Yémen: instaurer les conditions d’une paix durable

Discours d’ouverture d’António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, lors de la Conférence des Nations Unies des bailleurs de fonds institutionnels en faveur du Yémen

hd. Le 1er mars 2021, les représentants de divers pays ont organisé, via la vidéo, une «Conférence des bailleurs de fonds» au siège des Nations Unies à Genève, afin de collecter les ressources financières nécessaires à la fourniture d’aides cruciales à la population du Yémen, un pays situé au sud de la péninsule arabique dans la Corne de l’Afrique. Sur le plan financier, cette conférence s’est soldée par un résultat décevant. On n’a même pas réussi à réunir la moitié des fonds strictement indispensables. Le Yémen, en proie à la guerre depuis 2015, est actuellement le pays qui subit la plus grande catastrophe humanitaire au niveau mondial. Et pourtant, la couverture médiatique de ce pays est généralement chez nous quasi inexistante. Le fait que les médias aient largement abordé le sujet lors de la conférence à Genève a constitué une exception. Nous reproduisons ici le discours d’ouverture du Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, et son récapitulatif à la fin de la conférence.

Je remercie les gouvernements suédois et suisse qui ont accueilli conjointement cette conférence, ainsi que les représentants des gouvernements et organisations qui y participent, pour la solidarité dont ils font preuve à l’égard du peuple yéménite.Aujourd’hui, la famine s’abat sur le Yémen.

On ne saurait surestimer la gravité 
des souffrances de la population yéménite

Il est plus que temps d’agir si nous voulons empêcher des millions de gens de mourir de faim et de dénutrition. On ne saurait surestimer la gravité des souffrances de la population yéménite. Ce sont plus de 20 millions de Yéménites qui ont besoin d’aide humanitaire et de protection, les femmes et les enfants étant parmi les plus touchés. 

Cela signifie qu’au Yémen, deux personnes sur trois ont besoin d’aide alimentaire, de soins médicaux ou d’autres formes d’aide vitales de la part des organisations humanitaires. Cette année, on estime que plus de 16 millions de personnes vont souffrir de la faim. Près de 50 000 Yéménites sont déjà morts des suites de la famine et celle-ci est encore pire dans les zones touchées par le conflit. Il y a au Yémen quatre millions de personnes déplacées qui ont été chassées de leur foyer. […] L’année passée, le conflit au Yémen a fait plus de 2 000 morts et blessés parmi la population civile. Cette situation a dévasté l’économie et détruit les services publics. La moitié à peine des infrastructures sanitaires du Yémen sont demeurées opérationnelles. Dans un pays confronté à d’aussi graves problèmes sanitaires, la pandémie de Covid-19 constitue une menace mortelle de plus. Pour la plupart de ses habitants, la vie au Yémen est devenue insupportable. 

Un enfer d’un genre 
particulier pour les enfants au Yémen

Au Yémen, l’enfance est devenue un enfer particulier. Les enfants yéménites crèvent de faim. Cette année, au Yémen, près de la moitié des enfants de moins de cinq ans souffriraient de malnutrition aiguë dont les symptômes englobent la cachexie, la dépression et la fatigue. 400 000 d’entre ces enfants sont atteints de malnutrition aiguë sévère et pourraient en mourir s’ils ne sont pas secourus d’urgence. Lorsqu’ils sont affamés, les enfants sont encore plus vulnérables aux maladies qui autrement pourraient être évitées, comme le choléra, la diphtérie et la rougeole. Toutes les dix minutes, un enfant meurt inutilement de ces maladies qui sévissent au Yémen. Et chaque jour, des enfants yéménites sont tués ou mutilés dans le cadre du conflit. Les enfants malades ou blessés sont refoulés par des établissements sanitaires débordés ne disposant ni des médicaments ni des équipements qui permettraient de les soigner. Cette guerre dévore une génération entière de Yéménites. Il faut que cela cesse. 

