L’unité dans la diversité – l’ONU au 21ème siècle*

par le professeur Hans Köchler, Président de l’Organisation internationale pour le progrès

Je m’adresse à vous aujourd’hui depuis Vienne, où se trouve le troisième siège des Nations unies, et je suis heureux de pouvoir prononcer ce discours devant vous sous les auspices de la section locale de Long Beach de l’UNA-USA** en Californie, le lieu de naissance des Nations unies. Il est impressionnant de constater que l’UNA-USA représente, avec la Better World Campaign, le plus grand des groupes de la société civile à soutenir les Nations unies dans le monde. 
    Ce fut précisément en professant la diversité en tant que base de la paix internationale que les fondateurs de l’organisation mondiale proclamèrent, au Préambule de la Charte des Nations unies, solennellement leur message. Au nom de «Nous, peuples des Nations unies», ils affirmèrent «l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites». Le respect de la diversité, respect qui implique la reconnaissance mutuelle de tous les Etats membres des Nations unies, est aussi ancré dans le principe de «l’égalité souveraine» de la Charte elle-même. L’accord des objectifs parmi les membres des Nations unies ne s’atteint ni se préserve que sous la condition qu’ils s’acceptent l’un l’autre dans toute leur diversité – en termes d’identité ethnique, de traditions culturelles et de systèmes politiques et économiques. 
    En 1945, après la catastrophe de la Seconde guerre mondiale, ce fut là l’un des messages principaux des fondateurs de l’organisation: la paix viable, la paix durable exige l’acceptation mutuelle des diversités! 
    Lorsque l’ONU fut fondée à San Francisco, le nombre d’Etats membres était relativement faible (51), comparé au nombre actuel de 193. De nombreux peuples vivaient encore sous la domination coloniale ou sous le joug de la domination étrangère. Au 21e siècle, les Nations unies, la plus grande association mondiale d’Etats souverains, incarnent plus que toute autre organisation intergouvernementale la diversité de l’humanité, y compris la multiplicité des intérêts nationaux. Cela implique des défis très particuliers, mais aussi des opportunités. 
    Dans le cadre de la mondialisation effrénée depuis la fin de la guerre froide, chaque peuple, chaque nation et chaque communauté culturelle est devenu beaucoup plus conscient des différences entre les civilisations, les cultures, les systèmes de valeurs et les styles de vie – tout simplement en raison de l’interdépendance mondiale permanente et inévitable dans tous les domaines, politiques, sociaux ou économiques. L’impact des technologies de communication et de la «réalité virtuelle» qui en découle, y compris les nouveaux médias sociaux, ne peut être sous-estimé dans le «village global» actuel. 

Le maintien de la paix

Le maintien de la paix – la raison d’être des Nations unies – dépendra de la manière dont la communauté internationale gère les diversités de plus en plus complexes du monde. Dans un sens essentiel, seul l’ordre de paix incarne l’unité de l’humanité. Compte tenu du principe d’égalité souveraine des Etats inscrit dans la Charte, aucun pays ne doit mettre en péril cette unité en instrumentalisant les Nations unies pour imposer son propre système ou son propre mode de vie au reste du monde. Cela découle également de l’autre principe fondamental de la Charte, à savoir le non-recours à la force dans les relations entre les Etats. Pour le dire encore une fois, l’objectif commun du maintien de la paix dans le monde exige la reconnaissance de la diversité à tous les niveaux – des Etats et des personnes – tant au niveau international qu’au niveau national. Cela implique, en plus, des procédures susceptibles de régler les différends sur la base du respect mutuel. C’est là où réside l’essence même de la Charte des Nations unies. 

Composition du Conseil de sécurité

Pour que les Nations unies puissent faire face aux défis de notre ère mondialiste, la composition de l’organe décisionnel suprême de l’organisation, le Conseil de sécurité, devrait refléter la diversité croissante de la communauté internationale. Lors de la création du Conseil en 1945, l’appartenance permanente au Conseil correspondait à l’équilibre des pouvoirs entre un nombre relativement restreint d’Etats. (La composition des membres n’était pas encore vraiment représentative des peuples du monde). Plus de 75 ans plus tard, alors que presque tous les Etats souverains ont adhéré à l’ONU, la donne géopolitique a changé. De vastes régions du monde – l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie du Sud et du Sud-Est – ne sont pas représentées au niveau des membres permanents. Pour rester pertinente dans le monde multipolaire qui se dessine – après près d’un demi-siècle d’équilibre bipolaire des pouvoirs, suivi d’une brève période unipolaire – et pour conserver sa capacité à résoudre les problèmes face à des défis sécuritaires de plus en plus complexes, il est indispensable que les Nations unies adaptent leur Charte à la nouvelle réalité et «actualisent» en quelque sorte la liste des membres permanents. En raison du droit de veto, la réforme sera une tâche difficile, mais l’inclusivité en ce qui concerne les membres permanents au Conseil est indispensable si l’on veut préserver l’unité d’objectif entre tous les membres.

Diversité de l’identité culturelle

Outre le domaine de la sécurité internationale, la diversité et l’inclusion sont également de la plus haute importance dans le domaine de l’identité culturelle. Je voudrais exprimer l’espoir que l’Alliance des civilisations, initiée par l’ONU comptant aujourd’hui 127 pays, dont les Etats-Unis, se renforce face aux tensions qui existent le long des lignes de démarcation culturelles et idéologiques, tant à l’intérieur des Etats qu’entre eux. Il ne faut pas sous-estimer le risque de conflit armé que représente l’aliénation croissante entre les cultures. 
    En cette occasion solennelle, je voudrais également exprimer l’espoir que les Etats-Unis rejoignent de nouveau la principale institution spécialisée des Nations unies dans ce domaine, à savoir l’UNESCO – l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture –, dont ils ont été membres fondateurs en 1946. J’espère également que les Etats-Unis ratifieront la Convention sur la Diversité des expressions culturelles de 2005. Sans la participation active des Etats-Unis, les mesures et les programmes de la communauté internationale visant à préserver la diversité culturelle au niveau mondial ne seront pas efficaces. Je suis convaincu que les organisations de la société civile telles que l’UNA-USA peuvent jouer un rôle crucial à cet égard. 
    Pour conclure, je souhaite à la United Nations Association of the United States of America et à la Global Peace Foundation plein succès dans leur noble mission, qui est de soutenir l’ONU à créer un monde juste et pacifique! 
    Je vous remercie de votre attention.



* Discours prononcé à l’occasion de la célébration de la Journée des Nations Unies, organisée par la «United Nations Association of the United States of America» (UNA-USA), Long Beach Chapter, en collaboration avec la «Global Peace Foundation», à Long Beach, Californie, Etats-Unis, le 31 octobre 2021. ©International Progress Organization, 2021 

**  La United Nations Association of the United States of America (UNA-USA) est une organisation citoyenne à but non lucratif qui s’efforce de promouvoir le soutien politique et public aux Nations unies parmi les Américains.

(Traduction Horizons et débats)

 

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