hd. La confrontation exacerbée entre les Etats-Unis, l’OTAN et l’UE d’une part, et la Russie d’autre part, fait que chez nous, en Occident, on ne rend plus compte de manière impartiale de la position de la partie russe. Nos médias occidentaux présentent généralement la position russe de manière très succincte, hors contexte et déformée. Cela ne contribue pas à une solution politique du conflit. C’est pourquoi nous documentons à nouveau les prises de position officielles de la Russie. L’opinion publique occidentale devrait également prendre connaissance de la position russe, du moins sérieusement. La traduction française des deux textes suivants est disponible sur le site Internet du Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie. Le texte a été légèrement rédigé à certains endroits par la rédaction.
Question: Vous avez reçu la réponse des Américains au sujet de la proposition russe sur les garanties de sécurité. Que contient-elle? Quelle est leur réaction? Antony Blinken a déclaré qu’ils ne voulaient pas que le document transmis soit rendu public. Qu’a décidé la partie russe?
Sergueï Lavrov: Je pense que le contenu de la réponse sera connu du grand public très prochainement. Comme nos collègues américains nous l’ont dit (bien qu’ils auraient préféré que le document ne sorte pas du cadre du dialogue diplomatique confidentiel), il a été convenu avec tous les alliés des Etats-Unis et la partie ukrainienne. Personne ne doute qu’il y aura des «fuites» dans un avenir très proche.
En ce qui concerne le contenu du document. Il y a là des réactions qui nous permettent de penser qu’une conversation sérieuse va s’engager, mais sur des thèmes secondaires. Sur la question principale, ce document ne contient pas de réaction positive. La question principale est notre position claire sur le caractère inadmissible d’une nouvelle extension de l’OTAN vers l’Est et du déploiement d’armes offensives susceptibles de menacer le territoire de la Fédération de Russie. Cette position ne sort pas de nulle part. Comme vous le savez, les questions relatives à la non-expansion ou à l’expansion de l’OTAN (c’est selon) ne datent pas d’hier. Au début des années 1990, puis dans les années 1990, quand l’Allemagne s’est réunifiée et que les questions de sécurité européenne étaient en train d’être résolues, on nous avait juré qu’il n’y aurait pas le moindre pouce d’extension de l’OTAN à l’Est de l’Oder. Ces faits sont bien connus et figurent dans de nombreux mémoires de personnalités britanniques, américaines et allemandes. Mais aujourd’hui ce sujet fait l’objet d’un débat très pointu, on a commencé par nous dire que ces assurances étaient orales. Ensuite, quand nous avons montré les mémoires, nos partenaires occidentaux ont commencé à évoquer le fait que ce n’était pas vraiment sérieux, qu’ils avaient été mal compris. Ils n’ont pas expliqué, comme il conviendrait à des personnes adultes, avec franchise, leur position de l’expansion effrénée de l’Alliance.
Maintenant que nous présentons non pas des promesses verbales, mais des documents écrits signés par les dirigeants de tous les pays de l’OSCE, y compris par le Président américain (la déclaration d’Istanbul de 1999, la déclaration d’Astana de 2010), nos partenaires occidentaux doivent déjà se tirer d’une situation plus sérieuse. Ce que je veux dire, c’est que les deux documents affirment que nous sommes tous attachés au principe de l’indivisibilité de la sécurité et que nous nous engageons à le respecter. Ce principe est clairement formulé. Il contient deux grandes approches interdépendantes. La première est le droit de chaque Etat de choisir librement ses alliances militaires. La seconde est l’obligation pour chaque Etat de ne pas renforcer sa sécurité au détriment de celle des autres. En d’autres termes, le droit de choisir des alliances est clairement conditionné par la nécessité de prendre en compte les intérêts de sécurité de tout autre Etat de l’OSCE, y compris de la Fédération de Russie.
Il est révélateur qu’aujourd’hui, quand nos collègues occidentaux répondent à nos propositions visant à convenir de garanties juridiquement contraignantes dans la région euro-atlantique, ils demandent toujours le respect des principes convenus concernant l’architecture de sécurité dans la région euro-atlantique. Ils disent: cela signifie que l’OTAN a le droit de s’étendre; personne n’a le droit d’interdire à l’OTAN d’étudier la candidature d’un pays. Le principe selon lequel on ne peut pas renforcer sa propre sécurité au détriment de celle des autres est délibérément passé sous silence. Ni la déclaration d’Istanbul ni celle d’Astana ne sont mentionnées par nos partenaires occidentaux dans les discussions sur la sécurité européenne qui ont lieu actuellement. Ces deux documents sont soigneusement évités. Nous ne pouvons pas accepter une telle position. Si, dans les années 1990, on pouvait nous l’expliquer par l’absence d’engagements écrits de ne pas étendre l’OTAN, ces engagements écrits existent aujourd’hui. Ils ont été confirmés plus d’une fois dans le cadre de l’OSCE, y compris au plus haut niveau. Nous allons maintenant nous consacrer à clarifier cette position hypocrite de nos collègues occidentaux.