Pas de solution militaire au Yémen

Il est clair depuis des années qu’il n’y aura pas de solution militaire au Yémen. La seule voie vers la paix passe par un cessez-le-feu immédiat à l’échelle nationale et un ensemble de mesures visant à rétablir la confiance, suivis d’un processus politique inclusif, mené par le Yémen sous les auspices des Nations Unies et soutenu par la communauté internationale. Le peuple Yéménite a clairement exprimé ce qu’il voulait: une assistance internationale pour sa survie, une participation politique pacifique, une gouvernance responsable, une citoyenneté égalitaire et une plus grande justice en matière économique. J’appelle toutes les parties à travailler avec mon envoyé spécial, Martin Griffiths,pour parvenir à une résolution pacifique de ce conflit. Cela doit être le moteur de toutes nos actions. 

La réduction de l’aide internationale
menace mortellement des familles

C’est la cinquième fois que nous organisons un événement de haut niveau afin de faire face à la crise humanitaire au Yémen. La triste vérité est qu’à moins que la guerre ne prenne fin d’ici là, nous en organiserons encore un sixième l’année prochaine. Nous devons générer et exploiter toutes les possibilités de sauver des vies, d’éviter une famine de masse et de frayer un chemin vers la paix. La situation humanitaire au Yémen n’a jamais été aussi grave. Pourtant, l’année dernière, les fonds humanitaires ont diminué. Nous avons reçu 1,9 milliard de dollars, soit seulement la moitié de ce dont nous avions besoin et la moitié de ce que nous avions reçu l’année précédente. 

Dans le même temps, le cours de la devise yéménite s’est effondré et les transferts de fonds des Yéménites à l’étranger se sont taris tandis que la pandémie frappait les économies du monde entier. L’impact a été très brutal. 

Les organisations humanitaires qui fournissaient de la nourriture, de l’eau potable et des services de santé ont réduit ou même mis fin à leurs programmes. Des familles entières n’ont plus rien eu sur quoi compter. Il y a deux ans, en 2018, grâce à la générosité des donateurs dont les voisins du Yémen, les agences humanitaires ont contribué à prévenir la famine qui menaçait alors le Yémen. Aujourd’hui, la réduction des aides humanitaires constitue une condamnation à mort pour des familles entières.

Les enfants paient 
le prix fort pour la guerre

Alors que la guerre fait rage, les enfants du Yémen paient le prix fort. Et pour avoir étudié l’impact des conflits, nous savons que ces enfants continueront à payer le prix fort longtemps après que les armes se seront tues. Les enfants qui auront souffert d’un retard de croissance dans leur enfance risquent de ne jamais réaliser pleinement leur potentiel physique et mental. 

Les dommages sur le plan économique, les dissensions et les ressentiments peuvent perdurer pendant des décennies et gangrener des régions entières. Les communautés ravagées par un conflit en gardent des cicatrices émotionnelles pendant des générations. 

Il nous faut dès à présent mettre un terme à ce conflit insensé et commencer immédiatement à en réparer les conséquences dévastatrices. Ce n’est pas le moment de se désengager vis-à-vis du Yémen.

Nous devons égaler et dépasser les niveaux de financement que nous avions atteints en 2018 [et 2019]. Cette année, nous avons besoin de 3,85 milliards de dollars pour soutenir les 16 millions de Yéménites qui sont au bord de la catastrophe. J’implore tous les donateurs de financer généreusement notre appel pour empêcher la famine de submerger le pays. Chaque dollar compte.

La différence entre la vie et la mort

Le financement que vous apporterez – par le biais du Yemen Humanitarian Response Plan, du Central Emergency Response Fund ou du Country-Based Pooled Fund– contribuera à faire la différence de manière significative et concrète. Dans nombre de cas, il s’agira de la différence entre la vie et la mort. La grande famille des Nations Unies ainsi que nos partenaires à travers le Yémen sont prêts à intensifier les opérations d’aide humanitaire. Acheminer l’aide humanitaire au Yémen est un défi – mais les travailleurs humanitaires sont à la hauteur. Tout au long de l’année écoulée, les agences des Nations Unies et nos partenaires sont venus en aide à plus de 10 millions de personnes chaque mois, œuvrant dans chacun des 333 districts du Yémen. 

