Le Département suisse des affaires étrangères – effronterie extrême et perte du sens des réalités?

par Christian Müller

 En décidant de reprendre en bloc (!) les sanctions de l’UE contre la Russie, le gouvernement suisse actuel a dramatiquement violé, et peut-être même irrémédiablement détruit, la neutralité de la Suisse, pourtant historiquement et politiquement consolidée. La place de Genève, deuxième site le plus important de l’ONU, perdra elle aussi de plus en plus sa fonction de lieu de conférence international et, avec la «Ukraine Recovery Conference» à Lugano, la Suisse a en outre confirmé qu’elle ne voulait plus adopter une position neutre. Le ministère des Affaires étrangères a accueilli positivement l’idée absurde de Volodimir Selenski, selon laquelle la Suisse devrait intervenir à Moscou en tant que représentante des intérêts de l’Ukraine, et s’est entre-temps entendu en détail avec Kiev. Mais la facture est déjà sur la table: la Russie n’est plus intéressée  aux «Bons offices» de la Suisse ainsi compromis.

On sait que le chef du Département suisse des Affaires étrangères, le Conseiller fédéral Ignazio Cassis (cette année Président de la Confédération suisse) est sans cesse à la recherche d’«opportunités». Et manifestement, il a pris la proposition de Selenski comme une telle «opportunité». Ce n’est pas un hasard s’il avait proposé, à partir de la tribune du WEF à Davos, de transformer la neutralité suisse en une «neutralité coopérative»: rester neutre mais «coopérer» avec l’une des parties d’un conflit. En contrepartie, Cassis s’est vu décorer des éloges éminents en public, notamment ceux de Georg Häsler, rédacteur de la NZZ, proche de l’OTAN et lui-même colonel de l’armée suisse.
    Depuis fin février, la Suisse a repris toutes les sanctions décidées par l’UE contre la Russie en bloc, c’est-à-dire en évitant méticuleusement la moindre dérogation, même la moindre précision. Dans une telle situation, comment pousser la naïveté jusqu’à s’imaginer être accepté comme intermédiaire représentant les intérêts de l’Ukraine par la Russie? Est-ce une surestimation massive du ministre suisse des Affaires étrangères? S’agit-il simplement d’une perte totale du sens de la réalité? Ou simplement d’une variante de ces «opportunités» s’offrant à la Suisse tout azimuts? Le non brusque de Moscou s’est manifesté promptement et reste finalement tout sauf une surprise.

La haine envers tous les Russes
et tout ce qui est russe gagne de terrain

Toute cette histoire comporte autant d’embarrassement à l’égard des grands médias suisses. Ils plaident presque unanimement en faveur de la poursuite de la guerre en Ukraine et contre les négociations, tout en saluant le projet de Cassis – il suffit par exemple de consulter la une de l’«Aargauer Zeitung» du 10 août 2022. Partout où les autorités ou les organisations se plient à attiser la haine déjà répandue à l’égard des Russes, elles se voient couvertes d’homélies par nos grands médias, ou du moins reçoivent leur silence approbatif. A Saint-Gall par exemple, l’opéra «La Pucelle d’Orléans» du compositeur russe Tchaïkovski a été annulé pour le festival et remplacé par l’opéra «Giovanna d’Arco» de Verdi. Le motif aussitôt répandu: une représentation publique de compositions de Tchaïkovski n’est pas tenable face aux réfugiés ukrainiens. Nota bene: le compositeur russe Piotr Ilitch Tchaïkovski a vécu de 1840 à 1893 …
    A Birmenstorf (canton d’Argovie), le désormais traditionnel «Convoy to Remember» où 700 véhicules historiques des armées de toute l’Europe se réuniront prochainement, spectacle où 20 000 visiteurs sont attendus, a également été reprogrammé: comme on a lu, les organisateurs et les représentants de haut niveau de l’armée suisse ont décidé d’organiser la manifestation malgré la guerre en Ukraine, mais cette fois-ci sans présenter de chars russes. A ce sujet, l’«Aargauer Zeitung» écrit cela: «Selon ses organisateurs, le ‹Convoy› rappelle le D-Day – ce jour inoubliable de 1944 où la libération de l’Europe par les Alliés a débuté pendant la Seconde Guerre mondiale.». En effet, les quotidiens de la grande maison d’édition «CH-Media», dont fait partie l’«Aargauer Zeitung», ne manquent pas une seule occasion d’affirmer que le «jour J» en 1944, l’Europe aurait été libérée par les Alliés occidentaux, alors que toute personne capable de lire sait ou peut savoir que le déclin militaire d’Hitler a commencé par les gigantesques batailles de Stalingrad (1942/43) et de Koursk (1943), qui ont également coûté la vie à un nombre massif de soldats russes. Le fait que, lors du prochain «Convoy to Remember» – un défilé de souvenir! –, les chars et véhicules russes ne soient pas présents est donc une décision particulièrement odieuse de la part des organisateurs, et ce en accord avec l’armée suisse!
    C’est tout de même incroyable: la Suisse neutre est devenue un vassal des Etats-Unis – les banques suisses respectent, par exemple, les sanctions des Etats-Unis contre Cuba – et maintenant également celles imposées par l’UE à laquelle la Suisse n’a jamais voulu adhérer. En tant que citoyen suisse, on ne peut qu’avoir honte des décisions récentes du Conseil fédéral et de l’attitude des grands médias suisses.

Source:https://globalbridge.ch/schweizer-aussenministerium-unglaubliche-arroganz-oder-totaler-realitaetsverlust/  

(Traduction Horizons et débats)

 

  

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