A Genève, lors des pourparlers avec Antony Blinken, je lui ai demandé comment ils pouvaient expliquer leur position selon laquelle ils considéraient les engagements de l’OSCE uniquement comme un «menu». Ils n’y choisissent que ce qui a «bon goût» pour eux. Ils tentent d’ignorer et d’oublier ce à quoi ils se sont engagés dans l’intérêt des autres. Antony Blinken n’a pas répondu à la question, il a haussé les épaules. C’est tout. Je l’ai prévenu, comme nos autres collègues, que dans un avenir très proche nous leur enverrions une demande formelle d’expliquer pourquoi ils ne retiraient qu’un seul paragraphe de leurs propres engagements, et pourquoi ils essayaient d’ignorer les termes de ce paragraphe «préféré». Il s’agira d’une demande officielle adressée à tous les pays dont les dirigeants ont signé les déclarations d’Istanbul et d’Astana. Espérons que, dans ce cas, il ne leur faudra pas beaucoup de temps pour expliquer pourquoi l’Occident adopte cette position précise.
Pour le reste, nous sommes en train d’étudier la réponse que nous avons reçue des Américains. Comme l’a dit Antony Blinken lui-même, elle a été convenue avec les Ukrainiens et d’autres pays occidentaux alliés des Etats-Unis. Nous avons également reçu une réponse de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, du Secrétaire général Jens Stoltenberg. Nous considérons les deux documents comme un ensemble, étant donné qu’ils constituent une réaction au projet de traité et d’accord que nous avons fait circuler en décembre 2021. Une fois que nous aurons trouvé un accord entre les ministères, nous ferons un rapport au Président Vladimir Poutine. C’est lui qui décidera des prochaines démarches à entreprendre. •
Source:https://www.mid.ru/de/foreign_policy/news/1796041/?lang=fr consulté le 2 février 2022
Question: Moscou a-t-il transmis aux autorités américaines les réponses à leurs documents écrits et envoyés suite aux propositions de la Russie concernant les garanties de sécurité? Quels étaient les sujets de l’entretien téléphonique d’aujourd›hui avec Antony Blinken? Quels contacts sont prévus à cet égard à terme?
Sergueï Lavrov: Nous avons entendu aujourd’hui des communiqués du Département d’Etat américain d’avoir reçu de la part de Moscou une réponse au document envoyé par les Américains à titre de réaction à notre proposition initiale sur les garanties de sécurité en Europe.
Il y a un malentendu. Quand nous avons reçu la réaction américaine il y a environ une semaine, nous avons commencé à l’étudier. Il était clair dès le départ que les Américains préfèrent se concentrer sur la discussion de questions importantes mais secondaires: est-il possible de s’entendre sur le non-déploiement d’armements de frappe de façon réciproque, y compris les missiles terrestres à courte et moyenne portée, qui tombaient sous le coup du Traité FNI, détruit par les Etats-Unis, la transparence dans l’organisation d’exercices, les mesures de prévention d’incidents imprévus entre les actions de guerre, les navires et d’autres démarches similaires pour renforcer la confiance.
Mais la réaction a été négative à la question clé qui nous avait incité à adresser nos initiatives aux Etats-Unis et à l’OTAN. Je fais allusion à nos exigences que tout le monde remplisse de bonne foi les accords sur la sécurité indivisible, qui ont été conclus dans le cadre de l’OSCE en 1999 à Istanbul en 2010 à Astana. Ces accords prévoient non seulement le libre choix des alliés, mais conditionnent cette liberté par la nécessité d’éviter toute démarche qui renforcerait la sécurité d’un Etat au détriment de la sécurité des autres. Nous avons vu une attitude très négative dans la réaction des Etats-Unis et de l’OTAN envers cette question clé. Ils placent au premier rang uniquement le principe de liberté du choix des alliés, tout en ignorant la condition convenue au sommet sur l’inadmissibilité de porter atteinte à la sécurité d’autres Etats.