J’exhorte une fois de plus toutes les parties à tenir compte des exigences du droit humanitaire international pour faciliter un accès rapide et sans entrave à l’aide humanitaire.L’aide que vous vous engagerez à fournir aujourd’hui ne permettra pas seulement d’enrayer la propagation de la famine et de sauver des vies. Elle contribuera à créer les conditions d’une paix durable.

Je vous remercie. 

Source: https://www.un.org/sg/en/content/sg/speeches/2021-03-01/opening-remarks-high-level-pledging-event-for-yemen%C2%A0

(Traduction Horizons et débats)

 

«Le résultat de la Conférence des donateurs de haut-niveau d’aujourd’hui est décevant»

Comme l’a confirmé le secrétaire général des Nations Unies, suite à la Conférence de haut-niveau réunissant les donateurs le 1er mars 2021: «Le résultat de la Conférence des donateurs de haut niveau qui s’est réunie aujourd’hui concernant les promesses de dons au Yémen est décevant. Au total, les promesses de dons anticipées s’élèvent à environ 1,7 milliard de dollars. Cela représente un montant inférieur à celui reçu pour le plan de réponse humanitaire en 2020. Et c’est un milliard de dollars de moins, comparé à la promesse faite lors de la conférence tenue en 2019. 
    Des millions d’enfants, de femmes et d’hommes yéménites ont désespérément besoin de cette aide pour vivre. Sa limitation équivaut à une condamnation à mort. Le mieux que l’on puisse dire au sujet de la somme réunie aujourd’hui est que celle-ci représente un acompte. Je remercie ceux qui ont fait des promesses généreuses et je demande aux autres de réfléchir à nouveau à ce qu’ils peuvent faire pour contribuer à éviter la pire famine que le monde ait connue depuis des décennies. 
   En fin de compte, la seule voie possible vers la paix passe par un cessez-le-feu immédiat à l’échelle nationale et une série de mesures de rétablissement de la confiance, suivis d’un processus politique inclusif, mené par les Yéménites sous les auspices des Nations unies et soutenu par la communauté internationale. Il n’y a pas d’autre solution. Les Nations unies continueront à faire preuve de solidarité avec le peuple affamé du Yémen.»

Source: https://www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2021-03-01/secretary-generals-statement-yemen

(Traduction Horizons et débats)

Ce n’est pas l’argent qui manque

hd. Selon le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, il faudrait 3,85 milliards de dollars pour financer l’aide d’urgence au Yémen, actuellement au bord de la catastrophe, pour pouvoir porter secours à 16 millions de personnes et empêcher que «la famine et la malnutrition ne se chiffrent en millions de morts». La Conférence des donateurs a néanmoins abaissé ses promesses de dons à 1,7 milliard de dollars.

Changement de décor: à en croire une information de Bloomberg, l’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, a vu sa fortune augmenter de 13 milliards de dollars en une seule journée de juillet, dans le courant de l’année 2020, grâce à l’envolée du cours de l’action Amazon. Ce qui fait qu’il dispose à présent d’une fortune de 189 milliards de dollars. Tout ça pour un seul homme! 

A la demande du gouvernement américain et de l’OTAN, l’Italie va augmenter son budget militaire de 10 milliards d’euros, le faisant passer du niveau actuel de 26 milliards d’euros annuels à 36 milliards d’euros par an (soit une augmentation de 38 % ou de 2 % du PIB) (voir p. 2). Un pays parmi tant d’autres.

Un porte-avions de la toute nouvelle classe Ford coûte environ 13 milliards de dollars à la marine américaine. Plus les charges liées aux 4 500 membres d’équipage, aux avions et bien plus encore. Encore un pays parmi tant d’autres. 

De quoi manque-t-on alors? 

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