Les apprentis sorciers

La belliqueuse alliance OTAN-UE sur le point de saboter l’avenir de l’Europe

par Karl-Jürgen Müller

L’alliance OTAN-UE poursuit une politique d’escalade belliciste. La propagande, avec ses accusations voyantes contre la guerre menée par la Russie, sert également cet objectif, car elle permet d’approfondir «l’hostilité» envers la Russie tout en s’exposant à un risque de guerre accru. Cette propagande haineuse contribue à la brutalisation de cette guerre. En fin de compte, elle brise également la cohabitation à l’intérieur de nos sociétés. L’OTAN/UE ne pourra plus contrôler les fantômes qu’elle vient de réveiller.

Chaque guerre entraîne des victimes, des souffrances humaines et d’énormes destructions. Chaque jour qui voit un conflit prendre fin plus tôt que prévu est un bienfait pour l’humanité.
    L’idéal, ce serait un monde sans guerre, nul besoin de raisonnement compliqué pour en arriver là. Pourtant, toutes les guerres ne se ressemblent pas. Pour ne citer que deux exemples extrêmes: en 1847, un an avant la création de l’Etat fédéral suisse, la guerre civile du Sonderbund1 était bien différente de ce que fut par la suite la violente agression menée par l’Allemagne nazie contre l’Union soviétique (1941–1945) – et pas seulement en raison de la durée différente de ces deux conflits.
    Alors que l’objectif de la premère de ces deux guerres, celle du Sonderbund suisse, défendit aux soldats confédérés tout acte d'humiliation envers les insurgés, leur ordonna de lui infliger le minimum de pertes possible et d'éviter les desctructions, c'est présisément le contraire pour la «guerre totale» menée de l'armée hitlérienne contra la Russie.

Le droit international humanitaire

Depuis le milieu du XIXe siècle, la Suisse, et plus particulièrement le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ont œuvré à la création d’un «Droit en temps de guerre» (Jus in bello). En 1864, la première Convention de Genève «concernant le secours apporté aux soldats blessés dans le service» a été adoptée par douze Etats. Trois autres accords (Conventions de Genève) ont suivi jusqu’en 1949, ainsi que divers protocoles additionnels établis au cours des décennies suivantes. De l’ensemble de tous ces accords et traités a été tiré l’actuel droit international humanitaire, dont l’objectif est de protéger en temps de guerre les personnes qui ne participent pas directement aux combats, notamment les blessés, les prisonniers et les civils ainsi que les biens culturels et les infrastructures civiles.
    En réalité, aucune guerre, même postérieure à 1949, n’a malheureusement respecté le droit international humanitaire dans son intégralité.

Différentes stratégies bellicistes …

L’une des raisons tient à la différence entre les stratégies des armées respectives. Ainsi, la stratégie militaire des Etats-Unis vise délibérément à détruire l’infrastructure civile de «l’ennemi» dès le début de la guerre. Les pertes civiles ne sont pas juste tolérées, elles sont le but. D’après ce que l’on sait et ce que l’on peut lire dans les documents officiels russes – y compris sur la guerre actuelle – il en va autrement pour la conduite des forces armées impliquées dans l’intervention russe. Les briefings russes accessibles soulignent à chaque rapport le respect du droit international humanitaire et donnent de nombreuses indications sur la manière dont les troupes russes s’efforcent de le garantir, ce qui est bien sûr invérifiable dans les circonstances actuelles. Mais même des experts indépendants comme l’officier Suisse Jacques Baud arrivent à la conclusion que «l’armée russe tente […] de limiter autant que possible les pertes parmi la population civile».2

… et la propagande de haine

On en trouve une autre raison dans la charge émotionnelle induite par la conduite de la guerre, suscitée par les parties belligérantes et répandues par les instances politiques, les états-majors et, avant tout, les médias. On ne fait pas la guerre sans recours aux émotions primitives ni sans divulgation massive de l’«image de l’ennemi». Toutes deux peuvent cependant varier. La conduite de la guerre fondée sur la haine et le mépris de l’ennemi, se basant sur la dichotomie simpliste des «Bons» et des «Mauvais», alors qu’on se place soi-même dans le camp des «Gentils», est le pire des bourbiers conduisant à la brutalisation massive de la guerre. On diabolise et déshumanise l’adversaire, il devient un «sous-homme», puis un «non-homme», pour finir en «vermine».

Les médias occidentaux et russes

En comparant ces dernières semaines et ces derniers mois, en particulier depuis le 24 février, mais aussi dans les semaines qui l’ont précédé, les médias grand public germanophones accessibles en Allemagne, en Autriche et en Suisse avec les médias russes, on ne peut qu’être frappé par le fait que les premiers mentionnés ont recouru et recourent encore presque quotidiennement à des slogans haineux.
    Cette propagande vise à diaboliser et à déshumaniserl’adversaire, en attribuant systématiquement et sans vérification les atrocités à l’«ennemi» et en ne montrant là-dessus que des photos grand format. Ces «rapports» ne visent pas seulement à exercer une pression sur les décideurs politiques pour qu’ils poursuivent et intensifient la guerre (hybride) contre la Russie2 – essentiellement aux dépens des habitants de l’Ukraine. Leur influence inclut également le zèle avec lequel des politiciens allemands, telle Annalena Baerbock, ont abandonné le fil conducteur jusqu’ici mûrement réfléchi de l’ancienne politique étrangère allemande, qui consistait à ne pas livrer d’armes dans les zones de guerre, alors qu’ils envisagent désormais la fourniture d’armes lourdes.
    Les «rapports» de nos médias visent également le grand public, c’est-à-dire nous tous et, avant tout, nos propres émotions. Il faut neutraliser la raison et susciter une haine aveugle. Voilà maintenant un siècle qu’on a étudié et décrit précisément les mécanismes de la propagande haineuse. Leur action s’exerce cependant encore aujourd’hui sur le plus grand nombre. Je ne peux juger avec certitude de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas dans les médias russes de langue allemande auxquels j’ai accès – mais on n’y diffuse pas la propagande haineuse qui est devenue si insupportable dans nos médias.