Nous sommes également préoccupés par le fait que les pays de l’OTAN, par exemple la France, en la personne de son Ministre des Affaires étrangères, ait récemment déclaré qu’ils insistent sur la nécessité de garantir la sécurité sur la base des documents qui précédaient l’adoption de la Charte d’Istanbul et la Déclaration d’Astana. Tout en citant le document du Sommet de l’OSCE de Paris en 1990, qui ne comportait pas l’exigence de ne pas renforcer sa sécurité au détriment des autres. En d’autres termes, nos collègues occidentaux tentent simplement d’ignorer, voire de faire tomber dans l’oubli ce principe clé du droit international convenu dans l’espace euro-atlantique. Pour l’éviter, quand nous avons reçu la réaction de Washington à nos propositions initiales, j’ai décrit en détail ce dont nous parlons actuellement dans un message à part et l’ai envoyé à tous les ministres des Affaires étrangères des pays de l’OSCE et à plusieurs autres Etats pour qu’ils connaissent notre position.
J’ai confirmé aujourd’hui au Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken que nous ne permettrons pas d’atermoyer ce thème. Nous insisterons sur une conversation honnête et des explications pour savoir pourquoi l’Occident ne veut pas remplir ses engagements ou le faire de manière sélective et à son avantage. Antony Blinken a reconnu que cela faisait l’objet d’une conversation à poursuivre. Nous verrons comment les choses se dérouleront. A l’étape actuelle, nous terminons la discussion interministérielle sur les propositions faites par les Etats-Unis sur d’autres questions. Nous rendrons compte à notre Président. •
Source:https://mid.ru/de/foreign_policy/news/1796663/?lang=fr
hd. La Charte de sécurité européenne de l’OSCE,1 adoptée à Istanbul en 1999 et réaffirmée à Astana en 2010, garantit le non-alignement par une phrase du point 8 de la Charte. Il y est stipulé:
«Nous réaffirmons le droit naturel de tout Etat participant de choisir ou de modifier librement ses arrangements de sécurité, y compris les traités d’alliance, en fonction de leur évolution.»
Pourtant, elle parle plus souvent de l’indivisibilité de la sécurité au sein de l’espace des Etats de l’OSCE:
«La Charte contribuera à la formation d’un espace de sécurité commun et indivisible. Elle favorisera la création d’un espace de l’OSCE exempt de lignes de division et de zones ayant des niveaux de sécurité différents.»
«Nous continuerons à maintenir le consensus en tant que fondement de la prise de décisions à l’OSCE. La souplesse de l’Organisation et son aptitude à réagir rapidement à l’évolution de l’environnement politique devraient demeurer au cœur de son approche coopérative et intégratrice de la sécurité commune et indivisible.»
«Nous sommes résolus à poursuivre nos efforts au sein du FCS [Forum pour la coopération en matière de sécurité] pour examiner ensemble les préoccupations de sécurité communes aux Etats participants et approfondir le concept de sécurité globale et indivisible propre à l’OSCE dans la mesure où la dimension politico-militaire est en jeu. Nous poursuivrons le dialogue de fond sur les questions de sécurité et chargeons nos représentants de mener à bien cette tâche dans le cadre du FCS.»
«Nous sommes résolus à élargir et à intensifier notre dialogue sur les évolutions liées à tous les aspects de la sécurité dans l’espace de l’OSCE. Nous chargeons le Conseil permanent et le FCS, dans leur domaine de compétence respectif, d’étudier de manière plus approfondie les préoccupations de sécurité des Etats participants et de chercher à approfondir le concept de sécurité globale et indivisible propre à l’OSCE.»
«L’OSCE travaillera en coopération avec ces organisations et institutions dont les membres, à titre individuel et collectif, d’une manière compatible avec les modalités propres à chaque organisation ou institution, à présent et à l’avenir […] soutiennent activement le concept de sécurité commune, globale et indivisible et d’espace commun de sécurité exempt de lignes de division, propre à l’OSCE […].»
Même le point 8 du Traité, garantissant le non-alignement des Etats de l’OSCE, pose des conditions à cet égard. La première phrase du point 8 est la suivante: «Chaque Etat participant a un droit égal à la sécurité.» Et après avoir garanti le droit de «choisir ou de modifier librement» des traités de non-alignement, mais aussi le «droit à la neutralité», la phrase suivante dit ceci: «Chaque Etat participant respectera les droits de tous les autres à ces égards. Aucun Etat ne renforcera sa sécurité aux dépens de la sécurité des autres Etats.»
1https://www.osce.org/files/f/documents/0/2/39570.pdf
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