ancien inspecteur à l’OIAC (1997-2009). Elizabeth Murray, ancien Adjoint à l’agent principal du renseignement national pour le Proche-Orient, National Intelligence Council (rétraitée); membre: Veteran Intelligence Professionals for Sanity et Sam Adams Associates for Integrity in Intelligence. Annie Machon, Former MI5 Officer, UK intelligence services. Ray McGovern, ex-CIA et «briefer» auprès de la présidence des Etats-Unis; co-fondateur de Veteran Intelligence Professionals for Sanity. Professor Götz Neuneck, Pugwash Council et Pugwash Chair, Allemagne. John Pilger, journaliste lauréat aux Emmy et Bafta, et réalisateur. Dirk van Niekerk, ancien OPCW Inspection Team Leader, Head of OPCW Special Mission to Iraq. Professeur Theodore A. Postol, Professeur émérite de science, technologie, et politique de sécurité nationale, Massachusetts Institute of Technology. Dr. Antonius Roof, ex chef d’équipe à l’OIAC, et directeur de Industry Inspections. Professor John Avery Scales, Professeur, Pugwash Council et Pugwash Chair, Danemark. Hans von Sponeck, ex-assistant au secrétaire général des Nations-Unis et coordonnateur humanitaire pour l’Irak. Alan Steadman, spécialiste des munitions aux armes chimiques, préalablement chef d’équipe d’enquête à l’OIAC et inspecteur aux commissions spéciales des Nations-Unies, UNSCOM. Jonathan Steele, journaliste et écrivain. Roger Waters, musicien et activiste. Lord West of Spithead, First Sea Lord et Chef of de la marine britannique (2002-06). Oliver Stone, réalisateur, producteur et écrivain. Colonel (ret.) Lawrence B. Wilkerson, U.S. Army, Professeur au William and Mary College et ex chef de cabinet de Colin Powell, secrétaire d’état, Etats-Unis.

 

Un rejet à froid

ef. La 25e Conférence des Etats de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) s’est tenue à La Haye du 20 au 22 avril 2021. Lors de cette conférence, 87 des 193 Etats ont rappelé à la Syrie, membre de l’OIAC, ses droits et ses obligations. 
Sur la plateforme «Nachdenkseiten» du 22 avril, Karin Leukefeld a rendu compte en détail de cette conférence et de son contexte. A la demande d’un groupe formé par 46 Etats occidentaux ayant soutenu la motion «sur la possession et l’utilisation d’armes chimiques par la République arabe syrienne», la conférence s’est prononcée, ainsi que le rapporte Leukefeld, en faveur de sanctions à l’encontre de la Syrie. Cette motion s’énonce comme suit: «Sur les 193 Etats membres, 136 ont participé au vote. Parmi eux, 87 ont voté en faveur de la résolution, suivant ainsi la motion déposée par les pays de l’Union Européenne ainsi que par l’OTAN, le Canada, les Etats-Unis et l’Australie. 15 Etats se sont prononcés contre cette résolution, 34 s’ayant abstenus.» (Leukenfeld) Ce qui a eu pour conséquence la suspension de la Syrie de l’OIAC. 
    Les conclusions de l’enquête menée par deux inspecteurs de cette même OIAC, qui élevaient de sérieux doutes sur l’implication d’armes chimiques dans l’attaque de Douma du 7 avril 2018, ont ainsi été froidement rejetées, tout comme les autres efforts déployés au niveau international, ce qu’a souligné Hans von Sponeckau cours de l’interview et ce qu’exprime la «Déclaration de motifs de préoccupation». De même, la proposition de médiation adressée conjointement par Hans von Sponeck et le professeur Richard Falk avant la conférence à tous les Etats membres de l’OIAC, n’a pas été prise en compte. Et le même sort a été réservé à l’appel pressant lancé par l’ambassadeur russe de l’OIAC, Alexander Shulguine, qui concluait sur ces mots: «Cette décision revêt une importance capitale pour l’avenir de l’OIAC: soit celle-ci poursuivra son rôle d’organisation internationale respectée, dédiée au désarmement et à la non-prolifération des produits chimiques, soit elle se transformera en une plateforme propice à la manipulation et à la mise en œuvre des ambitions de certains pays. Dans ce dernier cas, le nom même de l’OIAC se confondra avec la marque de fabrique de l’injustice et de l’arbitraire exercés par certains Etats.» 

Source: www.nachdenkseiten.de du 22/04/21

(Traduction Horizons et débats)

 

 

Les fausses accusations ne sont pas nouvelles

«Ces rappels du passé évoquent un amer sentiment de déjà-vu. Comme ils l’ont fait il y a 20 ans [en Iraq], nos homologues occidentaux se donnent aujourd’hui beaucoup de mal pour convaincre le monde que le «régime Assad» est responsable de tous les péchés mortels, y compris dans le domaine de la non-prolifération. Ce faisant, ils négligent soigneusement tous les arguments qui contredisent l’accusation de culpabilité qu’ils avancent. Ils ferment les yeux non seulement sur nos critiques, mais aussi sur les lois fondamentales de la nature, de la physique, des mathématiques et même du bon sens. Ils tentent de mobiliser l’opinion publique contre les autorités syriennes dans un seul but. Et il ne s’agit pas de maintenir la non-prolifération. Il s’agit uniquement d’un changement de régime.» (Ambassadeur Vassily Nebenzia,représentant permanent de la Russie auprès de l’ONU, présentant à la réunion du Conseil de sécurité en formule Arria le 16 avril 2021. (extrait))

Source: https://russiaun.ru/en/news/arria_160421

(Traduction Horizons et débats)

 

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