Une atteinte au vivre-ensemble

Cette propagande haineuse de nos médias ne se contente pas de couper tous les ponts avec la Russie. Elle est également une attaque contre le vivre-ensemble dans nos pays – entrainant des conséquences désastreuses. Car cette propagande détruit la confiance entre les individus et s’en prend directement à la nature sociale de l’homme. Nous en subirons les conséquences.

Dans son article intitulé «Repères en temps de guerre» (Horizons et débats n° 8, du 12 avril 2022), Karin Leukefeld pose la question «Que faut-il faire?» Elle y a écrit au sujet d’un «cœur vaillant» et a dressé une liste non exhaustive d’évidences: «Regarde de près, ne te laisse pas induire en erreur. Remets en question les rapports des médias qui veulent te faire comprendre ce qui se passe en Ukraine ou ce que la Russie est censée planifier, cherche d’avantages de sources, des sources diverses. Parle avec ta famille, tes amis, tes voisins et tes collègues de ce que tu as découvert par rapport à ce qui se passe en Ukraine, mais aussi sur d’autres champs de guerre et état injustes. Refuse de te transformer toi même en ennemi. Maintiens l’amitié avec la Russie et sa population, amitié pour laquelle tant d’homme et de femmes ont œuvré depuis des décennies.»
    C’est précisément ce que la propagande haineuse de nos médias vise à empêcher. Elle a pour but de nous empêcher de vivre notre humanité. Elle vise à transformer des individus réfléchis et compatissants en foules violentes et soumises à la propagande haineuse. Elle doit nous conduire à la guerre. Oui, elle a quelque chose de fasciste.
    Les Allemands qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale ne se souviennent pas seulement des victimes et des destructions de la guerre, mais aussi de la destruction mentale de tout un peuple par la propagande haineuse nazie. Aujourd’hui encore, les apprentis sorciers sont à l’œuvre.



On parle là d’une guerre civile, la dernière de la Confédération suisse, les troupes confédérées avaient comme instruction suprême et stricte du général Dufour, de ménager le camp réfractaire là où c’était possible. Tout acte de désobéissance était lourdement puni, surtout s’agissant d’exactions envers la population civile et de pillage.
«Les pays européens – la Suisse en tête – doivent contribuer à apaiser les vagues au lieu de jeter de l’huile sur le feu»; interview de Jacques Baud dans Zeitgeschehen im Fokus, n° 6 du 05/04/2022; https://zeitgeschehen-im-fokus.ch/de/newspaper-ausgabe/nr-6-vom-5-april-2022.html#article_1332 


Une démocratie de façade

Selon un sondage représentatif, près d’un tiers des citoyens allemands sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle ils vivent dans une «fausse démocratie». Tel est le résultat d’une enquête menée par le Allensbach Institute for Public Opinion Research (arrondissement de Constance) pour le compte de la SWR [Südwestrundfunk].
    Selon ce sondage, 31% des personnes interrogées estiment vivre dans une «Démocratie de façade», «dans laquelle les citoyens n’ont rien à dire». La différence entre l’Ouest et l’Est est frappante: 28% des Allemands de l’Ouest sont de cet avis, contre 45 % dans les Länder de l’Est. En outre, selon l’enquête, 28% des personnes interrogées au niveau national estiment que le système démocratique allemand devrait être fondamentalement modifié.

Source: https://www.swr.de/swraktuell/baden-wuerttemberg/friedrichshafen/allensbach-umfrage-zu-demokratie-in-deutschland-100.html  du 11/04/2022

(Traduction Horizons et débats)

«La guerre? Plus jamais!» – Mais déjà, ils recommencent à propager la devise «Battez-vous pour gagner!»

km. Le 12 avril 2022, le «Frankfurter Allgemeine Zeitung» a publié un article sur une conférence organisée à l’Académie évangélique sur le Römerberg de Francfort. L’orateur était Ben Hodges, général américain trois étoiles, ancien commandant en chef de l’armée américaine en Europe, aujourd’hui membre du «Center for European Policy Analysis» (CEPA) de Washington. Hodges se trouve actuellement en tournée en Allemagne. Le journal écrit: «[Hodges] court d’un événement à l’autre, donne des interviews téléphoniques toutes les demi-heures, apparaît dans des talk-shows politiques, parle quotidiennement avec des journalistes et des militaires en Allemagne, en Europe et en Amérique.»
    Son message principal: «Avant tout, l’Allemagne doit être prête à reconnaître que l’enjeu de cette guerre va au-delà de l’Ukraine, à savoir la lutte pour la liberté et la démocratie dans son ensemble. Elle doit être prête à mener ce combat et à le gagner.»

(Traduction Horizons et débats)

 

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