Propagande à l’école

km. En Allemagne, la propagande se répand également dans les écoles et atteint l’enseignement. La «polyperspectivité» – une autre façon de désigner «plusieurs points de vue» – ce qu’on peut voir, au moins en théorie, dans les écoles suisses – ne semble en tout cas pas concerner la question ukrainienne, du moins en ce qu’en montrent les cours d’éducation civique consacrés à l’Ukraine. Ils ont été créés en un temps record tout de suite après le 24 février 2022.
    Exemple, le dépliant de quatre pages émis par le Landeszentrale für politische Bildung (Centre régional pour l’éducation politique )du Bade-Wurtemberg, intitulé «Guerre en Ukraine – Poutine s’attaque à la paix» et conçu pour une seule heure de cours. Le titre lui-même est synonyme de propagande. La paix a déserté l’Ukraine depuis 2014 où s’affrontent au Donbass, dans l’est du pays, l’armée ukrainienne et les milices ukrainiennes d’une part et les milices pro-russes d’autre part, aux dépens de la population, russophone et autres. Malgré les accords de Minsk, cette guerre s’est massivement étendue depuis le 16 février 2022, surtout du côté ukrainien, comme l’ont documenté les rapports réguliers des observateurs de l’OSCE sur place. Selon les chiffres officiels des Nations unies, environ 13 000 personnes, dont 3 350 civils, auraient perdu la vie à Donetsk et Louhansk à la date du dernier rapport, en février 2020.
    La caricature de la page de couverture du dépliant relève également de la propagande: on y voit un camion militaire transportant des soldats russes, en route pour Kiev; dans la bouche d’un des soldats, cette bulle: «Ils ont l’air d’humains, mais ce sont des monstres sanguinaires et haineux ...!» ce qui laisserait supposer que les soldats russes ont envahi l’Ukraine pour combattre des ennemis remplis de haine à leur égard … et donc qu’ils sont prêts en retour à commettre toutes sortes d’atrocités. Mais, pas plus que les autres documents du Centre national pour l’éducation civique, le dépliant n’apporte aucune preuve de ces comportements criminels.
    La deuxième page du dépliant se veut plutôt factuelle et porte de manière générale sur les raisons et causes de la guerre ainsi que ses formes.
    La troisième page inclut à nouveau des éléments de propagande. Les élèves doivent compléter les espaces laissés dans trois textes avec des termes à choisir dans une liste. Une fois «correctement» remplies, deux des phrases disent ceci: «Par le passé, l’Ukraine a exprimé le souhait d’être intégrée à l’UE et à l’OTAN. Mais cette démarche entraînerait une perte de pouvoir et d’influence pour Poutine, d’où sa revendication de neutralité pour l’Ukraine et d’autres ex-républiques soviétiques». (Les termes devant compléter les espaces libres apparaissent en italique.)
    Ici, le Landeszentrale für politische Bildung ne fait que reproduire ce qui est diffusé du côté des officiels de l’UE et de l’OTAN. La Russie et même des scientifiques américains voient les choses d’une autre manière: en l’occurrence il ne s’agit ni de Poutine ni de «son pouvoir et son influence», mais des intérêts sécuritaires du pays qu’est la Russie et la paix en Europe.
    Dans le même ordre d’idées, l’assertion soutenue par le troisième texte à compléter, selon laquelle «en 2014, la péninsule ukrainienne de Crimée a été annexée par la Russie [soulignée en gras dans le dépliant]» ne fait que refléter l’opinion répandue en Occident et passe sous silence le fait que, lors d’un référendum organisé en Crimée avec une participation de plus de 80 % des votants, plus de 90 % d’entre eux se sont prononcés en faveur de l’indépendance vis-à-vis de l’Ukraine et de l’adhésion à la Fédération de Russie. La Crimée n’a été intégrée à la Fédération de Russie qu’après ce vote.
    Par ailleurs, la première phrase de la fin du dépliant, à la page 4, qui en constitue en quelque sorte la conclusion – «La guerre en Ukraine constitue une attaque contre la paix et la liberté» – s’apparente davantage au discours politicien occidental qu’à une véritable information. Sans aucune mise en contexte – comme si «la paix» et «la liberté» auraient régné avant l’intervention – on rappelle de nouveau, et encore plus fort, aux élèves le titre du dépliant. L’objectif en est donc évident: œuvrer sur l’image de la Russie perçue en tant qu’ennemi.
   Dans l’introduction au Plan éducatif de 2016 pour les lycées du Bade-Wurtemberg, on lit: «Le système politique allemand ne peut fonctionner selon des principes démocratiques que s’il est porté et façonné par des citoyens politiquement responsables. Rendre les élèves capables de penser et d’agir de manière démocratique et les encourager à le faire est la tâche la plus importante non seulement de l’éducation civique, mais aussi de l’ensemble du système scolaire.» On ne peut que souscrire pleinement à cette affirmation. Cependant, il y a loin de la théorie à sa mise en pratique.

 

 

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