Une loi sur le terrorisme intérieur aux Etats-Unis?

La guerre contre la dissidence politique va se déployer à toute vitesse

par Philip Giraldi

Le président Joe Biden a déjà clairement indiqué la priorité absolue: utiliser une législation appropriée pour combattre ce qu’il nomme le «terrorisme intérieur». Cela signifie que la promesse faite dans son discours inaugural d’être le président de «tous les Américains» semble ne pas s’appliquer à ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. L’ancien chef de la CIA de Barack Obama, John Brennan, qui est clairement au courant de l’évolution de la situation, l’expliquedans un tweet où il décrit comment les fantômes de la nouvelle administration «s’efforcent de découvrir tout ce qu’ils peuvent sur l’insurrection», ce qui inclut «les extrémistes religieux, les autoritaristes, les fascistes, les bigots, les racistes, les nativistes et même les libertaires».1

Les droits fondamentaux sont inaliénables

La Déclaration des Droits de la Constitution des Etats-Unis, qui inclut la liberté d’expression et d’association, est assiégée depuis un certain temps déjà. Le gouvernement a toujours utilisé ses pouvoirs supposés conférés par un prétendu état d’urgence pour priver les citoyens de leurs droits. Pendant la Guerre civile américaine, Abraham Lincoln a emprisonné les personnes critiques au conflit. L’administration de Woodrow Wilson, pendant la Première Guerre mondiale, a introduit la Loi sur l’Espionnage. Celle-ci a depuis été utilisée pour condamner les dénonciateurs sans avoir à présenter le niveau de preuve requis dans un procès civil normal. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Franklin D. Roosevelt a érigé des camps de concentration ayant emprisonné des Américains d’origine japonaise dont le seul crime était d’être japonais.

Mais la plus grande atteinte à la Déclaration des Droits est peut-être plus récente, à savoir les Patriot and Military Commissions Acts qui ont été promulgués à la suite de la «Guerre mondiale contre le Terrorisme» lancée par le président George W. Bush au lendemain du 11 septembre. Avec le secret Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), comprenant un tribunal destiné à accélérer le processus d’approbation des mandats, les citoyens ordinaires se sont retrouvés sous surveillance, sans aucune justification en termes de cause probable. La procédure du FISA a même été utilisée de manière abusive dans la tentative de l’appareil de sécurité nationale de faire dérailler la campagne de Donald Trump. Les outils sont en place pour toujours plus de méfaits du gouvernement et personne ne devrait douter que les démocrates sont autant capables d’ignorer les garanties constitutionnelles que les républicains l’ont été.

La politisation menace la sécurité nationale

Ce qui rend l’état actuel de la guerre contre le «terrorisme» si dangereux, c’est la politisation de l’appareil de sécurité nationale alors que le gouvernement a appris qu’étiqueter une personne ou une entité comme terroriste ou même comme «soutien matériel du terrorisme» est infiniment aléatoire. C’est précisément la raisonpour laquelle le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a souvent vilipendé ses adversaires et les a catalogués de terroristes car cela permet alors d’autres mesures qui pourraient être autrement contestées.

Et il y a aussi le fait que les règles du jeu ont changé depuis la Première et la Deuxième Guerre mondiale. Le gouvernement dispose de capacités techniques dont on n’avait jamais rêvé pendant la plus grande partie du XXe siècle. Edward Snowden et d’autres dénonciateurs ont montré comment le gouvernement ignore régulièrement les limites constitutionnelles de son ingérence dans la vie des citoyens ordinaires. De plus, il peut surveiller la vie de millions d’Américains simultanément, donnant à la police et aux agences de renseignement le pouvoir de monter des «opérations de fishing» envahissant littéralement les téléphones, les ordinateurs et les conversations de personnes qui ne sont coupables d’aucun crime.

Lois contre les dissidents politiques

Les autorisations existantes déjà seront renforcées pour s’attaquer aux dissidents identifiés par le nouveau régime. Un projet de loi présenté par le président de la Commission du Renseignement de la Chambre des Représentants, M. Adam Schiff, «prendrait la législation existante sur la guerre contre le terrorisme et l’amenderait simplement pour dire que nous pouvons maintenant faire cela aux Etats-Unis».2 Il serait combiné avec des lois antérieures, notamment le tristement célèbre National Defense Authorization Act de Barack Obama en 2012, qui permet à l’armée de détenir indéfiniment des citoyens américains soupçonnés de terrorisme sans procès. M. Obama et M. Brennan se sont également arrogé le droit illégal et inconstitutionnel d’agir en tant que juge, jury et exécuteur au moyen de drones de surveillance de citoyens américains à l’étranger. Compte tenu de ces précédents, un projet de loi comme celui de M. Schiff libérerait encore plus les mains de la communauté de la sécurité nationale.

