Quiconque, en Occident, se préoccupe des conflits politiques qui opposent de nos jours encore certains peuples trouve facilement des informations sur les points de vue des protagonistes en présence dans les différends par exemple entre les Etats-Unis et la Chine, les Etats-Unis et la Russie, la Chine et Taïwan, Israël et la Palestine. C’est là, me semble-t-il, une constatation plutôt rassurante car sans la connaissance des positions des uns et des autres la recherche de solutions pacifiques est tout simplement impossible.
Mais il n’en va pas de même pour les conflits qui ont débouché sur des opérations militaires, même et surtout sur des opérations qui ont fait, ou font encore, des morts par milliers, voire des réfugiés par millions. Je pense en particulier à la guerre qui sévit au Yémen où l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis, puissamment aidés par les Etats-Unis et plusieurs pays membres de l’OTAN, combattent, avec des armes modernes sophistiquées, les prétendus rebelles houthis pour des raisons qui sont tout sauf évidentes. Sur cette guerre et ses enjeux, immense est notre ignorance. L’une des rares informations indiscutables disponibles sur ce conflit armé est qu’il oppose depuis 2015 quelques-uns des Etats les plus opulents aux «rebelles» d’un des pays les plus pauvres au monde. Quant aux médias, ils font étrangement silence sur le sujet.
Cette situation me paraît fort préoccupante pour les citoyens des démocraties occidentales dont plusieurs, parmi les plus puissantes, sont impliquées dans le massacre yéménite. Mais pareille observation peut être faite aussi, quoiqu’avec un moindre degré d’ignorance ambiante, mais un degré supérieur de manipulations multiples, au sujet de la guerre civile en Syrie qui sévit depuis 2011. Sur cette guerre les médias occidentaux propagent, à l’unisson, l’image simpliste d’un dictateur sanguinaire épaulé par la Russie de Poutine, ce qui est une autre manière de faire silence.
Il est frappant de constater que dans ces deux conflits et plusieurs autres, les puissances occidentales et Israël violent allègrement les normes fondamentales du droit international public visant au maintien de la paix tout en proclamant hautement leur attachement indéfectible aux droits de l’homme.
Il y a là, à tout le moins, matière à réflexion pour les citoyens des démocraties occidentales car ces dernières paraissent s’accommoder tacitement de la complicité de leurs dirigeants avec certains responsables des massacres en cours. Pourtant, à l’ère informatique, la première exigence civique en politique étrangère devrait consister pour tout citoyen à voter pour des représentants cherchant des informations contradictoires sur les positions des parties engagées dans des conflits armés et contrôlant ce que leur gouvernement en fait. Toute fourniture d’armes aux belligérants devrait être sévèrement sanctionnée. Encore faudrait-il que les parlements concernés ne se bornent pas à être des chambres d’enregistrement.1 Car, est-il besoin de le rappeler: à l’instar des incendies, les guerres n’ont que trop tendance à se propager… •
1 Chambre parlementaire sans influence notable sur la vie politique.
* Ivo Rens, professeur honoraire de l’Université de Genève, a enseigné l’Histoire des doctrines politiques à la Faculté de Droit de l’Université de Genève, à l’Ecole fédérale polytechnique de Lausanne, à la Sorbonne de Paris et à plusieurs autres universités dont celle de Christchurch en Nouvelle-Zélande. L’auteur édite la plateforme numérique «La paix mondiale menacée», où l’article a été publié le 6 janvier 2022
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