Cela s’apparente au totalitarisme

Le nouveau corps de législation signifierait une surveillance juridique secrète accrue, la suppression de la liberté d’expression, l’incarcération indéfinie sans inculpation, la torture et même peut-être l’assassinat. Si cela vous fait penser à du totalitarisme, c’est normal. Il faut s’inquiéter particulièrement du fait que le plan de l’administration Biden pour poursuivre les supposés terroristes intérieurs sera la version pour cette génération de Pearl Harbor ou du 11 septembre. L’incident qui s’est produit au Capitole le 6 janvier (déjà désigné comme le 1/6 dans certains cercles) a été amplifié au-delà de toute reconnaissance et demeure maintenant régulièrement qualifié «d’insurrection» (alors qu’elle n’en était pas une) par les politiciens et les principaux médias. Le langage utilisé pour diffamer ce qu’on prétend être desennemis de l’Etat de «droite» et «suprémacistes blancs» est étonnant et la technologie suit le rythme pour transformer les Etats-Unis et d’autres pays en Etats policiers afin de s’assurer que les citoyens feront ce que le gouvernement leur demande.

Pour ne citer qu’un exemple de la façon dont la technologie peut diriger le processus, M. Biden a menacé à plusieurs reprises de mettre en place et d’appliquer un confinement national pour vaincre le coronavirus. Peut-il le faire? Oui, les outils sont déjà en place. La technologie de reconnaissance faciale est très développée et peut être déployée dans les nombreuses caméras de surveillance installées. Des bracelets sont en cours de développementà l’étranger,3 conçus pour obliger à respecter les directives du gouvernement sur l’application des mesures de lutte contre le Covid-19. Si on vous a dit de rester à la maison et que vous promenez plutôt le chien, votre bracelet le dira à la police, qui vous trouvera et vous arrêtera.

Et, comme le dit le vieux dicton, la révolution commence déjà à dévorer ses propres enfants [Pierre Vergniau, orateur de la Gironde]. Les universités et les écoles insistent pour que les enseignants soutiennent activement, tant en public qu’en privé, le nouvel ordre «d’équité et de diversité», tandis que les services de police se débarrassent des agents soupçonnés d’être associés à des groupes conservateurs. Cela ce signifie qu’un semblant de test de loyauté pourrait bientôt devenir monnaie courante. Récemment, le Département de la Défense a commencé à surveiller de manière intensive les médias sociauxdu personnel militaire afin d’identifier les dissidents, comme cela se fait déjà dans certaines grandes entreprises avec leurs employés. La nouvelle directrice du renseignement national, Mme Avril Haines, a déjà confirméla participation à une évaluation publique de la menace constituée par QAnon,qu’elle a décrite comme la plus grande menace d’Amérique.

Masquer la violation des droits fondamentaux

Mme Haines a également suggéré que les agences de renseignement «examineront les liens entre les gens aux Etats-Unis età l’étranger».Tandis que M. Biden, pour sa première journée d’entrée en fonction, s’est engagé à enquêter de manière approfondie sur les allégations de piratage russe des infrastructures et des sites gouvernementaux américains, l’empoisonnement du critique de Poutine, Alexeï Navalny, et l’histoire selon laquelle la Russie aurait offert des primes aux Talibans pour tuer les troupes américaines en Afghanistan. Il pourrait s’agir d’un nouveau Russiagate, avec une prétendue menace étrangère utilisée pour masquer les violations des droits civils commises par le gouvernement fédéral dans le pays.

Et, bien sûr, les nouvelles politiques refléteront les préjugés des nouveaux dirigeants. La «terreur» de droite sera ciblée, même si la liste des véritables outrages commis par la droite est extrêmement courte. Des groupes comme «Black Lives Matter» seront intouchables, en raison de leur appartenance au système Parti démocrate,malgré leur rôle majeurdans les émeutes,5 les incendies criminels, les pillages et les violences de l’année dernière ayant causé 2 milliards de dollars de dégâts et tué une trentaine de personnes. Antifa,qui a déclenché une émeute à Portland la semaine dernière, recevra également un laissez-passer – les médias décrivent couramment la violence de gauche comme «principalement pacifique» et concèdent peu souvent, le déroulement de «dommages matériels».

Ce sont les partisans de Donald Trump et les conservateurs en général qui se voient montrer la porte de sortie, et on assiste notamment à des appels à «les déprogrammer». Mme Jennifer Rubin, du Washington Post, a récemment déclaré que «nous devons collectivement, en substance, réduire en cendres le Parti républicain. Nous devons les niveler parce que s’il y a des survivants, s’il y a des gens qui survivent à cette tempête, ils le feront à nouveau». Elle s’est également fait l’écho des appels à les rendre hors d’emploi: «Je pense qu’il est absolument détestable qu’une institution d’enseignement supérieur, une organisation de presse ou une organisation de divertissement disposant d’un organe de presse puisse engager ces personnes.»8

Selon les propos prémonitoires de la secrétaire d’Etat, Mme Condoleezza Rice,en 2006, alors que le Liban était attaqué et bombardé par Israël: «Nous assistons à la naissance d’un nouvel Moyen-Orient […]»9 et nous, les Américains, voyons quelque chose de nouveau et d’étrange émerger des ruines du Trumpisme. Ce ne sera pas beau à voir et, une fois cela terminé, les Américains jouiront de beaucoup moins de libertés, c’est certain.10  



http://ronpaulinstitute.org/archives/peace-and-prosperity/2021/january/20/fmr-cia-director-biden-intel-community-moving-in-on-pro-trumplibertarians/
https://www.lawfareblog.com/rep-schiff-announces-domestic-terrorism-bill
https://www.bbc.com/news/technology-52409893?fbclid=IwAR09EJ2TZX-hbt410IPkyzG-39MgyB7nBOI47hfzHQ-EhP0XvdEPPdfTppk
https://www.nytimes.com/live/2021/01/19/us/inauguration-day-biden#avril-haines-pick-for-national-intelligence-director-says-shell-help-with-a-public-threat-assessment-of-qanon
https://www.theamericanconservative.com/articles/whatever-happened-to-the-populist-left/
https://www.foxnews.com/media/howard-kurtz-reacts-katie-couric-deprogram-trump-supporters
https://earthfmwrth.com/content/national-news/washington-posts-rubin-says-we-have-to-burn-down-the-republican-party
ibidem
https://www.aljazeera.com/news/2006/7/22/rice-sees-bombs-as-birth-pangs

1 0https://nypost.com/2021/01/17/theleft-wants-to-silence-conservatives-all-of-them/?utm_source=facebook_sitebuttons&utm_medium=site%20buttons&utm_campaign=site%20buttons&fbclid=IwAR3JHPHmLnEe5ncQ6G6Wm3a3FHeFkiOSKvxIiir1Am1sW6uXJY_Pl4HZClQ

Source: https://www.strategic-culture.org/news du 28/01/21, 

(Traduction Réseau International et Horizons et débats)

Philip Giraldi (né en 1946) a obtenu une maîtrise et un doctorat en histoire européenne à l'Université de Londres et une licence avec distinction à l’Université de Chicago. Il a servi pendant de nombreuses années comme spécialiste de la lutte contre le terrorisme à la CIA et comme officier de la Defense Intelligence Agency. Pendant 18 ans, il a travaillé pour la CIA en Turquie, en Italie, en Allemagne et en Espagne. Il a été Chief of Base à Barcelone de 1989 à 1992. En plus de l’anglais, il parle le turc, l’espagnol, l’italien et l’allemand. Depuis 1992, il a travaillé dans le domaine du conseil en sécurité pour un certain nombre d’entreprises de la Fortune 500. Il publie régulièrement pour différents médias, tels que The American Conservative et pour antiwar.com,et est fréquemment invité par différentes chaînes de télévision. Il préside le Council for the National Interestet il est un membre fondateur de Veterans Intelligence for Sanity. Depuis 32 ans, il vit en Virginie avec sa femme, près de ses filles et petits-enfants.

 

 

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